Comme tout le monde le sait, c’est dans la forêt de Compiègne, plus précisément dans la clairière de Rethondes, que la convention d’Armistice est signée le 11 novembre 1918 à 5h15 entre les Alliés représentés par la France et la Grande Bretagne et les plénipotentiaires allemands.
Puis le Traité de Versailles signé le 28 juin 1919 fait suite à la signature de l’Armistice signé un an plus tôt et officialise la paix entre toutes les nations européennes.
Votre serviteur a eu l’occasion d’aller sur ces lieux plusieurs fois ayant habité durant 25 ans à Compiègne.
On ne sait pas toujours à quoi tient notre propre vie. Il y en a un qui l’a appris à ses dépends : Augustin Trébuchon. Pourquoi ? Parce que ce soldat de première classe et agent de liaison au sein du 415ème régiment d’infanterie a pris une balle en plein front, 10 minutes avant l’armistice du 11 novembre 1918. Il est considéré comme le dernier poilu tué au combat sur le territoire français lors de la Grande Guerre.
Nous sommes le lundi 11 novembre 1918 et il est 10h50. L’Armistice vient d’être signée, à 5h15, mais n’entre en vigueur qu’à 11 heures. Sur la rive droite de la Meuse, un petit village, Vrigne-Meuse (Ardennes), est occupé par les Allemands. Ils sont retranchés sur le Signal de l’Epine, la crête d’une colline dominant le fleuve. Mais impossible de savoir où précisément. Le temps est mauvais, le brouillard épais.
L’aviation est en effet clouée au sol en raison du brouillard. Qu’importe, les ordres sont les ordres. Dans la nuit du samedi 9 au dimanche 10 novembre, Augustin Trébuchon et ses camarades s’élancent au-dessus de la Meuse sur un pont de fortune, fait avec des planches de bois. Sous une pluie battante et le feu ennemi, les soldats glissent, trébuchent, certains tombent dans le fleuve et s’y noient. 700 hommes parviennent sur l’autre rive. Augustin Trébuchon est l’un d’eux. Coriace le gaillard !
En face, à Dom-le-Mesnil, les troupes françaises sont stationnées, et se préparent à un assaut. Ce sera la dernière bataille de la guerre 14-18. En effet, le 415e régiment d’infanterie a pour mission de franchir le fleuve « à tout prix », selon les ordres. Pour l’état-major, il ne faut pas relâcher la pression sur l’ennemi, alors que se négocient au même moment les conditions de l’armistice. « L’ennemi hésite à signer l’armistice. Il se croit à l’abri derrière la Meuse. Il faut frapper son moral par un acte d’audace. Passez comme vous pourrez : au besoin sur les voitures de vos convois, mises en travers du fleuve », ordonne, le 9 novembre, le général Marjoulet, qui commande le 14e corps d’armée.
Bon, les ordres du général Marjoulet sont les ordres. Seulement voilà, à un instant précis avant même la proclamation de l’Armistice, le dernier tir d’une mitrailleuse allemande retentit. Un poilu, agent de liaison, s’effondre, seul, le crâne fracassé par une balle, avec dans sa main un morceau de papier, sur lequel est inscrit l’ultime message qu’il devait transmettre. Il s’agit d’Augustin Trébuchon qui vient de trébucher. Le berger de Lozère, si attaché à son pays et région n’est plus.
Né en Lozère, le 30 mai 1878 à Montchabrier, petit hameau de Lozère, le soldat de première classe Augustin Trébuchon, trapu de 1,61 m, est le fils d’un cultivateur. Joueur d’accordéon, il était « très réputé pour ses airs de bourrée et de brise-pied, et il animait toutes les soirées et les veillées du canton », explique Léon Bourrier, le fils d’un ami proche d’Augustin.
Il était berger, célibataire et soutien de famille. Depuis ses 16 ans, il avait la charge de ses cinq frères et sœurs après la mort de leurs parents. Cette situation l’exemptait de toute mobilisation. Mais il ne l’entendait pas ainsi, le bougre.
Dès le 4 août 1914, à 36 ans, le gars, au lendemain de la déclaration de guerre de l’Allemagne, il quitte sa famille, dit au revoir à sa fiancée Hortense et descend à Mende, à une cinquantaine de kilomètres de là, pour s’engager. Il ne reverra le Gévaudan que lors d’une unique permission. Votre serviteur ne sait pas de ce qu’il a fait de ses cinq frères et sœurs… mystère ! Ils avaient probablement grandi et étaient probablement devenus indépendant.
