Pour assurer des exportations d’armement vers l’Egypte, l’Etat français a relégué ses diplomates au second plan. Au cœur de cette stratégie mercantile, le ministre de la défense puis des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, et l’Etat-major des armées.
Une enquête du site Disclose
Sur les rives du canal de Suez, le 6 août 2015, Abdel Fattah Al-Sissi ne cache pas son enthousiasme. Le maréchal égyptien se laisse aller à la confidence lors d’un tête-à-tête avec François Hollande : « Lorsque l’Egypte s’était retrouvée au bord du chaos, la France avait été le seul parmi ses grands partenaires occidentaux à comprendre la situation et à la soutenir. ».
Ce soutien à l’un des régimes les plus répressifs au monde est né dans les couloirs de l’Etat-major des armées, au lendemain du coup d’Etat d’Al-Sissi, en juillet 2013. Une « diplomatie des armes » qui, sous le prétexte de la lutte antiterroriste, a conduit l’appareil d’Etat à se mettre au service de la dictature, comme le révèlent des dizaines de documents classés « confidentiel-défense » obtenus par Disclose.
Le 14 novembre 2013, quelques mois après l’arrivé au pouvoir des militaires, soucieux de ne pas manquer ce qui s’annonce comme une aubaine commerciale pour l’industrie de l’armement tricolore, l’Etat-major des armées organise la manœuvre.
Le sommet de la hiérarchie militaire remet une note à la direction de la coopération de sécurité et de défense du ministère des affaires étrangères. « Le ministère de la défense [égyptien], fort d’une autonomie financière estimée à plus de 10 milliards d’euros (…) a pour objectif immédiat de moderniser tant ses matériels que ses infrastructures avant qu’un nouveau pouvoir démocratique ne lui demande éventuellement des comptes. » Traduire : il faut se mettre en ordre de bataille avant que des civils ne reviennent au pouvoir.
« Le ministère de la défense [égyptien] attend des signes forts de la part de la France, affirme aussi le commandement militaire. Des pays ont d’ailleurs été écartés de certains prospects d’armement à cause de leur position politique trop prononcée à l’égard de l’Egypte. » Le message est limpide : pour vendre des armes, il faut fermer les yeux sur la répression du régime.
Note de l’Etat-major des armées « Notre relation de défense peut se développer en saisissant les opportunités en matière de [soutien aux exportations d’armements]. »
Le principal artisan de cette diplomatie secrète se nomme Jean-Yves Le Drian. De visites officielles en réunions bilatérales, le ministre de la défense de François Hollande, nommé aux affaires étrangères par Emmanuel Macron en 2017, va appliquer à la lettre les préceptes édictés par l’Etat-major des armées. Avec des résultats quasi immédiats. Entre 2014 et 2015, le VRP de l’armement français décroche la vente de corvettes Gowind, de deux frégates multi-missions et du premier contrat à l’export pour l’avion de chasse Rafale. Des contrats qui s’élèvent à plusieurs milliards d’euros.
Dès lors, la marque des militaires va teinter l’ensemble des relations franco-égyptiennes, éclipsant les diplomates et Laurent Fabius, alors ministre des affaires étrangères.+
« AIDER L’ÉGYPTE À ASSURER SA STABILITÉ »Printemps 2015, Laurent Fabius s’apprête à recevoir le premier ministre égyptien, Ibrahim Mahlab. Un rendez-vous dont l’Etat-major des armées n’entend pas être mis à l’écart. Le 17 avril, ce dernier transmet une note au ministre sur laquelle sont mentionnés les points prioritaires à aborder le jour J. D’abord, le ministre devra garder à l’esprit que « l’un des principaux canaux d’influence diplomatique pour la France » repose sur « la coopération avec l’appareil militaire du pays ».
Selon les éléments de langage fournis, Laurent Fabius devra se cantonner à évoquer « l’attachement [de la France] à développer une coopération militaire » avec le régime. D’autant plus, précise l’Etat-major, que l’Egypte « attend des signes forts d’accompagnement technique, opérationnel voire stratégique de la part de la France ». L’urgence de cette coopération est justifiée par une formule vague qui va devenir le mantra des gouvernements français successifs : « Nous devons aider l’Egypte à assurer sa stabilité et à lutter contre le terrorisme. »
Afin d’entériner définitivement la stratégie adoptée par la France, Jean-Yves le Drian s’envole pour Le Caire en juillet 2015. Lors d’une rencontre avec son homologue égyptien, Sedki Sobhi, il esquisse l’opération Sirli (voir notre enquête).Les années qui suivent montreront que la mission débutée secrètement en 2016, va dévier rapidement de son objectif antiterroriste pour devenir un outil au service de la terreur. Car la véritable ambition de cette mission secrète est de maintenir un dialogue quotidien et ininterrompu avec le client égyptien, comme le dévoile une note de la direction du renseignement militaire (DRM) datée de 2019.
Note du 22 janvier 2019 « La direction du renseignement militaire accompagne et exploite la relation initialement portée par des prospects industriels. »
Dans ce contexte, les diplomates sont priés de taire leurs critiques sur une « répression implacable qui offre des opportunités de recrutement aux mouvements djihadistes locaux», d’après une Note du Centre d’analyse de prévision et de stratégie (CAPS) datée du 3 aout 2016.
La diplomatie des armes et son alibi, la lutte antiterroriste, écrase tout débat, même ceuxdes réunions « secret-défense » de la Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG). Au printemps 2016, ladite commission, qui réunit des représentants de l’Elysée, de Matignon ainsi que du ministère de la défense, de l’économie et des affaires étrangères, est chargée d’examiner des demandes d’exportations d’équipements militaires vers l’Egypte
Le jeudi 7 avril 2016, la CIEMMG se réunit pour statuer sur l’envoi d’un véhicule blindé Titus, qui doit servir à une démonstration en Egypte. Le quai d’Orsay prononce un avis défavorable, « en raison de l’utilisation potentielle de ce type de véhicule pour des missions de maintien de l’ordre ». Une position à l’opposé des représentants de la défense et de l’Elysée qui assurent que cette « version du Titus ne correspon[d] pas à celle prévue pour le maintien de l’ordre ». L’argument fait mouche : la CIEMMG rend un « avis favorable », selon le compte rendu fait par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).
Le même schéma se reproduit à l’identique le 26 mai 2016, au sujet d’une demande d’exportation pour 25 véhicules blindés Bastion armés de tourelles. Le dossier présenté par la société Arquus (ex-Renault Trucks Defense) représente un marché de 34,3 millions d’euros.
Là encore, le quai d’Orsay rend un avis défavorable, craignant que les blindés puissent « être utilisés pour des actions de répression interne ». Des inquiétudes balayées d’un revers de la main par le cabinet de Jean-Yves Le Drian. Ce dernier assure que les Bastion sont « destinés à des unités déployées dans le Sinaï et contribu[ent] à la lutte contre le terrorisme ». Malgré l’absence d’éléments étayant cette affirmation, le cabinet du premier ministre, Manuel Valls, autorise leur exportation. « Au vu des relations entretenues avec l’Egypte, la ligne de conduite vis-à-vis de ce pays reste inchangée », justifie Matignon dans la décision rendue le 1er juin.
Note de la SGDSN du 1er juin 2016 « Le ministère des affaires étrangères et du développement international avait signalé que ces équipements pouvaient potentiellement être utilisés pour des actions de répression interne. »
MACRON ALERTÉ PAR LES DIPLOMATES
Les cinq années de Jean-Yves Le Drian au ministère de la défense l’ont rendu absolument incontournable. A tel point qu’il est nommé au quai d’Orsay par Emmanuel Macron dès le lendemain de son élection, en mai 2017.Un choix « judicieux », commentent les autorités égyptiennes, selon l’ambassade de France au Caire.
Une nomination d’autant bien accueillie par les Egyptiens que Jean-Yves Le Drian va conserver son rôle de « leader » de la diplomatie des armes, comme il le fait savoir au ministre Sedki Sobhi, le 8 juin 2017. Ce jour-là, pour son huitième voyage au Caire depuis le coup d’Etat, il confie d’après une note datée du 8 juin 2017 à son ancien homologue à la défense qu’il « continuerait de suivre cette problématique des équipements et ceux d’autant qu’il détenait l’historique des trois dernières années ».
Désormais placés sous l’autorité de Jean-Yves Le Drian, les diplomates sont mis à contribution. Ils édictent par exemple un « guide du pouvoir » afin de faciliter les échanges avec le régime. « La mobilisation de l’ensemble de nos réseaux (militaires, de renseignement, économique) est nécessaire en vue d’améliorer l’accès au secteur de l’économie militaire », martèle également Stéphane Romatet, alors ambassadeur de France en Egypte, en octobre 2017.
Dans les faits, la doctrine brandie pour justifier les ventes d’armes, le fameux « combat commun contre le terrorisme », ne fait pourtant plus illusion. La direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) déplore [3] que le ministère de l’intérieur égyptien soit « très réticent à fournir des éléments concernant des nationaux égyptiens, et cela quel que soit leur degré d’implication dans une activité terroriste ».
Quant aux informations fournies sur les salafistes français résidant en Egypte, elles sont jugées « peu satisfaisantes » par les services secrets. Au Caire, les diplomates vont jusqu’à informer Emmanuel Macron, quelques jours avant sa première visite officielle, des effets « contre-productif » de « l’usage de méthodes violentes et souvent indiscriminées » dans la lutte antiterroriste. Concrètement, la terreur d’Etat d’aujourd’hui risquerait de nourrir des organisations terroristes de demain. .
Même les Etats-Unis, allié historique de l’Egypte, signale [5] au quai d’Orsay, par l’intermédiaire de David Satterfield, alors secrétaire d’Etat au Proche-Orient et ancien chef de la force d’observation internationale au Sinaï, que « les forces armées égyptiennes [ne sont] pas intéressées par la lutte contre le terrorisme dans le Sinaï ». Cette région située à l’est de l’Egypte est pourtant la principale cible des attaques de Daech. David Satterfield conclut son propos en qualifiant le terrorisme de « rente de situation » pour le régime militaire, l’argument qui lui permet de justifier l’armement et la répression.
