Bibi, comme Trump, comme Nicolas Sarkozy.
Pour sauver son pouvoir, fondé sur le mensonge, le racisme, le mépris du droit, la violence, la corruption, Nétanyahou s’est allié aux religieux et aux colons les plus fanatiques. Ruinant les derniers espoirs d’un dialogue avec les Palestiniens.
Benyamin Nétanyahou, qui multiplie depuis son retour au pouvoir les menaces à destination de l’Iran, du Hezbollah, du Hamas, des Palestinien·nes, de ses ennemis politiques en général et même des magistrats de la Cour suprême d’Israël, est-il un va-t-en guerre ? « En paroles, oui, indiscutablement, affirme un ancien haut fonctionnaire qui l’a bien connu. Il adore les discours et les postures martiales, les interventions menaçantes, comme tous les politiciens populistes. Mais c’est surtout un menteur dépourvu de tout scrupule et dont personne n’ignore plus le degré de corruption : il vient d’ailleurs de démontrer qu’il est capable de sacrifier le sort et la sécurité de son pays à son intérêt personnel. »
« Pour le reste, nous voyons désormais chaque jour aux concessions qu’il fait aux deux extrémistes racistes dont il est l’otage volontaire, Ben-Gvir et Smotrich, qu’il a probablement atteint les limites de son habileté politique, poursuit notre interlocuteur. Et qu’il semble même en être conscient. Ce qui expliquerait sa mauvaise mine et peut-être même, au moins en partie, ses problèmes de santé. Il n’est pas si facile, lorsqu’on est, comme lui, drogué au pouvoir et à ses avantages et privilèges depuis des décennies, de découvrir qu’on n’est plus le seul maître de son propre destin et qu’une erreur de décision peut vous coûter votre position, voire, demain, votre liberté. »
Aveuglé par sa fuite en avant, Nétanyahou ne voit ni n’entend manifestement plus rien du monde dans lequel il vit. Ses rêves de pouvoir et ses caprices de roitelet ont eu raison de ses légendaires dons de politicien. Une anecdote illustre les dérisoires vanités qui l’habitent et son imprudente cécité devant ses responsabilités historiques face à l’ampleur de la crise dans laquelle se trouve aujourd’hui plongé son pays : une fuite de ses services vient de révéler que sa visite à Emmanuel Macron, en février dernier, avait coûté au gouvernement israélien cinq fois plus cher que le montant normalement affecté à un tel voyage. Pourquoi ?
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Parce qu’au lieu du Boeing 737 prévu, le premier ministre a exigé un avion – un Boeing 777 – d’une taille comparable à celle de l’Airbus A330 utilisé par le président français pour ses déplacements officiels à l’étranger. Compte tenu du climat social tendu en Israël et de la difficulté à trouver dans ces circonstances un équipage volontaire, ce sont le chef pilote d’El Al et l’un des directeurs de la compagnie nationale qui ont pris les commandes de l’appareil.
Idéologiquement, « Bibi » continue à invoquer de manière insistante l’héritage de son père, Benzion Nétanyahou, secrétaire et disciple de Zeev Jabotinsky, père spirituel de la droite nationaliste israélienne. Il persiste à rêver, avec ses alliés, colons et extrémistes religieux, d’un « Grand Israël », de la Méditerranée au Jourdain, voire jusqu’aux frontières de l’Irak, débarrassé d’un maximum de Palestinien·nes. Militairement, il se place volontiers dans le sillage de son frère aîné, Yonatan, tué à la tête de son commando des forces spéciales lors du raid d’Entebbe, en 1976, qui avait permis de libérer les otages de l’Airbus d’Air France détourné par des terroristes.
Mais, en réalité, il déteste avoir à prendre des décisions importantes qui relèveraient d’un véritable homme d’État ou d’un chef militaire. Ce qui faisait dire à Barack Obama et à plusieurs de ses conseillers : « C’est un trouillard, il a peur de lancer des guerres, la seule chose qui l’intéresse est de se prémunir contre une défaite politique » (voir le 3e épisode de notre série : « La bombe iranienne, arme de “Bibi” »).
C’est un fait, sa détestation des Palestinien·nes, le mépris dans lequel il les tient ne l’ont pas conduit, contrairement à d’autres dirigeants israéliens, à multiplier les aventures militaires. Même s’il n’hésite pas à recourir à la force et à la violence des armes lorsqu’il s’agit d’intervenir dans la vie quotidienne des habitant·es de Gaza, de Cisjordanie et de Jérusalem-Est, sans parler des « Arabes israélien·nes », c’est-à-dire des citoyennes et citoyens palestiniens d’Israël.
