Au vingt-deuxième jour de la guerre au Proche-Orient, toutes les communications, téléphoniques et internet, restaient coupées avec l’enclave palestinienne ; la défense civile palestinienne décrit des centaines d’immeubles et de maisons détruits après les intenses bombardements israéliens sur la bande de Gaza, dans la nuit de vendredi à samedi ; l'armée israélienne déroule son opération terrestre la plus intense depuis le 7 octobre ; des dizaines de milliers de personnes ont manifesté à Londres, tandis qu’à Paris, le rassemblement était interdit.
- Plusieurs ONG s’alarment d’avoir perdu le contact avec leurs équipes sur place
Les frappes dans la nuit de vendredi à samedi ont été d’une telle force qu’elles ont « changé le paysage » du nord de l’enclave palestinienne, décrit la défense civile ce samedi 28 octobre à l'AFP, tandis que la coupure de communication de Gaza est restée totale tout au long de la journée, rendant impossible l'information des événements sur place.
Dans un message audio envoyé samedi après-midi aux équipes MSF à Paris, que Mediapart a pu écouter, la coordinatrice l'ONG à Jérusalem Guillemette Thomas s'alarme : « Depuis le blocage des moyens de communications dans la bande de Gaza, on fait face à différents problèmes. Tout d'abord, une impossibilité de coordonner l'action humanitaire parce qu'on n'arrive plus à communiquer avec nos équipes, c'est un problème extrêmement préoccupant. Et deuxièmement, l'absence de communication dans la bande de Gaza rend toute opération de secours impossible. C'est-à-dire que les Gazaouis qui ont besoin de secours, ont besoin d'ambulances, sont dans l'incapacité totale de faire appel aux secours et donc l'accès aux soins, aux hôpitaux est vraiment entravé depuis hier soir. » Une situation qui va conduire « à des décès supplémentaires car les patients n'ont plus accès à aux structures de santé ».
Claire Magone, directrice générale de Médecins sans frontières (MSF), avait alerté, dès vendredi soir sur BFMTV, sur « cette espèce de massacre à huis clos dont on découvrira plus tard le résultat morbide » et insisté sur le sort des civils : « On parle de gens bien réels […], d’êtres humains, comme nous tous, qui sont en proie à l’effroi, au deuil et à la souffrance. »
« Cette coupure de l’information risque de servir de couverture à des atrocités de masse et de contribuer à l’impunité des violations des droits humains », a dénoncé samedi matin Deborah Brown, responsable de l’organisation Human Rights Watch (HRW).
- Benjamin Nétanyahou : « Nous nous battrons et nous vaincrons »
« Nous nous battrons et nous vaincrons », a déclaré le premier ministre israélien samedi soir dans une allocution télévisée, annonçant avoir décidé, avec les membres de son cabinet de guerre, « d’élargir les opérations terrestres » à Gaza « pour assurer le destin de notre pays et la sécurité de nos soldats ». « La guerre dans la bande de Gaza sera longue et difficile. »
« Nous allons détruire [le Hamas] pour notre survie, mais aussi pour le bien de l’humanité tout entière », a encore dit Benjamin Nétanyahou. Tsahal, « l’armée la plus morale au monde » selon lui, « fait tout son possible pour éviter de toucher des personnes non impliquées » dans ce conflit.
Devant le ministère de la défense à Tel Aviv, samedi soir, un petit rassemblement demandait un cessez-le-feu. « La guerre n'a pas de vainqueur », pouvait-on parmi les pancartes.
- L’armée israélienne, dans Gaza, mène son opération terrestre la plus longue depuis le 7 octobre
Les soldats poursuivent leurs opérations au sol, indiquait samedi en fin de journée un communiqué de l'armée israélienne sur le réseau social Telegram. « Des forces combinées de blindés, de soldats du génie et d'infanterie ont opéré au sol dans le nord de la bande de Gaza. Dans le cadre de l'opération, des soldats de l'armée ont identifié des cellules terroristes tentant de lancer des missiles anti-chars et des obus de mortiers, et les ont touchées. »
Plus tôt dans la journée, le ministre israélien de la défense, Yoav Gallant, a déclaré que le conflit était entré dans une « nouvelle phase » et que l’offensive dans la bande de Gaza continuerait « jusqu’à nouvel ordre ».