Une justification similaire à celle que l’Etat français utilise pour contrer les critiques, qu’elles viennent de sa diplomatie ou de la société civile.
Reste une inquiétude : la volonté de certains députés d’exercer une forme de contrôle – à l’heure actuelle inexistant – sur les ventes d’armes. Fin 2020, un rapport parlementaire remis par les députés Jacques Maire (Hauts-de-Seine, La République en marche) et Michèle Tabarot (Alpes-Maritimes, Les Républicains), plaidant en ce sens, provoque une réaction outrée du secrétariat général à la défense et à la sécurité nationale, qui chapeaute les décisions sur les exportations d’armement.
Dans une note « confidentiel-défense » adressée au gouvernement, et dévoilée par Disclose, le SGDSN s’oppose purement et simplement à une « implication des députés ». Selonl’instance rattachée à Matignon, celle-ci « pourrait mener à la fragilisation de notre crédibilité et de notre capacité à établir des partenariats stratégiques sur le long terme et donc de notre capacité à exporter ». La diplomatie des armes, encore et toujours…
ODESSA, UKRAINE - MARCH 05: An instructor discusses urban combat as Ukrainian civilians undergo basic military training at a volunteer center in a state educational institution, before an expected Russian assault on March 5, 2022 in Odessa, Ukraine. The Ukrainian volunteers are trained by former, reserve and veteran Ukrainian officers. Russian forces invading Ukraine from three sides since February 24 have frequently met fierce resistance, and these trainees say they aim to help deprive Russia of the prized Black Sea port of Odessa. (Photo by Scott Peterson/Getty Images)
Joelle HazardL’escalade se poursuit entre la Russie et l’Ukraine, même si le froid va contribuer à geler provisoirement la situation sur le terrain. Comment expliquez-vous qu’aucune médiation n’ait pu aboutir après huit longs mois de guerre ?
Xavier Houzel Aucune tentative de médiation intelligente n’a été encore osée par personne, à deux exceptions près, celle du Pape François – qui est sur la durée – et celle de l’Algérie – qui est la plus récente ! Et à cela, je ne vois qu’une double explication de complotiste : que l’escalade actuelle est entretenue de l’extérieur – comme le furent, depuis la seconde guerre mondiale, toutes les surenchères révolutionnaires et guerrières au Moyen-Orient – et que l’affrontement en cours n’a pas encore atteint son objectif. Il est risqué de s’opposer de front à l’Amérique.
Le président russe, Vladimir Poutine, s’est exprimé ce jeudi après-midi lors du forum du club Valdaï. « Nous sommes à un moment historique. Nous sommes sans doute face à la décennie la plus dangereuse, la plus importante, la plus imprévisible » depuis 1945, a-t-il notamment indiqué.
On revient toujours au Pétrole, au Gaz et à leurs routes et à ce que les philosophes allemands appellent le Dasein – l’être-en-situation – que le président Poutine et Israël traduisent par Existence. La Russie post soviétique et Israël ont, l’une comme l’autre, un problème existentiel. Une médiation voudrait, pour être un succès, qu’une analyse du mal et de ses racines soit faite au préalable, comme le fait le Pape en élevant le débat et comme l’Algérie a tenté de le faire au Sommet de la Ligue Arabe, le Jour des morts, à Alger, en le recentrant à son tour sur la question de la Palestine.
« Les crises de Palestine, d’Iran et de Syrie sont congénitalement liées à celle de l’Ukraine ».
La question n’est pas de savoir s’il faut coûte que coûte arrêter cette guerre pendant qu’elle bat son plein ou s’il serait préférable d’attendre le verdict des armes, comme le président ukrainien Volodymyr Zelensly insiste pour le faire. Bien sûr qu’il faut tout faire pour arrêter cette guerre, non seulement parce qu’elle est meurtrière, mais aussi parce qu’elle est inepte.
Dans son discours du 27 octobre devant les membres du Club Valdaï, le président Poutine s’en est pris à l’Occident Il a aussi déploré le fait que le président Macron ait rendu publique une partie de la conversation qu’ils avaient eue ensemble. Mais, par ce même message, ce dernier lui propose implicitement de poursuivre leur dialogue mais « autrement »
Joelle Hazard Comment a-t-on fait pour en arriver là ? Quelles sont les causes de la guerre ? Qui a tort et qui a raison ?
Xavier Houzel. À la fin de la Guerre Froide, des accords écrits et non écrits ont été passés : l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) devait rester cantonnée à bonne distance des nouvelles frontières ; or ce modus vivendi n’a pas été respecté. Privée des anciens satellites de la défunte Union Soviétique, la Russie attendait de ses voisins à l’Ouest qu’ils multipliassent avec elle des échanges économiques équilibrés ; or ce ne fut pas fait, non plus.
Le gazoduc Brotherhood construit par l’Union Soviétique en 1967 pour approvisionner l’Ukraine et l’Allemagne de l’Est, faisait l’objet de coulages (loss in transit) et d’énormes arriérés de paiement, aussi la Russie et l’Allemagne Fédérale s’étaient-elles résolues à contourner le mauvais payeur (l’Ukraine) en construisant successivement les deux gazoducs sous-marins de « Nord Stream I » et de « Nord Stream II », à grand prix !
En 2014, la révolution de Dignité, dite de Maïdan, s’était soldée par des accords intérimaires entre l’Ukraine et la Russie sur la Crimée et les minorités russophones de l’Est et du Sud ; or ces Accords, dits de Minsk, n’ont jamais été mis en œuvre, en dépit de garanties formelles données à Moscou par la France et l’Allemagne. Le dasein était funeste.
« Lorsqu’un contingent de l’armée russe envahit l’Ukraine, en février 2022, ce fut un tollé comme pour un viol dans une maison close ! »
En d’autres temps, bien avant les images de chars en mouvement, un général de Gaulle se serait fait une idée précise du casus belli. À coup sûr, au moins trois de ses successeurs, Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand et Jacques Chirac, en auraient fait autant : c’était l’honneur de la France ! Le gouvernement français s’honorerait aujourd’hui de ne pas attendre 60 ans, comme avec le rapport de Benjamin Stora sur la Guerre d’Algérie, pour démêler le vrai du faux parmi les allégations qui circulent sur les ingérences américaines et anglaises en Ukraine depuis 2013.
La guerre d’Ukraine n’est plus une opération spéciale conduite pour une affaire de bornage chez des voisins indélicats, c’est bel et bien une guerre ouverte livrée entre les États-Unis d’Amérique et la Fédération de Russie sur un théâtre d’opérations ukrainien, réduit à une fonction de proxy en informatique. L’enjeu d’un seul accès à la Crimée par le couloir du Donbass n’aurait jamais justifié de tels transports – un pont flambant neuf y suppléant !
« Les enjeux de cette guerre dépassent très largement les frontières de l’Ukraine ».
L’Américain et le Russe tiennent chacun leur prétexte : l’OPEP Plus pour l’un et l’extension de l’OTAN pour l’autre, deux interdits à ne pas transgresser. Et ils n’en démordent pas. Il ne s’agit pas de leurres, mais de brandons bien réels, autrement dit : de barbichettes par lesquelles ils se tiennent. Une médiation circonscrite à ces obstacles-là pourrait, au mieux, faire espérer un cessez-le-feu, mais pas la Paix, sachant que ces entraves-là ne sont que l’écume d’une mer démontée mais nullement le cœur du problème, lequel se situe au Moyen-Orient plutôt qu’au sein de la vieille Europe, où l’on ne trouve, hélas, ni de Pétrole ni de Gaz.
La Crise israélo-palestinienne – qu’il faudrait inventer si elle n’existait pas ! – est la matrice de tous les abcès de fixation de ce dysfonctionnement global au Moyen-Orient, en particulier en Iran et en Syrie, qui empoisonne les relations internationales depuis un demi-siècle. Israël ou la Palestine (selon le point de vue que l’on a choisi) sont à l’origine de la Guerre d’Ukraine (par effet papillon). TotalEnergies ne serait pas aventuré en Sibérie et l’Allemagne non plus, si l’Irak et l’Iran n’avaient pas été frappés de sanctions. Mais, au-delà du Pétrole et de ses chimères, ces drames ont la dimension spirituelle de la « crise decivilisation » qui les englobe.
Le Pape François ne s’y est pas trompé dans sa supplique au président Poutine, avant de recevoir à Rome le président Macron et de se rendre ensuite à Bahreïn pour y retrouver le grand imam d’Al-Azhar, le cheikh Sunnite Ahmed al-Tayeb. Ce pape jésuite était déjà allé prier pour la Paix – huit ans auparavant – à Jérusalem, le « trou noir » des religions de l’Arbre. Il avait rejoint, en mars 2021, l’Ayatollah Chiite Ali Al-Sistani à Bassorah, avant de présider une rencontre interreligieuse à Ur, la ville natale du Patriarche Abraham (Ibrahim pour les Musulmans). Donald Trump et son gendre Kushner lui avaient, en quelque sorte, volé la politesse avec les premiers Accords d’Abraham.
Joëlle Hazard Que cherche réellement Poutine désormais ? Une révision des Accords de Minsk, une annexion d’une partie de l’Ukraine, un recul de l’OTAN ? Faute de victoire, aurait-il les moyens de mettre le feu aux poudres au Moyen-Orient ?
