n Algérie, le pays tout entier chante le génie du Créateur et il est une invitation constante au voyage.
D’Alger la Branche à Tamanrasset la Rouge, des dunes géantes du Grand Erg occidental aux coupoles d’El-Oued aimées par Isabelle Eberhardt (1), des plages désertes à la aux de sable, des cèdres de l’Atlas aux citronniers de la Mitidja et aux oliveraies kabyles, le voyageur qui voudra sortir des sentiers battus et échapper au conformisme des chaînes hôtelières à l’américaine trouvera sans coup férir en Algérie, aux portes de l’Europe, un monde intact où les exigences des temps modernes n’ont que rarement porté atteinte à la beauté des paysages ou altéré l’authenticité des sites.
Dès l’arrivée, surtout si elle a lieu par mer et par un matin clair, l’extraordinaire monument que constitue à lui seul le panorama d’Alger vient éblouir le nouvel arrivant. Eugène Fromentin, il y a plus d’un siècle, avait déjà ressenti le choc qu’éprouve le touriste aujourd’hui lorsqu’il écrivait : « Alger demeure toujours la capitale et la vraie reine des Maghrebins. Elle a toujours sa casbah pour couronne, avec un cyprès, dernier vestige apparent des jardins intérieurs du dey Hussein ; un maigre cyprès, pointant dans le ciel comme un fil sombre, mais qui, de loin, ressemble à une aigrette sur un turban. Quoi qu’on fasse, elle est encore, et pour longtemps j’espère, El-Bahadja, c’est-à-dire la plus blanche ville peut-être de tout l’Orient. Et quand le soleil se lève pour l’éclairer, quand elle s’illumine et se colore à ce rayon vermeil qui tous les matins lui vient de La Mecque, on la croirait sortie de la veille d’un immense bloc de marbre blanc, veiné de rose (2). »
En Algérie, terre de soleil, pays du jour, la lumière magnifie chaque chose. Le néon n’a droit de cité qu’au nom de l’efficacité. Partout ailleurs on lui préfère les couleurs douces des lustres de mosquée ou les facettes en vitraux des lanternes mauresques, lorsque fait défaut cette « lumière vibrante qui donne à chaque maison, à chaque arbre, un dessin sensible, une nouveauté émerveillée. La terre au matin du monde a dû surgir dans une lumière semblable », a dit Albert Camus, évoquant Tipasa dans la clarté matutinale (3). Jeux de lumière sur les maisons turques et sur les gratte-ciel du vingtième siècle à Alger, sur la mer qui baigne plus de 1 000 kilomètres de côte. Jeux de lumière, aussi, sur le Sahara : « Chotts (4) prestigieux lisérés de mirages ; — du haut d’une colline sablonneuse, après l’immense étendue du désert, on pense : tiens ! la mer ! Une vaste mer bleue avec des esquifs et des îles, une mer qu’on espère profonde, et notre âme en est rafraîchie ! — On approche, on touche le bord, et ce bleu brusquement disparaît — qui n’était qu’un reflet du ciel sur une surface salée », a raconté André Gide, qui fut l’un des premiers « touristes » (5) européens à découvrir l’Afrique du Nord. Unanimement offerte aux dieux diurnes, qui habituellement ne cèlent rien, l’Algérie, pourtant, conserve des aspects secrets, symbolisés par ses demeures tout entières tournées vers des cours intérieures ou par ses jardins profonds ceints de hauts murs. « Elle est un mystère en pleine lumière », a pu dire le romancier algérien Mohamed Dib.
