Une analyse critique par Christiane Chaulet Achour, professeur de Littérature comparée à l’Université de Cergy-Pontoise, de la position d’Albert Camus dans la guerre d’Algérie/guerre de libération nationale.
Cette intervention dans le cadre de l’Université populaire de Chambéry, le 14 octobre 2011, paraîtra dans les Actes du colloque « 50 ans après les accords d’Evian ».
Le titre que j’ai adopté signifie clairement qu’en cette veille du cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie, mon propos se concentre sur la position de Camus durant cette guerre. On conviendra toutefois, qu’étant donné sa naissance algérienne, son vécu, ses actions et ses écrits antérieurs dans/sur le
pays, on ne puisse entrer dans la période 1954-1960 – puisque Camus meurt deux ans avant la fin de la guerre –, sans parler de… 1913 à 1954, de sa naissance donc, au déclenchement de la guerre.
Ses lecteurs ne peuvent ignorer sa naissance et ses années d’enfance,
d’adolescence et de jeune adulte dans ce pays qui est alors le fleuron de l’Empire français. La difficulté est plus grande, par contre, pour que ces mêmes lecteurs fassent « signifier » ce vécu algérien dans l’écriture même, d’autant que la critique glisse le plus souvent sur cet aspect. Pourtant l’Algérie est bien le cadre de ses expériences, de ses activités et de ses oeuvres premières ; de manière plus biaisée après son départ du pays : oubliée apparemment puisque d’autres espaces la supplantent alors, elle reste néanmoins présente, en plein ou en creux, dans les textes de l’écrivain et du journaliste, jusqu’à ce 4 janvier 1960 qui interrompt brutalement une vie mais aussi une oeuvre, déjà devenue classique, et pourtant encore en devenir. Le manuscrit que l’écrivain laisse inachevé était un « retour à l’Algérie », sans voile ni détour, Le Premier homme.
L’Algérie est donc une des « clefs » dont on ne peut se passer pour comprendre l’homme et l’écrivain. Lui-même précisait dans la préface de la réédition de L’Envers et l’endroit en 1958 : « Chaque artiste garde ainsi, au fond de lui, une source unique qui alimente pendant sa vie ce qu’il est et ce qu’il dit […] Pour moi, je sais que ma source est dans L’Envers et l’endroit, dans ce monde de pauvreté et de lumière où j’ai longtemps vécu. »
Il meurt à une mer de cette terre, sur l’autre rive de la Méditerranée dont il
est un des représentants les plus prestigieux. Il est alors au centre de débats
passionnés par ses positions sur la guerre violente qui oppose colonisés et
colonisateurs : le reproche majeur qui lui est fait est de ne pas être assez clair sur ses choix en ce qui concerne cette question algérienne qui met en péril plusieurs gouvernements français et qui reste aujourd’hui un des événements historiques majeurs du XXe siècle pour les deux pays. On demande à l’artiste d’être avant tout citoyen et de peser de son poids d’un côté ou de l’autre des adversaires en présence : du même coup, la force symbolique de l’écriture est oubliée et la passion emporte les jugements. Il faut reconnaître que la passion est difficilement soluble au moment d’un conflit armé et d’une rupture historique comme celle d’une guerre de décolonisation qui bouleversait l’avenir des communautés en présence dans cette colonie de peuplement. Nous trouvons exprimée, dans les annexes du Premier homme, une exaspération provoquée peut-être par ce climat dans lequel il vit alors : « J’en ai assez de vivre, d’agir, de sentir pour donner tort à celui-ci et raison à celui-là. J’en ai assez de vivre selon l’image que d’autres me donnent de moi. Je décide l’autonomie, je réclame l’indépendance dans l’interdépendance. » Il est symptomatique de constater qu’il réclame pour lui-même, ce qui est « sa » solution au conflit algérien : « l’indépendance dans l’interdépendance ». Nous allons y revenir.
L’appartenance algérienne de Camus
Albert Camus est né le 7 novembre 1913 à Mondovi dans l’Est algérien. Il
n’est pas fils de colon possédant mais fils de pauvre et sa naissance en ce lieu est due au hasard du travail que son père a trouvé. Il devient orphelin de père au début de la guerre de 1914. Le chapitre d’ouverture du Premier homme
recompose cette naissance et ses aléas et le désir du fils, quarante ans plus tard, d’aller à Saint-Brieuc pour rendre visite à cet inconnu : « 1885-1914 : vingt neuf ans. Soudain une idée le frappa qui l’ébranla jusque dans son corps. Il avait 40 ans. L’homme enterré sous cette dalle, et qui avait été son père, était plus jeune que lui. »
De 1918 à 1932, de Belcourt, adresse de l’appartement familial, à Bab-el-
Oued où il est élève au lycée Bugeaud, le grand lycée d’Alger qui couronne la
sortie du milieu d’origine grâce à la filière scolaire républicaine, les trajets de
l’enfance et de l’adolescence de Camus suivent une courbe qui serpente à
l’horizontale tout au long de la baie d’Alger et qui ne s’égare guère à l’intérieur
du pays, même à proximité de la côte. De 1935 à 1940, la vie s’invente dans
l’Alger d’alors entre ami(e)s, amours, activités militantes, dont son engagement
bref au Parti Communiste où il a été chargé de la « propagande » dans les milieux musulmans, activités intellectuelles avec ses études de philosophie – dont la consécration avec l’agrégation lui sera refusée pour cause de tuberculose –, et culturelles avec le théâtre dont on sait l’importance qu’il eut pour lui toute sa vie. Les premières publications, L’Envers et l’endroit puis Noces diront avec force, sous la plume de ce jeune homme chez qui on a diagnostiqué la tuberculose en décembre 1930 qui pèsera de son poids toute sa vie, que « Vivre, c’est ne pas se résigner ». Ce sont aussi les années d’entrée dans le journalisme à Alger-Républicain avec, entre autres, la fameuse enquête en Kabylie en 1939 : « Une promenade à travers la souffrance et la faim d’un peuple », entre autres combats pour la liberté et la dignité, dont ses articles contre le maire d’Alger et contre l’injustice. Ce premier reportage, courageux dans le contexte de l’époque car dénonçant la misère et l’injustice qui frappent une région et une partie de la population de la Kabylie, est une première venant d’un jeune journaliste natif d’Algérie. Il a été un des premiers éléments perturbateurs face à la position de Camus pendant la guerre.