Xavier Houzel. C’est au président de la Fédération de Russie de dire ce que son pays recherche. Le mieux serait de le lui demander personnellement, voire d’interroger, dans son entourage, une ou plusieurs personnalités autorisées à répondre à une telle question. Mais on peut essayer de deviner. Sans être un grand clerc, on peut considérer les Accords de Minsk comme caduques. Il faudra innover pour trouver une solution aux problèmes des frontières et l’on peut d’ores et déjà affirmer que la Russie maintiendra jusqu’au bout la mise en garde qu’elle n’a cessé d’afficher concernant l’OTAN.
C’est une faute monumentale que de vouloir étendre la couverture de l’Otan à la Suède et à la Finlande d’abord et de menacer de l’élargir ensuite à l’Ukraine, voire plus tard à la Géorgie. Je ne comprends pas, pour ma part, la décision du gouvernement français de souscrire sans réserve à cette option et je loue, pour une fois, le président Orban de Hongrie et le président Erdogan de Turquie d’apposer leurs vetos à cette extension, quelle que soit l’habillage qu’ils donnent à une telle preuve de sagesse. Il faudrait leur dresser une statue !
Quant à la réponse à la troisième partie de votre question, la Guerre d’Ukraine a été déclenchée, au fond, à la suite et à cause du rapprochement opéré par la Russie avec l’OPEP, emmenée de son côté par le prince Mohamed bin Salman (MBS) d’Arabie saoudite. Jusqu’alors, l’Amérique avait la haute main sur les cours du Pétrole et du Gaz en raison du Pacte du Quincy ; or, voilà que, sans coup férir mais au prix d’un camouflet donné à l’Amérique, la Russie l’a remplacée. Les perspectives du Moyen-Orient en ont été bouleversées.
La Russie est présente en Syrie où ses bases lui sont aussi précieuses que celles de Crimée : la Crimée lui donne une dimension régionale en Mer Noire mais la Syrie lui permet uneprojection mondiale. Les troupes américaines encore stationnées en Syrie y sont très vulnérables, raison pour laquelle l’Amérique ne cache plus son intention de quitter bientôt le pays. En risquant une attaque contre la base navale de Tartous ou à la base aérienne russe de Hmeimim, les Américains prendraient une option sérieuse pour la troisième guerre mondiale ; beaucoup plus encore qu’en frappant, par exemple, le Pont de Crimée ou un navire amiral russe en haute mer.
Joelle Hazard. L’alliance objective que la Russie a développée avec l’Iran est stigmatisée par la façon avec laquelle Moscou a retardé et en réalité empêché le retour de l’Amérique dans l’Accord de Vienne de 2015 sur le nucléaire (JCPOA).
Xavier Houzel. La vente par l’Iran à la Russie de drones et de missiles ne se serait pas faite sans une grande connivence et des contreparties. Il s’en faudra de peu que l’Iran n’annonce, devant les résultats des élections de mi-mandat, la fin des pourparlers qu’elle continue de poursuivre avec l’AIEA. Il y a effectivement un risque qu’une telle situation ne mette un jour le feu aux poudres quelque part au Moyen-Orient, du fait des Israéliens, des Américains ou même des Iraniens ! Au Moyen-Orient, tout le monde tient une mèche incendiaire et peut la brandir.
C’est l’une des raisons pour laquelle il faudrait pouvoir régler au plus vite les problèmes encore en suspens entre l’Iran, l’Amérique et Israël et réussir à sauver l’Accord de Vienne sur le Nucléaire (le JPCOA). II faut œuvrer en faveur de la réintégration d’urgence de la Syrie dans la communauté internationale et dépêcher sur place des équipes avec des moyens pour enrayer une épidémie de choléra. Il faudra surtout convaincre Israël de trouver une solution au problème palestinien et ne pas hésiter, pour y parvenir, à le menacer de sanctions, s’il n’y parvenait pas.
Joëlle Hazard le retour en scène de Netanyahou en Israël et probablement celui des Trumpistes aux élections de mi-mandat aux Etats-Unis risquent de jouer un rôle crucial dans les mois à venir. Quels pourraient en être les effets les plus dommageables ?
Xavier Houzel Au point où nous en sommes, devant les atermoiements et les louvoiements des Israéliens entre leurs mentors américains et leurs amis russes et leur danse du ventre éhontée devant le Maroc et les Émirats Arabes Unis sans tenter d’améliorer en rien le sort des Palestiniens, je plébiscite le retour aux affaires du Premier ministre Netanyahou. Au moins, Netanyahou est-il un personnage carré ! A force de menacer l’Iran des frappes (soit proprio motu, soit comme proxy des Américains), Israël prend le risque de déclencher des heurts avec la Russie, ce qu’elle doit éviter à tout prix en Syrie. Pendant l’absence de Netanyahou, la classe politique israélienne a pris conscience de sa responsabilité et du danger de guerre mondiale pour l’existence même d’Israël.
Le retrait précipité d’Afghanistan des troupes américaines a provoqué d’immenses dégâts au Moyen-Orient, à mettre au déficit de Joe Biden. La manière avec laquelle son administration a horriblement mal géré l’affaire Khashoggi a laissé la brouille s’installer entre le royaume wahabite et Washington. L’ancien président Trump était parvenu à esquiver le pire ; le président Biden a été incapable de retenir l’Iran dans la mouvance occidentale ; les démocrates ont fait lanterner ses négociateurs jusques aux midterms, en leur faisant regretter le pragmatisme des républicains en dépit de leur brutalité.
Joelle Hazard La France est-elle en état, en position et en mesure de jouer le moindre rôle d’intermédiaire dans des négociations entre Moscou et Kiev ?
Xavier Houzel.Intervenir entre Moscou et Kiev ? Je ne l’imagine même pas : les Russes et les Ukrainiens conservent toutes les lignes qui leur sont nécessaires, en cas de besoin. Et Kiev reçoit ses ordres de Washington. Mais il est vrai que, si la France ne tentait pas quelque chose avant le prochain G20 et avant l’hiver en se distinguant par une vision qui lui est propre, elle abdiquerait sa place de grand pays. En citant Dostoïevski à ce propos, Vladimir Poutine glisse ce conseil à son cadet français, parce que seule la France, à condition de le vouloir, est en mesure de jouer ce rôle primordial entre la Russie et les États-Unis – où elle conserve un ascendant moral – et que c’est ce qui importe exclusivement. Elle pourra s’atteler simultanément aux tâches collatérales également urgentes ; d’abord, à la reprise d’un dialogue apaisé avec la Syrie, interrompu depuis dix ans dans des conditions désastreuses ; ensuite, à l’amélioration de ses propres relations diplomatiques avec l’Iran, devenues exécrables – en commençant par la nomination d’un ambassadeur et par l’arrêt de ses propres invectives (même amplement justifiées par la répression violente des manifestations actuelles ; à la reprise, enfin, de ses efforts pour une entente plus constructive entre Israël et les Palestiniens, comme autrefois tous les présidents français (avant Nicolas Sarkozy et François Hollande) les avaient déployés.
Joëlle Hazard Quels sont les pays les mieux à même de contribuer à une sortie de l’impasse ?
Xavier Houzel. En dehors des fauteurs et des victimes des différentes crises, je distinguerais quatre interlocuteurs majeurs. Parmi eux, je mettrais en tête l’Algérie, avec laquelle la France renoue des liens historiques ; Alger vient de réconcilier le Fatah et le Hamas, dont les dirigeants font à nouveau le chemin de Damas ; les dirigeants algériens font exactement la même analyse que celle que je défends devant vous ; ils entretiennent les meilleurs relations possibles avec la Russie. En deuxième position, je placerais les Émirats Arabes Unis, en la personne de leur président, l’émir Mohamed bin Zayed (MBS), qui parle a tout le monde et bénéficie de gros moyens, d’une réelle expérience et d’une bonne crédibilité personnelle. En troisième position, je choisirais la Hongrie – un ancien satellite de l’Union Soviétique mais nostalgique d’un empire différent – et le président Orban, parce que ce dernier bloque l’extension de l’OTAN. Enfin, mais le plus discrètement possible, je ferais confiance à l’ancien président Trump ! Oui, l’ancien président Trump, parce qu’il est beaucoup plus diplomate qu’on ne le pense, étant un homme d’affaires et un bon négociateur et le seul à même de fléchir le président de la Fédération de Russie ; disons qu’il serait capable d’en calmer l’ire légitime après les commentaires désobligeants dont il a fait l’objet. Je comprends la harangue du président Poutine contre l’Occident, qui appelle cette citation de Georges Corm : « La notion d’Occident, aujourd’hui plus qu’hier, lorsqu’elle suscitait des querelles entre Européens, n’est plus qu’un concept creux, exclusivement géopolitique, sans contenu enrichissant pour la vie de l’esprit et pour bâtir un avenir meilleur. C’est la culture politique américaine qui a repris la notion à son compte et en a fait un usage si intensif au temps de la Guerre froide qu’elle ne semble plus pouvoir l’abandonner. En Europe, les vieilles et redoutables querelles philosophiques, mystiques et nationalistes, qui s’étaient polarisées sur ce terme chargé d’émotion, désormais apaisées, c’est avec délectation que le concept est employé pour confirmer sa fonction mythologique d’une altérité unique par rapport à tout ce qui est hors d’Occident et d’un sentiment de supériorité morale à laquelle le reste du monde doit s’ajuster ». L’Iran fait partie de l’Occident, que je sache – la Perse s’étant longtemps baignée en Mer Méditerranée, et la Russie de Saint-Pétersbourg en partage depuis deux siècles l’âme et la culture à plus d’un titre.
Tous ces efforts pour aboutir à l’Organisation par la France d’une ambitieuse conférence pour la Paix, qui aurait pour parrains proactifs la France, la Russie, l’Iran, l’Algérie et le Vatican, avec pour but l’extension progressive à la Syrie et à l’Iran des Accords d’Abraham – avec le soutien affichés des Trumpistes au grand ravissement des Juifs courtisés par tout le monde. Par ce moyen apparemment détourné – une sorte de Congrès de Versailles, où les missions seraient réparties entre les chancelleries et les instances religieuses. Les premiers dialogues entre Israël et l’Iran, entre les États-Unis et l’Iran, entre les Palestiniens (unis) et les Israéliens, entre les Russes et les Américains, seraient inaugurés, la Diplomatie française travaillant ainsi directement pour la Paix en Ukraine, sans avoir à le dire. Un rêve !
