Les trois inspecteurs poursuivis ont tous été reconnus coupables de la prévention d’homicide involontaire par défaut de prévoyance, pour leur rôle dans une course-poursuite qui s’est soldée par le décès des deux vingtenaires.
Les inspecteurs Johnny D., Gaston D. et Samba K., tous trois impliqués dans une course-poursuite qui s’est soldée par la mort de Sabrina El Bakkali (20 ans) et Ouassim Toumi (24 ans) le 9 mai 2017, ont été condamnés ce mardi matin par le tribunal de police francophone de Bruxelles à des peines respectives de 10 mois, 8 mois et 5 mois, toutes assorties d’un sursis pour la moitié de leur durée. Tous trois ont été reconnus coupables de la prévention d’homicide involontaire par défaut de prévoyance. Une décision qui sera indéniablement scrutée de près tandis que d’autres affaires de décès survenus dans le contexte de courses-poursuites policières secouent actuellement l’agenda judiciaire.
Pour rappel, les inspecteurs Gaston D. (au volant de la première voiture poursuivante) et son coéquipier Samba K. avaient pris le soir des faits la décision d’engager une poursuite de la moto conduite par Ouassim Toumi, et ce après avoir constaté que la passagère du véhicule ne portait pas de chaussures réglementaires et que le véhicule, qui circulait selon eux à « vive allure », n’avait pas enclenché son clignotant lors d’un virage à droite.
Ils avaient alors pris en chasse la moto en atteignant rapidement des vitesses très importantes – la voiture de police sera même flashée à 141km/h sur l’avenue Louise. Une traque folle qui se soldera par un accident doublement mortel.
« Obstacle imprévisible à la moto »
À la sortie du tunnel Bailli (avenue Louise), la moto poursuivie est effectivement entrée en collision avec le véhicule de l’inspecteur Johnny D., de la brigade canine de la police bruxelloise. Ayant entendu parler de la course-poursuite dans sa radio, ce dernier avait pris l’initiative d’appuyer ses collègues en se positionnant sur la voirie à la sortie du tunnel, et ce depuis la voie d’accélération en franchissant une zone hachurée et une ligne blanche continue.
Dans un jugement longuement motivé, la présidente du tribunal de police a expliqué pourquoi en se positionnant de la sorte, au « moment concomitant ou quasi concomitant » de l’arrivée de la moto, le policier avait « constitué de fait un obstacle imprévisible » à la moto. Outrepassant de la sorte de nombreux prescrits repris dans la doctrine policière en matière d’interceptions de véhicules. « Monsieur D. aurait dû prévoir que son positionnement était de nature à générer cet accident » tranche la juge. Il se voit condamné à 10 mois de prison, dont la moitié avec sursis (en plus d’une amende assortie d’un sursis de 3 ans).
Les deux autres policiers, eux, ont également manqué de prudence en choisissant de s’engager dans une telle entreprise à risque, alors qu’ils avaient pu relever la plaque de la moto poursuivie et identifier son propriétaire. – et qu’ils auraient pu envisager des moyens alternatifs d’interpeller et verbaliser les deux jeunes gens, selon le tribunal. « Une telle prise de risque ne pourrait se justifier qu’en cas d’absolu nécessité » d’arrêter sur le champ une infraction en cours, cite la présidente, en rappelant qu’un seul refus d’obtempérer ne peut pas, selon la doctrine policière citée, faire office de motif impérieux. Les deux inspecteurs écopent respectivement de 8 (pour le chauffeur) et 5 (pour le coéquipier) mois de prison, avec un sursis pour la moitié de ces durées.
Par Arthur Sente
Les commentaires récents