En 1940, Camus quitte l’Algérie, y revient pour vivre à Oran quelques mois, en repart et, du fait de la guerre, est bloqué en France. Il n’y reviendra plus de façon permanente mais y fera de nombreux séjours plus ou moins longs. 1942 est l’année de la publication de L’Etranger et de sa réception exceptionnelle. Puis ce sont les années de résistance et l’engagement dans Combat et sa défense jamais démentie pour la République espagnole et son engagement du côté des libertaires, autre pan occulté de son parcours réel avec le pan algérien.
Après la guerre, de 1946 à 1956, s’ouvrent dix années d’intense activité, de
publications de récits, de pièces de théâtre, d’essais et de voyages. 1947 voit la
sortie de La Peste, roman bien accueilli par le public, moins bien par la critique : « A première vue, Oran est, en effet, une ville ordinaire et rien de plus qu’une préfecture française de la côte algérienne. » A propos de ce roman, Mouloud Feraoun lui écrit, de Taourirt-Moussa, le 27 mai 1951 :
« J’ai lu La Peste et j’ai eu l’impression d’avoir compris votre livre comme je n’en avais jamais compris d’autres. J’avais regretté que parmi tous ces personnages, il n’y eût aucun indigène et qu’Oran fût à vos yeux qu’une banale préfecture française. Oh ! Ce n’est pas un reproche. J’ai pensé simplement que s’il n’y avait pas ce fossé entre nous, vous nous auriez mieux connus. Vous vous seriez senti capable de parler de nous avec la même générosité dont bénéficiait tous les autres. Je regrette toujours de tout mon coeur que vous ne nous connaissiez pas suffisamment et que nous n’ayons personne pour nous comprendre, nous faire comprendre et nous aider à nous connaître nous-mêmes. »
Camus ne tarde pas à lui répondre, le 2 juin 1951, de Paris :
« Ne croyez pas que si je n’ai pas parlé des Arabes d’Oran c’est que je me sente séparé d’eux. C’est que pour les mettre en scène, il faut parler du problème qui empoisonne notre vie à tous, en Algérie ; il aurait donc fallu écrire un autre livre que celui que je voulais faire. Et pour écrire cet autre livre d’ailleurs, il faut un talent que je ne suis pas sûr d’avoir – vous l’écririez
peut-être parce que vous savez, sans effort, vous placer au-dessus des haines stupides qui déshonorent notre pays. [1] »
Réponse adroite mais qui montre que si le nazisme est bien, pour Camus, la
peste brune, le colonialisme ne peut être traité conjointement, dans une
perspective semblable. Et le « problème » qu’il représente, est placé sur un plan
moral.
A la sortie de L’Homme révolté, c’est aussi la polémique avec Sartre et la
rupture : « Il m’apparaissait au contraire que l’homme devait affirmer la justice
contre l’injustice éternelle, créer du bonheur pour protester contre l’univers du
malheur. »
En 1954, il rassemble de courts essais sous le titre L’Eté dont « Retour à
Tipasa » avec cette magnifique exergue extraite de Médée : « Tu as navigué
d’une âme furieuse loin de la demeure paternelle, franchissant les doubles rochers de la mer, et tu habites une terre étrangère » ; et dans « La mer au plus près » :
« J’ai grandi dans la mer et la pauvreté m’a été fabuleuse, puis j’ai perdu la mer, tous les luxes alors m’ont paru gris, la misère intolérable. Depuis, j’attends. J’attends les navires du retour, la maison des eaux, le jour limpide. Je patiente, je suis poli de toutes mes forces. On me voit passer dans de belles rues savantes, j’admire les paysages, j’applaudis comme tout le monde, je
donne la main, ce n’est pas moi qui parle. On me loue, je rêve un peu, on m’offense, je m’étonne à peine. Puis j’oublie et souris à qui m’outrage, ou je salue trop courtoisement celui que j’aime. Que faire si je n’ai de mémoire que pour une seule image ? On me somme enfin de dire qui je suis. « Rien encore, rien encore »… »
1954-1960 – Camus et la guerre d’Algérie
En cette année 1954, son pays est entré dans une guerre pour sa libération
du colonialisme et un discours humaniste [2] qui tente de concilier les contraires
n’est plus de mise ou ne peut plus être entendu. Camus n’a jamais nommé cette guerre, « guerre de libération nationale ». On sait combien la façon de nommer est indice de la position qu’on adopte plus ou moins consciemment face à un événement. Cette guerre oppose de plus en plus violemment les membres des deux communautés, les Européens comme on disait alors et les « Indigènes » que les premiers se refusent à nommer « Algériens » leur déniant ainsi toute
possibilité d’appellation nationale. Camus n’appellera jamais les Algériens
autrement que « Arabes », qu’ils soient berbères ou arabes d’ailleurs,
n’envisageant jamais un « arabe » comme algérien au sens national du terme [3].
