On n’est pas au Djurdjura, ni au M’Zab, mais c’est tout comme. Certains scientifiques considèrent la région du Chenoua comme une zone berbère capitale, pour ne pas dire la plus importante de l’Algérie centrale. Au plan linguistique, soulignent-ils, elle partage les traits caractéristiques des parlers de l’Algérie centrale ainsi que la plupart des parlers traditionnels qualifiés de « Zénètes ». Ce vecteur langue, est incontournable pour l’environnementaliste de terrain, même s’il tente de l’ignorer. Partout où il passe, la toponymie chenouie l’interpelle. Plus que cela, cette langue qu’on ne commence à mieux apprécier que parce qu’elle s’effiloche sérieusement- est une clé pour décoder bon nombre de questions. C’est d’ailleurs pour cela que les travaux de recherches modernes sont abordés par des équipes pluridisciplinaires. Sur bon nombre d’aspects, le Chenoui se rapproche plus des parlers chaouis que ceux de la Kabylie. De même qu’avec les Mozabites, la communication n’est pas ardue. Hélas, les mutations sociales intervenues depuis l’Indépendance et même avant, l’exode rural et les brassages des populations s’avèrent non favorables à l’épanouissement de cette langue utilisée, jadis, de la région de Bou-smaïl à Hadjout et de Tipaza jusqu’aux environs de Ténes en passant par Cherchell et tout le massif du Dahra. Chaker, un spécialiste de la question, estime également que la situation sociolinguistique actuelle de la région est mal connue. Il conclut : « L’habitat étant traditionnel et assez dispersé a rendu plus fragile et perméable les influences linguistiques externes.» À de rares exceptions, seuls les Chenouis qui demeurent encore fixés dans la campagne de ce massif parlent encore cette langue. Celle-ci est en train de s’éteindre dans l’indifférence avec la disparition de la génération ancienne. De timides écrits et tentatives sur la question ont vu le jour, ces dernières années. De tout temps « ce travail a été très incomplet ». On se réfère néanmoins encore à une étude de 1912, d’un certain Laoust sur « Le dialecte berbère du Chenoua ». Depuis une dizaine d’années, un attachement à cette langue et sa culture berbère se manifestent à travers la chanson moderne comme l’a fait le groupe Ichenwiyen, avec une présence plus ou moins régulière aux activités des associations berbères algériennes.
Resté à l’état sauvage, le mont Chenoua qui s’étale sur plus de 160 km de Tipasa jusqu’à Ténès, a une population dont le mode de vie est considéré comme un vestige du patrimoine culturel et historique national, tout en mettant en évidence, son importance sur le plan nord-africain par excellence, depuis la nuit des temps. Les ruines romaines de Tipasa, ne sont exploitées qu’à raison de 30% de leur richesse matérielle et immatérielle globale. La ville de Cherchell, avec ses vestiges qui datent depuis des siècles, et qui dégagent jusqu’à présent les signes de vie du peuple berbère qui a défié la puissance romaine par le passé. Aussi, les bourgades comme Sidi Ghilès, Tardjilet, Souk Akdhim (Ancien marché), Nador, Gouraya, Damous, Béni Haoua, Sidi Amar, El Hammadia, Meslmoune et plus, regorgent de paysages naturels dignes de célèbres régions du monde et rappellent de près des similitudes linguistiques, culturelles et traditionnelles avec la Kabylie dans toutes ses dimensions. Chaque nom de village ou de ville, porte une signification berbère qui démontre l’éveil de conscience et l’importance des actions relatives au contexte historique de la population de la région du Chenoua.
