-La première visite de la nouvelle présidente du Conseil italien Giorgia Meloni en Algérie sera à même d’affirmer le partenariat stratégique liant les deux pays, après l'arrivée au pouvoir de l'extrême-droite à Rome.
La visite de la présidente du Conseil italien Giorgia Meloni à Alger ce 22 janvier représente une affirmation du processus emprunté par son prédécesseur, Mario Draghi, en pariant sur le gaz algérien afin de remplacer le gaz russe, et ce après la crise énergétique enclenchée par la guerre en Ukraine.
La visite de Meloni en Algérie sera à même de dissiper toute équivoque ou autre doute quant à la poursuite du partenariat stratégique entre Rome et Alger, après la chute de la gauche italienne et la montée au pouvoir de l'extrême-droite.
L'Algérie avait toujours fait preuve de prudence face à la montée de l'extrême-droite et des partis populistes au pouvoir en Europe, en particulier en Italie. Toutefois, l'ampleur des intérêts entre les deux pays, notamment dans le secteur de l'énergie, se place désormais au-dessus de toute idéologie.
Ainsi, la visite de Meloni à Alger revêt une importance particulière dans la mesure où elle définira les contours du partenariat entre les deux pays pour la prochaine étape, non pas uniquement dans le secteur du gaz mais aussi dans ceux des énergies renouvelables, de l'industrie automobile, de la coopération militaire, de l'agriculture et du bâtiment et des travaux publics.
Bien qu'il s'agisse de la première visite de Meloni depuis son accession à la présidence du gouvernement, il y a de cela trois mois, il n'en demeure pas moins qu'elle rencontrera le président algérien Abdelmajid Tebboune, pour la deuxième fois, et ce après leur premier entretien dans la ville égyptienne de Charm el-Cheikh au mois de novembre dernier, en marge du Sommet mondial sur le climat.
- La Stratégie du gaz et de l'énergie
Le principal dossier au sujet duquel Meloni s'entretiendra avec le président Tebboune, au cours de sa visite en Algérie les 22 et 23 janvier, sera axé sur l'accroissement de l'approvisionnement de l'Italie en gaz algérien, selon le volume convenu, soit 9 milliards de mètres cubes, et ce sur fond de la concurrence engagée par plusieurs pays européens pour acquérir le gaz algérien.
Il convient de rappeler que les approvisionnements en gaz algérien vers l'Italie sont passés de 21 milliards de mètres cubes en 2021 à 25 milliards de mètres cubes en 2022, et ce volume devrait atteindre les 30 milliards de mètres cubes entre 2023 et 2024.
L'Algérie ambitionne de hausser ses exportations gazières de 56 milliards mètres cubes actuellement à 100 milliards de mètres cubes en 2023.
Ce palier paraît élevé en ce moment, ce qui incite l'Algérie à obtenir l'appui du géant de l'énergie italienne, la compagnie ENI, à travers l'augmentation de ses investissements dans le domaine de l'exploration, de la production et de l'exportation du gaz naturel.
Il est attendu que Meloni discute avec Tebboune de sa proposition portant de faire de l'Italie un hub de distribution du gaz algérien en Europe, au lieu de l'Espagne.
Cette visite devrait également relancer le projet du Gazoduc Galsi (Gazoduc Algérie – Sardaigne – Italie), reliant l'Algérie à l'île italienne de la Sardaigne, dès lors que le Gazoduc Enrico Matteti, qui traverse la Tunisie, est sur le point d'atteindre sa capacité maximale, soit le volume de 32 milliards de mètres cubes.
Ajoutons à cela le fait que le Gazoduc reliant l'Algérie à l'Italie via la Tunisie atteint la Slovénie qui s'emploie à l’étendre jusqu'à la Hongrie, qui vise à son tour à s'approvisionner en gaz algérien.
Rappelons que l'Italie avait suspendu l'importation du gaz russe, qui représentait 45% de ses importations, parallèlement à l'insuffisance des exportations depuis l'Algérie pour satisfaire la demande européenne, ce qui rend probable l'examen d'un soutien à apporter à la construction d'un Gazoduc transsaharien pour transporter le gaz du Nigeria vers l'Europe.
Cela renforcera les chances de construction de GALSI, dont la capacité oscillera entre 8 et 10 milliards de mètres cubes annuellement, et qui pourrait être utilisé pour l'exportation de l'hydrogène vert.
Il n'est pas exclu également que Tebboune remet à nouveau sur le tapis le dossier de l'exportation de l'électricité à travers l'aménagement d'un câble marin entre les deux pays, d'autant plus que l'Algérie dispose d'un surplus de pas moins de 8000 mégawatts.