1954
Après la chute de Dien Bien Phu le 7 mai, Camus notait dans ses Carnets :
« Chute de Dien Bien Phu. Comme en 40, sentiment partagé de honte et de
fureur. Au soir du massacre, le bilan est clair. Les politiciens de droite ont placé
des malheureux dans une situation indéfendable et, pendant le même temps, les hommes de la gauche leur tiraient dans le dos. [4] » L’appréciation de Camus est celle d’un Français indigné par la guerre mais quid des Vietnamiens ?
A la date du 1er novembre rien n’apparaît dans les Carnets. On peut lire,
toutefois, dans les Carnets de Jean Sénac, le 3 novembre : « Le terrorisme en Algérie le préoccupe. Mais il réprouve les crimes de lâche politique et n’admet que le terrorisme des « Justes » (Kaliaya – Russie – 1905) [5] . »
On sait que son épouse sort d’une grave dépression (de janvier à
septembre), qu’au début octobre il a effectué un voyage en Hollande. Le 24
novembre, R. Treno « alors journaliste à Franc-tireur, et collaborateur du Canard enchaîné », du côté de la gauche libertaire, lui demande un article sur l’Algérie que Camus ne donnera pas [6].
Du 25 novembre au 14 décembre, il voyage en Italie et prononce de
nombreuses conférences dans différentes villes.
1955
Les deux premiers mois de cette année sont marqués par une controverse
avec Roland Barthes à propos de La Peste.
Du 18 février au 1er mars, il séjourne à Alger et se rend à Tipasa et Orléansville (à la suite du séisme).
Dans les Carnets de Jean Sénac, en date du 28 mars : « 18h-19h : NRF.
Camus (en présence de Suzanne Agnely et Guilloux), après un accrochage et une longue discussion, accepte de rentrer publiquement et de façon précise dans le combat algérien en manifestant sa solidarité avec Ferhat Abbas. Joie, la plus noble de ma vie ! Si je n’ai servi qu’à cela, je n’aurais pas vécu pour rien… »
Et dans un autre carnet, même date : « Soirée à la NRF avec Camus
(Suzanne et Guilloux). Discussion et enfin accord de Camus de parler à l’Union
des Etudiants Algériens et de collaborer à La République Algérienne de Ferhat
Abbas. « Vous m’avez convaincu ». Joie, pleurs de joie. Camus rentre dans le
combat avec nous. C’est peut-être cela ma mission. Maintenant je peux mourir. Il y a du blé qui va lever. [7] » Cette promesse n’aura pas de suite et ce n’est pas au journal de F. Abbas que Camus va collaborer mais à L’Express.
En mars 1955, c’est l’adaptation du texte de Buzzati, Un cas intéressant. En
avril et mai, il fait son premier voyage en Grèce.
A partir de la mi-mai, c’est le début de sa collaboration à L’Express (qui
durera jusqu’en février 1956 et comprend 35 articles). L’été (juillet et août), il
voyage à nouveau en Italie. Il reprendra les articles sur l’Algérie dans Chroniques algériennes en 1958.
20-21 août 1955 : massacres dans le Constantinois.
30 septembre : pour la première fois, la question algérienne est inscrite à la
10ème session de l’ONU : Carnet de Sénac, le 4 octobre 1955 : « Camus malade. L’Algérie va tous nous crever. [8] »
14 octobre : Camus rencontre des étudiants algériens à L’Express, de 18h à
20h30 : c’est Sénac qui a été l’intermédiaire. Une délégation de l’UGEMA,
fondée en juillet 1955, comprenant Ahmed Taleb-Ibrahimi, Layachi Yaker,
Redha Malek et Mouloud Belaouane. L’appréciation de Sénac est très laconique
dans ses Carnets ; les deux premiers de la délégation, après la guerre, diront leur déception mais ne s’étendront pas sur le sujet. Jean de Maisonseul rapportera ce que lui en avait dit Sénac : « [Elle] s’était fort mal passée. Camus ironique, son instinct de défense et déjà son agoraphobie (il ne s’attendait pas à ce qu’ils soient si nombreux). Camus disant : On s’assoit par terre comme chez nous. A la sortie, ils sont tous très déçus de la visite au grand écrivain. [9] »
1er décembre 1955, Lettre à un militant algérien (Aziz Kessous), n°1 de
Communauté algérienne, journal.
En décembre 1955, il appelle à voter pour les candidats du Front républicain (pour Pierre Mendès-France) pour les législatives de début janvier 1956.
1956
A la demande de ses amis, Charles Poncet, Jean de Maisonseul et Emmanuel Roblès, il accepte de venir à Alger et lance, le 23 janvier 1956, un « Appel à la trêve civile » [10]. Mais le temps des négociations est passé.
Dans son Journal, tenu régulièrement depuis le 1er novembre 1955, Mouloud Feraoun commente les manifestations européennes contre Guy Mollet, le 2 février 1956, et compare la liberté laissée aux manifestants européens à celle jamais donnée aux autres. L’intégration – traitement égal – est donc un leurre. Et il commente alors « l’Appel » :
« Je pourrais dire la même chose à Camus et à Roblès. J’ai pour l’un une grande admiration et pour l’autre une affection fraternelle mais ils ont tort de s’adresser à nous qui attendons tout des coeurs généreux s’il en est. Ils ont tort de parler puisqu’ils ne sauraient aller au fond de leur pensée. Il vaut cent fois mieux qu’ils se taisent. Car enfin, ce pays s’appelle bien l’Algérie et ses habitants des Algériens. Pourquoi tourner autour de cette évidence ? Êtes-vous
Algériens, mes amis ? Votre place est à côté de ceux qui luttent.
