Pour protester contre l’accueil en France d’une opposante, Alger ne délivre plus de laissez-passer consulaires depuis début février. Ce qui contrarie l’objectif du projet de loi immigration.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que cela tombe mal. Alors que le projet de loi immigration, qui vise notamment à augmenter l’efficacité des reconduites à la frontière d’étrangers en situation irrégulière, arrive en commission au Sénat le 15 mars, l’Algérie a, à nouveau, suspendu la délivrance de laissez-passer consulaires. Or, sans ce document, qui atteste qu’un pays reconnaît son ressortissant et accepte de le reprendre, la France ne peut procéder à aucune expulsion vers ce pays.
C’est l’affaire Amira Bouraoui qui a mis le feu aux poudres. Cette militante franco-algérienne, qui anime une émission politique radio, est une figure du mouvement Hirak de contestation du pouvoir par des manifestations. Condamnée pour ses prises de position et interdite de sortie du territoire, elle a gagné la Tunisie début février 2023 d’où elle a obtenu la protection du consulat français en raison de sa double nationalité. Son départ consécutif pour la France a aussitôt déclenché la colère des autorités algériennes, qui ont dénoncé une « exfiltration clandestine et illégale », rappelé l’ambassadeur algérien en France et décidé, par mesure de rétorsion, de ne plus accorder de laissez-passer consulaires.
« J’ai l’impression que c’est un peu monté en épingle, estime Xavier Driencourt, ex-ambassadeur d’Alger. Le consulat français à Tunis a accordé sa protection à une ressortissante française comme il le fait dans beaucoup de situations. »
Visas contre laissez-passer consulaires
S’agit-il d’une simple manifestation de mauvaise humeur de la part d’Alger, qui n’empêchera pas la venue du président Tebboune à Paris, prévue en mai, ou d’une crise durable ? D’un jeu de billard où il s’agit pour Alger, qui demande de façon récurrente l’extradition d’opposants réfugiés en France, d’obtenir autre chose ? « C’est le rythme normal des relations algériennes, avec des hauts et de bas, et là on est manifestement à nouveau en phase baissière », relativise l’ancien ambassadeur. Et, quand les relations sont mauvaises, Alger manie volontiers l’outil des laissez-passer consulaires.
La dernière embellie n’aura pas duré longtemps. Gérald Darmanin, le ministre de l’intérieur, venait juste d’annoncer, en décembre dernier, le retour à la normale pour l’octroi de visas aux Algériens. Il s’était alors félicité d’une meilleure coopération en matière de laissez-passer consulaires, sans donner de chiffres. En 2021, le gouvernement avait réduit de moitié le nombre de visas accordés aux Algériens, justement pour protester contre la mauvaise volonté de leurs autorités dans la délivrance de laissez-passer. Alors qu’en 2019, 11 652 éloignements avaient pu être réalisés vers l’Algérie, le chiffre était tombé à 389 en 2020 et à 34 en 2021.
LR hausse le ton
Comment va réagir le gouvernement ? « Aucun commentaire », fait-on savoir du côté du ministère de l’intérieur. Deux attitudes sont possibles. Soit le gouvernement va faire le dos rond car beaucoup de choses se jouent dans la relation franco-algérienne, en plus de la question migratoire – cette crise intervient alors qu’Alger se rapproche de Moscou et que les relations de la France avec de nombreux pays d’Afrique se dégradent, au profit de la Chine et de la Russie. Soit l’exécutif va durcir sa position. Un amendement LR au projet de loi immigration pourrait lui en donner l’occasion.
« Nous allons déposer un amendement qui inscrit dans la loi qu’on ne donne pas de visas aux pays qui n’accordent pas de laissez-passer consulaires, confirme François-Noël Buffet, sénateur LR. On ne respecte que ceux qui sont forts, et il va falloir établir un rapport de force avec les pays sources qui ne collaborent pas, dont l’Algérie. En 2018, j’avais déposé le même amendement mais le gouvernement n’avait pas voulu le conserver. Cette fois, il pourrait voir les choses différemment. »
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