À l’initiative des communistes vénissians, une délégation s’est rendue en Algérie, à l’occasion des 60 ans de l’indépendance du pays.
La délégation vénissiane, forte d’une quinzaine de personnes, au départ de l’aéroport Saint-Exupéry, le 23 novembre dernier. Photo D.R.
Des moments forts et des rencontres importantes, on peut dire qu’ils en ont vécu, les quinze Vénissians partis en Algérie, à l’initiative de la section locale du Parti communiste. Le voyage s’est déroulé du 23 au 27 novembre et Serge Truscello était de ceux-là. Le secrétaire de la section vénissiane était accompagné de plusieurs élus : Pierre-Alain Millet, Marie-Christine Burricand, Véronique Forestier, Amel Khammassi, Samira Mesbahi, Sophia Brikh, Nacer Khamla, Aurélien Scandolara…, ainsi que l’écrivain Michel Sportisse, fils d’un membre influent du Parti communiste algérien. À leurs côtés également, Bernard Deschamps, grand connaisseur du pays, qui fut député communiste du Gard.
« C’était un voyage mémoriel, explique Serge Truscello. Vénissieux est une ville dont beaucoup d’habitants ont des origines algériennes. Nous n’avons pas vécu concrètement cette période, nous avions envie de recueillir des témoignages. Et nous voulions savoir comment vivaient aujourd’hui les Algériens. »
UNE VOLONTÉ DE NE PAS GOMMER
Le voyage s’est concentré sur Alger, avec une petite escapade à Tipaza, à une soixantaine de kilomètres de la capitale. Première rencontre importante : celle avec quelques vieux moudjahidines, survivants de la lutte pour l’indépendance. « Le jeudi matin, nous avons rencontré l’organisation de la Zone autonome. C’était un moment fort, avec des témoignages, des photos, des souvenirs des combattants. Les moudjahidines ont une capacité à se rappeler les dates, les faits, les noms. Ils montrent une volonté très forte de ne pas gommer. Le secrétaire général du ministère des moudjahidines nous a accompagnés pendant tout le voyage et nous a amenés dans un endroit plus officiel de la guerre, un bâtiment où vivaient à l’époque les généraux français, dont Massu. Nous sommes aussi allés sur les tombes des combattants et sur celle de Fernand Iveton. »
Rappelons que ce militant communiste français, rallié au FLN, voulait saboter l’usine à gaz dans laquelle il travaillait, en prenant soin de faire éclater la bombe à une heure où il était sûr que l’usine serait vide. Intercepté avant que l’explosion n’ait lieu, il est arrêté, torturé et guillotiné en 1957, dans la cour de la prison Barberousse (aujourd’hui Serkadji). La délégation s’est d’ailleurs également rendue dans cette prison, où une soixantaine de détenus furent guillotinés pendant la guerre d’indépendance. « C’était prenant de pénétrer dans les cachots, témoigne Serge Truscello. Nous étions accompagnés par le sénateur Mostefa Boudina, qui est le président de l’association des anciens condamnés à mort. Ce fut un moment très fort ! »
Les Vénissians ont également parcouru la Casbah, là où eut lieu la bataille d’Alger en 1957. « Les moudjahidines qui nous guidaient avaient des souvenirs ici et là. Nous avons traversé la Casbah jusqu’au mémorial d’Ali la Pointe, du nom du combattant du FLN. Nos accompagnateurs avaient des approches historiques différentes et des désaccords et chacun montrait une volonté très forte de retracer la guerre. Ainsi, nous pouvions mieux percevoir ce qui avait pu se passer, comment ils l’avaient vécu et comment ils continuaient à le vivre. »
Parmi les autres visites, citons encore le monument aux martyrs, le musée des Beaux-Arts et le jardin d’essai du Hamma, « extraordinaire » selon les Vénissians.
DES RENCONTRES STUPÉFIANTES
Sur son Facebook, Pierre-Alain Millet évoque encore des rencontres stupéfiantes : celle avec un moudjahidine qui, en pleine guerre, fut caché à Vénissieux par un élu. Ou celle avec Ghafir, surnommé « Clichy » pendant la guerre d’indépendance, qui évoque les 17, 18 et 19 octobre 1961. Le 17, rappelle-t-il, eut lieu à Paris une manifestation pacifique en famille. Le 18, ce fut la fermeture des commerces algériens et, le 19, la mobilisation des femmes devant les commissariats pour la libération des militants qui seraient arrêtés. L’élu vénissian conclut : « Le choix de la violence criminelle par Michel Debré, pour faire capoter les négociations en cours conduites par Louis Joxe à la demande de De Gaulle, a transformé le 17 octobre en véritable crime de guerre. »
Le groupe fut ensuite invité par la première femme ayant été nommée à un poste important de la wilaya d’Alger, occasion d’évoquer la situation politique du pays, les orientations du gouvernement en ce qui concerne les transports ou le logement, etc.
Au cours de ce voyage, il fut aussi question du hirak, ce mouvement d’opposition au cinquième mandat de Bouteflika. « J’ai l’impression, remarque Serge Truscello, que le mouvement s’est apaisé mais c’est difficile à évaluer. En Algérie, le syndicalisme est très faible. Certains éléments montrent que le pays veut gagner une image internationale. Ainsi, la réunion des états arabes vient de se tenir à Alger et l’Algérie postule pour entrer dans la BRICS, cet ensemble de pays qui réunit le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine… Il a fallu du temps pour se remettre des années noires. Aujourd’hui, l’Algérie évolue et le pouvoir retrouve de l’ambition. Nous avons beaucoup discuté. Ainsi, les Algériens reprochent à Macron son attitude néocolonialiste. Ils sont attentifs à ce qui peut se dire de l’autre côté de la Méditerranée. Quand Macron dit que l’Algérie est née avec la colonisation, c’est une absurdité. La culture est très ancienne et les ruines de Tipaza, que nous avons visitées, le prouvent bien. »
Dernière surprise pour les Vénissians : la présence des médias. Dès l’arrivée, une chaîne de télé est venue les interviewer et les radios et les journaux n’ont cessé de relayer leur parcours. À présent, le groupe rassemble les photos du voyage et les articles de presse qui y ont été consacrés. Le but étant d’organiser, en janvier à Vénissieux, une soirée de témoignages.
https://www.expressions-venissieux.fr/2022-11-30-voyage-en-algerie-des-moments-tres-forts/
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