Dites aux Français que le pays n’est pas à eux, qu’ils s’en sont emparés par la force et entendent y demeurer par la force. Tout le reste est mensonge, mauvaise foi [11]. »
Ce passage long dont nous ne citons qu’un extrait, et à l’analyse très
fouillée, est vraiment essentiel car il est écrit en même temps que l’événement et parce qu’il vient de cet instituteur-écrivain qu’on ne peut taxer d’extrémiste du FLN.
A la mi-mars 1956, lorsque l’espoir ténu qu’avait fait naître en eux cet
Appel disparaît, Emmanuel Roblès demande à Albert Camus de participer à un
projet d’un organe de presse à Paris permettant aux Libéraux de s’exprimer.
Roblès a rappelé cet échange :
« Camus répond qu’il est vain de défendre des thèses. [Roblès argumente] Il s’agit de nous en tenir à notre premier projet : conserver des contacts qui empêchent une rupture totale et définitive. Les Européens sont excités, trompés, affolés par leur presse. De leur côté les Algériens réclament la justice, ils se battent et souffrent pour la justice. C’est un idéal puissant pour lequel
jeunes et vieux sont prêts à tout subir. "Oui, dit Camus, à tout subir mais aussi à faire subir. Le terrorisme aveugle est à l’origine de cette rupture dont tu parles. Si un terroriste jette une grenade au marché de Belcourt que fréquente ma mère et s’il la tue, comment accepter cette mort ? J’aime la justice mais j’aime aussi ma mère. »
Fin de la collaboration à L’Express, le 2 février 1956. Séjour près de
L’Isle-sur-Sorgue. Théâtre (Requiem pour une nonne).
Le 16 mai 1956, parution de La Chute et la mise à l’écart de Clamence,
ironique et désabusé et une de ses répliques peuvent être en partie éclairées par la guerre d’Algérie.
Novembre 1956 : prises de position en faveur des insurgés hongrois :
Sénac, Carnet 1956 : « sa solidarité ne serait-elle qu’européenne ? [12] »
C’est à la suite de sa collaboration à L’Express puis de l’Appel à la trêve
civile que Camus se tait, donc de février 1956 à décembre 1957 à Stockholm.
Avant ce qu’on a appelé le silence de Camus, il a donné clairement sa position
vis-à-vis de l’Algérie dans ses articles :
« « Il faut choisir son camp » crient les repus de la haine. Ah ! Je l’ai choisi ! J’ai choisi mon pays. J’ai choisi l’Algérie de la justice, où Français et Arabes s’associeront librement ! Et je souhaite que les militants arabes, pour préserver la justice de leur cause, choisissent aussi de condamner les massacres des civils, comme les Français, pour sauver leurs droits et leur avenir, doivent condamner ouvertement les massacres répressifs [13]. »
Cette position, une grande figure des colonisés – dont Camus a été proche
mais qu’il ne cherche pas à rencontrer –, Ferhat Abbas l’avait espérée pendant
des années mais devant la levée de boucliers des coloniaux, il a rejoint lui-même les rangs de la résistance algérienne.
1957
10 février 1957, Lettre de Camus à Sénac : « si je peux comprendre et
admirer le combattant d’une libération, je n’ai que dégoût devant le tueur de
femmes et d’enfants. La cause du peuple arabe en Algérie n’a jamais été mieux
desservie que par le terrorisme civil pratiqué désormais systématiquement par les mouvements arabes. Et ce terrorisme retarde, peut-être irréparablement, la
solution de justice qui finira par intervenir. [14] »
11 février 1957 : exécution de Fernand Iveton, seul « européen » condamné
à mort et exécuté pendant la guerre – Mars 1957, publication de L’Exil et le royaume – Juin : théâtre - Eté à Cordes [15].
