Deux millions d’appelés ont combattu en Algérie. À leur retour, la plupart se sont tus. Comment parler de leur expérience à leurs parents ou leurs grands-parents qui avaient déjà connu deux guerres mondiales ? Ou à des civils qui n’avaient pas pris la mesure de ce conflit ? Depuis une quinzaine d’années, encouragée par les historiens et des associations d’anciens combattants, leur parole se libère peu à peu. L’historien Tramor Quemeneur, ancien élève de Benjamin Stora, recueille depuis plus de vingt ans leurs témoignages. Historia en publie une sélection inédite, passée au filtre de la rigueur scientifique. Une immersion qui reflète toute la complexité de cette « guerre sans nom ».
"La guerre d’Algérie, guerre fratricide de populations cohabitant depuis plus de cent trente ans, guerre asymétrique opposant une armée conventionnelle à une autre pratiquant la guérilla, a donc constitué un conflit où tous les coups étaient permis, et tous les moyens utilisés. Est-ce à dire qu’il n’y a pas eu des traces d’humanité dans ce conflit ?" interroge Tramor Quemeneur.
La réponse est précisément dans ce numéro entièrement consacré à la guerre d’Algérie et à ceux qui y ont participé.
En complément des documents originaux issus des archives d’anciens appelés, replacés dans leur contexte historique, des récits vont revivre l'époque :
- Tramor Quemeneur raconte dans Un « art français de la guerre » comment l’armée française a utilisé dans cette guerre non conventionnelle des armes qui ne l’étaient pas non plus, au détriment de la population.
Il explique ensuite dans « Gagner les cœurs et les esprits » quelles ont été les actions pour tenter de se concilier les populations algériennes et motiver des conscrits peu enclins pour certains à se battre.
Et se penche dans « Mémoires d’appelés, mémoires blessées » sur la manière dont la dernière « génération du feu » a été marquée par cette expérience au point pour certains de se murer dans le silence. - Jean-Paul Mari dans « La « Bleuite », mal mortel du FLN, évoque la stratégie développée par le capitaine Léger, officier des services de renseignements français, pour endiguer la vague d’attentats qui frappe Alger au début de l’année 1957.
- La chronique d’Emmanuel de Waresquiel – qui nous livre une très intéressante et profonde réflexion sur la conscience. "La conscience, écrit-il, c’est ce qui reste lorsque le drame est consommé. Personne ne peut nous la ravir. Certains préfèrent celle des vainqueurs, d’autres celle des vaincus."
Pour aller plus loin,
♦ le sort des compagnons de l’émir Abd el-Kader.
♦ une bibliographie sélective sur la guerre d’Algérie.
♦ Sans oublier, la chronique de Guillaume Malaurie qui évoque les évènements de Mai 68 comme « une leçon de vie » pour le (très jeune) lycéen qu’il était alors ; les pages « Voyage » qui vous emmèneront à Alger « la blanche », « Gastronomie » consacrée au Couscous, plat préféré des Français, et « Le Vin » qui vous parlera de la (difficile) renaissance de la viticulture algérienne, cible de l’ire des islamistes.
mensuel N°856 daté avril 2018
https://www.historia.fr/parution/mensuel-856
Les commentaires récents