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EnquêteEmmanuel Macron avait promis d’organiser un hommage national à la célèbre avocate peu après son décès, en 2020. Mais le projet semble au point mort. En raison des dissensions entre ses trois fils ? L’Elysée craint-il de fâcher harkis ou pieds-noirs ? Ou est-ce la militante subversive de la légalisation de l’IVG qui dérange ?
Emmanuel Macron s’est pris d’affection pour le Panthéon, cette église devenue temple de la liturgie républicaine. Il aime y faire résonner ses discours au ton d’homélie. Ce 4 septembre 2020, le chef de l’Etat fête les 150 ans de la proclamation de la République. Il préside une cérémonie de naturalisation, l’occasion de louer quelques parcours républicains méritants de l’histoire récente.
« Comment ne pas évoquer Gisèle Halimi, disparue cet été, souffle le locataire de l’Elysée. De sa chère Tunisie à notre Assemblée nationale, des prétoires, des hémicycles, de plaidoyers en manifestes, celle qui était née Zeiza Taïeb plaida pour l’émancipation des peuples et fit faire des bonds de géant à la cause des femmes. Un hommage national lui sera prochainement rendu dans la cour des Invalides. »
Le président de la République avait prévu de l’organiser la veille, mais l’explosion dans le port de Beyrouth, début août 2020, l’a conduit à effectuer un déplacement au Liban, bouleversant son calendrier. L’ancienne avocate est morte le 28 juillet 2020, à 93 ans. Plus de deux ans après, l’hommage promis n’a toujours pas été rendu.
Un mystérieux mutisme
La perspective des 50 ans du procès de Bobigny, le 8 novembre 1972, aurait pu réveiller l’Elysée. Certains intimes du chef de l’Etat lui ont même sonné les cloches. Pourquoi ne pas saisir l’occasion de célébrer le combat mené par Gisèle Halimi en défense de Marie-Claire Chevalier et de sa mère, poursuivies pour l’avortement illégal de la jeune femme, victime d’un viol à l’âge de 16 ans ?
Ce procès retentissant, qui s’était terminé par l’acquittement de l’adolescente (sa mère a été condamnée mais dispensée de peine), ouvrit la voie à l’autorisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), en 1974. Quelques années plus tard, l’avocate utilisa les prétoires pour inviter, cette fois, le législateur à faire du viol un crime.
Mais les suppliques de ses proches n’y font rien : Emmanuel Macron est enfermé dans un mutisme qui confine au mystère. Craint-il de déplaire aux descendants de harkis et de pieds-noirs, dont certains se montrent, aujourd’hui encore, effarouchés par le souvenir d’une femme qui défendit les militants de l’indépendance algérienne ? Fuit-il un dossier piégé par les divisions familiales du clan Halimi ? Les associations féministes, elles, ne décolèrent pas. Elles accusent le président de la République de volontairement oublier cette figure de proue du féminisme français du XXe siècle.
Lundi 4 avril, 20 heures. La foule se presse sur les gradins rouge, orange et jaune du studio 104 de la Maison de la radio. Des jeunes femmes, en particulier, qui viennent assister à l’émission spéciale consacrée par France Inter à une « visionnaire ». « Entre ici, Gisèle Halimi ! », clame la journaliste Sonia Devillers. L’ancienne militante du Front de libération nationale (FLN) algérien Djamila Boupacha, icône de la guerre d’indépendance – elle a été torturée et violée par des militaires français –, a obtenu un visa pour venir parler de sa sœur de lutte, qui l’a défendue devant la justice.
Violaine Lucas, présidente de l’association Choisir la cause des femmes, fondée par Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir en 1971, prend sa suite. « Gisèle Halimi n’a pas eu son hommage national, elle n’est pas entrée au Panthéon ; ça pose problème, déplore la militante. Peut-être que son discours tellement subversif, sa triple conscience, de classe, de genre, de race, ne sont pas dignes, encore, d’entrer au Panthéon. Nous pensons le contraire. Ce soir, vous nous permettez de rendre cet hommage national. »
Les micros s’éteignent. Jean-Yves et Serge Halimi, les deux premiers fils de la défunte, se sont glissés dans la salle, chacun de son côté, sans s’annoncer. « Manu a bien fait les choses », félicite le premier, en avocat habitué des mondanités. « Manu », c’est Emmanuel Faux, son petit frère, né du troisième mariage de leur mère avec Claude Faux, ancien secrétaire de Jean-Paul Sartre. Un enfant de l’amour, rond, gentil, dont l’érudition et la voix douce firent des merveilles pendant trente ans à Europe 1, où il officia comme correspondant à Moscou et à Jérusalem avant de présenter, jusqu’à son départ, en 2017, les journaux sur la plupart des tranches d’information.