Je serais prudent avec l’Allemagne, parce que cette dernière préfère le business avec la Chine sans en assumer la responsabilité ; je garderais mes distances avec Bruxelles ; je me méfierais du président turc, parce qu’il est sectaire et mercantile et qu’il penche trop facilement du côté du plus offrant et j’éviterais l’ONU, dans le cadre de laquelle aucune crise majeure n’a jamais été définitivement résolue depuis sa création. Une inconnue subsiste avec MBS, qui aurait pu être un grand roi : il ne tenait qu’à lui de démonter le stratagème de l’OPEP Plus qui faisait de lui le maître des horloges – un balancier d’or entre la Russie, l’Amérique et la Chine, qu’on aurait tort d’oublier -, mais il ne l’a pas fait ! Il aurait aussi pu reprendre à son compte l’offre de Paix faite à Israël en 2002 par le roi Abdallah et conjuguer cette approche avec la dynamique des Accords d’Abraham, dans un même élan, mais il ne l’a pas fait ! Alors, attendons de lui qu’il succède à son père, ce qui est loin d’être assuré.
Joelle Hazard L’Iran semble avoir fait son choix, à savoir le rapprochement militaire avec Poutine. Au président Biden qui a lancé ce message aux manifestants iraniens « Ne vous inquiétez pas, nous allons libérer l’Iran ! », le président Raïssi a répliqué « l’Iran ne sera pas votre vache à lait ! ». L’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien est-il totalement mort ?
Xavier Houzel Non, l’Iran n’a pas encore fait de choix. La République Islamique d’Iran est loin d’être une girouette et son peuple appartient à une civilisation majeure responsable. La France ne pardonne toutefois pas à l’Iran d’avoir extorqué des vrais faux aveux à des vraies fausses barbouzes pour en faire des monnaies d’échange, ce dont il s’est fait une spécialité depuis 1979. On se défend comme on peut, certes, mais c’est une pratique condamnable.
Ce que répond le président Raïssi au président Biden en parodiant l’humour d’une salle de garde ne préjuge rien, c’est du parler yankee. L’Accord de Vienne sur le nucléaire n’est pas mort, au contraire. Une délégation iranienne est justement à Vienne en ce moment pour structurer avec l’AIEA un accord robuste pour servir de socle au nouveau JPCOA, que Téhéran a tout intérêt à faire revivre. Par la faute du président Trump, l’Iran compte désormais parmi les pays du seuil. L’Iran est toujours actionnaire de l’EURODIF et ne demande qu’à renouer avec la coopération que le Shah avait commencée avec la France pour le nucléaire civil – pour les petits réacteurs modulaires (small modular reactors, SMR), par exemple.
Joëlle Hazard Peut-on parler aujourd’hui d’alliance entre Russie et Iran ? A la différence de la Syrie, désormais place forte du Kremlin ?
Xavier Houzel. On peut parler d’une alliance entre la Russie et l’Iran. Et non à la fois, parce que ce rapprochement serait celui de l’aveugle et du paralytique ; et parce la fin de leur différend date de la conférence de Téhéran en 1943 et qu’ils n’ont pas oublié que l’Union Soviétique les avait amputés alors de l’Azerbaïdjan. Les échanges commerciaux entre les deux pays sont minimes. À la seule exception possible de l’arme nucléaire et de l’exploration spatiale, l’Iran n’a plus rien à apprendre de la Russie ; en revanche, les deux économies sont concurrentes, elles se partageant les premières places dans le palmarès des réserves de Gaz. Unis, elles pourraient devenir redoutables. L’Iran a appris à tirer parti des sanctions comme l’Angleterre l’avait fait du blocus continental, alors que la Russie, pourtant habituée à l’isolement derrière un rideau de fer, n’avait pas prévu d’en faire un jour l’expérience.
Au cours du récent séjour du vice-président iranien Mohammad Mokhbér à Moscou, des liens ont été tissés entre la Russie et l’Iran dans de nombreux domaines : l’armement, les turbines à Gaz, les drones, l’établissement de zones franches, un succédané du SWIFT avec le CIPS, la recherche nucléaire, l’exploration-production avec Gazprom, en Iran comme à l’étranger. Mais pourquoi pas ! De tels échanges ne sont pas incompatibles avec ceux que la Russie pourrait retrouver avec la France et que la France pourrait avoir de nouveau avec l’Iran.
Joëlle Hazard Avez-vous une botte secrète à proposer ? Avez-vous un allié dans la coulisse ? Avez-vous des émules ? Craignez-vous un trouble-fêtes ?
Xavier Houzel.Une botte secrète? Une amnistie générale pour martingale magique, comme celles qui furent accordées aux Allemands après la première Guerre Mondiale et aux compatriotes de Staline après la chute du Mur de Berlin.
L’allié sur lequel pouvoir compter est le général Hiver? Le même qui a eu raison de la Grande Armée et de la Wehrmacht – même si j’espère qu’il sera, cette année, plus clément que d’habitude : j’espère qu’il sera de bon conseil en incitant le président Zelensky à discuter avec son voisin, en dépit du froid et de l’obscurité.
Des émules? Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité du président des États-Unis et William Burns, le patron de la CIA, ont repris leurs conversations au coin du feu de l’automne dernier avec Nicolaï Patrouchev, le secrétaire du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie : ils trouvent que Zelensky en fait trop. Les Américains ne veulent pas d’interférences, notamment pas de friture française sur leur ligne.
Un trublion?Recep Tayyip Erdoğan, président de la République de Turquie prépare un plan de Paix pour le prochain G20, mais il cache sa copie comme un voleur son butin.
Suite à la forte diminution des effectifs de la FNACA, le secrétaire départemental a appelé les comités locaux de la Creuse à se regrouper.
Le 49e congrès départemental de la Fnaca s’est tenu le 29 octobre à la salle La Source à Evaux-les-Bains (Creuse), en présence du président régional Michel Defaye et du président d’honneur Gaston Nore (*). Ce congrès faisait suite à celui du Grand-Bourg en 2018, les rassemblements suivants ayant été annulés.
Après l’appel des comités de section avec 21 drapeaux présents, le secrétaire départemental Gérard Rivière a présenté un rapide rapport d’activité en soulignant la revalorisation des retraites du combattant décidée au 34e congrès national à Chambéry.
L’état du Mémorial d’Ajain
Il a souhaité un regroupement des comités locaux vu le nombre d’adhérents en forte diminution (moins de 1.000 à ce jour). Il a souligné qu’il avait participé le plus possible à la vie du comité (60e anniversaire du cessez-le-feu, comité régional à Seilhac, etc.) Il a fait part à l’assemblée de l’état déplorable du Mémorial d’Ajain.
Le trésorier André Chateauvieux a fait état du bilan financier en forte diminution, en raison de décès d’anciens combattants. Il a indiqué qu’en 2023, les recettes ne couvriront plus les dépenses malgré les subventions. Malgré tout, les finances demeurent saines.
Devoir de mémoire
Hubert Borel, responsable du Gaje, a souhaité que des membres de la Fnaca se rendent dans les établissements scolaires pour exposer le devoir de mémoire à la jeunesse surtout en ces périodes de conflits.
Jacques Munné, rédacteur du journal, a précisé que celui-ci était très apprécié, mais que suite à l’augmentation des fournitures et à la forte diminution des cotisants, sa parution ne serait plus désormais mensuelle mais bimestrielle. Enfin pour clore cette matinée, il a été remis six diplômes d’honneur par la Fnaca, ainsi que six médailles départementales.
Les récipiendaires. André Chateauvieux (Guéret), Marc Jeannot (Aubusson), Henri Margot (Guéret), Bernard Peyrot (Saint-Martin-Sainte-Catherine), Gérard Rivière (Guéret), Jean-Claude Tardy (Guéret).
Suite à la forte diminution des effectifs de la FNACA, le secrétaire départemental a appelé les comités locaux de la Creuse à se regrouper.
Le 49e congrès départemental de la Fnaca s’est tenu le 29 octobre à la salle La Source à Evaux-les-Bains (Creuse), en présence du président régional Michel Defaye et du président d’honneur Gaston Nore (*). Ce congrès faisait suite à celui du Grand-Bourg en 2018, les rassemblements suivants ayant été annulés.
Après l’appel des comités de section avec 21 drapeaux présents, le secrétaire départemental Gérard Rivière a présenté un rapide rapport d’activité en soulignant la revalorisation des retraites du combattant décidée au 34e congrès national à Chambéry.
L’état du Mémorial d’Ajain
Il a souhaité un regroupement des comités locaux vu le nombre d’adhérents en forte diminution (moins de 1.000 à ce jour). Il a souligné qu’il avait participé le plus possible à la vie du comité (60e anniversaire du cessez-le-feu, comité régional à Seilhac, etc.) Il a fait part à l’assemblée de l’état déplorable du Mémorial d’Ajain.
Le trésorier André Chateauvieux a fait état du bilan financier en forte diminution, en raison de décès d’anciens combattants. Il a indiqué qu’en 2023, les recettes ne couvriront plus les dépenses malgré les subventions. Malgré tout, les finances demeurent saines.
Devoir de mémoire
Hubert Borel, responsable du Gaje, a souhaité que des membres de la Fnaca se rendent dans les établissements scolaires pour exposer le devoir de mémoire à la jeunesse surtout en ces périodes de conflits.
Jacques Munné, rédacteur du journal, a précisé que celui-ci était très apprécié, mais que suite à l’augmentation des fournitures et à la forte diminution des cotisants, sa parution ne serait plus désormais mensuelle mais bimestrielle. Enfin pour clore cette matinée, il a été remis six diplômes d’honneur par la Fnaca, ainsi que six médailles départementales.
