Pour le groupe de spécialistes basé à l’Université Queen Mary de Londres, le « génocide » des Palestiniens par Israël, facilité par la complicité de gouvernements étrangers, n’a pas commencé le 7 octobre .
L’International State Crime Initiative (ISCI), un centre de recherche spécialisé dans les crimes d’État basé à l’Université Queen Mary de Londres, prévient dans un communiqué que la réponse d’Israël aux attaques menées par le Hamas le 7 octobre est révélatrice de ce qu’ils qualifient de génocide, sur la base de définitions à la fois juridiques et criminologiques.
Les auteurs et signataires – des universitaires possédant une expertise criminologique mondialement reconnue – soulignent que les actions récentes d’Israël, y compris le siège total de Gaza, font partie d’un processus génocidaire visant à détruire le peuple palestinien.
« Notre communauté scientifique s’accorde sur le fait que nous assistons actuellement à l’apparition de ces risques et tendances de manière particulièrement intense à Gaza, à Jérusalem et en Cisjordanie occupée. Les Palestiniens situés à l’intérieur des frontières de 1948 (aujourd’hui Israël) sont également confrontés à des niveaux élevés de menace », préviennent-ils.
Depuis le 7 octobre, le conflit a causé la mort de 10 800 personnes à Gaza, majoritairement des femmes et des enfants. L’attaque du Hamas le 7 octobre a tué 1 400 personnes en Israël, essentiellement des civils.
Les experts expliquent que l’ensemble des éléments de preuve « indique clairement que, dans une réponse disproportionnée aux meurtres du Hamas du 7 octobre, l’État israélien utilise sa capacité militaire étendue et avancée pour infliger une violence au peuple palestinien à une échelle telle qu’il est exact de la présenter comme la phase d’anéantissement du génocide ».
« Dans l’Allemagne nazie, au Rwanda, au Cambodge et en Birmanie/Myanmar, l’épithète de ‘‘non-humain’’ a soutenu et facilité l’extermination massive de ‘‘l’autre’’ »
- International State Crime Initiative
Invoquant l’article 2 de la Convention sur le génocide de 1948 et la définition du génocide en tant que « processus visant à effacer un peuple ‘‘totalement ou partiellement’’ sur la base de son identité raciale, ethnique ou religieuse », le groupe d’universitaires explique que l’annonce par Israël d’un état de « siège total » de Gaza équivaut à une déclaration claire de « son intention de commettre un génocide contre le peuple palestinien en ‘‘imposant délibérément au groupe des conditions de vie calculées pour provoquer sa destruction physique totale ou partielle’’ ».
L’intention génocidaire de l’État israélien s’incarne également dans les déclarations de ses dirigeants, expliquent les experts, qui citent notamment la menace du Premier ministre Benyamin Netanyahou d’« aplatir » Gaza et de réduire la bande côtière à une « une île en ruines » et les propos du ministre de la Défense Yoav Gallant décrivant les Palestiniens comme des « animaux humains ».
« Dans l’Allemagne nazie, au Rwanda, au Cambodge et en Birmanie/Myanmar, l’épithète de ‘‘non-humain’’ a soutenu et facilité l’extermination massive de ‘‘l’autre’’ », rappellent les experts.
Complicités
Le communiqué indique par ailleurs que la recherche a démontré que les génocides se déroulent sur des années, voire des décennies, et que celui des Palestiniens par Israël n’a pas commencé le 7 octobre 2023.
« Pour les Palestiniens, le processus de génocide a commencé en 1917 avec la déclaration Balfour, lorsque la Grande-Bretagne a ‘‘offert’’ leur pays aux sionistes européens à la recherche d’une patrie juive. Il a pris forme concrètement lors de la guerre de 1948, qui a conduit à la création de l’État d’Israël. Au cours de cette catastrophe (la Nakba), des milliers de Palestiniens ont été tués et 750 000 ont été chassés de leur patrie, privés à jamais du droit au retour par l’État israélien. Des décennies de dépossession, d’occupation, de violence structurelle, d’expulsions forcées et de discriminations relevant de l’apartheid ont suivi », énumèrent les auteurs.