Cependant, la vocation touristique d’un pays ne peut s’affirmer pleinement que si celui-ci possède d’autres atouts que du sable fin, des montagnes inviolées et des palmeraies ombreuses ; il faut notamment qu’il possède un substrat culturel. Or l’Algérie, précisément, regorge de vestiges archéologiques et artistiques aussi nombreux que variés, dans lesquels le voyageur peut lire l’histoire d’un passé brillant et mouvementé étalé sur plusieurs millénaires. Aux portes d’Alger, les dolmens de Beni-Messous témoignent déjà de l’existence de sociétés préhistoriques dans cette région. Dans tout le Sud-Oranais des gravures rupestres — appelées par les Arabes Hadjrat Mektoubat, les « pierres écrites » — font défiler toute une faune depuis bien longtemps disparue des parages, mais qui n’est pas sans rappeler celle de la savane et de la jungle sud-sahariennes d aujourd’hui. Plus au sud encore, les découvertes de peintures rupestres effectuées dans les années 30 sur le pourtour de l’oued Djorat par le lieutenant Brenans ont permis à M. Henri Lhote et à quelques autres archéologues de révéler au monde, une vingtaine d’années plus tard, la présence d’une véritable « Vézère saharienne » sur le tassili des Ajjer.
Eparpillées sur un haut plateau d’allure lunaire, plus étendu que le Massif Central et fendu d’entailles géantes évoquant paradoxalement les fjords de Norvège, les fresques multimillénaires du Tassili sont parvenues jusqu’à nous, miraculeusement conservées par la siccité de l’air ambiant ; facilement accessible par des pistes pédestres, à partir de l’oasis verdoyante de Djanet, le « royaume » des Touaregs Ajjer constitue non seulement le plus riche ensemble connu de peintures préhistoriques mais encore le plus vaste parc naturel de la planète, puisque les « roches peintes » voisinent avec une faune et une flore reliques. Si l’on ajoute que les monts du Hoggar — où se trouve le pic Tahat (3 000 mètres), point culminant de l’Algérie — recèlent des gravures rupestres, notamment dans la Garet-El-Djenoun (la montagne des génies), on peut imaginer que la République algérienne dispose d’un patrimoine préhistorique dont l’utilisation à des fins touristiques ne fait que commencer. La période historique n’est pas moins bien dotée que la précédente.
Cirta (aujourd’hui Constantine) et Tipasa furent des agglomérations puniques. Les sociétés berbères puis berbéro-romaines ont laissé des monuments imposants, à mi-chemin des pyramides amérindiennes et égyptiennes, de proportions certes plus modestes que ces dernières, mais enveloppés de tout autant de mystères : le mausolée royal de Mauritanie, situé près d’Alger, et appelé parfois improprement le « tombeau de la Chrétienne » — Kbour-er-Roumia, en arabe, — servit-il ou non de sépulture, comme le veut une légende, à Cléopâtre Séléné, fille de Cléopâtre d’Egypte et épouse du roi numide Juba II ? Les Djeddars de Frenda, cette série de pyramides du Sud-Oranais, furent-elles construites par une dynastie chrétienne, comme pourrait le laisser croire certains indices ? Et que dire du Medracen, gigantesque tumulus de pierres, fouillé dès 1849, mais qui n’a toujours pas livré son secret ? Généralement situés dans des sites grandioses — le mausolée de Mauritanie est bâti au milieu des pins, sur les collines du Sahel algérois, d’où il domine à la fois la plaine de la Mitidja, l’Atlas de Blida, la mer Méditerranée et les ruines de Tipasa, — les monuments berbères sont déjà des lieux très fréquentés par les touristes.
Vestiges romains et art musulman
Cependant, les vestiges dont l’Algérie est le mieux pourvue, et ceux qu’elle a, jusqu’à présent, le plus largement mis en valeur dans une optique touristique, datent de la période romaine. Deux villes, Timgad (antique Thamugadi) et Djemila (antique Cuicul), sont parvenues jusqu’à nous dans un étonnant état de conservation. Des mosaïques d’une variété extraordinaire, des statues, des bijoux, des objets utilitaires ont été exhumés sur place et sont exposés dans des musées qui peuvent rivaliser avec ceux d’autres pays méditerranéens également détenteurs d’œuvres d’art romaines.
