Les services de sécurité algériens, longtemps reconnus pour leur sophistication extrême, traversent une phase de totale instabilité qui s’est traduite en cette rentrée de septembre par une double éviction, celle du patron du renseignement militaire et celle du chef des services extérieurs, deux postes clés au sein de l’État algérien. Autant de purges qui traduisent le retour en force du général Mediene, dit « Toufik », qui fut pendant un quart de siècle, jusqu’à son éviction en 2015 puis son placement en détention, le patron tout puissant des services algériens et à ce titre un l’homme fort du régime.
Fer de lance, sous l’appellation du MALG, de l’armée de libération nationale (ALN), qui a mené mené le pays à l’Indépendance en 1962, les services secrets ont imposé leur prééminence par l’élimination physique de tous ceux qui s’opposaient à leur longue marche, sous la houlette de feu le président Boumedienne, vers leur absolu contrôle du pouvoir algérien.
Depuis des mois, Mondafrique a évoqué le formidable turn over des nominations au coeur de l’armée algérienne, une véritable saga ponctuée par des évictions brutales et des arrestations à répétition. Et ceci depuis 24 février 2019, date du début du Hirak, cette mobilisation populaire qui, après la démission de l’ex président Bouteflika, aurait pu renverser le régime si un leadership s’était dégagé de cette formidable colère populaire.
Chaises musicales
Avant dernière purge au sein de l’institution militaire, on a assisté, le 19 juilletdernier, à un jeu de chaise musicale inédit entre les deux responsables de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI, contre espionnage) et la Direction générale de la documentation et de sécurité extérieure (DGDSE; services extérieurs). Les raisons qui expliquent cette permutation entre le général Abdelghani Rachedi, nommé à la tète de la DGDSE et le général Kamel Kehal Majdoub qui le remplace à la DCSI, restent assez obscures.
Le général Rachedi est devenu ainsi, avant d’être lui aussi écarté en septembre dernier, le cinquième gradé, en trois ans, à occuper ces fonctions sensibles dont les titulaires sont chargés, entre autres, de la traque des opposants algériens en France et en Europe.
Mais l’institution militaire algérienne n’était pas encore ap
paremment parvenue, cet été; à son point d’équilibre. Un nouveau coup de théâtre, le 3 septembre dernier, voit le général Rachedi évincé moins d’un mois après sa nomination. Ce militaire, revenu à Alger à la fin du mois d’aout pour la visite d’Emmanuel Macron alors qu’il était soigné pour un AVC dans un hôpital parisien, vient d’être remplacé par un retraité longtemps proche de l’x DRS du général Toufik, le général Djebar Mhénna, dont Mondafriqe fera le portrait dans les jours qui viennent.
Huit jours après la nomination de Mhénna, c’est à la DCSA, la puissante direction du renseignement militaire et le bras armé du chef d’état major, le général Chengriha, de connaitre elle aussi de sérieuses turbulences. Son directeur, Sid Ali Ouled Zmirli, l’homme de confiance de Chengriha et qui veille, via son frère, sur le séjour parisien du fils de Chengriha (voir l’article ci dessous), est écarté et remplacé par un général à la retraite Abdelaziz Nouiouet Chouiter.
Le retour définitif du général Mediene, alias Toufik :
Dés sa sortie de prison, le 3 janvier 2021, le général Mohamed Mediene, alias Toufik, qui fut le vrai patron de l’Algérie pendant un quart de siècle jusqu’à son éviction en 2015 par le président Bouteflika et sa condamnation à quinze ans de prison un peu plus trad, n’aspirait qu’à prendre sa revanche sur ceux qu’ils l’avaient trahi. Son objectif était reprendre la main sur les services de sécurité qu’il avait dirigés, sous le nom de DRS, pendant un quart de siècle.
Mondafrique a raconté comment le retour aux affaires du général Mediene, dit « Toufik », s’est fait progressivment à partir du moment où, faute d’expertise politique et de vraie capacité de renseignement, le patron des armées, le général Chengriba, a ressenti le besoin dee faire revenir aux affaires les cadors qui entouraient, notamment pendant les années noires (1992-1998), le général Toufik au sein de l’ex DRS. . Progressivement l’alliance se concrétise à travers un certain nombre de nominations plus ou moins officieuses: celle à la Présidence de l’ancien directeur de cabinet du chef du DRS le général Mansour Benamara alias Hadj Redouane, celle du général Abdelaziz MEDJAHED conseiller à la présidence puis au I’INESG (Institut national des études de stratégie globale); celle du colonel Mohamed Chafik MESBAH conseiller des affaires réservées à la présidence.
Les services de renseignement mis au pas
Une fois le président Tebboune sous surveillance et des conditions précises mises à la possibilité d’un deuxième mandat , c’est au tour des services de sécurité d’être mis sous tutelle par les anciens du DRS. La messe est dite désormais, l’Etat profond a été reconstitué.
La mainmise du général Toufik sur le coeur de l’institution militaire s’est faite en plusieurs étapes, toutes parfaitement maitrisées. L’opération a été bouclée par la main mise des « Toufikistes » sur la DCSA, le bras armé de l’armée en matière de renseignement, de poursuites judiciaires et de lutte contre le terrorisme. Le général Abdelaziz Nouiouet Chouiter, ancien patron du GIS, le Groupe d’intervention spéciales des années noires, qui vient d’être nommé, est connu pour sa proximité avec le général Toufik.
La mise au pas des trois directions composant les services de sécurité (DCSA, DGSI, DGDSE), portent la marque des anciens du DRS. À quand un coup de force des partisans du général Toufik contre l’actuel chef de l’état-major, le général Chengriha? Issu de l’Armée de terre, ce dernier n’est pas un des leurs.
À la place du général Chengriha, on commencerait à s’inquiéter !
By Nicolas Beau -19 septembre 2022
https://mondafrique.com/la-dramatique-hemorragie-des-services-de-securite-algeriens/
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