Une mère ambitieuse
Emmanuel Faux a conçu cette soirée d’hommage comme un palliatif aux absences d’Emmanuel Macron. Il l’a préparée pendant des mois avec les responsables de France Inter. Seul, sans ses frères. Emmanuel est en froid avec Jean-Yves depuis les obsèques de leur mère. Ils s’écharpent sur la succession. Une triste histoire immobilière.
Contrairement à son aîné, le benjamin ne souhaitait pas, par ailleurs, que le garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, assiste aux funérailles, par refus de se plier à un défilé de politiques. Serge Halimi, lui, se tient éloigné de ces débats. Ce militant de gauche, réputé intransigeant, directeur du Monde diplomatique depuis 2008, goûte peu aux compromis.
Rien n’est simple dans la famille Halimi. A commencer par le fait d’être un garçon. Combien de fois les trois frères ont-ils entendu Gisèle se lamenter de ne pas avoir eu de fille, pour l’éduquer en féministe ? Pour rattraper, aussi, le rejet dont sa propre mère l’avait accablée. Elle l’aurait appelé Marie, dans un pied de nez à ses origines juives et tunisiennes. « Je n’aurais alors pas désiré d’autre enfant », a écrit un jour l’ancienne avocate. « A la longue, ça peut blesser un peu… », soupire Jean-Yves Halimi, attablé dans un restaurant du quartier de la Bastille, à Paris.
L’aîné de la fratrie voit le jour en 1952. Son cadet, Serge, arrive trois ans plus tard. Les deux frères, nés du mariage de leur mère avec un haut fonctionnaire, Paul Halimi, vivent une enfance ballottée au rythme de la guerre d’Algérie. L’avocate, qui défend des militants FLN, multiplie les allers-retours des deux côtés de la Méditerranée. Elle est menacée par les partisans de l’Algérie française, harcelée par les militaires. Pour sa sécurité, la famille change régulièrement d’appartement. Des étudiants de l’UNEF, le syndicat étudiant, montent la garde devant l’immeuble et escortent les enfants à l’école.
Gisèle Halimi n’a « pas peur ». « Sauf une nuit, je l’avoue, au centre de torture du casino de la Corniche, à Alger, où des militaires m’avaient jetée dans une cellule et où j’ai attendu mon exécution en pensant avec culpabilité à mes petits garçons de 3 et 6 ans », racontera-t-elle dans le livre Une farouche liberté (Grasset, 2020), écrit avec la journaliste du Monde Annick Cojean
Les frères vivent en pension. Ils s’habituent, parfois avec amertume, aux absences de cette mère ambitieuse, qui veut « tout », selon ses propres mots, « agissant comme un homme mais jugée comme une femme ». Le petit dernier, Emmanuel, naît en 1964. La guerre est terminée. Une vie de famille plus classique s’installe à Paris. Si tant est qu’il soit classique de voir François Mitterrand danser à la maison pour une boum.
Une politique mémorielle sensible
Les parrains d’Emmanuel Faux se nomment Louis Aragon et Jean Lurçat, artisan du renouveau de la tapisserie en France. Son père, Claude Faux, a mis sa carrière d’avocat entre parenthèses pour soutenir celle de sa femme. L’appartement du 102, rue Saint-Dominique, un triplex situé entre les Invalides et la tour Eiffel, est un lieu de vie, de travail et de mondanités. Les garçons grandissent au milieu de débats enfiévrés sur la liberté, le féminisme, l’ouverture au monde.