Mais l’Algérie n’a pas que Timgad et Djemila ; des ruines d’Hippone (devenue Bône, puis Annaba) — où flotte le souvenir de saint Augustin, le plus célèbre des Pères de l’Eglise latine — à celles de Cherchell — qui, sous le nom de loi Caesaree, fut, au début de l’ère chrétienne, le principal foyer d’Afrique du Nord où se mêlèrent et d’où rayonnèrent les civilisations grecque, romaine et berbère — tout un chapelet de cités et de monuments s’offre au voyageur féru de l’Antiquité (basilique chrétienne de Tigzirt, en Kabylie, stèles du jardin d’Orléans, à Sétif, prétoire de Lambèse, où vinrent Hadrien et Antinoüs, sites urbains de Tipasa, Rapidi, Tiddis, Guelma, Khemissa, Madauros, etc.).
Les Vandales sont les seuls de tous les peuples qui vécurent dans le futur Maghreb à ne laisser pratiquement aucun reste visible important. Au siècle vandale succéda le siècle byzantin, à qui l’on doit notamment les remparts de Tébessa (antique Théveste), véritable Carcassonne de l’Afrique du Nord, qui eut la chance d’être remise en état par des restaurateurs moins « perfectionnistes » que Viollet-le-Duc...
La période musulmane, principalement arabe et arabo-berbère, mais également turque du seizième au dix-neuvième siècle, a commencé en Algérie dès le premier siècle de l’Hégire (septième siècle chrétien), et on peut dire que depuis cette époque elle n’a pratiquement jamais cessé, sauf un temps sur le plan politique, puisque pendant la colonisation française (1830-1962) l’Algérie a continué d’être terre d’islam dans le domaine culturel, et qu’elle a produit des œuvres d’art d’inspiration typiquement maghrébine (mosquées, oratoires, tapis, meubles, bijoux).
Néanmoins les plus beaux monuments islamiques d’Algérie sont évidemment antérieurs à l’arrivée des Français en Afrique septentrionale. Parmi les plus anciens et les plus homogènes, il faut citer l’ensemble architectural unique au monde constitué par la Pentapole ibadite du M’Zab, au Sahara septentrional. Les cinq villes de Ghardaïa, Beni-Isguen, Melika, Bou-Noura, El-Atteuf, et leurs « satellites » de Berriane et Guerrara, donnent une idée, avec leurs minarets de guingois, leurs ventes aux enchères sur les petites places, leurs vieilles maisons fraîches, de ce que devait être la vie à l’âge d’or de l’ « islam du désert ».
Dans le but de préserver ce trésor historique et touristique, qui est traditionnellement le site musulman le plus visité par les touristes venant en Algérie, les autorités de ce pays ont décidé de classer l’ensemble de la Pentapole et de créer un « Atelier du M’Zab », chargé de sauvegarder l’identité architecturale des cités. Mis sur pied par un expert français, M. André Ravereau, qui était alors architecte en chef des monuments historiques de l’Algérie, cet atelier a, semble-t-il, obtenu de premiers résultats positifs, mais son action est freinée par la rareté des architectes étrangers ou algériens, ces derniers devant souvent se consacrer à des tâches d’un intérêt pratique plus immédiat. Pourtant, les responsables algériens envisageraient maintenant d’élargir cette expérience en créant un « Atelier de la casbah d’Alger ». La Casbah est à la fois le monument historique le plus prestigieux de la jeune République, en raison du rôle joué par ses habitants durant la guerre d’indépendance, et l’un des pôles majeurs d’attraction touristique. Aussi était-il devenu impérieux de décider de restaurer ses sanctuaires, ses palais, ses jardins, ses nécropoles et ses fontaines.