Les récipiendaires. André Chateauvieux (Guéret), Marc Jeannot (Aubusson), Henri Margot (Guéret), Bernard Peyrot (Saint-Martin-Sainte-Catherine), Gérard Rivière (Guéret), Jean-Claude Tardy (Guéret).
Le ministre de l’Energie et des Mines, Mohamed Arkab a affirmé, le dimanche 6 novembre à Alger, que les recettes pétro-gazières algériennes devraient dépasser les 50 milliards de dollars d’ici à la fin de l’année en cours
« Au vu des réalisations enregistrées à septembre 2022, nous prévoyons d’ici à la fin de l’année en cours, une augmentation de 2% de la production en hydrocarbures et une augmentation des recettes pétro-gazières du pays, appelées à dépasser les 50 milliards de dollars (soit une hausse de 45% par rapport à 2021) », a précisé M. Arkab qui intervenait devant la Commission des finances et du budget de l’Assemblée populaire nationale (APN), dans le cadre de l’examen des dispositions du projet de loi de finances (PLF) 2023.
La fiscalité pétrolière « pourrait dépasser les niveaux enregistrés durant les années d’avant 2014, qui s’élevaient à 4.000 milliards de DA/an », a-t-il poursuivi, rapporte Algérie Presse Service.
Par ailleurs, ajoute M. Arkab, « les exportations hors hydrocarbures enregistreront une hausse de plus de 40% par rapport celles de 2021, appuyée principalement par l’augmentation des exportations des produits miniers et pétrochimiques ».
En ce qui concerne l’investissement dans le secteur de l’énergie et des mines, le ministre a fait état de la mobilisation d’un montant de 3,6 milliards USD durant le premier trimestre de l’année 2022, soit une hausse de 8% comparativement à la même période de 2021.
S’agissant du recrutement dans le secteur, le nombre des agents embauchés a augmenté de plus de 7.500 jusqu’en fin septembre 2022, pour dépasser 307.000 travailleurs.
Concernant le budget sectoriel, M. Arkab a fait état d’une fiscalité pétrolière prévisionnelle de 3298 milliards Da, sur la base d’un prix référentiel de 60 dollars/baril, soit une hausse de 3% par rapport à la fiscalité pétrolière inscrite à la loi des finances complémentaire de 2022.
Le budget de fonctionnement s’élève à quelque 101 milliards Da, majoritairement des affectations financières réservées à la subvention du coût de dessalement de l’eau de mer, de la facture d’électricité pour trois wilayas dans les Hauts Plateaux et les wilayas du sud, ainsi que la subvention du programme de contrôle de l’énergie à quelque 94 milliards Da (soit 92%).
Quant au budget d’équipement, il est destiné essentiellement au raccordement à l’électricité, au gaz et à la recherche minière, réparti comme suit : 55 milliards Da réservés au programme de l’électricité rural et de distribution publique du gaz, 1,3 milliard Da pour la subvention du programme de la recherche minière.
Dans le même cadre, un montant de 1,7 milliards Da est réservé aux projets du Commissariat à l’énergie atomique (COMENA) pour le développement des infrastructures et des centres nucléaires y afférents, tandis qu’un montant de 23,3 milliards Da est alloué au raccordement des six zones industrielles à l’électricité et au gaz.
Par ailleurs, M. Arkab a cité des mesures prévues dans le PLF 2023, à l’instar de l’exonération de la TVA sur les biens, les services et les travaux accomplis dans le cadre des activités des hydrocarbures, ou encore les exonérations fiscales des véhicules hybrides électriques.
OPEP+: stabiliser les prix à hauteur de 100 dollars/baril jusqu’à fin 2022
Le ministre a affirmé que la dernière décision des pays de l’OPEP et hors OPEP (OPEP +) de réduire la production de deux millions de barils/jour devrait maintenir l’équilibre du marché et la stabilité des prix à hauteur de 100 dollars/baril jusqu’à la fin de l’année.
« En dépit du recul des cours du pétrole et au vu de l’inquiétude d’une récession mondiale, la dernière décision des pays OPEP+ de réduire la production de deux millions de barils/jour devrait maintenir l’équilibre du marché et la stabilité des prix à hauteur de 100 USD/baril jusqu’à la fin de l’année », a précisé M. Arkab.
Le ministre a relevé que le débat du projet de loi de finances (PLF) intervient « dans un contexte économique et géopolitique variable ayant impacté l’industrie pétrolière et gazière à travers le recul sans précédent du volume des investissements au cours des dernières années à l’origine du recul de l’offre ».
Les cours du pétrole « ont repris après la chute sans précédent des marchés début 2020 en raison de l’apparition et la propagation du coronavirus », a ajouté M. Arkab qui a rappelé que les cours du pétrole brut ont dépassé le seuil de 109 USD/baril à la fin de septembre de l’année en cours, « confortant ainsi les indicateurs de notre macroéconomie ».
Le ministre de l’Energie et des Mines, Mohamed Arkab a affirmé, le dimanche 6 novembre à Alger, que les recettes pétro-gazières algériennes devraient dépasser les 50 milliards de dollars d’ici à la fin de l’année en cours
« Au vu des réalisations enregistrées à septembre 2022, nous prévoyons d’ici à la fin de l’année en cours, une augmentation de 2% de la production en hydrocarbures et une augmentation des recettes pétro-gazières du pays, appelées à dépasser les 50 milliards de dollars (soit une hausse de 45% par rapport à 2021) », a précisé M. Arkab qui intervenait devant la Commission des finances et du budget de l’Assemblée populaire nationale (APN), dans le cadre de l’examen des dispositions du projet de loi de finances (PLF) 2023.
La fiscalité pétrolière « pourrait dépasser les niveaux enregistrés durant les années d’avant 2014, qui s’élevaient à 4.000 milliards de DA/an », a-t-il poursuivi, rapporte Algérie Presse Service.
Par ailleurs, ajoute M. Arkab, « les exportations hors hydrocarbures enregistreront une hausse de plus de 40% par rapport celles de 2021, appuyée principalement par l’augmentation des exportations des produits miniers et pétrochimiques ».
En ce qui concerne l’investissement dans le secteur de l’énergie et des mines, le ministre a fait état de la mobilisation d’un montant de 3,6 milliards USD durant le premier trimestre de l’année 2022, soit une hausse de 8% comparativement à la même période de 2021.
S’agissant du recrutement dans le secteur, le nombre des agents embauchés a augmenté de plus de 7.500 jusqu’en fin septembre 2022, pour dépasser 307.000 travailleurs.
Concernant le budget sectoriel, M. Arkab a fait état d’une fiscalité pétrolière prévisionnelle de 3298 milliards Da, sur la base d’un prix référentiel de 60 dollars/baril, soit une hausse de 3% par rapport à la fiscalité pétrolière inscrite à la loi des finances complémentaire de 2022.
Le budget de fonctionnement s’élève à quelque 101 milliards Da, majoritairement des affectations financières réservées à la subvention du coût de dessalement de l’eau de mer, de la facture d’électricité pour trois wilayas dans les Hauts Plateaux et les wilayas du sud, ainsi que la subvention du programme de contrôle de l’énergie à quelque 94 milliards Da (soit 92%).
Quant au budget d’équipement, il est destiné essentiellement au raccordement à l’électricité, au gaz et à la recherche minière, réparti comme suit : 55 milliards Da réservés au programme de l’électricité rural et de distribution publique du gaz, 1,3 milliard Da pour la subvention du programme de la recherche minière.
Dans le même cadre, un montant de 1,7 milliards Da est réservé aux projets du Commissariat à l’énergie atomique (COMENA) pour le développement des infrastructures et des centres nucléaires y afférents, tandis qu’un montant de 23,3 milliards Da est alloué au raccordement des six zones industrielles à l’électricité et au gaz.
Par ailleurs, M. Arkab a cité des mesures prévues dans le PLF 2023, à l’instar de l’exonération de la TVA sur les biens, les services et les travaux accomplis dans le cadre des activités des hydrocarbures, ou encore les exonérations fiscales des véhicules hybrides électriques.
OPEP+: stabiliser les prix à hauteur de 100 dollars/baril jusqu’à fin 2022
Le ministre a affirmé que la dernière décision des pays de l’OPEP et hors OPEP (OPEP +) de réduire la production de deux millions de barils/jour devrait maintenir l’équilibre du marché et la stabilité des prix à hauteur de 100 dollars/baril jusqu’à la fin de l’année.
« En dépit du recul des cours du pétrole et au vu de l’inquiétude d’une récession mondiale, la dernière décision des pays OPEP+ de réduire la production de deux millions de barils/jour devrait maintenir l’équilibre du marché et la stabilité des prix à hauteur de 100 USD/baril jusqu’à la fin de l’année », a précisé M. Arkab.
Le ministre a relevé que le débat du projet de loi de finances (PLF) intervient « dans un contexte économique et géopolitique variable ayant impacté l’industrie pétrolière et gazière à travers le recul sans précédent du volume des investissements au cours des dernières années à l’origine du recul de l’offre ».
Les cours du pétrole « ont repris après la chute sans précédent des marchés début 2020 en raison de l’apparition et la propagation du coronavirus », a ajouté M. Arkab qui a rappelé que les cours du pétrole brut ont dépassé le seuil de 109 USD/baril à la fin de septembre de l’année en cours, « confortant ainsi les indicateurs de notre macroéconomie ».
Yasmina Khadra est le pseudonyme sous lequel écrit l'auteur algérien Mohamed Moulessehoul, à la carrière littéraire très importante. Il parle à Atalayar de lui-même, de la situation en Algérie et de son œuvre, qui a déjà été traduite dans plus de 53 langues et 58 pays.