De plus, notre matriculé 13 002, en 1918, à l’âge de 40 ans, a fait toutes (ou presque) les batailles : la Somme, la Marne, Verdun, le Chemin des Dames… Il n’a été blessé que deux fois en quatre ans. C’est un miraculé car des engagés de 1914, il n’en restait plus beaucoup en 1918.
Notre Augustin Trébuchon saute de trous en abris pour délivrer les messages qui lui sont confiés faisant des allers-retours entre le poste de commandement, installé dans la cave du bureau des PTT à Dom-le-Mesnil, jusqu’aux soldats à quelques centaines de mètres de là, au pied du Signal de l’Epine.
Mais après la traversée meurtrière et l’avancée de la nuit, les Allemands contre-attaquent. Vers 10h30, ce dimanche 10 novembre, le brouillard se dissipe pour laisser place à une pluie d’obus. Les canons allemands tirent rageusement et l’assaut repousse le 415ème régiment derrière un talus de voie ferrée longeant la Meuse. Les mitrailleuses se déchaînent : au tac-tac sec et saccadé des Hotchkiss, les Maxim répondent ainsi que les fusils mitrailleurs dans ce concert meurtrier.
Le maréchal Foch annonce la fin de la guerre par télégraphe aux commandants en chef des différentes armées alliées. « Les hostilités sont arrêtées sur tout le front, à partir du 11 novembre, 11 heures (heure française). Les troupes alliées ne dépasseront pas, jusqu’à nouvel ordre, la ligne atteinte à cette date et à cette heure. »
Le message parvient au 415ème, celui de notre Augustin Trébuchon, à 8h30 sous les obus qui continuent de pleuvoir, et notre Augustin de courir. « Rassemblement à 11h30 à Dom-le-Mesnil pour le ravitaillement », c’est l’ordre qu’il doit transmettre à son capitaine sur la ligne de front.
Pourquoi envoyer Augustin sous les balles alors que la guerre doit prendre fin à 11 heures ? Mystère. Il franchit une nouvelle fois la passerelle du barrage sur la Meuse, bondit en direction de la voie de chemin de fer où s’est stabilisée la ligne de front.
Mais sa bonne étoile l’abandonne à 10h50. Sur les hauteurs, les Allemands arrosent les lignes françaises à la mitrailleuse. Augustin Trébuchon s’effondre dans la boue, touché par une balle en pleine tête. Il est considéré comme étant le dernier soldat français tué au combat sur le territoire français.
À dix minutes près, après plus de 1 560 jours de combats, Augustin manquera les réjouissances, l’armistice, la Marseillaise, les embrassades, la joie des vainqueurs, le retour en héros en Lozère.
Pour la Belgique, des recherches menées par des lycéens belges et une association bretonne ont révélé qu’un autre poilu, Auguste Renault, serait mort 8 minutes plus tard en Belgique, fauché par un obus français tiré par erreur.
Dans le silence qui suit l’armistice, on compte les morts tombés depuis le 9 novembre : 68 poilus du 415ème ont été fauchés et 97 blessés. Ils sont enterrés dans un carré du cimetière de Vrigne-Meuse, mais sur leurs tombes on peut curieusement lire « Mort le 10 novembre 1918 ». C’est également le cas sur la fiche individuelle d’Augustin Trébuchon.
Pourquoi la vraie date de la mort d’Augustin Trébuchon a-t-elle été modifiée, en l’antidatant, dans son livret militaire ? L’historien Jean-Yves Le Naour l’explique de la manière suivante : « Pour un certain nombre de soldats qui ont été tués le 11 novembre, leur décès a été retranscrit sur les fiches matricules pour le 10 novembre parce qu’il était trop difficile d’avouer et de dire aux familles que leur fils, leur mari, leur frère avait été tué le jour même de l’armistice ».
La date de la mort des blessés qui moururent les jours suivants a également été modifiée pour permettre à leurs épouses de toucher les pensions accordées aux veuves de guerre et ainsi s’éviter de longues contestations.
C’était l’époque où la Patrie existait et avait un sens profond. La gauche et les écolo-dinguos d’aujourd’hui ont tout fait pour faire voler en éclat toutes ces notions profondes de patriotisme et amour de son pays, conformément à la volonté du peuple français qui les met au pouvoir, sans relâche, depuis 50 ans.
Cachou
https://resistancerepublicaine.com/2022/11/12/14-18-le-dernier-soldat-francais-tue-10-minutes-avant-larmistice-augustin-trebuchon/
.
Les commentaires récents