Dans l’intérieur du pays, les principaux foyers d’art musulman se trouvent à Tlemcen, à la Qalaa-des-Beni-Hammad, à Constantine, à Sidi-Oqba, près de Biskra, et dans différents points du Sahara (El-Oued, Timimoun, Témacine et Tamelhat). Parfois des mosquées campagnardes révèlent au touriste un peu curieux — on peut visiter les sanctuaires musulmans, en Algérie — des colonnes en marbre rare ou des minbars (chaires) ouvragés, tandis que de vieilles demeures montrent leurs zelliges anciens (carreaux de faïence) décorés à la main. Le long des routes, les coupoles des « marabouts » (nom donné à certains hommes saints de l’islam maghrébin, et par extension aux monuments qu’on leur dédie), au dessin adouci par les couches successives de chaux, mettent des taches blanches sur les djebels et dans les champs.
A l’heure où l’Algérie réhabilite son passé musulman, les responsables de la jeune nation ont décidé de donner un soin particulier à la mise en valeur et à la protection des sites où s’est manifestée la civilisation du prophète Mahomet, notamment en Oranie (Mansourah, Nédroma, Honaïn). Plusieurs musées (Tlemcen, Sétif, Alger) contiennent des témoignages de l’art musulman d’hier. A Alger, le bâtiment qui abrite le musée du Bardo est déjà à lui seul un chef-d’œuvre de l’art mauresque, avec ses pavillons d’été, ses cours successives, ses escaliers dérobés, ses skiffas (entrées) dallées et ses fenêtres en arc algérois, dont les volutes évasées ne se retrouvent que dans l’ancienne capitale des deys.
La période moderne a vu naître en Algérie des villes blanches, ocre et rouges, bravant la mer du haut de leurs balcons à pâtisseries 1880 ou de leurs gratte-ciel plus sévères. Si, hier, les conseils de Le Corbusier n’ont qu’exceptionnellement été retenus, M. Oscar Niemeyer, l’architecte de Brasilia, appelé par l’Algérie indépendante, construit aujourd’hui une ville universitaire modèle à Constantine avant de réaliser un « Alger-II », où s’installeront les administrations centrales. De même qu’en Amérique latine le contraste des vieilles demeures coloniales se mirant dans les tours de verre et d’aluminium exerce une sorte de fascination sur les étrangers, de même à Alger le touriste de demain ira contempler les arcades et les cariatides patinées de la rue de la Lyre ou du Front-de-Mer avant de monter au sommet de l’Aurassi (6), hôtel ultra-moderne actuellement en construction sur la crête des Tagarins qui surplombe la baie et la capitale algériennes.
De 5 000 à 30 000 lits...
Sans souhaiter que leur pays devienne « une simple annexe de l’Europe en vacances », les Algériens ont toutefois décidé de tirer parti au maximum de leur ciel pur et de leurs remarquables sites naturels et historiques. De la période coloniale, l’Algérie avait hérité, d’une part, des souvenirs de l’engouement passager ressenti pour le « Sud », au début de ce siècle, par les Européens et les Américains fortunés, à savoir un casino délabré à Biskra et une chaîne d’hôtels sahariens, où, sauf exception, les charmes de la contrée devaient faire oublier des installations désuètes ; d’autre part, moins d’une dizaine de grands hôtels urbains édifiés avant la seconde guerre mondiale, quelques stations balnéaires et un petit nombre d’établissements thermaux, soit au total environ 5 000 lits. S’il pouvait un temps répondre aux besoins du tourisme interne, lequel a représenté en 1971 près de 40 % de l’occupation hôtelière, ce patrimoine était nettement insuffisant pour attirer un flux touristique international générateur de devises. Aussi fut-il décidé de repartir à zéro, tout en sauvant ce qui pouvait l’être de l’infrastructure héritée. Dès 1966, l’idée de l’aménagement de la Côte turquoise, entre Alger et Cherchell, était adoptée, et peu après le bureau d’études privé fondé par Jacques Chevallier — ancien maire d’Alger et ancien ministre français de la défense nationale devenu Algérien, et qui devait décéder en 1971 — et par l’architecte français Fernand Pouillon était chargé par le gouvernement algérien d’agrandir le village balnéaire de Moretti et d’aménager les environs de Tipasa, en y installant deux « casbahs de vacances ». Par la suite, d’autres cités touristiques comprenant des hôtels, des bungalows, des centres commerciaux, des installations culturelles et sportives, ont été conçues dans ce secteur prioritaire par le même groupe et toujours pour le compte de l’Etat.