18 février 1957, M. Feraoun note dans son Journal, après une visite faite à
Roblès à Alger :
« Il revient de Paris où il a vu longuement Camus. Camus se refuse à admettre que l’Algérie soit indépendante et qu’il soit obligé d’y rentrer chaque fois avec un passeport d’étranger, lui qui est Algérien et rien d’autre. Il croit que le FLN est fasciste et que l’avenir de son pays entre les mains du FLN est proprement impensable [16]. »
A la suite de cela, Mouloud Feraoun développe une argumentation dense
sur ce que les Français attendent de quelqu’un comme lui, Mouloud Feraoun, et
conclut que la justice demande de rétablir une distinction nationale. Il termine
par une affirmation souvent donnée mais tronquée :
« J’aimerais dire à Camus qu’il est aussi Algérien que moi et tous les Algériens sont fiers de lui, mais aussi qu’il fut un temps, pas très lointain, où l’Algérien musulman, pour aller en France, avait besoin d’un passeport. C’est vrai que l’Algérien musulman, lui, ne s’est jamais considéré comme Français. Il n’avait pas d’illusions [17]. »
En mars 1957, l’écrivain a publié les nouvelles de L’Exil et le royaume dont
« L’Hôte » et en septembre, il fait paraître Réflexions sur la guillotine (Calmann-Lévy) alors qu’un « Européen », engagé dans la lutte de libération algérienne, a été condamné à mort et exécuté, pendant qu’il mettait au point son manuscrit. Dans son essai, ce fait n’a droit qu’à une simple mention et sans nommer le condamné : « l’ouvrier communiste qui vient d’être guillotiné en Algérie pour avoir déposé une bombe (découverte avant qu’elle n’explose) dans le vestiaire d’une usine, a été condamné autant par son acte que par l’air du temps [18]. »
16 octobre 1957 : annonce du prix Nobel - 10 décembre 1957 : discours de
réception. Le 12 décembre, lors d’une rencontre avec des étudiants à Stockholm, un étudiant algérien l’interpelle sur son silence à propos de l’Algérie et la réponse de Camus va sceller durablement une rupture de fraternité avec les Algériens en lutte :
« Je me suis tu depuis un an et huit mois, ce qui ne signifie pas que j’ai cessé d’agir. J’ai été et je suis toujours partisan d’une Algérie juste, où les deux populations doivent vivre en paix et dans l’égalité. J’ai dit et répété qu’il fallait faire justice au peuple algérien et lui accorder un régime pleinement démocratique, jusqu’à ce que la haine de part et d’autre soit devenue telle qu’il
n’appartenait plus à un intellectuel d’intervenir, ses déclarations risquant d’aggraver la terreur. Il m’a semblé que mieux vaut attendre jusqu’au moment propice d’unir au lieu de diviser. Je puis vous assurer cependant que vous avez des camarades en vie aujourd’hui grâce à des actions que vous ne connaissez pas. C’est avec une certaine répugnance que je donne ainsi mes raisons en
public. J’ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s’exerce aveuglément, dans les rues d’Alger par exemple, et qui un jour peut frapper ma mère ou ma famille. Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice. »
On sait la « fortune » qu’aura cette dernière phrase, détachée de son contexte, phrase déjà prononcée dans l’échange avec Emmanuel Roblès et qui au
demeurant a son poids de signification.
1958
Publication chez Gallimard du Discours de Suède.
Février 1958 : formation d’un comité de cinquante intellectuels et
personnalités françaises avec un appel, « Les Guerroudj et Taleb ne doivent pas
mourir [19] », pour que leur condamnation à mort, prononcée le 7 décembre 1957, soit annulée par une décision de grâce. Le nom de Camus n’y figure pas. Sénac lui écrit, le 29 avril 1958 : « Notre frère Taleb vient d’être guillotiné […] Taleb était un frère moderne de Kaliayev […] Ne pouviez-vous exiger la grâce de l’étudiant Taleb ? [20] »
Mars 1958 : Réédition de L’Envers et l’endroit (avec nouvelle préface) :
« Si, malgré tant d’efforts pour édifier un langage et faire vivre des mythes, je ne parviens pas à récrire L’Envers et l’endroit, je ne serai jamais parvenu à rien : voilà ma conviction obscure », y écrit-il.
Le 5 mars 1958, il rencontre le général de Gaulle [21].
Mars-avril 1958 : séjour en Algérie. Le 1er avril 1958, Dans son Journal,
Mouloud Feraoun précise qu’il est à Alger et que Roblès est venu le voir : « Ce
soir, nous avons fait un tour à Alger. Par hasard nous avons rencontré Camus qui a été content de me voir et que peut-être je reverrai. J’aimerais assez parler avec lui. Je crois que c’est ce qu’il souhaite de son côté [22]. » Effectivement cette rencontre a lieu et Feraoun en rend compte en date du 11 avril 1958 :
« Camus est venu hier. Nous sommes restés deux heures à bavarder en toute simplicité, en toute franchise. Je me suis senti avec lui, aussi immédiatement à l’aise qu’avec E. Roblès. Il y a en lui cette même chaleur fraternelle qui se moque éperdument des effets et des formes. Sa position sur les événements est celle que le supposais : rien de plus humain. Sa pitié est immense pour ceux qui souffrent mais il sait hélas que la pitié ou l’amour n’ont plus de pouvoir sur le mal qui tue, qui démolit, qui voudrait faire table rase et créer un monde nouveau d’où seraient bannis les timorés, les sceptiques et tous les lâches ennemis de la Vérité nouvelle ou de l’Ancienne
Vérité rénovée par les mitraillettes, le mépris et la haine [23]. »
13 mai 1958 : retour de De Gaulle au pouvoir avec les émeutes des Pieds-noirs
- Juin 1958 : Publication d’Actuelles III – Chroniques algériennes, (Gallimard).
Juin-Juillet : 2ème voyage en Grèce - 18 octobre : achat de la maison de
Lourmarin.
1959
Théâtre
23-29 mars : séjour en Algérie. Se rend à Ouled-Fayet. Ce sera son dernier
séjour. Il passe une grande partie de l’année à Lourmarin.
La dernière année de vie, Le Premier Homme
En 1959, il travaille au Premier homme. Dans les annexes, cette phrase où
le « ils » désigne sans nul doute, le milieu intellectuel parisien, il se qualifie
d’Algérien : « Ce qu’ils n’aimaient pas en lui, c’était l’Algérien. » Il se désigne
ainsi pour rappeler le droit de sa communauté à rester dans son pays. Le Premier Homme s’écrit donc pendant ces années (1957-1959) où Camus est sorti de son silence avec le prix Nobel, avec l’arrivée de De Gaulle au pouvoir et sa décision de rassembler et d’éditer dix neuf années d’écrits journalistiques sur l’Algérie. Tout cela ne peut pas ne pas être en lien.
