Élisabeth Borne a assuré vendredi 30 juin que « toutes les hypothèses » étaient sur la table alors que la droite demande l’instauration l’état d’urgence face aux émeutes qui se diffusent dans le pays. Un dispositif qui date de la guerre d’Algérie.
A droite et à l’extrême droite, de nombreuse voix se sont fait entendre pour demander l’instauration de l’état d’urgence dans les quartiers qui ont été à nouveau le théâtre de violences après la mort d’un adolescent tué par la police. La première ministre Élisabeth Borne a répondu vendredi 30 juin dans la matinée, que « toutes les hypothèses » étaient sur la table, dont l’état d’urgence.
Ce dispositif a été formalisé par une loi de 1955 durant la présidence d’Edgar Faure et créée pour faire face à la guerre d’Algérie. Prévu pour être appliquée en cas de troubles importants à l’ordre public, il renforce les pouvoirs des autorités et restreint les libertés publiques et individuelles.
C’est le conseil des ministres qui peut déclarer l’état d’urgence, sur tout ou partie du territoire. D’une durée initiale de 12 jours, celui-ci peut ensuite être prolongé par le Parlement. Concrètement, l’état d’urgence autorise le ministre de l’intérieur à interdire les rassemblements, à fermer des lieux publics, à mener des perquisitions administratives ou encore à prononcer des interdictions de séjour ou des assignations à résidence pour une durée maximale de 12 mois.
Pas de camps de concentration
La loi de 1955 souligne toutefois qu’« en aucun cas, l’assignation à résidence ne pourra avoir pour effet la création de camps où seraient détenues les personnes visées », la mémoire des camps de concentration nazis étant encore vive à l’époque.
Le gouvernement peut également, par décret, dissoudre les associations « qui participent à la commission d’actes portant une atteinte grave à l’ordre public ».
Jusqu’ici, les gouvernements successifs ont eu recours six fois à ce dispositif, dont trois fois en Algérie entre 1955 et 1961. En 1985, l’état d’urgence est appliqué en Nouvelle-Calédonie à la suite d’affrontements entre les indépendantistes et les loyalistes. En 2005, des émeutes en banlieue à la suite de la mort de deux jeunes lors d’une altercation avec la police avaient également justifié sa mise en place.
Deux ans d’état d’urgence pendant la présidence Hollande
L’état d’urgence avait ensuite été déclaré pour la sixième et dernière fois suite aux attentats du 13 novembre 2015 par le gouvernement de Manuel Valls, durant la présidence de François Hollande. Il n’avait été levé que deux ans plus tard, en 2017, au moment de l’entrée en vigueur la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.
Cette installation de l’état d’urgence dans la durée avait à l’époque fait l’objet de vives critiques. « La lutte contre le terrorisme est détournée : les interdictions de manifestations, perquisitions et assignations à domicile visent jusqu’aux militants », avait estimé le Syndicat de la magistrature.
L’état de siège et les pouvoirs exceptionnels, deux outils encore plus puissants
L’État dispose d’un outil encore plus puissant pour ramener l’ordre, l’état de siège, prévu pour une durée de douze jours lui aussi. À la différence de l’état d’urgence, c’est l’armée qui détient les pouvoirs de police. Des juridictions militaires sont alors habilitées à juger les crimes et délits contre la sécurité de l’État.
Le président peut aussi mettre en œuvre l’article 16 de la Constitution, ce qui lui confère des pouvoirs exceptionnels pour faire face à une menace grave et immédiate pesant sur l’indépendance du pays. Le seul moment où celui-ci a été déclenché est celui du putsch des généraux d’Alger, en 1961.
Ces deux dernières dispositions, l’état de siège et les pouvoirs exceptionnels, sont inscrites dans la Constitution, à l’inverse de l’état d’urgence, qui n’est prévu que par une loi.
https://www.la-croix.com/France/Mort-Nahel-Nanterre-letat-durgence-heritage-conteste-guerre-dAlgerie-2023-06-30-1201273678
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