Le choix du Hamas
« Au cours des vingt dernières années, Nétanyahou a été chef du gouvernement pendant près de 15 ans. Pendant cette période, il y a eu seize affrontements graves entre Israël et les organisations armées islamistes qui contrôlent Gaza et une dizaine d’opérations militaires d’une certaine envergure, depuis “Arc-en-ciel” en 2004 jusqu’à “Bouclier et flèche” en mai dernier », souligne un ancien officier supérieur engagé dans la mobilisation de la société civile contre les projets de la coalition au pouvoir.
« Nétanyahou n’a été à l’origine que de cinq de ces opérations, constate l’ancien officier. Et tout en tenant des propos guerriers contre l’Autorité palestinienne, il a permis au Qatar et à la Turquie d’aider le Hamas, et autorisé l’entrée à Gaza, via l’Égypte, mais aussi via Israël, de carburant, de produits alimentaires, de matériaux de construction, de pièces de rechange, de médicaments et d’équipements médicaux payés par Doha ou Ankara. Le tout en laissant 23 000 résidents de la bande de Gaza entrer chaque jour en Israël pour travailler. »
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En d’autres termes, Nétanyahou a acheté un certain apaisement avec le Hamas en éliminant, au cours de l’opération « Bouclier et flèche », une dizaine de responsables du Jihad islamique, l’organisation concurrente, et près de 40 % de son stock de roquettes. Il a en même temps renforcé l’image et la réputation du Hamas, dont Israël avait encouragé la naissance, dans les années 1970, puis le développement dans les années 1980.
Le Hamas avait conquis lors du conflit de 2021 le rôle de défenseur de Jérusalem et de la mosquée al-Aqsa, au détriment de l’Autorité palestinienne, affaiblie par les accusations d’illégitimité démocratique, d’inefficacité, de collaboration et de corruption qui l’accablent depuis des années.
« Faillite morale »
Dans cette manœuvre, le Hamas a gagné un – modeste – rebond de sa popularité et surtout une posture avantageuse en vue de la succession du Fatah et de son vieux chef, fourbu et discrédité, Mahmoud Abbas, à la tête de l’Autorité palestinienne. Le bénéfice pour Nétanyahou est double : il conforte, comme représentation des Palestinien·nes, une organisation islamiste a priori rejetée par les alliés d’Israël et une bonne partie de la communauté internationale comme fanatique et terroriste. Facilitant ainsi les frappes contre elle, voire sa liquidation lorsqu’elle sera gênante.
Et il affaiblit par contrecoup le Fatah et l’Autorité palestinienne, qui incarnent encore, tant bien que mal, la disposition au dialogue et à la coexistence avec Israël. Dialogue et coexistence qu’il affecte d’accepter dans les cercles diplomatiques, mais qu’il rejette, en réalité, depuis toujours.
Le gain à long terme pour Israël semble ici très modeste. « Quand j’entends Nétanyahou affirmer que l’opération “Bouclier et flèche” nous a permis de changer l’équation stratégique, sourit un vétéran du renseignement militaire qui a abandonné depuis quelques années son béret vert, je pense immédiatement à la radio de propagande en hébreu que Le Caire avait créée au siècle dernier et qui annonçait : “Nos forces progressent sur tous les fronts”... à la veille de notre victoire totale lors de la guerre des Six Jours. »
« Ce qui est inquiétant, aujourd’hui, pour les responsables de la sécurité du pays, poursuit l’ancien officier, c’est qu’il n’existe ni véritable stratégie, ni même de vision globale pour Gaza. Et que nous avons du mal à agir, même face à une petite organisation comme le Jihad islamique qui n’a pas plus de 9 000 militants actifs, dont 6 000 combattants. »
« En fait, estime dans Haaretz Yossi Melman, spécialiste des questions de renseignement, on peut dire que le cabinet du sixième gouvernement de Nétanyahou est devenu la principale menace pour la sécurité nationale d’Israël. »
« Il est difficile de dire que le pays affronte une crise constitutionnelle, puisque nous n’avons pas de Constitution, constate un diplomate. Mais puisque Nétanyahou entend s’attaquer aux lois fondamentales qui en tiennent lieu et à la Cour suprême qui veille à leur application, c’est bien à une crise constitutionnelle que nous faisons face aujourd’hui en raison de la faillite morale et de l’irresponsabilité politique de notre premier ministre. »
L’extrême droite au gouvernement
À l’origine de cette situation, il y a en effet la volonté obstinée de Benyamin Nétanyahou d’échapper aux poursuites judiciaires engagées contre lui depuis près de quatre ans pour « corruption », « fraude » et « abus de confiance ». Nées d’une longue présence à la tête du gouvernement, de l’habitude des faveurs et d’un goût croissant pour les privilèges du pouvoir, les relations coupables de Nétanyahou avec le luxe et l’argent facile ont été longuement entretenues par l’assurance de l’impunité. Elles semblent d’ailleurs avoir gagné aussi sa femme et son fils.