Le Premier Homme, sans conteste, d’inspiration autobiographique, est avant tout une oeuvre littéraire : les enjeux en sont différents et le regard sur le
réel et l’histoire plus symboliques. Cette autobiographie est celle d’un écrivain
célèbre dont on a lu entretiens, articles et oeuvres ; d’un écrivain symbole que l’on a sommé de prendre une position claire dans le conflit algérien, violent et
déchirant, parce qu’il mettait aux prises, au-delà des idées, les hommes d’une
même terre. Comme toute autobiographie, c’est un livre de mémoire, c’est un
livre qui veut contrer l’oubli. Face à la guerre d’indépendance dont l’issue semble inéluctable, Camus apporte une réponse : une invitation à un parcours de vie qui reconstruit l’Histoire d’un groupe, d’une communauté au moment où se joue son éviction du pays. La ligne majeure est constituée d’un triptyque : anonymat, obscurité, oubli et de la peur constante qui habite les membres de la société dominante. Cette ligne majeure est la palpitation profonde du texte, sa saveur et son authenticité que nous entendons comme l’expression de l’être qui, confronté aux remises en cause des hommes de sa terre, ceux de sa communauté et les autres, essaie de construire l’argumentation de sa vérité. L’inachèvement du manuscrit qui suspend le polissage habituel chez Camus de « trop d’algérianité » pour s’éloigner de l’écrit partisan et s’inscrire dans l’universel, donne, en conséquence, presqu’en direct, l’expression de ce qu’il pense en sa qualité d’« Algérien ».
On voit bien lorsqu’on retrace, même succinctement la vie et le parcours
intellectuel d’Albert Camus qu’il est essentiel de situer toute son oeuvre dans son contexte, celui d’une Algérie coloniale qui vit ses dernières années
douloureusement car sa particularité majeure est d’être une colonie de
peuplement avec une population de « colons » non possédants à laquelle il
appartient. Il est aisé de rappeler la grande force qui habite les passages où il
décrit son pays, de son poids d’observation, européen. Mais l’homme de gauche
appartient, en même temps, à la communauté dominante de la colonie, décidée à y demeurer par tous les moyens. Si la cohabitation de deux peuples n’a jamais été harmonieuse, elle a pu être vécue de manière moins conflictuelle à certaines périodes ; avec la guerre, ce n’est plus possible. On sait la prédilection qu’avait Camus pour les mythes : dans Le Premier homme, il développe à différents endroits du texte, le mythe d’Abel et de Caïn et il aurait certainement poussé plus loin cette légende symbolique des deux frères ennemis s’il avait eu le temps d’achever son oeuvre. Caïn est le premier homme, le premier cultivateur, le premier meurtrier : « Caïn est le premier errant à la recherche d’une terre fertile et le premier constructeur de ville. » Symbole de la responsabilité humaine, il veut être maître de son destin et rendre la terre au travail de l’homme tout en admettant sa création par Dieu. Dieu lui préférant Abel, le rejette : Caïn tue Abel. Commencent alors les lignées des élus et des exclus et Eve s’exclame : « Mes fils n’en finiront plus de se tuer. »
Avec la légende, les pôles de la foi et de la révolte peuvent prendre mille et
une actualisations dans des personnages ou des forces historiques. La légende
permet aussi de contourner, d’éviter l’analyse historique sur le passage de la
colonisation à la décolonisation que la lutte de libération du peuple algérien, en
train de s’accomplir, imposait dans le réel.
La position de Camus face à la guerre de décolonisation
Ce refus d’une Algérie libérée du colonialisme en se libérant de la puissance coloniale qu’est la France, Camus l’a exprimé clairement et sans détour dans ses écrits journalistiques. Dans sa fiction, il ne refuse pas d’affronter l’histoire de son pays mais il le fait avec les armes du symbolique, élisant certains
au détriment des autres mais sans déclaration marquée. Par contre l’Avant-Propos des Chroniques algériennes, en 1958 donne sa position sans ambiguïté :
« J’ai essayé de définir clairement ma position. Une Algérie constituée par des peuplements fédérés, et reliée à la France, me paraît préférable, sans comparaison possible au regard de la simple justice, à une Algérie reliée à un empire d’Islam qui ne réaliserait à l’intention des peuples arabes qu’une addition de misères et de souffrances et qui arracherait le peuple français à sa patrie naturelle. »
En même temps, les textes de Chroniques Algériennes empêchent de lire
dans Le Premier Homme autre chose qu’une volonté de redéfinir plus de justice sans changer le cadre français du pays. La position de Camus n’est pas « Tous Algériens [24] » dans le cadre de la délimitation d’une Nation nouvelle mais tous « Algériens-Français », les Français et les Arabes, dans un nouveau cadre défini par la France. L’utilisation de l’expression « empire d’Islam » place Camus dans l’idéologie la plus banale de l’époque à propos du monde arabo-musulman [25] et la notion d’Algérie comme « patrie naturelle du peuple français » invite au débat.
