68 ans bientôt, dont 20 ans en Algérie et 48 en France. C'est à peu près le temps qu'il faut à l'historien pour commencer à compulser les archives, arrivées à maturation. C'est aussi le délai de recul propice aux sociologues et hommes politiques pour tenter d'intégrer le passé dans la compréhension du présent et la construction du futur. Mais c'est tout naturellement, pour chaque être humain, la distance temporelle pour une vision plus apaisée de la mémoire qui se ravive chez lui et qui peut être racontée avec sérénité.
Que le passé ait été chargé de bonheur ou perturbé par des passions et drames. Ce recueil de nouvelles, très courtes, en risquant le pléonasme, est la compilation d'écrits épisodiques des dernières années, justement lorsque l'âge ne peut plus contenir la résurgence du passé. Mais surtout lorsqu'on n'a plus crainte de le faire ressortir et qu'il fasse mal.
C'est en fait l'Algérie de la génération « Zakia, ton mari est moudjahid ». Celle des francophones majoritaires, de l'insouciance et du bonheur d'être nés dans un pays gorgé de soleil, sans se poser la question de l'identité, de la conscience religieuse et, pour ce qui était de notre âge, de la sensibilité politique. Un enfant, puis un adolescent, ont une gigantesque capacité d'absorption de ce qui les entoure. C'est tout à fait étonnant, car c'est un âge où le détachement et l'inconscience semblent dominer pour ne laisser place qu'à un égoïsme de jouissance immédiate.
Pourtant, ils absorbent, analysent et stockent tout dans un coin caché de leur mémoire, ce qui est mon cas comme celui des autres. C'est cette éponge du vécu et de l'observation qui est racontée dans les nouvelles qui sont présentées dans les textes qui vont suivre. Et, bien entendu, à cet âge, le vécu ne pouvait être que dans sa ville d'enfance. Il sera donc question d'Oran, pour la majorité des histoires. La ville sera un personnage constant et en arrière-plan, indispensable car sa présence discrète est la condition essentielle pour aider la mémoire à restituer ce qu'elle avait enregistré.
Nous n'avions pas vu la naissance des orages qui s'annonçaient dans toute vie d'adulte, car nous avions encore la résistance de l'optimisme, cette carapace protectrice si nécessaire à l'être humain encore fragile. Voici relatée une partie de cette mémoire dans une chronique que je soumets au lecteur. Elle le sera sous forme d'histoires courtes, rédigées sur le ton du second degré et de l'humour. Car pour atteindre le passé de l'enfance et de l'adolescence, il n'y a qu'eux pour le faire, avec recul et tendresse.
par Sid Lakhdar Boumediene
Mercredi 30 aout 2023
http://www.lequotidien-oran.com/?news=5323426
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