En novembre 2019, lors de sa mise en examen par le procureur général d’Israël, Avichaï Mendelblit, qui fut de 2013 à 2016 l’un de ses plus proches collaborateurs, le premier ministre avait, comme à son habitude, tenté avec l’aide dévouée de son entourage de délégitimer la procédure en dénonçant une opération politique montée contre lui par la magistrature avec la complicité de la police, des médias, des intellectuels et de l’opposition. Contraint en juin 2021, après douze années consécutives au pouvoir, d’abandonner ses fonctions au terme d’une campagne centrée sur la dénonciation de la corruption par l’opposition, il est redevenu premier ministre en décembre 2022, à la tête de la coalition la plus à droite de l’histoire du pays, mêlant partis ultraorthodoxes et d’extrême droite, nationalistes, homophobes et racistes.
La presse rapporte alors que, selon l’accord de coalition, Bezalel Smotrich, chef du Parti sioniste religieux et ancien détenu pour incitation à la violence, a obtenu le ministère des finances et un rôle imprécis au ministère de la défense, lui donnant la haute main sur la vie quotidienne des Palestinien·nes de Cisjordanie et le développement de la colonisation. Chef du parti Force juive, Itamar Ben-Gvir, nouveau ministre de la sécurité publique, ancien délinquant lui aussi, et connu pour ses provocations à l’encontre des Palestinien·nes, est chargé du maintien de l’ordre.
Cerné par la justice
En échange de ces deux postes clés et de l’engagement du Likoud à « étendre la souveraineté juive à la Judée et à la Samarie », c’est-à-dire à annexer la Cisjordanie, Smotrich et Ben-Gvir auraient promis à Nétanyahou de l’aider à faire voter des textes destinés à placer la Cour suprême sous le contrôle de la Knesset, afin de permettre au premier ministre d’échapper définitivement aux griffes de ses juges qui, en trois ans d’audiences, ont déjà entendu 37 des 341 témoins de l’accusation. Pour l’heure, le premier ministre israélien est inculpé dans trois dossiers de gravité inégale devant le tribunal de district de Jérusalem :
- Le dossier 1 000, dans lequel il est inculpé de « fraude » et « abus de confiance », porte sur les luxueux cadeaux, d’une valeur de 185 000 euros, reçus de richissimes personnalités, dont le milliardaire australien Arnon Milchan, en échange de faveurs financières ou personnelles.
- Le dossier 2 000, dans lequel Nétanyahou est poursuivi pour les mêmes motifs, vise la négociation entamée avec Arnon Mozes, propriétaire du plus grand quotidien payant du pays, Yediot Aharonot, qui lui aurait offert une couverture médiatique favorable en échange d’une loi limitant la diffusion du quotidien gratuit Israël Hayom, favorable au Likoud mais concurrent du Yediot. « Ce dossier est très problématique pour le premier ministre, confiait en novembre 2019 à Mediapart l’ancien procureur d’État adjoint Yehuda Sheffer, car le procureur détient l’enregistrement d’une conversation entre Nétanyahou et Mozes. C’est un document presque incroyable, une preuve accablante qui va stupéfier la cour. »
- Le dossier 4 000, enfin (« corruption », « fraude » et « abus de confiance », encore), est, selon Yehuda Sheffer, « le plus difficile des trois, car il porte sur les très fortes sommes d’argent » – environ 500 millions de dollars – obtenues par Shaul Elovitch, patron du groupe de télécommunications Bezeq et du site d’information Walla, grâce à la complaisance de Nétanyahou : celui-ci avait bénéficié en contrepartie d’une couverture favorable de Walla.
