Le président Abdelmadjid Tebboune a annoncé, lors d'une conférence de presse, avoir proposé la médiation algérienne pour tenter de régler le conflit en Ukraine qui a été acceptée par Vladimir Poutine.
L'Algérie et la Russie ont signé, jeudi à Moscou, une Déclaration de partenariat stratégique approfondi, censée donner un nouvel élan à la relation entre les deux pays.
Le document a été paraphé par les présidents Abdelmadjid Tebboune, en visite de trois jours en Russie, et Vladimir Poutine lors d'une cérémonie qui s'est déroulée au palais du Kremlin, en présence des délégations des deux pays.
Signataires déjà en 2001 d'un accord de partenariat stratégique, les dirigeants des deux pays souhaitent renforcer davantage leur coopération économique et consolider leur relation politique. Une relation, a estimé le président Poutine, qui a un caractère stratégique et une signification à part".
S'exprimant lors d'un point de presse à l'issue de ses entretiens avec le président Tebboune, Poutine a souligné que "les relations entre l'Algérie et la Russie ont commencé à prendre forme au milieu des années 1950. Dès cette époque, nous pouvions dire qu'elles revêtent un caractère stratégique. Sans aucune exagération".
Le dirigeant russe a souligné qu’au cours de cette période "nous avons eu de très bonnes relations entre le peuple russe et le peuple héroïque et courageux d'Algérie, qui a lutté pour son indépendance pendant de nombreuses années et l'a emporté". Selon lui, la déclaration signée, ce jeudi, "marquera le début d'une nouvelle étape, encore plus avancée, de nos relations bilatérales".
-- Tebboune invité au sommet Russie-Afrique
Par la même occasion, Vladimir Poutine a affirmé avoir invité son homologue algérien au sommet Russie-Afrique qui se tiendra fin juillet à Saint-Pétersbourg. Intervenant à cette occasion, le président algérien a salué, de son côté, une "relation historique" entre l'Algérie et la fédération de Russie.
Abdelmadjid Tebboune a insisté, dans son intervention, sur "la nécessité d'accélérer l’adhésion de l’Algérie au groupe des BRICS".
"Actuellement, la situation internationale est très tendue. Il faut que nous renforcions le processus de notre adhésion aux BRICS", a-t-il déclaré, estimant que "l’intégration du bloc des cinq va stimuler le développement du pays plus que ne l’ont fait jusque-là d’autres organisations internationales financières".
-- Conflit en Ukraine: Tebboune parle d'une médiation algérienne
Toujours à l'occasion de cette conférence de presse, le président Tebboune a annoncé avoir proposé à son homologue la médiation algérienne pour tenter de régler le conflit en Ukraine. Il a remercié, ce faisant, son homologue, Vladimir Poutine pour avoir accepté cette médiation, affirmant que l'Algérie "sera à la hauteur de cette confiance".
À ce sujet, Poutine a remercié l'Algérie et le Président Tebboune pour cette disposition à fournir des efforts de médiation dans le conflit opposant son pays à l'Ukraine. Il a rappelé, dans ce sens, que l'Algérie est membre du groupe de contact de la Ligue arabe sur l'Ukraine, le président Poutine a indiqué avoir expliqué au président Tebboune "la vision russe, les origines de ce conflit, et les circonstances qui l'entourent".
Dans la foulée, il a fait savoir qu'il recevra, samedi, des chefs de délégations du continent africain pour débattre de l'initiative proposée par l'Algérie pour le règlement du conflit russo-ukrainien.
Aksil Ouali |15.06.2023 - Mıse À Jour : 15.06.2023
https://www.aa.com.tr/fr/afrique/la-russie-et-lalg%C3%A9rie-signent-une-d%C3%A9claration-de-partenariat-strat%C3%A9gique-%C3%A9largi/2923627
A Moscou, la Russie et l’Algérie renouvellent leur « partenariat stratégique »
La visite d’Etat du président Tebboune visait à rassurer le Kremlin, alors que la guerre en Ukraine pourrait contraindre Alger à diversifier ses acquisitions militaires.
Côte à côte face aux défis du monde. Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a rencontré jeudi 15 juin son homologue russe, Vladimir Poutine, lors d’une visite d’Etat à Moscou mise en scène pour projeter l’image d’une Russie toujours courtisée par les pays du Sud et celle d’une Algérie à l’offensive diplomatique. Les deux chefs d’Etat ont signé une « déclaration sur un partenariat stratégique approfondi », renouvelant ainsi un document du même type paraphé en 2001. Outre le secteur des hydrocarbures, le renforcement de la coopération portera sur le domaine militaire, selon l’agence Tass qui mentionne des manoeuvres conjointes, des transferts de technologies et des coproductions.
La presse algérienne avait annoncé le déplacement du président Tebboune avec emphase, l’agence officielle Algérie presse service (APS) louant des « relations exceptionnelles fondées sur l’amitié ». Alors que la Russie, qui accueille au même moment le Forum économique de Saint-Petersbourg, tient à compter ses amis et dissiper toute impression d’isolement sur la scène internationale, l’ombre de la guerre en Ukraine plane sur cette visite.