Le chanteur Julien Clerc et l’humoriste Guy Bedos sont des amis. Maxime Leforestier vient fredonner quelques airs pour l’anniversaire d’Emmanuel, féru de chanson française. Dans un reportage d’Antenne 2 consacré à sa mère, en 1979, on voit l’adolescent, avec son pull rouge et un col pelle à tarte, chanter un texte d’Henri Tachan raillant les « z’hommes » et « leur p’tit sceptre dans leur culotte » : « Et au nom de ce bout d’bidoche/qui leur pendouille sous la brioche/ils font des guerres, ils font des mioches/les z’hommes. »
Emmanuel Faux a partagé, au quotidien ou presque, la fin de vie de sa mère, au cours de soirées ciné et de confidences qui les ont rapprochés. Si bien que certains amis de la famille ont été surpris de voir son frère aîné, Jean-Yves, dont les relations avec Gisèle étaient tumultueuses, prendre en main l’organisation de l’hommage national à partir de l’été 2020.
Des trois fils, Jean-Yves était certes le préféré, « dans le sens d’inoubliable », confessait-elle, car arrivé le premier. Mais les motifs de brouille ont été nombreux. S’il est le seul à avoir embrassé, comme elle, la carrière d’avocat – il est spécialisé en droit de la presse –, leur collaboration s’est mal terminée.
La naissance de sa fille – une fille, enfin ! – a aussi mis à mal l’équilibre familial. La grand-mère a voué à l’enfant une passion dévorante, dont son père tenta de l’extraire en l’empêchant de la voir pendant trois ans. Aujourd’hui, la jeune femme, devenue productrice audiovisuelle, parle de son aïeule avec une admiration distante. Elle n’a pas repris le flambeau du militantisme.
C’est pourtant vers Jean-Yves Halimi que l’Elysée se tourne après le décès de Gisèle. Le directeur du cabinet d’Emmanuel Macron, Patrick Strzoda, l’appelle pour lui présenter les condoléances du président de la République. Le 28 août 2020, à 8 heures du matin, l’intéressé est reçu au palais par le haut fonctionnaire, flanqué, entre autres, de Bruno Roger-Petit, le conseiller mémoire.
Des idées sont évoquées : fonder un prix Gisèle Halimi, pourquoi pas inaugurer une statue, le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes… Le principe d’une cérémonie dans la cour des Invalides est acté. Comme pour Jean-Paul Belmondo, Jean d’Ormesson, Jean Daniel… Comme pour Simone Veil, surtout, se dit Jean-Yves Halimi, qui ne veut pas voir sa mère traitée avec moins d’égards que l’ancienne ministre de la santé, dont elle était proche.
Le fils s’amuse de l’ironie consistant à commémorer dans l’enceinte militaire celle qui dénonça les exactions de l’armée française. Il rejette la proposition d’un hommage à la Sorbonne. Selon l’Elysée, l’aîné se présente alors comme le porte-voix de la famille. Ce qu’il réfute.
Une proposition de Benjamin Stora
Après le raté du 3 septembre 2020, une date est envisagée pour le printemps 2021. Elle est une nouvelle fois repoussée, cette fois en raison de l’épidémie de Covid-19. Entre-temps, l’historien Benjamin Stora a remis un rapport à Emmanuel Macron, à sa demande, afin de sortir des tourments de l’histoire franco-algérienne. « L’entrée au Panthéon de Gisèle Halimi, grande figure féminine d’opposition à la guerre d’Algérie », figure dans la liste des recommandations adressées au président de la République.
« J’étais persuadé que c’était consensuel, comme Simone Veil », rembobine après coup Benjamin Stora. Mais la pétition en faveur du projet stagne à 35 000 signatures. Les voix de gauche et à l’intérieur du gouvernement – à l’exception de la ministre de l’égalité entre les femmes et les hommes, Elisabeth Moreno – sont rares ou peu audibles.
Une semaine après la remise du rapport, quarante-neuf « filles et femmes de harkis », ces supplétifs de l’armée française abandonnés à leur sort à la fin de la guerre, publient une tribune dans Le Figaro. Elles reprochent le dédain exprimé par Gisèle Halimi à l’endroit des « femmes harkis ». « Est-ce ainsi que Benjamin Stora veut favoriser la réconciliation ? Gisèle Halimi, qui a affiché en plusieurs autres occasions son mépris pour les harkis, n’est pas une femme de réconciliation », tranchent-elles.
