Les « Nationalistes » algériens font le siège du Cabinet Sarraut1.
Ben Badis (porte-parole des Oulémas) évoque l’éventualité d’un Etat algérien. « Nous voulons que l’Algérie devienne un protectorat … C’est-à-dire une nation démocratique sous la protection de la France. Nous ne voulons pas de l’assimilation, parce qu’elle est impossible et nous fait perdre notre personnalité... »
Ben Badis précise toutefois : « Nous ne voulons pas de l’indépendance absolue parce que nous ne sommes pas assez pour la défendre ».
Les maires d’Algérie sentent bien que cette amorce de pourparlers entre les « nationalistes » et le gouvernement français représente à terme, proche ou plus lointain, l’indépendance de l’Algérie. En effet, un simple « protectorat » n’offrirait aucune garantie pour les Européens.
Ils protestent et menacent d’une grève générale, « si le projet vient en discussion devant la Chambre des députés ».
De son côté, la Fédération des élus musulmans « soutient à fond le projet Violette ». Ce projet, sous la pression de la Fédération très puissante des maires d’Alger ne verra pas le jour.
Messali Hadj fonde le P.P.A. (Parti Populaire Algérien).
Ferhat Abbas et Ben Badis, loin de se décourager demandent à rencontrer Edouard Daladier.
Daladier leur confirme que le Parlement ne veut pas entendre parler du projet Violette. Lui rappelant que la « citoyenneté » française est incompatible avec le statut coranique, lui demandant de « l’aider à faire respecter l’ordre ». Ce à quoi Abbas répond que « le respect du droit de l’individu est plus important que le meilleur armement... La méthode qui consiste à faire naître des espoirs et à ne pas les satisfaire, à promettre et à ne pas donner conduit au divorce. Le Gouvernement en assumera la responsabilité devant l’Histoire".
Ben Badis au nom des Oulémas réplique « qu’il n’y a de force qu’en Dieu. Notre cause est juste et nous continuerons à défendre envers et contre tous. »
Au sortir de cette entrevue, les derniers espoirs des Nationalistes algériens s’évanouissent. Le Gouvernement Daladier « perd de vue la question de l’Algérie ». D’autres soucis l’accaparent : nous sommes en 1939 et c’est la veille de la guerre.
Le 29 septembre 1939, le gouvernement général dissout le Parti Populaire algérien de Messali Hadj et arrête son leader.
Défendu par Me Boumendjel, Messali Hadj sera lourdement condamné (sous Vichy), à 16 ans de travaux forcés, de 20 ans d’interdiction de séjour et d’une amande de 30 millions de francs.
Ferrat Abbas est mobilisé, en tant que pharmacien auxiliaire. Avant de rejoindre son régiment, il note dans son journal " L’Entente » : « Si la France Démocratique cessait d’être puissante, notre idéal de liberté serait à jamais enseveli… Affirmons par des actes notre foi dans la victoire française dans le triomphe de la liberté ».
Que de prescience chez cet intellectuel…
Comme la quasi totalité du peuple algérien, tous croyaient en la victoire de la France sur l’Allemagne nazie.
La défaite de la France en 1940, l’écroulement de son armée et du moral des Français seront « un coup de tonnerre ».
Il faut dire que la France avait mobilisé massivement en Métropole, en Algérie, partout, dans le calme et la détermination de gagner. Dans l’opinion publique autant musulmane, qu’européenne, la victoire de la France ne faisait aucun doute.
L’armistice laisse intacte la souveraineté française sur l’Afrique du Nord.
Le général Noguès est chargé de la défense de l’ensemble de l’Afrique du Nord.
Le 18 Juin de Gaulle s’est emparé du micro à Londres pour son appel devenu célèbre, chez les Anglais.
Mais en réalité les affaires sérieuses se passent en Algérie où une partie de l’aviation française a gagné les bases en Afrique du Nord. L’escadre de Toulon (La Navale) proche de la ville d’Oran s’est repliée à Mers El Khébir.
Le 3 Juillet 1940, la flotte française est bombardée et détruire par les Anglais à Mers El Khébir.