Dès les premiers jours de novembre 1954, Camus a réduit le FLN à une
bande de terroristes en donnant à ce terme tout son poids négatif. Il n’a pas pu
voir dans le soulèvement algérien une aspiration à la liberté et à l’indépendance et n’a pu reconnaître ni accepter le désir fort de Nation, né, en partie, des échecs de 130 ans de colonisation. Il faut aussi remarquer qu’il vit peu en Algérie pendant toute cette guerre et même si la situation occupe son esprit et son coeur, il n’est pas au coeur de la tourmente. On sait combien Frantz Fanon, après son expulsion d’Algérie début 1956, sera ahuri du peu d’intérêt que les intellectuels français, dans leur majorité, portent à ce conflit. Ceux qui s’engageront, d’une manière ou d’une autre, auprès des Algériens en lutte le feront tous par une immersion dans le vécu humain, dans des échanges nombreux et douloureux avec des Algériens. On ne trouve pas non plus dans les Carnets de Camus – ce qui, bien entendu n’est pas une preuve suffisante qu’il ne les ait pas lus – de mention de lectures qui auraient pu ébranler son point de vue de Français d’Algérie : ni La Question de Henri Alleg, ni L’An V de la Révolution algérienne de Frantz Fanon, ni La Révolution algérienne par les textes d’André Mandouze, ni tant d’autres études et témoignages.
Par ailleurs, il relativise l’obligation qui lui est faite de parler de l’Algérie.
Ainsi, dans l’Avant-propos de Chroniques algériennes 1939-1958 qu’il publie en 1958, il écrit :
« Mon opinion, d’ailleurs, est qu’on attend trop d’un écrivain en ces matières. Même, et peut-être surtout, lorsque sa naissance et son coeur le vouent au destin d’une terre comme l’Algérie, il est vain de le croire détenteur d’une vérité révélée et son histoire personnelle, si elle pouvait être véridiquement écrite, ne serait que l’histoire de défaillances successives, surmontées et retrouvées. »
Pourtant, c’est parce qu’il sent une certaine « détente psychologique »
« entre Français et Arabes » en 1958 – arrivée de De Gaulle au pouvoir ? –, qu’il pense, en composant ce dossier avec ses articles sur 19 années, pouvoir faire entendre « un langage de raison [26]. » On a vu précédemment l’exécution de l’étudiant Taleb, les réserves fortes de Feraoun et tant d’autres faits qu’on
pourrait rappeler : détente ?
Aujourd’hui, il est rare, de ce côté-ci de la Méditerranée, en France, que la
position de Camus dans la guerre d’Algérie/guerre de libération nationale soit
appréciée de façon critique. On le désigne volontiers comme le regard lucide, le
grand humaniste, l’espoir d’une « Algérie plurielle [27] » en nivelant son
positionnement politique qui est pourtant tout à fait clair : droit à la justice pour
les « Arabes », réforme du système colonial mais transformation qui ne peut se
faire que dans un lien étroit avec la France ; il n’y a jamais acceptation d’une
Nation algérienne indépendante où les Français d’Algérie qui voudraient
continuer à vivre dans leur pays le pourraient, en acceptant un statut de
minoritaires.
Lorsqu’on ose contester cette figure d’humaniste parfait face à ce conflit,
on rappelle immédiatement l’enquête en Kabylie, les articles de 45 et, en ultime
argument, « c’était son époque, il ne pouvait faire autrement. » Peut-être alors la meilleure manière de redimensionner la position de Camus dans la question
algérienne est de la comparer à celle d’autres Français d’Algérie ou d’autres
figures prestigieuses de cette époque, pour ne pas le fixer dans un splendide
isolement et le remettre dans l’histoire des idées et des engagements de son
temps. Et pour nous en tenir aux figures « non-arabes » de cette période, lire les parcours qui n’ont jamais été ni faciles ni apaisés de Jean Sénac, bien sûr, mais aussi de Jean Scotto, né, comme lui, en 1913 [28], de Pierre Chaulet [29], de Jean Sprecher [30] et de ses amis dont Charles Géronimi. Et tant d’autres qu’il faut découvrir et mettre en écho pour situer les positionnements sans caricature ni lissage.
[1] Lettre de Feraoun dans Lettres à ses amis, Paris, Le Seuil, 1969, p. 54. La lettre de Camus est dans une collection particulière, citée par Hamid Nacer-Khodja, Albert Camus Jean Sénac ou le fils rebelle, Paris Méditerranée, EDIF 2000, 2004, p. 116, note 7.
[2] Car il y a évidemment plusieurs acceptions de la notion d’humanisme.
[3] Cf. Jacques Duquesne, « On refusa de les appeler Algériens ils se nommèrent musulmans », dans Histoire de l’islam et des musulmans en France du Moyen Âge à nos jours, Albin Michel, 2006, rééd. Livre de poche, La Pochothèque, 2010, p. 949 : « Et puisqu’on ne voulait pas les appeler Algériens – ce qui eût été reconnaître l’existence d’une Algérie sans lien avec les Français, et dont les « Européens » auraient été exclus – on les nommait « musulmans ». Tous marqués de leur appartenance confessionnelle supposée. » Il est dommage que ne soit pas aussi introduite ici la distinction entre Arabes vs musulmans, si courante dans la colonie algérienne. La première étant la plus couramment discriminante. C’est celle qu’utilise A. Camus.
[4] Carnets III. Cité par Olivier Todd, Albert Camus - Une vie, Gallimard, 1996. Réédition « Folio », 1999, p. 820.
[5] Jean Sénac, Pour une terre possible… Poèmes et autres textes inédits, Paris, Marsa editions, 1999, pp. 245 à 248.
[6] Olivier Todd, op. cit., p. 826. Fonds Catherine et Jean Camus.
[7] Jean Sénac, Pour une terre possible…, op. cit., p. 248.
[8] Hamid Nacer-Khodja, op. cit., p. 68.