La baie du Chenou, où se jette l’oued Nador, est bordée, dans sa partie ouest, par le massif du Chenoua, et la partie Est par Tipaza.Tout son fond est occupé par une plage de sable fin. Une osmose existe entre elle et l’oued. Les apports liquides de ce dernier sont de l’ordre de 28 millions de m3 par an. Cette zone est connue par son fort hydrodynamisme dû à un courant côtier. Cela s’explique par certains affleurements de son « plancher » et des nombreux rochers. C’est le cas notamment des zones se trouvant en face du massif. Elles se caractérisent par l’étroitesse du plateau continental, ce prolongement de 4 km de la terre ferme dans l’eau avant d’aller vers les abysses. On y trouve essentiellement 3 plages. Celle des galets qui s’étend sur 120 m de long et une quinzaine de large, celle du sable fin (appelée Chenoua plage) qui est plus importante que la précédente puisqu’elle s’étire sur 285 m pour une largeur de 15 à 50 m, et enfin la plage de l’embouchure qui, elle aussi, est constituée de sable fin, mais s’allonge sur 590 m pour une bande de 18 à 26 m de large.
Posté Le : 21/05/2018
Posté par : litteraturealgerie
Source : http://niarunblogfr.unblog.fr/plages-et-cotes-dalgerie/chenoua-fierte-des-habitants-de-tipaza/
Tipaza: La région du Chenoua creuset d'une culture amazigh somptueuse.
La Nouba des Femmes du Mont Chenoua - نوبة نساء جبل شنوة - Assia Djebar (1977)
Commentaire de
Wassyla Tamzali
Wassyla Tamzali
Universel parce que personnel. S’il est un film qui porte la marque de l’ONCIC des années 1970 c’est bien La Nouba. Il y avait là des administrateurs (pas tous mais presque) amoureux du cinéma. De Boudj K. à Yazid K en passant par Farouk B et Mustapha A., de Abdou B. à Khair-Eddine A., sans oublier Ahmed Hocine directeur de la Cinémathèque et Laghouati, le patron/ami, tous étaient tombés dedans.
C’était aussi le temps où le Cinéma /Monde se pressait à Alger. Nous ne voulions pas être en reste, nous étions convaincus que nous allions donner naissance au Cinéma Algérien, comme nos amis, les cubains, les allemands, les argentins, les brésiliens. Pour cela il y avait un besoin urgent de talent. L’appareil de la production nationale avec humilité était à la recherche des cinéastes à venir. Maintenant ils sont là, ils sont nombreux et frappent aux portes closes. Qui accepterait aujourd’hui avec la déférence due à un grand écrivain un projet de film expérimental et « autofictionnel » ? Laghouati et son équipe, à laquelle je participais avec la vague fonction de conseil juridique, accompagnèrent Assia dans son aventure sans rien lui refuser. Le premier film algérien fait par une femme ne sera pas,- tant pis !-, sur le travail des femmes dans la reconstruction socialiste, ni un film triomphaliste sur l’héroïsme des Djamila, ni un film sur l’émancipation des femmes.
Dans l’Algérie post coloniale, en pleine Révolution agraire et socialiste, un ovni naîtra, le premier film « personnel » de la cinématographie algérienne, comme lui reprochèrent les jeunes femmes de la Cinémathèque à la Première du film. Aussi 35 ans après ce film est toujours là...pour ceux qui peuvent le voir sur un des DVD piratés qui circulent
Le film d’Assia n’est pas un film de « circonstances », de cette manière qui marque jusqu’à aujourd’hui la vie Algérienne, politique comme culturelle. Tant de films algériens se sont défaits dans notre mémoire dès que les slogans politiques qui les ont procréés ont disparus. Nouba est un film intemporel/universel qui s’adresse à tous, ici et ailleurs, hier aujourd’hui et demain.
Un film qui fait l’objet de nombreuses recherches et études dans les universités et écoles de cinéma aux USA comme en Europe. Et d’abord un film, comme dit Pasolini qui distrait de la culture de distraction, un film ignoré dans son pays. La Culture avec un « C » majuscule, à contre courant de la culture du spectacle. « Le spectacle est le mauvais rêve de la société moderne enchaînée, qui n’exprime finalement que son désir de dormir. » pour le dire comme Guy Débord sur l’après 68 ( La société du Spectacle. Gallimard).