« Mon département est largement majoritaire dans le domaine du tourisme, mais il n’en détient pas le monopole absolu », nous a déclaré M. Abdelaziz Maoui, ministre algérien du tourisme. En effet, des capitaux privés nationaux, et très accessoirement étrangers, participent au développement touristique, soit en association avec la chambre de commerce d’Alger ou la Caisse algérienne de développement, soit sans tutelle étatique. Il reste que, pour le moment, le rôle du secteur privé demeure marginal, ne serait-ce que parce qu’il n’existe pas encore en Algérie de crédit hôtelier à long terme, et parce que les effets d’entraînement économique attendus des importants investissements publics n’ont pu encore se faire vraiment sentir. Au Maroc, il a fallu plus d’une décennie pour que les capitaux nationaux commencent à s’intéresser au tourisme, vu sous son angle industriel.
Depuis 1965, le gouvernement algérien a investi plus de 600 millions de dinars (1 dinar = 1,125 F) en faveur de l’équipement touristique. Cent autres millions de dinars seront encore consacrés à ce secteur d’ici à 1973. Ces investissements ont déjà permis l’ouverture de cinq stations balnéaires dans la région d’Alger (3 430 lits), de quatre palaces sahariens à Bou-Saada, Laghouat, El-Oued et Biskra (470 lits), de trois hôtels de montagne à Seraidi (ex-Bugeaud), Chréa et Tikjda (275 lits), et d’un motel à Maghnia, près de la frontière du Maroc (85 lits). En 1972, on prévoit d’achever l’agrandissement (865 lits) des installations de la côte algéroise et d’inaugurer deux nouveaux complexes balnéaires situés aux Andalouses, près d’Oran (800 lits), et à Tichy, près de Bougie (300 lits). Sept caravansérails de luxe, représentant globalement 800 lits, devraient également être mis dès cette année à la disposition des touristes au Sahara (Tindouf, Aïn-Sefra, Béni-Abbès, Timimoun, Ouargla, El-Goléa, Touggourt). Il en est de même pour l’hôtel — chalet de Yakouréne, en Grande-Kabylie (80 lits), et pour les hôtels urbains d’Annaba (ex-Bône) et de La Calle, près de la frontière tunisienne, qui offriront à eux deux 660 lits sur la côte constantinoise.
Lorsque les autres projets en cours de réalisation, tant à Alger que sur le littoral, dans les montagnes et au désert, seront terminés, en principe en 1973, l’Algérie disposera alors d’environ 30 000 lits nouveaux, y compris ceux des villes d’eaux mais sans compter ceux qui auront été construits par les communes, par certains établissements publics comme la compagnie pétrolière nationale SONATRACH ou par les promoteurs privés. Près de la Foire internationale d’Alger fonctionne déjà un hôtel de 100 lits réalisé par une société d’économie mixte, et plusieurs communes de la Saoura (Sahara occidental) se sont déjà dotées d’installations touristiques, notamment Taghit et Adrar.