Une déclaration dans la droite ligne de celle publiée samedi matin par l’armée israélienne, annonçant que la guerre ne faisait que commencer. « Nous continuons à poursuivre la guerre [...], nous n’en sommes qu’au début », a affirmé Daniel Hagari, son porte-parole. Selon lui, les troupes israéliennes sont toujours sur le terrain, dans la bande de Gaza. Tsahal dit avoir « liquidé des terroristes » et annonce la mort de deux chefs du Hamas : le commandant de la force navale de la brigade de Gaza et le chef de la formation aérienne, considéré comme l’un des cerveaux de l’attaque du 7 octobre, qui a tué 1 400 personnes en Israël. Toujours selon l’armée, 150 cibles souterraines du Hamas ont été frappées dans la soirée et la nuit de vendredi à samedi, et notamment des « tunnels utilisés par les terroristes ». L'armée israélienne affirme n’avoir subi aucune perte, tandis que le Hamas rapporte de son côté de « violents combats » avec Tsahal.
En début d'après-midi, le porte-parole de l’armée israélienne s’est adressé aux Gazaoui·es dans un message vidéo posté sur le compte Twitter en anglais de Tsahal : « Pour votre sécurité immédiate, nous demandons à tous les civils de quitter le nord de la bande de Gaza et la ville de Gaza et de se diriger vers le sud. C’est temporaire. Revenir à Gaza sera possible une fois que les combats intenses seront terminés. » Un message dont on peine à imaginer qu’il sera entendu par les civils gazaouis, coupés de tous moyens de communication depuis la fin de journée de vendredi.
- Plus de 7700 personnes tuées à Gaza selon le Hamas
Un dernier bilan du ministère de la santé du mouvement islamiste, publié à la mi-journée, a fait état de 7 703 Palestiniens tués depuis le début du conflit, dont plus de 3500 enfants.
Le compte officiel du Hamas sur Telegram était toutefois bloqué ce samedi, ont constaté les journalistes de Mediapart.
- Des dizaines de milliers de manifestants à Londres...
Dans les rues de la capitale britannique, pour le troisième week-end consécutif, les manifestant·es sont venu·es en masse apporter leur soutien au peuple palestinien et demander un cessez-le-feu. Le cortège, formé à l’appel du mouvement Palestine Solidarity Campaign (PSC), est parti des rives de la Tamise et a poursuivi un tracé menant à Parliament Square, non loin de Big Ben.
- ... alors qu’à Paris, la manifestation en soutien au peuple palestinien est interdite
Le tribunal administratif de Paris a maintenu, samedi midi, l’arrêté préfectoral interdisant la manifestation de soutien au peuple palestinien, prévue à 14 h 30 place du Châtelet. Le recours en référé-liberté a donc été rejeté. Dans un arrêté lui permettant l’usage de drones au-dessus de la capitale, la préfecture de police disait toutefois s’attendre à un rassemblement : « Il existe un risque sérieux que l’itinéraire du cortège et ses abords soient le théâtre de rassemblements sauvages. » Selon les journalistes de Mediapart présentes sur place, un important dispositif policier était déployé et des milliers de personnes ont défié l’interdiction de manifester dans une ambiance tendue (lire notre reportage).
D’autres manifestations, dont certaines sont autorisées, étaient prévues partout en France, à Lille, Marseille, Montpellier, Strasbourg, Lyon ou encore Besançon. Vendredi soir, un rassemblement spontané avait réuni plusieurs centaines de personnes place de la République, à Paris, au cri de « Nous sommes tous des Palestiniens ». Des manifestant·es se sont allongé·es au sol, recouvert·es de drapeaux palestiniens.