Assia Djebar ne nous endort pas. Elle nous prend par la main,- il faudrait dire par les yeux et l’ouïe -, nous fait traverser les barrières du temps et nous éveille peu à peu à nous même par delà la gangue des discours officiel et de cette identité « meurtrière » dans laquelle nous étions enfermés. Avec Leïla l’héroïne du film, je dirais Leïla/Assia, nous remontons le temps et le Mont Chenoua, les montagnes de l’enfance de la réalisatrice. Leila part à la recherche du frère mort pendant la guerre de libération, mais ce sont les femmes qu’elle rencontre, les héroïnes invisibles, les paysannes et leurs souvenirs des années 54/62. Et plus loin encore les aïeules de 1841/1871. Par la voix des femmes nous pénétrons notre histoire.
Deux traitements filmiques. Un documentaire avec les voix, les regards et les silences des paysannes comme langage, un travail réussit car il est profondément imprégné par la réalisatrice, et en même temps par sa retenue, son effacement. Une évocation subjective du passé qu’Assia assume en historienne. Car Assia est historienne. Est-ce cela qui l’a rend si sensible à la mémoire ? Où est-ce le cinéma dont le sujet principal est le temps comme le dit souvent Marguerite Duras, qui fait d’elle l’historienne de la mémoire des femmes ?
Un film difficile, boudé à Alger et primé à Venise, et dont la lecture conduit à une tension inhabituelle au spectateur algérien que les films algériens avaient habitués à une grande paresse. Qui s’en plaignait ? Les spectateurs de Leila et les autres » de Sid Ali Mazif (RTA/ONCIC 1978), ceux de « Vent du Sud » de Slim Riad (ONCIC 1972) ? De ce dernier film signalons tout de même qu’il donne au cinéma algérien son premier plan sur une jeune fille presque nue. Et oui ! En 1972 la messe islamo-conservatrice n’était encore dite.
Ce film c’est aussi un regard sans complaisance sur ce qui fait habituellement et exclusivement d’une femme une mère et une épouse. Ici Assia est sans concession.
Notes de tournage, Tipaza-Mars 1977. Dans la scène où Leila met sa fille au lit. Instructions à la comédienne : « Tu n’as pas de sentiment maternels. Pas de baisers. Tu la mets au lit, tu t’en débarrasses ». À mes questions elle dira, « Il faut considérer la femme en dehors du mythe de la mère ». Quand au mari, il est dans une chaise roulante. Le film tourne autour d’un lit vide, Ali tombe après avoir vainement essayé d’entrer dans la chambre. Sans commentaires.
C’est à partir de cette scène et du livre de Aïcha Lemcine où le héros et fiancé est tué, à partir de ces deux œuvres, les seules réalisées par des femmes après l’indépendance que je m’interroge dans Algérie Actualité, le 8 mars 1979, « faudra-il tuer les hommes ou les mettre dans une chaise roulante pour obtenir enfin notre liberté ? ».
Assia Djebar
Chevalier de la Légion d’Honneur, Commandeur des Arts et Lettres, Membre de l’Académie française. Ecrivain et cinéaste :
De son vrai nom Fatima Zohra Imalayène, née le 30 juin 1936 à Cherchell (Algérie). Première élève maghrébine admise à l’Ecole Normale supérieure de Sèvres en 1955. Professeur à la faculté d’Alger : d’histoire 1962-1965, de littérature française et de cinéma 1974-1980. En 1977, elle réalise La Nouba des Femmes du Mont Chenoua, long métrage de deux heures, produit en arabe et en français par la télévision algérienne.
Elle publie son premier roman La Soif à l’âge de 21 ans, et sera l’auteur d’une quinzaine de livres, romans, nouvelles et essais confondus.
Elle continuera son travail de cinéaste avec un long métrage documentaire La Zerda et les Chants de l’oubli, présenté en 1982 par la télévision algérienne et primé au Festival de Berlin comme « meilleur film historique » en janvier 1983.
Elle meurt le 6 février 2015 à Paris.
Assia Djebar
.
La Zerda et les chants de l'oubli - Assia Djebar
.
https://tipaza.typepad.fr/mon_weblog/2020/08/la-zerda-ou-les-chants-de-loubli-assia-djebar.html
.
Les commentaires récents