« Ce à quoi nous assistons aujourd’hui, c’est le dénouement du génocide des Palestiniens indigènes par l’État israélien. Ce à quoi nous assistons est une deuxième Nakba. »
Les experts pointent également la complicité de « puissants facilitateurs » pour à la fois exécuter les activités illicites et échapper à la justice. Dans le cas présent, l’État israélien bénéficie du soutien militaire fourni à la fois par des États étrangers (en particulier les États-Unis) et des fournisseurs d’armements internationaux, dont les États autorisent les exportations.
Israël bénéficie en outre des « services de blanchiment de réputation » que lui fournissent les acteurs étatiques, les commentateurs des grands médias, les sociétés de relations publiques et les intellectuels publics sionistes.
Les experts notent par ailleurs que les États ont une capacité significative à déformer publiquement leurs actions criminelles et à échapper à la justice, en utilisant des techniques telles que le déni de responsabilité, le déni du mal causé, le déni des victimes ou la condamnation des condamnateurs.
« Dans la situation actuelle, la fausse accusation d’antisémitisme – qui confond la critique légitime des actions génocidaires de l’État d’Israël avec les persécutions historiques du peuple juif – est un exemple qui sert à condamner le condamnateur. L’État israélien et ses partisans s’efforcent également de refuser le statut de victimes aux victimes du siège et des bombardements – qui sont pour la plupart des femmes et des enfants », précise le communiqué.
« Ce à quoi nous assistons aujourd’hui, c’est le dénouement du génocide des Palestiniens indigènes par l’État israélien. Ce à quoi nous assistons est une deuxième Nakba »
- International State Crime Initiative
Celui-ci se termine en rappelant l’importance de la mobilisation de la société civile, alors que les recherches sur la criminalité d’État démontrent que le droit international et ses tribunaux sont actuellement incapables de répondre de manière adéquate aux crimes d’État pendant et après leur commission.
« Les recherches indiquent que le mécanisme le plus important pour demander des comptes aux États est une société civile organisée qui utilise de manière créative une gamme de méthodes facilitant la participation massive à des formes socialement rigoureuses de dénonciation, condamnation et perturbation », indiquent les signataires, qui évoquent en particulier les mouvements de solidarité non-violents tels que le Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS).
« Chaque citoyen peut jouer un rôle crucial aujourd’hui pour condamner et contrecarrer la criminalité de l’État israélien », conclut le communiqué.
La Conseillère de l’ONU pour la prévention du génocide accusée de double standard
Le 9 novembre, une cinquantaine de membres du personnel des Nations unies, dont des Palestiniens, ont signé une lettre adressée à la Conseillère spéciale de l’ONU pour la prévention du génocide, Alice Wairimu Nderitu, condamnant une déclaration publiée le 16 octobre, dans laquelle elle condamne les actions du Hamas mais amane fait aucune mention du blocus de Gaza qui dure depuis seize ans et des punitions collectives imposées à sa population, notamment le refus d’eau, de médicaments, d’électricité, de carburant et d’autres produits humanitaires de base.
Dans la lettre, le personnel se dit « profondément perturbé et personnellement traumatisé par les bombardements et la récente escalade des punitions collectives à Gaza. Nous sommes également troublés et préoccupés par la menace active qui pèse sur la vie de milliers de nos collègues et sur celle de millions de Palestiniens résidant à Gaza ».
Depuis le début du conflit, 99 employés de l’UNRWA, l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens, ont été tués dans les bombardements israéliens.
La lettre ajoute : « Bien que nous nous joignions à vous pour condamner les attaques intentionnelles et les enlèvements de civils israéliens par le Hamas, nous nous attendions à ce que votre déclaration concernant les attaques israéliennes et les punitions collectives infligées aux civils palestiniens soit tout aussi claire et sans équivoque. »
« La déclaration publique du 16 octobre semble ignorer l’ordre illégal et inhumain émis par Israël, qui a exigé que l’ONU et 1,1 million de civils palestiniens se transfèrent du nord au sud de la bande de Gaza, alors même qu’Israël bombardait sans relâche. »
La lettre énumère en outre de nombreux cas où des responsables israéliens ont utilisé un langage déshumanisant et menaçant à l’encontre des Palestiniens.
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