En 33 minutes, le podcast de Hassen Ferhani et Mehdi Ahoudig retrace l’histoire de cette chanson et de sa reprise par Rachid Taha. Ce dernier propulsera le morceau au rang de tube planétaire. À écouter sur Arte Radio à partir de ce vendredi 17 février.
Le chanteur Rachid Taha se produit le 17 février 2001 sur la scène de l'Olympia à Paris, lors des 16e Victoires de la Musique.JEAN-PIERRE MULLER/AFP
Au départ, il y a le malaise ressenti par Hassen Ferhani et Mehdi Ahoudig, deux journalistes franco-algériens, dès que résonnent des notes de Ya Rayah, cette musique popularisée par le chanteur Rachid Taha. « Viens, il faut que tu danses ! », leur demande-t-on immanquablement, sans qu’ils sachent pourquoi. Pour percer ce mystère, les deux documentaristes décident de décrypter ce que recouvre cette chanson, notamment ce qu’elle dit de l’intégration des Français d’origine algérienne.
« Les Arabes sont devenus plus accessibles avec cette chanson »
À partir de 1998, Ya Rayah se transforme subitement en morceau festif. La reprise de Rachid Taha, plus rock and roll que l’original, est un succès planétaire écouté dans toutes les strates de la société. Elle devient l’allégorie d’une France cosmopolite, acceptant la culture de ceux qui ont migré vers elle. « D’un coup, les Arabes sont devenus plus accessibles avec cette chanson », résume le chanteur Sofiane Saidi. Certains y voient une lueur d’espoir, là où d’autres jugent que Ya Rayah les enferme dans une catégorie.
Aux ressentis et anecdotes se mêlent différentes interprétations de Ya Rayah sous de lancinants airs de guitare. L’intensité de ces chants fait écho à la pluralité des sentiments, entraînant l’auditeur dans un univers sonore aussi riche qu’émouvant.
Ya rayah - Traduction française Rachid Taha
17 février.Alexis Pfeiffer,
https://www.la-croix.com/Culture/Podcast-Ya-Rayah-chanson-entre-souffrance-fete-2023-02-17-1201255599
Vous pouvez partager un article en cliquant sur les icônes de partage en haut à droite de celui-ci.
La reproduction totale ou partielle d’un article, sans l’autorisation écrite et préalable du Monde, est strictement interdite.
Pour plus d’informations, consultez nos conditions générales de vente.
Pour toute demande d’autorisation, contactez [email protected].
En tant qu’abonné, vous pouvez offrir jusqu’à cinq articles par mois à l’un de vos proches grâce à la fonctionnalité « Offrir un article ».
https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/02/17/sur-arte-radio-le-tube-ya-rayah-se-donne-a-entendre-dans-toute-sa-diversite_6162247_3246.html
ur Arte Radio, le tube « Ya Rayah » se donne à entendre dans toute sa diversité
A travers l’histoire de cette chanson, c’est l’histoire de la France et de ses relations avec l’Algérie et le Maghreb que ce documentaire de Mehdi Ahoudig et Hassen Ferhani fait résonner.
Faudel, Rachid Taha et Khaled, réunis sous le nom de « 1, 2, 3 soleils », chantent, le 20 février 1999, à l’Olympia à Paris, lors de la cérémonie des 14es Victoires de la musique.
ARTE RADIO – VENDREDI 17 FÉVRIER – DOCUMENTAIRE
C’est l’histoire de l’histoire d’une chanson (Ya Rayah) qui en raconte beaucoup d’autres. D’un tube international (celui de Rachid Taha) longtemps passé inaperçu et d’un malentendu quant à sa signification première. Et c’est remarquable. Et par ce que les documentaristes –Mehdi Ahoudig (prix Europa pour Qui a connu Lolita ? et Poudreuse dans la Meuse) et Hassen Ferhani (Dans ma tête un rond-point, 143, rue du Désert) – nous donnent à entendre et à réfléchir ; et parce que c’est si bien mis en son par Samuel Hirsch.