« À eux seuls, ces trois dossiers, qui révèlent à la fois les goûts de luxe, l’amour de l’argent, le besoin éperdu de soutien médiatique et le cynisme déployé pour l’obtenir, en disent long sur Nétanyahou, sa personnalité et sa conception de la politique et du pouvoir. Mais il y a encore bien pire pour lui, ajoutait Yehuda Sheffer, désormais à la retraite, devenu consultant anticorruption et antiblanchiment pour des entreprises ou des États étrangers. Il y a le dossier 3 000, dans lequel sept de ses proches ont été inculpés. Jusqu’à présent, le premier ministre n’a pas été entendu dans cette affaire mais il aurait dû l’être car tout ce que nous savons désormais semble l’impliquer. Et l’impliquer dans un scandale potentiellement dévastateur. »
L’affaire des sous-marins allemands
Un scandale qu’en mars 2019 Haaretz a tenté de réveiller après plusieurs années de sommeil en réclamant, arguments à l’appui, la poursuite d’une information assoupie. Et que les manifestant·es du week-end contre les « réformes » du premier ministre n’ont pas oublié, comme l’a rappelé le faux sous-marin gonflable apparu à plusieurs reprises dans les cortèges.
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L’enquête sur le dossier 3 000, appelé aussi « affaire des sous-marins allemands », a été formellement ouverte en février 2017, sur ordre du procureur de l’État Shai Nitzan. Mais ses racines remontent à 2007, lorsque Nétanyahou, redevenu chef de l’opposition après un premier passage au pouvoir, a acheté pour 600 000 dollars 1,6 % du capital de l’entreprise métallurgique texane Seadrift Coke, alors dirigée par son cousin Nathan Milikowsky (mort en 2021).
Première bizarrerie, Nétanyahou a bénéficié d’un prix d’ami, bien inférieur à la valeur réelle des actions : lors de la revente des parts à son cousin, trois ans plus tard, il a réalisé, grâce à cette faveur, une plus-value de 700 %. Entre-temps, il est redevenu premier ministre et Seadrift Coke a été acheté par la firme GrafTech International, détenue par son cousin. Basée dans l’Ohio, GrafTech International était un fournisseur régulier du chantier naval allemand ThyssenKrupp, qui venait de livrer à la marine israélienne ses trois premiers sous-marins de haute technologie.
Trois autres sous-marins du même type compléteront la flottille entre 2012 et 2019. Ces six submersibles capables de lancer des missiles de croisière à ogive nucléaire ou de débarquer discrètement sur un rivage ennemi un commando de dix membres des forces spéciales sont au cœur d’un scandale multiforme mais à bas bruit, qui a abouti en décembre 2022 à la condamnation d’un ancien ministre de la science et de la technologie à sept mois de travail communautaire. Un scandale dont les étapes ont jalonné, une décennie durant, les mandats successifs de « Bibi ». Sans, pour l’heure, l’atteindre directement.
Une seule chose est claire dans ce dossier : Nétanyahou a porté pendant des années un intérêt particulier aux activités de ThyssenKrupp et à ses relations avec Israël. À peine revenu au pouvoir, en 2009, il charge ainsi son avocat et confident David Shimron, qui est, lui aussi, son cousin, d’organiser le remplacement de Yeshayahu Barkat. Ce dernier représentait depuis 25 ans l’entreprise allemande en Israël.
Grâce à l’intervention de Shimron, c’est Michael « Miki » Ganor, un homme d’affaires proche du pouvoir israélien, qui est choisi par la direction de ThyssenKrupp. En 2014, lorsque le ministère israélien de la défense lance un appel d’offres pour l’achat de patrouilleurs chargés de surveiller les exploitations de gaz offshore en Méditerranée, seuls des chantiers navals sud-coréen, italien et espagnol sont candidats. Nétanyahou, soutenu par le Conseil national de sécurité, impose alors la fermeture de l’appel d’offres. Un an plus tard, quatre patrouilleurs sont commandés à ThyssenKrupp. Prix : 430 millions d’euros.
En octobre 2016, un nouveau projet d’achat direct, sans appel d’offres, de trois sous-marins est adopté par le cabinet de sécurité. Entre-temps, une autre vente de sous-marins, celle-ci à la marine égyptienne, va attirer l’attention des services de renseignement, de plusieurs responsables militaires et de certains magistrats. Des informations en provenance du Caire, en 2015, indiquent que l’Égypte recevra dans quelques mois le premier de quatre sous-marins fabriqués par ThyssenKrupp.