Depuis l’éclatement du conflit, en février 2022, l’Algérie n’a cessé de ménager Moscou en s’abstenant lors des différents votes de résolutions des Nations unies dénonçant « l’agression » russe. Certes, la relation stratégique n’est pas sans nuages, ainsi que l’illustrent les critiques adressées par M. Tebboune contre l’action de la compagnie de sécurité privée Wagner au Mali. Le coût de cette présence, avait-il déclaré fin décembre au Figaro, « serait plus utile » au service du « développement du Sahel ».
Mais les réserves d’Alger vis-à-vis d’entités militaires non étatiques – M. Tebboune avait également dénoncé en janvier 2020 le rôle de « mercenaires » (sous-entendant ceux de Wagner mais sans les citer) ciblant à l’époque la capitale libyenne, Tripoli – n’ont toutefois pas perturbé outre mesure la coopération sécuritaire.
Lune de miel
L’Armée nationale populaire (ANP) algérienne, dont des générations de cadres ont été formées après 1962 dans les académies soviétiques, s’est procuré à Moscou 73 % de ses acquisitions d’armes à l’étranger entre 2018 et 2022, selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm. Et à l’heure où Alger intensifie son effort de modernisation militaire – avec un budget de 2023 propulsé à 23 milliards de dollars, en augmentation de 120 % par rapport à 2022 –, ses regards vont de nouveau se tourner vers la Russie.
Mais l’enlisement des troupes de Moscou en Ukraine et son impact sur l’industrie de défense russe bouleversent la donne. « Il est fort probable que les Russes n’ont pas la capacité de fournir les armes souhaitées par les Algériens, souligne Isabelle Werenfels, spécialiste du Maghreb à l’Institut allemand des affaires internationales et de sécurité (SWP), basé à Berlin. Et hors de la Russie, il n’y a que les Européens, les Chinois, un peu la Turquie et peut-être l’Inde qui peuvent les leur fournir. »
Parmi les Européens, si toute transaction avec la France – qui répond déjà à 5,2 % des besoins d’armements algériens – est politiquement délicate, l’Allemagne, l’Italie ou le Royaume-uni peuvent être des fournisseurs potentiels.
Un autre terrain où l’Algérie peut voir sa relation avec l’Europe se densifier au risque de troubler Moscou est celui de l’énergie. La question a gagné en urgence alors que les Européens cherchent des alternatives au gaz russe sur fond de guerre en Ukraine. Aujourd’hui source de 11 % des importations de gaz de l’Europe, l’Algérie est vouée à étoffer à terme son statut de fournisseur du Vieux Continent, même si sa capacité à relever dans l’immédiat son niveau d’exportation est limitée.
Avec l’Italie, en pleine lune de miel diplomatique avec Alger, les projets se multiplient via notamment des gazoducs reliant les deux pays. L’Allemagne, pour sa part, se prépare à importer de l’hydrogène vert à partir de l’Algérie.
Objectif Brics
Dans ce contexte, la visite de M. Tebboune a Moscou vise à « rassurer les Russes, à leur faire savoir que l’Algérie est encore là », observe Mme Werenfels : « Cette visite ne signifie pas que l’Algérie bascule dans le camp de la Russie. Elle permet avant tout aux Algériens de contrebalancer ce qu’ils entreprennent dans d’autres domaines. Leur message est : “Nous avons toutes les options”. »
Cette visite survient en outre à un moment clé de l’évolution de la région Afrique du Nord et Moyen-Orient. L’émergence d’un nouveau pôle de développement autour des ambitions économiques de l’Arabie saoudite suscite en effet des interrogations inquiètes en Algérie. « L’implication du Maghreb dans ce projet ambitieux ne semble aucunement à l’ordre du jour, écrivait le 6 juin le quotidien algérien L’Expression. […] Autant dire que [les pays maghrébins] sont tout bonnement sommés de se mettre à niveau s’ils ne veulent pas être marginalisés. »
Aussi l’Algérie, confrontée depuis 2021 à la dégradation de sa relation avec le Maroc – qui plombe tout espoir de dynamique économique au Maghreb – et plus récemment à un refroidissement de ses rapports avec l’Arabie saoudite, doit-elle se trouver de nouvelles marges de manœuvre.
Sa campagne visant à rejoindre le forum des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) trouve là tout son sens. La Russie soutient sa candidature. D’où l’importance de la présence, jeudi, de M. Tebboune à Moscou au côté de M. Poutine, ainsi que vendredi au forum de Saint-Persbourg pour y vendre l’image d’une Algérie présentée comme riche en nouvelles opportunités d’investissements à travers ses projets de diversification hors hydrocarbures. « L’Algérie connaît une renaissance économique sans précédent », a lyriquement lancé, mercredi, M. Tebboune à des hommes d’affaires russes.
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