Mais reprenons. Il était deux amis, Mehdi Ahoudig et Hassen Ferhani donc, qui, lors d’une soirée, sont invités à danser alors que Ya Rayah se fait entendre. Malaise. Car, comme nous le confie Medhi Ahoudig : « Hassen me dit qu’il n’aime pas cette chanson, et moi elle me met mal à l’aise parce que c’est partir du principe que cette musique nous résume et nous assigne à une communauté supposée homogène, alors même que nous sommes très différents : je suis d’origine marocaine, Hassen algérien, il parle arabe, pas moi, etc. »
Avec leurs micros, ils vont dans la rue pour voir ce que cette chanson représente, interviewent des musiciens (Sofiane Saidi, Hakim Hamadouche), et vont trouver l’historienne Naïma Huber-Yahi, qui rappelle d’abord que Ya Rayah n’est pas le tube de Rachid Taha que nous connaissons tous, mais une chanson de Dahmane El Harrachi. Que ce dernier, né en Algérie, l’a imaginée à Paris, en 1971. Que c’est, en ce sens, « le produit d’une vie artistique parisienne et d’une expérience de vie française » et que « c’est se tromper que de croire que c’est une chanson d’Algérie qui résonnerait en Algérie de la même manière pour les Algériens que pour les enfants d’immigrés ».
Malentendus et méprises
Plus encore, toutes celles et ceux qui ont enflammé les dance floors sur la voix magistralement rauque et rock de Rachid Taha sans comprendre l’arabe sont passés à côté du message profondément triste et fataliste de Dahmane El Harrachi : « Ô toi qui pars, où vas-tu ? Pars, tu finiras toujours par revenir. Combien ont regretté d’être partis ? »
Comme le rappelle l’historienne, cette mise en garde de l’une des figures du chaâbi algérois arrive à la fin des « trente glorieuses », alors même que les crimes racistes se multiplient et que les frontières entre les deux pays se referment. La situation politique n’est guère plus favorable quand Rachid Taha la reprend, au début des années 1990 : guerre du Golfe et émeutes urbaines.
Miracle : en 1998, Jamel Debbouze triomphe sur scène, et Zinédine Zidane marque deux des trois buts qui permettent à la France de remporter la Coupe du monde de football face au Brésil. Soudain, la France « black, blanc, beur » est célébrée. Et c’est dans ce contexte que Ya Rayah est interprétée, le 26 septembre 1998, lors du concert « 1, 2, 3 soleils », qui réunit à Bercy (aujourd’hui Accor Arena) Khaled, Faudel et Rachid Taha.
Dès lors, la chanson sera jouée partout : de New York à New Delhi, en passant par Jérusalem. Ce qui, malgré les malentendus et les méprises, ne peut que réjouir Mehdi Ahoudig. Parce que, comme il l’avoue sans peine, Rachid Taha, en réinterprétant Douce France, de Charles Trenet, a été ce frère qui lui aura permis de se réconcilier avec sa double identité et l’aura soustrait à la sommation de choisir. Parce que, à l’heure où l’on parle tant de repli identitaire, il est temps que nous arrivions toutes et tous à trouver une place sur la photo de famille et que cette chanson, en nous aimantant sur les pistes de danse, et même si ce n’est pas ce qu’elle dit originellement, nous y aide.
Ya Rayah, de Mehdi Ahoudig et Hassen Ferhani (Fr., 2022, 35 min). A retrouver sur le site d’Arte Radio.
« Un rock festif revendiquant la douleur de l’exil »
"Viens danser, c’est ta chanson !" : c’est ce qu'entendent Hassen et Mehdi à chaque fois que résonne en soirée l'intro de "Ya Rayah", le tube de Rachid Taha.
C'est le point de départ d'une enquête documentaire et décontractée sur cette chanson qui fut deux fois un succès. Créée par le chanteur algérien Dahmane El Harrachi en 1971, “Ya Rayah” raconte la douleur de l’exil en France et le regret du pays natal. Sa reprise par Rachid Taha en 1998 triomphe sur les dancefloors du monde entier et unit la France lors du concert "1, 2, 3 Soleil" à Bercy.
