Le mouvement de Jean-Luc Mélenchon s’est distingué de l’ensemble de la classe politique en ne condamnant pas clairement les attaques du Hamas contre l’État hébreu. Une position ambiguë qui a relancé les accusations d’antisémitisme contre une partie de l’extrême gauche pro-palestinienne.
Dans le raz-de-marée de réactions condamnant les attaques du Hamas contre Israël, qui ont fait plus de 900 morts depuis le samedi 7 octobre, la France insoumise (LFI) a une nouvelle fois décidé de nager à contresens. En dénonçant de la même façon le mouvement islamiste et la colonisation israélienne, le mouvement et son leader Jean-Luc Mélenchon se sont distingués du reste de la classe politique.
Si lundi matin, le coordinateur du mouvement Manuel Bompard a finalement condamné « l’attaque du Hamas contre Israël », Jean-Luc Mélenchon a de nouveau réaffirmé la position singulière de LFI en s’en prenant le soir même au Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), qui appelait à des rassemblements en solidarité avec Israël. Ce n’est pas la première pique du leader insoumis contre le Crif, ni la première fois que son parti est accusé d’antisémitisme. L’« antisionisme » de LFI est « aussi une façon de masquer de l’antisémitisme », a ainsi attaqué la première ministre Élisabeth Borne, dimanche.
Un électorat plus sensible aux clichés antisémites
« C’est dans l’ADN de La France insoumise de ramener toujours dos à dos les deux parties du conflit », indique Anne-Sophie Sebban-Bécache, directrice de l’American Jewish Committee (AJC) à Paris. « Mais en l’occurrence, leur incapacité à condamner clairement l’attaque du Hamas, un groupe terroriste, est un aveuglement qui selon moi confine à la complicité. » Selon la docteure en géopolitique, la position de LFI est « dans le prolongement de ce que l’on voit ces derniers mois » à l’Assemblée nationale, « avec des députés qui disent que soutenir la Palestine, c’est soutenir le boycott d’Israël ».
Il y a en effet « une critique très virulente de la colonisation et de l’État d’Israël par les députés insoumis », relève Thomas Maineult, historien spécialiste de la gauche et du Moyen-Orient. Un positionnement radical « cohérent » avec la posture de LFI, qui veut rompre avec la gauche traditionnelle, et qui rappelle « des positions antisionistes très marquées à l’extrême gauche » dans les années 1970 et 1980, « quand Israël était de plus en plus désigné comme un État colonisateur ». « Aujourd’hui, le mot antisionisme a perdu de son sens », nuance l’enseignant à Sciences Po, « particulièrement depuis qu’il est utilisé par l’extrême droite négationniste de Faurisson, Soral ou Dieudonné ».
Reste que l’antipathie envers l’État hébreu est particulièrement répandue dans l’électorat de Jean-Luc Mélenchon. Les proches de LFI sont plus nombreux que la moyenne à avoir une mauvaise image d’Israël (38 %, contre 22 % des Français). Aussi, ils sont « plus enclins à adhérer à un certain nombre d’idées antisémites », analyse François Legrand, directeur d’études à l’Ifop. Ainsi, 34 % des sympathisants de LFI partagent l’affirmation selon laquelle « les juifs ont trop de pouvoir dans le domaine de l’économie et de la finance » (contre 26 %). Surtout, près d’un proche de LFI sur deux (47 %) pense que les juifs « utilisent aujourd’hui dans leur propre intérêt leur statut de victimes du génocide nazi pendant la Seconde Guerre mondiale », contre 30 % des Français. « Ces préjugés renvoient à un antisémitisme traditionnel à l’extrême gauche », observe Anne-Sophie Sebban-Bécache.
Un climat inquiétant dans les universités
C’est dans cette frange de l’échiquier que des « organisations pro-palestiniennes radicales sont de plus en plus actives », observe la docteure en géopolitique. Dernier exemple en date, la participation, jeudi 5 octobre, à une conférence à l’université Lyon 2 de Maryam Abu Daqqa, militante du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), organisation reconnue comme terroriste par de nombreux pays, et notamment l’Union européenne. La même militante était invitée le 9 novembre prochain à l’Assemblée nationale par… une députée de La France insoumise. Une visite annulée lundi par la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet.
Samuel Lejoyeux, président de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), s’inquiète de certains groupuscules qui « importent le conflit israélo-palestinien » et « font de l’apologie du terrorisme » en soutenant le Hamas. Il cible particulièrement le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), Révolution permanente ou le collectif « Palestine vaincra », qui ont tous soutenu ce week-end « l’offensive de la résistance » palestinienne.
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