La polémique tombe mal. Emmanuel Macron, après avoir reconnu au nom de l’Etat français plusieurs exactions commises pendant la guerre, veut rééquilibrer sa politique mémorielle en concédant, aussi, un geste en direction des harkis et des pieds-noirs. Des actes « contradictoires », conviennent les trois frères. Dans ce contexte, comment célébrer Gisèle Halimi, accusée en son temps par certains partisans de l’Algérie française d’avoir été une porteuse de valises du FLN ?
« Pour certains harkis, Gisèle Halimi, c’est une sorcière ! Emmanuel Macron ne veut pas fâcher un électorat marqué par l’Algérie », croit savoir l’ancienne ministre de la culture Roselyne Bachelot, qui a combattu auprès de la militante en faveur de la parité en politique.
Dans le magazine Elle, en juillet 2021, Emmanuel Macron semble évacuer l’hypothèse du Panthéon. « Je n’ai aucun tabou pour faire entrer des femmes au Panthéon, je l’ai d’ailleurs fait à parité, avec Maurice Genevoix et Simone Veil. Mais je ne le ferai jamais sous la pression. Je rendrai un hommage à Gisèle Halimi, mais on ne doit pas considérer que la panthéonisation est la seule manière », élude-t-il.
En réalité, le chef de l’Etat a en tête une figure plus consensuelle : Joséphine Baker (qui entrera au Panthéon le 30 novembre 2021). La relative faiblesse des soutiens en faveur de Gisèle Halimi a convaincu l’Elysée de temporiser. « En accord avec sa famille, la nation lui rendra hommage début 2022 aux Invalides », réitère néanmoins Emmanuel Macron. Une promesse sans lendemain, une fois de plus.
Des dissensions familiales
Fin 2021, Emmanuel Faux, le benjamin de la fratrie, entre en contact avec l’Elysée pour faire état de ses divergences avec son frère Jean-Yves : il ne souhaite pas que la cérémonie soit organisée aux Invalides. Le froid bâtiment militaire ne résonne pas, à ses yeux, avec la vie de sa mère.
Une opinion partagée par Serge Halimi, mais ce dernier se garde d’intervenir dans le débat. Emmanuel Faux plaide alors en faveur du palais de justice de Paris, plus approprié, selon lui, aux combats menés par sa mère en tant qu’avocate. Ce dont le conseiller mémoire, Bruno Roger-Petit, convient.
« Toutes sortes de lieux ont déjà honoré ma mère. Sa mémoire et sa place dans l’histoire peuvent donc parfaitement se dispenser d’un discours d’hommage d’Emmanuel Macron. » Serge Halimi
Le 31 janvier, Patrick Strzoda prend la plume pour signifier à Jean-Yves Halimi que, en raison des « graves dissensions » entre les trois frères, aucune cérémonie ne peut être organisée. « Je ne peux que vous suggérer de vous mettre d’accord avec vos frères pour identifier un lieu qui permettra au chef de l’Etat de rendre à votre mère l’hommage que méritent ses engagements et de me faire connaître votre choix », griffe, dans un courrier au ton sec, le directeur du cabinet d’Emmanuel Macron.
Le hic, c’est qu’Emmanuel Faux et Jean-Yves Halimi ne se parlent plus. L’aîné trouve la proposition de son cadet « paresseuse ». « Aucun des procès célèbres » que leur mère a plaidé n’a eu lieu sur l’île de la Cité, défend-il. L’avocat charge le député macroniste de Paris Gilles Le Gendre de jouer les intermédiaires avec l’Elysée. En vain. « La décision d’un hommage, quels qu’en soient la forme, le moment et le lieu, appartient au seul représentant de la nation qu’est le président de la République et il ne saurait y avoir de “captation d’héritage” par la famille, dans laquelle naturellement je m’inclus », répond Jean-Yves Halimi à Patrick Strzoda, le 2 mars. Depuis, le canal est rompu.
Emmanuel Faux meurt d’un arrêt cardiaque, le 6 août, à 58 ans. Ses amis, journalistes ou pas, d’Europe 1 et d’ailleurs, lui rendent hommage, trois semaines plus tard, dans une cérémonie où son frère, Serge, prend la parole. Jean-Yves, lui, reste assis au dernier rang, muet. La situation est bloquée.