[9] Hamid Nacre-Khodja, op. cit., p. 69. Témoignage recueilli par H. N-K. en date du 5 juillet 1997 et lettre du 2 octobre 1997.
[10] Beaucoup a été dit sur cet appel. Le texte lui-même figure dans Chroniques algériennes – 1939-1958 (rééd. Folio, 2002), pp. 167-183. - Cf. Emmanuel Roblès, Albert Camus et la trêve civile, Philadelphia, Celfan Edition Monographics, 1988, 52 p. – Charles Poncet, « Dans le sillage
d’Albert Camus », manuscrit inédit, cité de nombreuses fois par Olivier Todd. - « Trêve civile » par Guy Pervillé dans Dictionnaire Albert Camus, Jean-Yves Guérin (dir.), R. Laffont, « Bouquins », 2010, pp. 901-902. A la suite des articles de L’Express, G. Pervillé laisse entendre que c’est Camus qui a voulu faire quelque chose. Il signale l’arrivée tardive de Ferhat Abbas qui ne parlera pas et cite comme seul témoignage algérien postérieur celui, peu crédible, de M.
Lebjaoui. Rien de la position de Mouloud Feraoun. Cf. aussi la lettre de Sénac à Camus, du 24 décembre 1957, en particulier, Hamid Nacer-Khodja, op. cit., p. 163.
[11] Sans le dire, c’est une note d’E. R. (qui s’est chargé de la publication du Journal de son ami, après son assassinat) qui le précise. Mouloud Feraoun, Journal, rééd. Alger, Bouchène, 1990, pp. 83-84. Toute la fin de cette page est à lire, en date du 3 février 1956. Une analyse remarquable d’un thème cher à Camus : les innocents et les coupables. M. F. développe aussi l’idée de l’irrémédiable changement.
[12] Jean Sénac, Pour une terre possible…, op. cit., p. 347.
[13] Actuelles III – Chroniques algériennes, rééd. Gallimard, « Folio essais », 2002, pp. 157-158.
[14] Hamid Nacer-Khodja, op. cit., pp. 155-156. Toute la lettre est à lire.
[15] Les éditions Gallimard viennent de publier un essai collectif, Albert Camus contre la peine de mort, Gallimard, coll. « Hors série littérature », octobre 2011. Walid Mebarek, correspondant d’El Watan à Lyon, en rend compte dans El Watan du 4 octobre 2011, en insistant sur l’action de Camus en faveur des condamnés à mort mais sans faire des recherches par ailleurs pour nuancer la question : ainsi Camus ne participe ni au comité de soutien des époux Guerroudj et d’Abderrahmane Taleb (malgré la lettre pressante que lui adresse Jean Sénac), ni au soutien à Fernand Iveton auquel il consacre une allusion dans son essai. Ce qui ne remet pas en cause, bien évidemment, des interventions plus discrètes. La préface de Robert Badinter apporte une caution de poids en la matière à la figure du « grand homme » à laquelle le ton du compte-rendu participe également.
[16] M. Feraoun, Journal, op. cit., p. 227.
[17] M. Feraoun, Journal, op. cit., p. 228.
[18] Albert Camus, Essais, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », édition Quilliot, p. 1051. Il faut préciser : explosif réglé à une heure où il ne pouvait faire de victimes.
[19] Document de 31 pages, édité à Paris.
[20] Hamid Nacer-Khodja, op. cit., pp. 165-166 : toute cette lettre porte sur cette question.
[21] Information donnée dans la chronologie du Dictionnaire Albert Camus, sans précision de source. La position de De Gaulle telle qu’elle a été éclairée par Benjamin Stora montre que Camus a une convergence avec ses vues. Le Mystère de Gaulle – son choix pour l’Algérie, Paris, R. Laffont, 2011.
[22] M. Feraoun, Journal, op. cit., p. 297.
[23] M. Feraoun, Journal, op. cit., p. 300.
[24] Titre d’une brochure du GPRA, Tunis.
[25] Cf. Histoire de l’islam et des musulmans en France, op. cit., Henry Laurens, « L’islam dans la pensée française, des Lumières à la IIIe République », p. 515. Cf., en particulier, pp. 530-531.
[26] Chroniques algériennes, op. cit. rééd. « Folio » de 2002, p. 27.
[27] Formule étonnante pour quelqu’un qui n’avait qu’une connaissance approximative des cultures arabo-musulmane et berbère de son pays. Où est la pluralité dans la perspective étroitement occidentale de Camus ? Comment faire du pluriel à partir d’un singulier ? Cf. la lettre de Sénac à Camus (Hamid Nacer-Khodja, op. cit., pp. 157-158) : « Mais je sers mon peuple à ma façon (ce peuple de neuf millions d’Arabo-Berbères et d’un million d’Européens et de Juifs). »
[28] Cf. Curé pied-noir, Evêque algérien – souvenirs recueillis par C. Erhlinger, Paris, Desclée de Brouwer.
[29] Pierre Chaulet, « Parti pris », Majallat et-tarikh, Centre National d’Etudes Historiques, Alger, 2ème semestre 1984, pp. 81-107 (Anniversaire du 30ème anniversaire du 1er novembre).
[30] Jean Sprecher, À contre-courant – Etudiants libéraux et progressistes à Alger – 1954-1962, (avec les textes de Alain Accardo, Antoine Blanca, Jean-Paul Ducos, Claude Oliviéri et Charles Géronimi), Saint-Denis, éditions Bouchène, 2000.
par Christiane Chaulet Achour
publié le 28 août 2013
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