Les Allemands ne s’intéressent absolument pas à l’Algérie. Mais ils comprendront trop tard leur erreur, et l’importance géographique de cette région.
Le Général Weygand a compris tout le parti qu’il pourrait tirer de la souveraineté française sur l’Afrique du Nord, laissée intacte.
En effet, c’est en Algérie, que, sur le plan militaire, Weygand va préparer la revanche contre les Allemands – qu’il hait - !
Les Américains aussi s’intéressent de très près à l’Algérie. Mais plus pour des raison de tactique plus globale et visionnaire. Ils voient loin dans le temps et visent par la même occasion, le ventre mou d’Hitler (les Balkans.) En grignotant vers la Tunisie, l’Italie, l’Adriatique, les Américains ont toujours un coup d’avance.
Ferhat abbas est démobilisé. Il adresse à Pétain une missive au nom des jeunes algériens, des fellahs, des ouvriers et des militants. « Il réclame des réformes, insiste sur le paysannat, au sujet duquel il déplore l’accaparement des terres par les grandes sociétés ».
Il cite Renan et « le désir d’être ensemble, ce désir qui est, selon la définition de Renan, l’élément constitutif de la Nation ».
Pétain lui répond « qu’il étudiera ses suggestions ». La France en 1941 fait face à une situation économique tragique, la France vit en autarcie.
L’Algérie qui ne reçoit plus de la France, les produits de première nécessité avec les restrictions imposée par la collaboration ,connaît dans la population musulmane et européenne une recrudescence du chômage, une crise du logement, et une prolétarisation générale.
Pendant ce temps, la propagande nazie contre la France bat son plein et cible plus particulièrement les Musulmans. Elle fait des émules parmi les « Nationalistes « . Le journal El Rachid, encouragé par les Allemands adopte un ton résolument anti-français.
La riposte de Weygand est radicale. Il fait fusiller le Président des Scouts musulmans, un agent des Nazis, qui « a livré des renseignements à la Commission d’armistice allemande. »
Un petit nombre de Musulmans s’engagent dans la Légion des Volontaires français sur le front russe aux côtés des Allemands. Weygand fera tout son possible pour les en empêcher.
Parmi les rescapés, Mohammed Saïd. Il s’engagera plus tard dans les rangs du FLN, avec quelques-uns de ses camarades. Il obtiendra de la part du FLN un poste de ministre.
La reconstitution de l’armée d’Afrique.
C’est Weygand qui en sera le maître d’oeuvre. Les négociations s’avèrent plus compliquées que prévu. Il faut en passer par les Américains avec qui Weygand noue des contacts. Il réclame 100 000 tonnes de denrées diverses en deux ans. Weygand travaille (alors que la France est toujours sous état de collaboration), à l’entrée de l’Afrique du Nord dans la guerre.
En 1942, à Cherchell le général Clarke et le Général français Mast dressent les plans d’un débarquement allié en Provence.
Les Américains et les Anglais s’installent provisoirement au Maroc et en Algérie. Mais les Allemands débarquent en Tunisie, où ils resteront six mois, avant d’être chassés par les Anglais.
Les intrigues gaullistes.
Un petit noyau de Gaullistes se livre alors à d’incessantes intrigues et querelles intestines avec les équipes du Général Giraud.
L’Amiral Darlan et assassiné le 24 Décembre 1942, par qui ? On ne le sait toujours pas.
Les pleins pouvoirs sont confiés au Général Giraud, au titre de Commandant en Chef civil et militaire, général apprécié des Américains, tout comme Darlan. Il lève 300 000 hommes, Européens et Musulmans qui seront équipés et armés par les Américains sous le Haut Commandement du Général Patton.
Ferhat Abbas noue des relations avec Robert Murphy. Ferhat considère l’Américain comme un interlocuteur à l’écoute. Ses espoirs se ravivent. De nouveau, c’est l’avocat Me Boumendjel qui rédige à l’intention des autorités un « message des représentants musulmans algériens aux autorités, remis au Gouverneur Général d’Alger, aux Américains et aux Anglais.
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mercredi 10 août 2022
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