L’Elysée assure que, en l’absence de la « preuve irréfutable » qu’Emmanuel Faux se serait finalement rangé au choix des Invalides, rendre hommage à Gisèle Halimi paraît improbable. Plusieurs sources proches du dossier accusent Bruno Roger-Petit, proche de l’hebdomadaire réactionnaire Valeurs actuelles et partisan d’un rapprochement avec la droite culturelle, de freiner l’organisation de l’événement. Ce dont l’intéressé se défend, arguant que le différend familial empêche toute initiative.
Aucune perspective d’hommage officiel
« Il y a une sorte de cynisme de la part d’Emmanuel Macron et de l’Elysée à instrumentaliser les nuances pouvant exister entre les frères pour ne pas prendre leurs responsabilités à l’égard de la mémoire de Gisèle Halimi », estime pour sa part l’avocat William Bourdon, chargé par Jean-Yves Halimi, avec son confrère Jean-Pierre Mignard, de construire un dossier en faveur de la panthéonisation de la féministe.
« La façon dont le président de la République a justifié l’entrée de Joséphine Baker au Panthéon pour en écarter plus facilement ma mère, moins consensuelle, m’a paru relever du calcul politicien d’un candidat se souciant surtout de sa réélection », nous assure de son côté Serge Halimi dans un e-mail.
« Je ne vois pas pourquoi, à un moment où les Iraniennes et les Afghanes se battent, Gisème Halimi ne serait pas reconnue par la nation pour ce qu’elle a fait pour notre pays. » Elisabeth Moreno, ex-ministre
Le directeur du Monde diplomatique laisse toute latitude à l’Elysée pour prendre une décision. « L’entrée au Panthéon ne relève pas de moi, ne réclame pas mon accord et, à vrai dire, n’a pas une si grande importance, estime-t-il. Toutes sortes de lieux ont déjà honoré ma mère et le feront à l’avenir. Sa mémoire et sa place dans l’histoire peuvent donc parfaitement se dispenser d’un discours d’hommage d’Emmanuel Macron. »
Comme l’indique Philippe Bélaval, président des Monuments nationaux, le choix de panthéoniser une personnalité appartient « au secret de l’entourage du président de la République et de son cœur, c’est sa prérogative ». Le 18 octobre, Emmanuel Macron a reçu, le temps d’un déjeuner, des proches de l’ancien président du Conseil Pierre Mendès-France. Un rendez-vous lors duquel a été évoquée la perspective de faire entrer dans le monument de la montagne Sainte-Geneviève l’ancien héraut de la gauche modérée. Comme si Gisèle Halimi était déjà oubliée.
Le 2 novembre, le peintre Pierre Soulages, lui, a eu droit à un hommage national au Louvre. Tout juste une semaine après sa mort. « Je ne vois pas pourquoi, à un moment où les femmes iraniennes ou afghanes se battent, où les Etats-Unis reculent sur le droit à l’avortement, cette femme ne serait pas reconnue par la nation pour ce qu’elle a fait pour notre pays », s’émeut l’ancienne ministre Elisabeth Moreno. Aucune perspective d’hommage n’a été dessinée dans le communiqué publié par l’Elysée, le 8 novembre, pour les 50 ans du procès de Bobigny.
« Je suis frappée de voir qu’on refuse Gisèle Halimi, après que François Hollande en a fait de même avec Olympe de Gouges, s’indigne la philosophe Geneviève Fraisse, spécialiste de la pensée féministe. Qu’ont-elles en commun ? D’être “impures”, d’avoir fauté, l’une sur la guerre d’Algérie, l’autre car elle ne souhaitait pas que Marie-Antoinette soit guillotinée. A la place, on va chercher des femmes qui cochent les bonnes cases, des résistantes, comme Joséphine Baker. Les hommes ont droit à la faute, pas les femmes. » « Aux grands hommes la patrie reconnaissante », proclame le Panthéon sur son fronton. Comme un rappel involontaire que les femmes figurent souvent parmi les oubliées de l’histoire.
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