Dans les deux cas, ce tube chanté en arabe est aussi une chanson française, car produite et enregistrée en France. Elle appartient désormais à notre patrimoine commun. C'est l'une des mille histoires racontées à deux grands documentaristes, Hassen Ferhani (143, rue du Désert) et Mehdi Ahoudig (Poudreuse dans la Meuse). On les suit dans les bars de Noailles (Marseille) et de Barbès (Paris) ; chez l'historienne et musicologue Naïma Huber-Yahi ; chez le musicien Hakim Hamadouche dont la mandole porte la version de Taha ; avec le musicien Sofiane Saïdi ; avec les coiffeurs et les vendeurs de Marlboro. À l'aide d'analyses brillantes et de punchlines, de témoignages et de confidences, ce documentaire questionne ce que la chanson "Ya Rayah" dit de l'histoire des Français d'origine maghrébine et de leurs exils intimes.
Avec Naïma Huber-Yahi (historienne et musicologue), Hakim Hamadouche (musicien et mandoliste de Rachid Taha), Slimane Dazi (comédien et ami de Rachid), Sofiane Saïdi (chanteur, musicien), Rafik (coiffeur à Barbès), Toufik Baalache (ami de Rachid), Farid Diaz (rappeur), Mohamed Kably (musicien), Tahar Kessi (cinéaste), Sofiane Allaoua (musicien), des voix diverses de Noailles et de Barbès.
Hassen Ferhani
Réalisateur, chef-opérateur et photographe né en 1986 à Alger, Hassen Ferhani a nourri sa passion au ciné-club Chrysalide dont il est co-animateur de 2003 à 2008. Les Baies d’Alger (2006), court-métrage de fiction, est repéré dans plusieurs compétitions internationales. S’ensuivent Le vol du 140 (2008, Fémis d’été), Afric Hotel (2010, coréalisation) et Tarzan, Don Quichotte et nous (2013). Il forge ainsi sa démarche – un travail sur le réel imprégné de fiction – dont il donne la pleine mesure avec ses deux longs-métrages multi-primés. Dans ma tête un rond-point (2015) est, entre autres, lauréat du Grand Prix FID et du McMillan-Stewart Fellowship (Harvard) et devient le premier film à recevoir deux Tanit d’Or au Festival de Carthage. Parmi une vingtaine de distinctions (Alger, Nantes, Séoul, Toronto, Turin, Valdivia…), 143 rue du Désert (2019) lui vaut le Léopard du meilleur réalisateur émergent au Festival de Locarno.
Mehdi Ahoudig
Mehdi Ahoudig est un réalisateur sonore et audiovisuel multi-primé, né à Pantin en 1967. Il réalise des bandes-son pour le spectacle vivant de 1995 à 2015. Depuis 2004, il réalise des podcasts documentaires pour ARTE Radio dont « Wilfried », « Poudreuse dans la Meuse » (Prix Europa 2015, Prix grandes ondes 2016), « Qui a connu Lolita ? » (Prix Europa 2010), ainsi que pour France Culture. Il réalise aussi des documentaires pour le web, dont « A l’abri de rien » (Prix Europa 2011). Il a réalisé plusieurs films documentaires dont « Une caravane en hiver » produit par Squawk (prix de la diffusion Raï au Primed en 2020). Le film « La parade » co-réalisé avec Samuel Bollendorff, reçoit une étoile de la SCAM en 2018. En 2022, tous deux ont proposé le film "Il était une fois dans l'Est" et une exposition multimédia, « Frontaliers, des vies en stéréo », pour la capitale européenne de la culture Esch-Sur-Alzette au Luxembourg.
https://www.arteradio.c
-
Un documentaire
de Mehdi Ahoudig & Hassen Ferhani
-
Mise en ligne
17 février 2023
https://www.arteradio.com/son/61674012/ya_rayah_l_exil_en_dansant
.
Les commentaires récents