- La construction automobile
L'Algérie vise à renforcer sa coopération avec l'entreprise italienne d’industrie automobile FIAT, afin de construire une usine et ce, après le succès mitigé du partenariat avec l'entreprise française Renault.
L'Algérie avait signé au mois d'octobre dernier avec le groupe FIAT un accord pour la l'établissement d'un projet de construction automobile dans la province d'Oran (ouest).
Cette usine permettra d'octroyer une quote-part importante du marché algérien à l'entreprise italienne, au vu de la réduction par l'Algérie de ses importations de véhicules neufs depuis 2017, ce qui a provoqué une hausse de la demande qui a dépassé l'offre, générant une augmentation des prix.
Ainsi, le dossier de la construction automobile italienne en Algérie représente l'un des enjeux véritables de la visite des Meloni afin de diversifier le partenariat entre les deux pays, hors hydrocarbures.
Cela permettra aussi l'entrée sur le marché algérien d'autres entreprises italiennes spécialisées dans les pièces de rechange, et ce dans le cadre de la sous-traitance.
- Un accès vers l'Afrique
Meloni s'emploie également à ce que les produits italiens trouvent une place dans le marché africain, à travers l'Algérie, et ce via l'encouragement des compagnies italiennes à investir dans ce pays, dans une première étape, avant de se lancer vers la conquête d’autres marchés africains notamment subsahariens.
L'ambassadeur italien à Alger, Giovanni Polizzi, a déclaré à ce propos que « l'Algérie pourrait représenter pour les entreprises italiennes une porte d'accès au marché africain, qui se caractérise par son taux de croissance élevé et rapide ».
De plus, l'Algérie est intéressée par l'expérience des petites et moyennes entreprises (PME) italiennes qui représentent 90% du tissu productif de ce pays du sud de l’Europe.
En effet, l'Algérie s'emploie à tirer bénéfice de l'expérience italienne afin d’encourager ses jeunes à créer des PME, non pas seulement pour absorber le taux de chômage mais aussi pour hausser la croissance et développer son économie.
Les industries agroalimentaires, la pêche, l'industrie pharmaceutique et les énergies renouvelables sont autant de secteurs qui suscitent l'intérêt des Italiens, d'autant plus que le coût bas de l'énergie en Algérie compresse les coûts et les charges et augmente les bénéfices.
- Coordination dans le dossier libyen
Les positions d'Alger et de Rome dans le dossier libyen convergent à travers leur volonté d'assurer une stabilité dans ce pays, à travers l'organisation d'élections qui mettront un terme à la crise de légitimité et à la scission dans ce pays pétrolier, et ce malgré des priorités diverses.
Meloni est plus intéressée d'empêcher un déferlement des immigrants clandestins vers son pays depuis les côtes libyennes ainsi que par l'augmentation de l'écoulement du gaz libyen pour remplacer le gaz russe.
Quant à l'Algérie, la stabilité de la Libye signifie une sécurisation de ses frontières sud-ouest et l'augmentation de ses exportations hors hydrocarbures vers son voisin.
Aussi bien Rome qu’Alger soutiennent le gouvernement d'Union nationale à Tripoli, présidé par Abdelhamid Dbeibeh, et ne reconnaissent pas le gouvernement de Fathi Bachagha choisi par la Chambre des députés de Tobrouk.
Meloni avait fait part de son souhait de travailler et de collaborer avec Dbeibeh et de renforcer les relations bilatérales pour faire face aux défis communs, et ce dans sa réponse au message de félicitations envoyé par le chef du gouvernement libyen après son élection.
In fine, l'Italie et l'Algérie sont liées par plusieurs dossiers et enjeux communs, aussi bien économiques que politiques.
Rome est en mesure d'exploiter la situation internationale et régionale pour se repositionner en Algérie, à travers le renforcement des échanges commerciaux, reprendre à l’Espagne ses quotes-parts dans le marché algérien, concurrencer la Chine en tant que premier partenaire commercial de l'Algérie, voire obtenir des contrats d'armement à la lumière des pressions américaines exercées sur l'Algérie pour réduire ses importations militaires depuis la Russie.
La coopération entre les deux pays pourrait servir les intérêts de l'Italie qui vise à garantir sa sécurité énergétique en s'approvisionnant en gaz algérien, à se transformer en un centre de distribution du gaz algérien et nigérian vers l'Europe et à renforcer sa présence dans le marché algérien pour s'étendre par la suite vers l'Afrique.
*Traduit de l'arabe par Hatem Kattou
Mustapha Dalaa |22.01.2023
https://www.aa.com.tr/fr/analyse/meloni-%C3%A0-alger-les-contours-du-partenariat-strat%C3%A9gique-avec-litalie-analyse/2794496
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