Pour une clientèle moyenne
« Après de nombreuses études de marché en Europe et en Amérique, nous nous sommes fixé pour but de faire venir en Algérie une clientèle moyenne utilisatrice des formules hôtelières classiques », nous a indiqué le ministre algérien du tourisme. Il n’y aura vraisemblablement en Algérie ni hôtels Hilton, ni Club Méditerranée (à l’expérience de gestion directe qui a eu lieu l’an passé à Tipasa succédera une collaboration sur le plan commercial), ni appartements ou villas à vendre. De même, le nombre des bungalows à louer ne sera pas augmenté, car cette formule ne permet de créer que très peu d’emplois. En revanche, le touriste trouve, et trouvera de plus en plus, dans la plupart des régions d’Algérie des hôtels de grand confort à des prix abordables (pension complète à partir de 60 dinars par jour pour le voyageur individuel) (7), et dans lesquels, souvent, M. Pouillon a eu l’heureuse idée de donner une place d’honneur aux arts locaux (céramiques murales de Mohamed Boumehdi, tapis des Nemenchas, coffres enluminés du peintre Khanem, poteries kabyles). La formation du personnel est assurée par cinq écoles hôtelières, dont quatre ont été créées après l’indépendance (1962).
Sous l’égide du ministère algérien du tourisme, trois organismes publics sont chargés de la promotion touristique. L’Office national du tourisme (ONAT) construit les hôtels et leurs installations annexes, la Société nationale du tourisme (SONATOUR) les gère, et l’Agence algérienne du tourisme (ATA) est chargée de leur commercialisation. L’ATA paraît avoir pris récemment une extension considérable sous l’impulsion de son nouveau responsable, M. Abderrahmane Berrouane. Le nombre des antennes locales de l’ATA a triplé et des représentations de cet organisme seront bientôt ouvertes à Paris, à Bruxelles, à Londres et à Milan. Le touriste pourra, à partir de là, et peut déjà à partir d’Alger, retenir un séjour tout compris en Algérie, louer une voiture ou un avion, choisir un « circuit à la carte » ou une « cure de silence » au Sahara, ou s’inscrire pour un pèlerinage à l’ermitage du Père de Foucauld. L’ATA accueille également les passagers des bateaux en croisière, et elle a l’intention, dans l’avenir, d’organiser elle-même des « mini-croisières » le long de la côte algérienne. L’ATA a eu le mérite d’adapter aux impératifs commerciaux la traditionnelle hospitalité arabe. En Algérie les touristes n’ont pas l’impression d’être « un troupeau taillable et corvéable à merci dès qu’ils ont versé leur quote-part ». Il suffirait que les formalités de contrôle aux frontières terrestres, aériennes et maritimes s’allégeassent un peu pour que la plupart des voyageurs quittant l’Algérie fussent pleinement satisfaits de leur séjour (8). En 1971, 226 000 touristes sont venus en Algérie. Selon les prévisions officielles ce chiffre pourrait doubler d’ici à 1975.
D’ici là l’Algérie aura vraisemblablement rattrapé le handicap représenté par son entrée tardive due à sa longue guerre d’indépendance dans le concert des pays de tourisme. Déjà, aujourd’hui, elle est parvenue, en moins de deux lustres, à engager largement la mise en valeur de ses principales potentialités touristiques.
Jean-Pierre Peroncel-Hugoz
(1) Journaliste et écrivain d’origine russe du début de ce siècle. Convertie à l’islam, elle parcourut l’Algérie en tous sens au cours de sa brève existence (1877-1904).
(2) E. Fromentin, Une année dans le Sahel, Lemerre, Paris, 1874.
(3) A. Camus, Noces, suivi de l’Eté, Gallimard, Paris, 1959.
(4) En arabe, plage, et par extension lac salé.
(5) A. Gide, Amyntas, Gallimard, Paris, 1926.
(6) Aurassi : habitant des Aurès, région où s’est déclenchée la révolution algérienne en 1954.
(7) Les tarifs des séjours organisés sont encore moins onéreux : deux semaines dans une station balnéaire algérienne, voyage en avion aller-retour depuis Paris inclus, reviennent à 1 100 F, soit un prix guère plus élevé que le trajet aérien Paris-Alger-Paris pour un touriste individuel.
(8) Déjà les formalités d’entrée et de sortie du territoire algérien ont été simplifiées pour les voyages touristiques en groupe.
par Jean-Pierre Peroncel-Hugoz
https://www.monde-diplomatique.fr/1972/04/PERONCEL_HUGOZ/30872
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