L’ECRIVANT
A quel âge avez-vous commencé à écrire et sous quel nom et pourquoi avez-vous décidé de commencer à écrire ? qu'espérez-vous transmettre aux lecteurs avec vos livres ?
Je suis né pour écrire. Je nourris une grande fascination pour la musicalité des mots depuis ma plus tendre enfance. Par ailleurs, les poètes et les écrivains ont toujours été mes meilleurs confidents. J’essaye de l’être pour mes lecteurs, à mon tour, partager avec eux mes rêves et mes espoirs, et ce que je crois savoir.
Le facteur humain dans vos romans est le centre de l'univers... la solitude, la désillusion, la colère, mais aussi l'amour, la reconstruction de l'esprit et l'espoir. Que pouvez-vous nous en dire ? Avez-vous rencontré ces situations dans votre pays ? Y a-t-il une sorte de misère affective dans votre œuvre ?
Il n’y a pas de misère affective dans mes livres, seulement le souci de vulgariser le facteur humain en l’ouvrant sur les autres cultures et les autres mentalités. Nous traversons une époque tourmentée qui fausse notre jugement. Les frustrations et la malvie, les incertitudes et les dérives idéologiques, les promesses électorales et les désillusions qui vont avec, l’ensemble de ces facteurs fâcheux nous éloigne de notre part d’humanité et nous installe dans des situations hasardeuses qui, parfois, dégénèrent. J’essaye d’apporter un soupçon d’éclairage sur ce qui nous échappe afin de mieux reconsidérer nos a-priori et rendre possible l’éveil aux vraies questions au lieu de chercher des boucs émissaires et des souffre-douleur comme on le constate dans certains pays où les amalgames et les stigmatisations favorisent le réveil de la bête immonde qui sommeille en chacun de nous. Lorsque je vois le fascisme revenir en force, et le racisme se découvrir du zèle, toute honte bue, et la radicalisation outrancière contaminer tous les militantismes, je me dis qu’il faut réagir avant que le malheur ne frappe simultanément aux quatre coins de la planète.
Votre expérience en tant que soldat vous a-t-elle aidé à comprendre le facteur humain?
Sans doute. Partager sa vie avec une multitude de personnes permet d’accéder aux caractères, aux angoisses, aux doutes, aux ambitions et aux défections des uns et des autres. Pour un écrivain, c’est le meilleur centre de recherche, le vivier le plus probant et le plus approprié aux inspirations.
Que signifie votre expérience militaire dans votre vie et dans votre travail ?
Elle est toute ma vie. Elle m’a enrichi émotionnellement, humainement et intellectuellement. Et elle me permet de rester debout au coeur des bourrasques. Sans cette expérience, je n'aurais pas tenu le coup après les terrains minés que j’ai été contraint de traverser pour aller de l'avant. Elle a forgé mes convictions et fait de mes déboires des leçons de vie.
Nous sommes en manque de valeurs dans le monde d'aujourd'hui, vos livres le décrivent très bien. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
L’Humanité a toujours fait fi des valeurs lorsque les intérêts et les carrières jusqu’au-boutistes priment le reste. Nous avons renoncé à ce qui devrait nous grandir dans notre estime et nous aider à demeurer nous-mêmes dans un monde où le paraître attire vers lui tous les feux de la rampe avant ceux des bûchers. Plus personne ne croit en lui-même et tout le monde veut être le produit des autres, quitte à se couvrir de ridicule ou à vendre son âme au diable. Les valeurs humaines ne pèsent pas lourd devant les valeurs boursières. L’argent est devenu la religion absolue, le seul prophète capable de provoquer des miracles n’importe où et n’importe quand. A un certain temps, on a parlé de la Terre comme un village où l’Homme serait son axe central. C’était trop beau pour être vrai. L'Homme ne trouve sa place nulle part dans la course au profit. Désormais, vous valez ce que vous possédez. Vous avez deux euros, vous valez deux euros. Vous avez un empire, vous êtres empereur. Le talent, l’art, le génie s’efface devant n’importe quel opportuniste qui a réussi à brasser des millions. Vous pouvez être le plus brave des gens de bonne volonté, le bon samaritain par excellence, le plus charitable des généreux, le plus doué des intermittents du spectacle, si vous êtes fauchés, vous ne valez pas grand-chose. J’ignore où la cupidité va emmener l’Humanité. Une chose est sûre, pas là où les poètes chantent la vie.
Pendant la guerre terroriste algérienne (qui n’est pas exactement une guerre civile), où allait votre vie ? Si je ne me trompe pas, vous avez fait environ 8 ans de guerre... racontez-nous.
Il n’y a rien à raconter. Toutes les guerres, civiles ou classiques, sont des monstruosités. Celle qui a terrorisé l’Algérie durant plus d’une quinzaine d’années ne déroge pas à la règle. Elle a été l’aboutissement du pourrissement des esprits, la faillite du bon sens et l’implosion du ras-le-bol. Lorsqu’une nation ne fait pas attention à ses errements, elle finit par en pâtir. L’Algérie a joué avec le feu, et le feu a failli la détruire. Aucun peuple n’est à l’abri des dérives. J’ai passé huit ans dans les maquis terroristes à me demander comment un même peuple pouvait nourrir autant de haines féroces à l’encontre de ses propres institutions et de ses propres enfants. Aujourd’hui encore, je n’ai pas la réponse. Mais les raisons de telles tragédies sont multiples, et il en existe une qui leur rafle la mise : l’injustice ! Car la justice est le véritable socle de l’équilibre social, la seule garantie de la stabilité d’un Etat. Or, il n’y avait pas de justice en Algérie, et ce qui devait la protéger contre elle-même s’est effondré lorsque la colère des humiliés a brisé toutes les chaînes et défloré tous les tabous.
Quand et où exactement le pseudonyme Yasmina Khadra est-il apparu, et est-ce un pseudonyme qui le restera jusqu'à la postérité ? ¿quelle et l’histoire de ce pseudonyme ? (J'imagine que vous l'avez déjà racontée plusieurs fois).
Mon pseudonyme est composé des deux prénoms de mon épouse, une manière de lui exprimer ma gratitude pour ce qu’elle m’a donné. Il est né le 1er novembre 1994 dans le cimetière de Sid Ali (à l’ouest du pays) où l’on célébrait le 40ème anniversaire du déclenchement de la guerre de l’Indépendance algérienne. Une bombe artisanale, dissimulée dans la tombe d’un martyr, a explosé au milieu des festivités, tuant sur le coup cinq petits scouts. J’étais là. Et ce fut ce jour-là que tout a commencé.
Votre travail est très visuel et poétique, je le vois toujours entouré d'images, je l'imagine à chaque fois que je le lis, je pense que c'est très révélateur de votre style d'écriture. Si j'étais un réalisateur de films, je filmerais 90% de votre travail. Ce que je ne sais pas, c'est si le cinéma atteindrait la profondeur de ces œuvres. Comment cela s'est-il passé et quelle est votre relation avec le cinéma et avec quel type de cinéma ?
PUBLICIDAD
Quatre de mes romans ont été adaptés au cinéma. D’autres intéressent des producteurs et des réalisateurs. J’ai aussi écrit deux scénarios qui n’ont rien à voir avec mes livres. J’aime beaucoup le cinéma. C’est une formidable invention et je serais ravi de lui consacrer un peu de mon temps. Bien sûr, les adaptations, qu’elles soient cinématographiques ou théâtrales, ne sont pas forcément fidèles à l’oeuvre écrite. Parfois, on est déçu du résultat. Mais il faut être raisonnable. Les réalisateurs sont des artistes à part entière, leur perception de l’oeuvre qu’ils adaptent n’est pas toujours celle de l’écrivain. Quand on passe de l’imaginaire à l’image sur un écran, on traverse énormément de filtres et ça amoindrit, fausse, corse, surcharge, appauvrit ou enrichit le texte original. Personnellement, je respecte les réalisateurs pour l’intérêt qu’ils accordent à mes romans et pour les efforts qu’ils déploient afin de leur donner un autre relief et un autre public.Je ne suis pas toujours d'accord avec eux ni satisfait de leur travail, mais je n'essaye ni de m'immiscer dans leurs affaires ni de leur imposer ma vision des choses.
Il faut dire que vous êtes un écrivain très populaire et très connu (vos œuvres ont été traduites en plus en 53 langues et dans 58 pays). Quelle est votre relation avec vos traducteurs, qui sont d'ailleurs très bons (du moins les Espagnols dans notre cas) ? Sans oublier vos éditeurs…
Je ne connais pas tous mes traducteurs. J’en ai rencontrés quelques uns lors de mes tournées, mais je n’ai pas eu suffisamment de temps pour mieux les connaître. Cependant deux d’entre eux sont devenus mes amis : Carlos, mon traducteur espagnol et Regina, ma traductrice allemande. Quant aux éditeurs, j’entretiens d’excellentes relations avec Allianza (Espagne), Sollerio (Italie), Larousse (Mexique), Sonia (Pologne). Les autres, hormis mes éditeurs français, je les croise sporadiquement dans les festivals ou dans les foires internationales et je les perds de vue aussitôt après.
Un écrivain écrit des livres et c'est le lecteur qui fait des écrivains. ¿Qu'en pensez-vous ?
Ce sont là mes propres propos. J’ajouterais : sans lecteurs, l’écrivain n’est que lettre morte.
Vos livres ¿sont-ils produits aussi en arabe ? comment se porte la lecture dans le monde arabe, et la presse arabe vous reconnaît-elle comme un écrivain de renom ?
Je suis connu au Moyen-Orient, mais pas très lu. Cependant, une minorité est en train de me découvrir. Lorsque je me rends à Dubaï ou bien au Qatar, des lecteurs et surtout des lectrices viennent m'écouter. Les choses commencent à s'améliorer.