- La résolution de l’ONU appelant à une trêve humanitaire jugée honteuse par Israël
Le président turc Recep Tayyip Erdoğan a demandé samedi matin à Israël d’« arrêter immédiatement cette folie » et de « mettre fin à ses attaques », et appelle à un rassemblement organisé par son parti à Istanbul.
Dans la soirée de vendredi, l’Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution non contraignante, présentée par la Jordanie, appelant à une « trêve humanitaire immédiate, durable et soutenue », et à la fourniture « continue, suffisante et sans entrave » d’approvisionnements et de services essentiels dans la bande de Gaza. Le texte réclame aussi la « libération immédiate et inconditionnelle » de tous les civils retenus en captivité et exige qu’ils soient traités humainement, mais il ne mentionne pas spécifiquement les attaques du Hamas du 7 octobre qui ont fait 1 400 victimes.
« Honte à vous ! », a réagi Gilad Erdan, ambassadeur israélien à l’ONU, qualifiant ce vote d’« infamie » et ajoutant que c'était « un jour sombre pour l’ONU et pour l’humanité ». Les États-Unis ont voté contre cette résolution, tout comme treize autres pays, dont la Hongrie, la République Tchèque, l'Autriche et la Croatie sur le sol de l'Union européenne. La France, qui concède que « certains éléments essentiels manquent dans le texte », a quant à elle soutenu la résolution jordanienne.
« Chacun doit assumer ses responsabilités. C’est un moment de vérité. L’histoire nous jugera tous », avait lancé, avant le vote de la résolution, le secrétaire général de l’ONU António Guterres.
- Le Hamas cherche huit otages russo-israéliens pour les libérer
Un haut responsable du Hamas, Moussa Abou Marzouk, en visite à Moscou, a affirmé samedi que le mouvement islamiste palestinien tentait de déterminer la localisation de huit otages ayant la double nationalité russe et israélienne, afin de les libérer. « Nous recherchons maintenant les personnes qui ont été signalées par la partie russe. C’est difficile, mais nous cherchons. Et dès que nous les aurons trouvées, nous les libérerons », a déclaré ce responsable, cité par l’agence de presse d’État russe Ria Novosti.
Il a expliqué avoir reçu de la part du ministère russe des affaires étrangères une liste de huit noms de binationaux russo-israéliens qui seraient détenus dans la bande de Gaza. « Nous sommes très attentifs à cette liste et nous la traiterons avec soin car nous considérons la Russie comme notre amie très proche », a encore dit Moussa Abou Marzouk.
Le responsable du Hamas était arrivé jeudi à Moscou pour des discussions, une première depuis le début du conflit avec Israël il y a près de trois semaines. Ces discussions portaient notamment sur la libération des otages et l’évacuation des citoyens russes. Mardi, le Kremlin avait indiqué qu’aucun progrès n’avait été réalisé pour libérer les otages russes enlevés par le Hamas, et même reconnu ne pas savoir combien il y en avait. Des centaines de ressortissant·es russes vivent en outre dans la bande de Gaza, ciblée par les bombardements israéliens.
La Russie, contrairement aux États-Unis, ne considère pas le Hamas comme une organisation terroriste et a toujours entretenu des relations avec le mouvement islamiste palestinien. Si le gouvernement russe a condamné les attaques lancées le 7 octobre contre la population civile israélienne, il insiste également sur la nécessité d’un État palestinien pour mettre fin au conflit et a mis en garde Israël contre les conséquences d’une riposte aveugle et meurtrière.
La rédaction de Mediapart
28 octobre 2023 à 10h28
https://www.mediapart.fr/journal/international/281023/le-fil-du-jour-dans-la-bande-de-gaza-un-massacre-huis-clos
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La rédaction de Mediapart
28 octobre 2023 à 10h28
https://www.mediapart.fr/journal/international/281023/le-fil-du-jour-dans-la-bande-de-gaza-un-massacre-huis-clos
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