Au ministère israélien de la défense, la surprise est de taille. En vertu d’un accord non écrit, il est en effet convenu entre les gouvernements allemand et israélien que le premier consultera le second et sollicitera même son feu vert avant de vendre des armes ou de la technologie militaire à un pays arabe. Ni le Mossad, ni les Renseignements militaires, ni l’état-major de l’armée, ni le ministère de la défense n’ont pourtant été consultés sur une décision de si haute importance stratégique : la mise à la disposition d’un pays arabe – certes en paix avec Israël, mais pour combien de temps ? – d’une arme équivalente à celles dont dispose l’armée israélienne.
Envoyé en Allemagne, un haut fonctionnaire du ministère revient avec une information explosive livrée par les collaborateurs d’Angela Merkel : Benyamin Nétanyahou a bien été consulté et c’est lui qui a donné son feu vert. « Ceux qui devaient savoir savaient », répondra alors Nétanyahou aux ministres et aux journalistes qui l’interrogent. En laissant entendre que le procureur général Avichaï Mandelblit et l’ancien conseiller à la sécurité nationale savaient. Ce que les deux nient. « La version de Nétanyahou n’a aucun sens, observe alors de son côté Tamir Pardo, patron du Mossad au moment des faits. Je ne crois pas qu’il puisse exister un secret qui doive être caché à la fois au chef d’état-major de l’armée, au ministre de la défense et au patron du Mossad. »
Ajoutée aux suspicions accumulées depuis plusieurs années sur les marchés conclus avec ThyssenKrupp, cette affaire des sous-marins égyptiens va inciter le procureur de l’État Shai Nitzan à ouvrir, le 27 février 2017, une information qui deviendra le dossier 3 000. Dans le cadre de cette investigation et à la suite des informations recueillies, le procureur général décide, fin 2019, d’inculper sept personnes, dont David Shimron, Michael Ganor, l’ancien chef d’état-major de la marine Eliezer Marom, l’ancien chef de cabinet de Nétanyahou David Sheran et l’ancien chef adjoint du Conseil de sécurité Ariel Bar-Yosef.
« En raison de son rôle central dans cette affaire, de ses liens financiers désormais établis avec son cousin Milikowsky, Nétanyahou aurait dû être interrogé, notamment sur ses conflits d’intérêts et sur sa conduite déraisonnable dans l’épisode des sous-marins égyptiens, qui pose un véritable problème de sécurité de l’État », estimait alors l’ancien procureur adjoint Yehuda Sheffer. Le temps est venu, estime aujourd’hui Haaretz, d’établir une commission indépendante chargée de contrôler les achats d’armes du ministère de la défense. Mais il est peut-être trop tard.
« Lorsque Nétanyahou et sa bande ont menacé les enquêteurs qui travaillaient sur les dossiers de corruption du premier ministre, nous avons pensé qu’ils n’agiraient pas de la même manière avec les procureurs, raconte un magistrat. Lorsqu’ils ont menacé les procureurs, en particulier le procureur principal chargé de ces dossiers, et le procureur général, nous avons espéré que les menaces ne s’étendraient pas aux juges. Maintenant, la plus haute cour du pays est directement menacée. Aucun chef d’un gang du crime organisé n’avait jusque-là osé menacer le président et les juges de la Cour suprême. Il y a des normes de base qu’on ne viole pas. Sauf quand on est le premier ministre de notre gouvernement, ou le ministre de la justice, ou n’importe quel membre de sa bande. »
Alors qu’Israël est depuis huit mois en proie à une crise historique, l’espoir d’une paix entre Israélien·nes et Palestinien·nes, trente ans après l’assassinat de Yitzhak Rabin, est à l’agonie. Les ennemis de la coexistence paisible entre les deux peuples, qui ont nourri en 1994 le discours fanatique de l’assassin du premier ministre, sont au pouvoir en Israël. Avec l’intention de mettre en place une justice à leurs ordres. Ils projettent aussi de doubler le nombre de colons en Cisjordanie, qu’ils entendent annexer et vider de ses habitant·es.
Côté palestinien, face à un présent insupportable et à un avenir désespérant, les jeunes sont de plus en plus nombreux à croire, de nouveau, que la lutte armée est la seule voie vers la dignité et la liberté. Parmi les Israélien·nes, le gouffre n’a jamais été aussi béant entre celles et ceux qui croient encore pouvoir vivre en paix avec leurs voisins et ceux qui ne reculent pas devant les pogroms pour pousser, une nouvelle fois, les Palestinien·nes à l’exil.
René Backmann
28 août 2023 à 12h48
https://www.mediapart.fr/journal/international/280823/les-dangereuses-alliances-de-bibi-pour-echapper-la-justice-anticorruption
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