La littérature algérienne (en français) devient de plus en plus riche, d'autant plus qu'elle est connue depuis peu, par exemple les ouvres de Moulud Mammeri, Mouloud Feraoun, Mohammed Dib, et autres... Quelle est la raison de cet essor ?
Le talent. Les Algériens ont énormément de talent, mais pas suffisamment de visibilité. C’est une perte sèche pour la littérature mondiale, et c’est bien dommage.
Vos livres comportent de nombreux décors, situations, lieux, villages, villes, etc. Avez-vous posé le pied sur le sol de chacun d'entre eux pour votre travail ?
Flaubert disait que tout ce que nous inventons est vrai. Je n’ai pas été dans tous les pays que je décris dans mes livres,(hormis le Mexique, le Liban, le Maghreb, Cuba) mais mes lecteurs trouvent que je suis assez juste dans mes descriptions. Je m’informe auprès des résidents, consulte des documentaires, tente de comprendre un pays en fonction de la mentalité et la culture de son peuple. Cela me met en situation. Le reste, je le puise dans mon intuition.
L’ŒUVRE LITTÉRAIRE
Parlons de certains de votres romans. Votre premier livre est Amen en 1984. Comment cela s'est-il passé... ?
Très mal. Ce fut ma première expérience éditoriale et je me suis laissé avoir par un éditeur pas très honnête. Je l’ai publié à compte d’auteur et le roman n’a jamais vraiment vu les étals des librairies.
Qu'attendent les singes 2014 ... Un extraordinaire roman policier et politique. Digne des meilleurs Hammett, Chandler, James Ellroy, etc. Un roman policier, mais aussi un roman politique sur l'Algérie à la fin. L'Algérie est-elle malade de ses dirigeants ? Parlez-nous de ce livre.
Ce roman est une radioscopie d’un Etat pris en otage pas des dirigeants mafieux dont la plupart sont en prison, aujourd’hui. Il raconte leur main mise sur les richesses du pays, la chosification de tout un peuple, l’institutionnalisation de la corruption, du passe-droit, du trafic d’influence, la promotion de la médiocrité, le pourrissement des mentalités et la perversion de la justice. Certains Algériens trouvent que c’est leur roman préféré, tant il est criant de vérité.
Les Vertueux 2022 : la souffrance d'une personne (algérienne) durant la première moitié du 21ème siècle. Une personne errante qui souffre et cherche désespérément des réponses... Comment cette période se rapporte-t-elle à l'Algérie d'aujourd'hui ? Une mention aussi à votre ville de naissance KENADSA dans le livre (pag.338) ¿Quelle influence a votre lieu de naissance dans votre œuvre ? ¿et en particulier dans ce livre ?
Ce roman-là, je préfère que le lecteur le découvre par lui-même. Il s’agit de mon plus beau roman, le plus précieux aussi puisqu’il est traversé, du début à la fin, par le souvenir de ma mère qui est décédée alors que j’étais en train de l’écrire. J’ai mis tout ce que je sais faire dans ce livre qui raconte une période tourmentée de l’Algérie, plus précisément la première moitié du 20ème siècle qui aura façonné les Algériens d’aujourd’hui. C’est une formidable odyssée qui commence avec la guerre de 1914-1918 et qui se prolonge jusque dans les années 1950. Je ne peux pas en dire plus. Ce roman est plein de rebondissements, servi par un rythme soutenu. Il serait triste d’en gâcher l'intensité.
Quelle est votre relation avec le monde de la bande dessinée ? Les cas de "L’attentat ", et Les hirondelles de Kaboul ?
Excellente. Une très belle aventure et une superbe initiative susceptible d’élargir davantage l’audience d’une oeuvre. Tout comme les adaptations cinématographique et théâtrale.
Le livre "Les hirondelles de Kaboul" s'inspire de l'Afghanistan pendant le premier règne des Talibans. Des années plus tard, le mouvement islamiste est revenu au pouvoir dans le pays. C'est pourquoi la répression subie par les personnages de la pièce, en particulier les femmes, est la répression que les citoyens afghans subissent actuellement. Quels parallèles établissez-vous entre le premier gouvernement taliban - raconté dans "Les hirondelles de Kaboul" - et le gouvernement actuel ? Selon vous, comment la communauté internationale devrait-elle agir vis-à-vis des talibans ?
Ce sont les mêmes califes de l’Apocalypse. Ils sont revenus terminer le travail de sape que les Talibans d’avant n’avaient pas eu le temps d'achever. C’est vraiment déprimant. Vingt années d’investissement, de luttes quotidiennes, d’espoir et d’émancipation pour revenir la case départ ! Quand je pense aux jeunes filles qui ont cru grandir à l’air libre et qui sont, aujourd’hui, obligées de porter la burka comme le deuil de leur bonheur, interdites d’école, de travail, de rêve, je suis à deux doigts d’abjurer. Mais le combat continue. Aucun malhe
.
ur n’est éternel. Il faut bien qu’un jour les Talibans se rendent compte qu’ils ne sont pas venus pour sauver une nation du péché et des dépravations, mais que ce sont eux le péché et la dépravation. Ils verront bientôt que lorsque l'on n’a pas un projet de société édifiant, et qu’on opte pour la répression tyrannique, ils ne feront qu’ériger leurs propres échafauds
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Cécile Roche
Elle fut « la dernière star littéraire » américaine. Essayiste et romancière, mère et militante, égérie intellectuelle et médiatique aux mille et une facettes, tantôt adulée, tantôt détestée, Susan Sontag (1933-2004) s’ingénia toute sa vie à bâtir sa propre mythologie. Son oeuvre foisonnante offre une clé de lecture indispensable à la compréhension de notre culture saturée d’images et de conflits. Chroniqueuse des chaos de son époque (de la guerre d’Algérie au siège de Sarajevo en passant par la révolution cubaine et la chute du mur de Berlin), elle sut tout aussi bien exercer son regard acéré sur sa vie personnelle, marquée par des aventures amoureuses extraordinaires et une constante remise en cause de soi.
Pour ériger ce monument biographique, Benjamin Moser a eu accès à de nombreuses archives inédites et à des proches de Sontag qui n’avaient encore jamais parlé d’elle (dont sa dernière compagne, la photographe Annie Leibovitz). Une enquête passionnante et romanesque sur une personnalité hors du commun qui, en s’emparant de sa destinée, a contribué à redéfinir en profondeur les termes de la condition féminine.
Le sommet international COP27 organisé en Égypte du 6 au 18 novembre 2022 offre à Orient XXI l’occasion de faire le point sur la question environnementale en Afrique du Nord et au Proche-Orient. Un dossier composé d’articles inédits et de contributions puisées dans nos archives depuis 2013 constitue un tour d’horizon des défis particuliers de cette région où l’enjeu climatique fait rarement la une. De l’eau à l’urbanisme en passant par les difficiles mobilisations des activistes, les enjeux sont pourtant de toute évidence énormes.
Maroc, 8 août 2022. Le lit asséché du barrage d’Al-Massira au niveau du village d’Ouled Essi Masseoud, à quelque 140 kilomètres de Casablanca
Si les espoirs des militants écologistes et scientifiques sont réduits, le forum planétaire, organisé pour la quatrième fois dans un pays arabe depuis 1995 (avant 2023 à Dubaï) signale la volonté des pouvoirs au Proche-Orient et en Afrique du Nord de briller en affichant leurs préoccupations environnementales. Toutefois, là comme ailleurs, les pratiques ne semblent pas à la hauteur des défis, qui sont pourtant à la fois spécifiques et plus aigus que dans d’autres régions du monde.
Dans une zone globalement aride si ce n’est désertique, le réchauffement climatique risque bien de rendre des territoires entiers physiologiquement impropres à la vie humaine. Un ratio entre humidité de l’air et température — calculé en degrés dits wet-bulb temperature ou TW —, fixé à 35 ° TW, ne permet plus au corps humain de se réguler. Au Pakistan, en Oman, aux Émirats arabes unis, y compris dans des zones nouvellement urbanisées, ce seuil mortel a déjà été récemment dépassé plusieurs heures consécutives, questionnant l’habitabilité de ces endroits à moyen terme.
DES VILLES BIENTÔT INVIVABLES
Dès lors, à quoi bon investir et construire des infrastructures dans des villes qui dans quelques années et à certaines saisons ne permettront pas, selon les scientifiques, de respirer à l’extérieur plus d’une dizaine de minutes ? L’augmentation globale des températures multiplie déjà et prolonge ces périodes proprement invivables. Ce défi du réchauffement, plus intense et plus précoce qu’ailleurs sur la planète, particulièrement dans les zones où l’air est humide telles les rives du golfe Arabo-Persique, ne sera aucunement réglé par la climatisation. En zone urbaine, celle-ci a pour effet d’accentuer la chaleur extérieure. Par ailleurs, l’élévation du niveau de la mer met en danger nombre de centres urbains dont beaucoup ont été gagnés sur l’eau, que ce soit à Tunis ou Doha.
Massivement centrés sur les questions identitaires, sociales et économiques, rares sont les débats publics en Afrique du Nord et au Proche-Orient sur la question du dérèglement du climat. Si certaines mobilisations ponctuelles de la société civile existent comme l’illustrent divers articles du dossier, partout, les gouvernants semblent entretenir la foi en des solutions techniques de plus en plus sophistiquées, voire dystopiques comme l’est le projet « The Line » au nord-ouest de l’Arabie saoudite : un bâtiment de verre et d’acier de 170 km de long et de 500 mètres de haut construit en plein désert et qui serait censé abriter 9 millions de personnes. La construction même d’une structure de ce type exige la mobilisation de telles quantités de matériaux et émet tant de CO² — certains estiment que cela représente quatre fois les émissions annuelles du Royaume-Uni1 que la qualifier d’écologique ressemble à une supercherie. Les travaux ont pourtant été officiellement lancés en octobre 2022.
