Jeudi 18 mai 2023
Aujourd’hui, dans Affaires Sensibles, nous braquons notre regard sur un homme, Fernand Iveton, qui a le triste privilège d’avoir été le seul Français guillotiné pendant la guerre d’Algérie.
Pied noir, ouvrier, syndicaliste, communiste, partisan d’une Algérie indépendante, Fernand Iveton a été condamné à mort et exécuté pour un crime qui n’a pas eu lieu : l’attentat a été déjoué ; la bombe qu’il a déposée dans son lieu de travail n’a pas explosé. Et elle ne devait en aucun cas faire la moindre victime puisqu’elle était réglée pour se déclencher dans la soirée, quand l’usine est déserte. Il s’agissait de « marquer le coup », de faire entendre la révolte, en faisant sauter un cabanon désaffecté.
Fernand Iveton n’est pas un héros – juste un homme de convictions, un mort parmi les centaines de milliers de cette guerre qui ne voulait pas dire son nom. Guillotiné pour l’exemple, au début de 1957. Condamné parce que communiste — donc ennemi : la guerre froide est là, les chars soviétiques viennent d’entrer à Budapest ; condamné parce que Français, donc traître ; condamné par une justice expéditive rendue par des militaires. Et exécuté parce que René Coty, alors président de la République, lui refuse sa grâce, suivant en cela l’avis du garde de Sceaux, un certain François Mitterrand.
Un récit documentaire d'Odile Conseil avec le témoignage lu d'Albert Smadja, l'avocat de Fernand Iveton.
Invité :
Alain Ruscio, historien, a consacré l'essentiel de ses travaux à l'histoire coloniale notamment aux guerres d'Indochine et d'Algérie ; il a publié en 2019 aux éditions La Découverte : Les communistes et l'Algérie. Des origines à la guerre d'indépendance, 1920-1962
Pour aller + loin :
De nos frères blessés, de Joseph Andras, chez Actes Sud (2016) Prix Goncourt 2016 du premier roman refusé par le lauréat.
Alger, 1956. Fernand Iveton a trente ans quand il pose une bombe dans son usine. Ouvrier indépendantiste, il a choisi un local à l’écart des ateliers pour cet acte symbolique : il s’agit de marquer les esprits, pas les corps. Il est arrêté avant que l’engin n’explose, n’a tué ni blessé personne, n’est coupable que d’une intention de sabotage, le voilà pourtant condamné à la peine capitale. Si le roman relate l’interrogatoire, la détention, le procès d’Iveton, il évoque également l’enfance de Fernand dans son pays, l’Algérie, et s’attarde sur sa rencontre avec celle qu’il épousa. Car avant d’être le héros ou le terroriste que l’opinion publique verra en lui, Fernand fut simplement un homme, un idéaliste qui aima sa terre, sa femme, ses amis, la vie – et la liberté, qu’il espéra pour tous les frères humains. Quand la Justice s’est montrée indigne, la littérature peut demander réparation. Lyrique et habité, Joseph Andras questionne les angles morts du récit national et signe un fulgurant exercice d’admiration.
Pour l'exemple : l'affaire Iveton, de Jean-Luc Einaudi, Editions de l'Harmattan (1985)
Le dictionnaire de la guerre d'Algérie, sous la direction de Tramor Quemeneur, Ouanassa Siari Tengour, Sylvie Thénault, paru dans la collection Bouquins (Robert Laffont) en mars 2023
Fabrice DROUELLE
Jeudi 18 mai 2023
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/affaires-sensibles/affaires-sensibles-du-jeudi-18-mai-2023-8577514
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