LA QUESTION CENTRALE DE L’HABITAT
La promesse de rendre la Coupe du monde de football au Qatar neutre en carbone, bien que complaisamment validée par la FIFA, n’est guère crédible et passe moins par la sobriété que par des mécanismes de compensation d’émissions de CO² qui sont hautement discutables sur le plan de l’efficacité et de l’éthique. Ils font circuler de l’argent vers des entreprises qui pratiquent le « greenwashing » et plantent des arbres ailleurs, mais n’impliquent aucunement la réduction effective des émissions de gaz à effet de serre.
La question de l’habitat est centrale pour faire face au dérèglement. Du Maroc à Oman, l’abandon des solutions locales frugales, faites notamment en utilisant le pisé ou la pierre, a un effet très négatif en termes de bilan carbone. Le moellon et le béton, sans aucun isolant pour se protéger du chaud comme du froid, se sont imposés. Ils génèrent pourtant une grande fragilité des populations aux aléas météorologiques en créant des ilots de chaleur, justifient la climatisation de tous les bâtiments et exigent de très grandes quantités et des types de sables parfois importés (et devenus rares) car paradoxalement pas toujours disponibles dans la région.
Les modèles d’urbanisme privilégiés font également la part belle à l’étalement. L’implication des multinationales occidentales dans de tels projets, souvent absurdes, pointe du doigt le maintien des économies du Nord dans des logiques de gaspillage des ressources. Les villes du Golfe sont à cet égard extrêmement problématiques et sont devenues des normes (autoroutes, maisons individuelles, artificialisation, privatisation des espaces) qui essaiment dans l’ensemble du monde arabe, en Turquie et en Iran2. Songeons ainsi que le plan de développement de la nouvelle capitale administrative égyptienne n’a pas intégré d’infrastructures de transport collectif. L’extension du métro du Caire vers celle-ci n’a par ailleurs été que très tardivement annoncée et le lancement des travaux n’est pas encore effectif.
DÉPENDANCE AUX RENTES PÉTROLIÈRES ET GAZIÈRES
Nulle part n’entrevoit-on des politiques de sobriété ou même de lutte ambitieuse contre les formes de pollution, largement causées par la circulation automobile ainsi que les usines — dont celles de ciment. Ainsi Téhéran est-il fréquemment confronté à des pics impressionnants qui entrainent l’arrêt des écoles par les autorités. Le Caire, Istanbul, Sanaa et Beyrouth — chaque ville étant aussi contrainte par des configurations géographiques particulières qui parfois emprisonnent l’air vicié par les particules fines et l’ozone, ne sont pas en reste.
La place partout accordée à la voiture individuelle et le maintien d’une urbanisation peu dense justifient l’engouement actuel pour l’hydrogène comme énergie alternative. C’est autour de cette solution, pourtant immensément complexe et encore incertaine, que se structure la projection d’une neutralité carbone des États du Proche-Orient et d’Afrique du Nord. Le sultanat d’Oman promet d’atteindre cet objectif d’ici 2050 en s’appuyant en particulier sur l’énergie solaire qui permettrait de produire de l’hydrogène vert et d’en exporter. L’Arabie saoudite a annoncé des investissements faramineux dans la recherche sur cette énergie, dont plus de 3 milliards de dollars (3,03 milliards d’euros) auprès de partenaires égyptiens, avec l’ambition notamment de produire des engrais agricoles.
La région est caractérisée par sa dépendance globale aux rentes pétrolières et gazières. Les différences y sont évidentes entre par exemple le Koweït dont le budget étatique est fondé à 91 % sur les revenus des hydrocarbures en 2022 et la Tunisie qui est devenue importatrice nette en 2000. Toutefois, cette dimension constitue en soi une source de contradiction forte dans la lutte pour le climat. Aucun État n’envisage un instant de cesser les exportations des hydrocarbures ou leur exploitation tant qu’une demande existe (et que les prix sont hauts comme dans le contexte de la guerre en Ukraine) ou que les ressources peuvent être brûlées à moindre coût pour fournir de l’électricité à un tarif compétitif. Le fantasme de l’exploitation en Méditerranée orientale des gisements de gaz par le Liban et Israël en est un bon indicateur.
Tout au plus les gouvernements et les élites économiques semblent-ils disposés à utiliser une part de cette rente pour investir dans le renouvelable, en particulier solaire qui semble de fait inépuisable dans la région. Mais ces nouvelles sources d’énergie ne se substituent que rarement aux énergies carbonées et ont alors pour ambition essentielle de permettre de répondre à une augmentation de la demande. Celle-ci persiste du fait de la hausse importante de la population et des usages, ainsi que du développement de nouvelles activités tel le « minage » de cryptomonnaies pourtant extrêmement énergivore tant il mobilise des serveurs informatiques énormes qu’il faut en plus réfrigérer3. La rente pétrolière continue par ailleurs d’encourager à investir dans les infrastructures commerciales et touristiques, entrainant toujours plus de flux et d’émissions, quand bien même ces dernières sont en apparence compensées par l’achat de droits à polluer.
L’horizon fixé de la neutralité ressemble dès lors à un tour de passe-passe et n’est aucunement intégré dans les politiques publiques ni dans les pratiques quotidiennes. La sensibilisation du public — par-delà les gestes symboliques ou politiques liés par exemple à la Marche verte au Maroc ou aux nombreux « boulevard de l’environnement » dans les villes tunisiennes, en passant par les campagnes contre le rejet sauvage d’ordures un peu partout, demeure une vraie question. Les milliers de tonnes de déchets de plastiques qui abiment jusqu’aux paysages les plus reculés et les littoraux, la biodiversité réduite à une peau de chagrin, le recours systématique à de l’eau en bouteille, les habitudes alimentaires comme les gaspillages en tous genres symbolisent l’entrée récente, brutale parfois, de l’Afrique du Nord et du Proche-Orient dans une société d’abondance et de (sur)consommation. La sortie de celle-ci, impérieuse, n’en semble de fait pas facilitée, notamment quand d’autres contraintes découlant de la pauvreté ou de la guerre rythment le quotidien.
QUI EST RESPONSABLE ?
Dans la région comme ailleurs en Asie, Afrique subsaharienne et Amérique latine, le sentiment d’une responsabilité moindre que celle de l’Occident dans la lutte contre le dérèglement climatique demeure sans doute prégnant. S’il n’est pas illégitime quand on compare les émissions par habitant entre un Marocain et un Américain depuis un siècle, il vient peut-être légitimer une certaine apathie. Ce sentiment est parallèlement encouragé par les demandes de versement de pertes et dommages aux pays du Sud. L’invention de tels mécanismes devrait être au cœur des discussions à Charm El-Cheikh, poussées notamment par l’Égypte4. Mais cette logique a aussi pour fonction d’occulter les mauvaises pratiques « climaticides » dans les pays qui formulent les demandes et demeurent, quoi qu’on en pense, au cœur de bien des aspirations des élites, si ce n’est des habitants. Le modèle de Dubaï, toujours plus haut et bétonné, fondé sur le consumérisme et les artifices, n’est pas encore un repoussoir. Il est au contraire imité à coup de centres commerciaux, mosquées pharaoniques, autoroutes urbaines et quartiers d’affaire avec des gratte-ciels plus ou moins réussis.
Outre les questions liées au climat, à la pollution et à l’énergie, il en est une autre qui se pose de façon particulièrement aiguë : celle de l’eau. La région, avec certes de grandes disparités, est caractérisée par la faiblesse globale de cette ressource proprement vitale ainsi que par sa surexploitation, accentuée par la croissance démographique. Les fleuves, Nil comme Euphrate en particulier, sont l’objet de compétition réelle entre les États qu’ils traversent. En outre, le gaspillage des ressources de surface, par exemple en Irak du fait d’un réseau d’adduction et d’irrigation totalement défaillant, entraine une vulnérabilité réelle des populations et met en échec les modèles agricoles et les modes de vie traditionnels. L’exemple du sud de l’Irak où les marais ont disparu est à cet égard déchirant, tout comme l’est l’assèchement du Jourdain et de la mer Morte en Palestine occupée, poussé par l’accaparement des terres et de l’eau par les Israéliens. La sécheresse dans le nord de la Syrie au cours de la décennie 2000 a elle-même été considérée comme l’un des facteurs déclencheurs du soulèvement de 2011, puis de la guerre.
La situation est aussi particulièrement tendue dans les hautes terres du Yémen autour de Sanaa où la perspective de la désalinisation de l’eau de mer (modèle développé dans la région) est inenvisageable du fait de l’altitude. Les nappes phréatiques s’y trouvent déjà massivement surexploitées (à hauteur de 140 % du renouvellement annuel par les eaux de pluie) et pourraient rapidement se trouver à sec, imposant alors un déplacement massif de populations. Paradoxalement, dans ce même bassin autour de la capitale yéménite, les risques d’inondations du fait de tempêtes tropicales s’accroissent, illustrant les failles de la planification urbaine, sans pour autant résoudre la question du manque structurel d’eau pour les habitants comme pour les cultures.
La complexité des enjeux se trouve enfin symbolisée par le développement récent, en contexte de guerre et de faillite de l’État, des panneaux solaires individuels dans les campagnes yéménites. Ceux-ci ont pour effet pervers de favoriser la surexploitation des nappes phréatiques. Ils offrent en effet une énergie apparemment gratuite pour puiser et irriguer sans limites là où les pompes fonctionnaient avant au diesel qu’il fallait payer.
En Afrique du Nord et au Proche-Orient, les enjeux liés à l’écologie, ou plus particulièrement au climat, souffrent d’être largement occultés. C’est un fait que les sociétés elles-mêmes, comme les pays de la région, ne s’en sont pas encore saisi de façon pleine et consciente. Les ferments de mobilisation souffrent en outre de la répression. Plus sans doute qu’en Europe et d’autres régions tempérées, c’est pourtant probablement une affaire de survie.
Les commentaires récents