L’Histoire bégaie : un ancien légionnaire, capitaine lors du putsch de 1961, élevé dans l’Ordre de la légion d’honneur en avril dernier, 61 ans après avoir fomenté contre l’Etat. à Perpignan, les anciens de l’OAS, regroupés au sein de l’Adimad ont honoré leurs criminels de guerre.
En avril dernier, le sujet avait été traité sous forme presque émouvante par la chaîne privée TF1 : «Le capitaine Joseph Estoup avait été condamné en 1961 pour rébellion.
Son unité participait alors à un coup d’Etat contre le président de Gaulle. 61 ans plus tard, il a été fait commandeur de Légion d’honneur. 73 ans après avoir endossé pour la première fois l’uniforme militaire, le capitaine à la retraite Joseph Estoup (…) occupait la place d’honneur lors de la célébration la plus importante de la Légion étrangère, la fête de Camerone.
Et à l’officier de s’exprimer sans le moindre regret sur sa participation au coup d’Etat contre le pouvoir français incarné alors par le général de Gaulle. Aucun remord, aucune remise en cause de s’être laissé entraîner dans une action profondément anti-républicaine avec son unité - le 1er régiment étranger de parachutistes (REP).
Au journaliste, il dit : «On était arrivé à un point de saturation qui fait que personne n’a eu envie de dire non». Dégradé et perdant son ruban de la Légion d’honneur, suspendu de ses droits civiques, emprisonné, il avait été réhabilité en 1982. Et c’est le président Chirac qui l’avait élevé comme officier de la Légion d’honneur.
«Un scandale pour la république»
Pour Henri Pouillot de l’Association républicaine et anciens combattants (ARAC), cette remise de la légion d’honneur à un ancien militaire putschiste de l’armée coloniale pendant la guerre d’Algérie est un «scandale» : «Donc, aujourd’hui, un homme qui a tenté de renverser la République, se voit promu au plus haut grade de la Légion d’honneur, après en avoir été déchu il y a 61 ans de celui de chevalier de cette Légion d’Honneur.
Quel exemple, quel scandale !!! pour les valeurs de notre République. Appelé à cette époque à l’armée, (j’étais affecté en Algérie juste quelques mois plus tard), c’est pour une bonne part grâce à la résistance des appelés du contingent que ce putsch a échoué.
Quelle insulte à ces jeunes d’alors, qui ont perdu plus de deux ans de leur jeunesse, pour cette guerre injuste, qui ont évité que la République Française bascule dans une dictature militaire». Jean-François Gavoury, fils du commissaire Gavoyru assassiné par l’OAS à Alger, s’est insurgé contre cette distinction imméritée : Jusqu’à sa mort, «mon père se portait bien de n’être titulaire d’aucune décoration à titre civil ou militaire. (…) Par lettre du 22 juin 1961, Louis Joxe, alors ministre d’Etat chargé des affaires algériennes, a soumis au général Georges Catroux, grand chancelier, un projet de décret de nomination dans l’Ordre national de la Légion d’honneur à titre posthume le concernant : le texte sera signé le 4 août 1961 (…)L’envie me prend de saisir le chef de l’Etat d’une demande tendant au retrait du décret précité du 4 août 1961.
Au-delà de ces considérations, une réflexion s’impose sur la juxtaposition des termes ‘‘Ordre’’, ‘‘Légion’’ et ‘‘Honneur’’». En effet, ajoute M. Gavoury, «l’on ne saurait soutenir que la Légion s’est honorée, avec M. Estoup (et - hélas - tant d’autres), en bravant l’autorité de la loi et l’ordre démocratique».
Perpignan, la stèle de l’OAS
Jeudi 2 juin, le préfet des Pyrénées-Orientales a pris un arrêté interdisant toute réunion dans et autour d’un cimetière de Perpignan prévu mardi 7 juin.
C’est ce que rapporte le journal régional L’Indépendant : «Compte tenu de la sensibilité du contexte local et la détermination des protagonistes, tout rassemblement, quels qu’en soient les organisateurs, aux abords ou à l’intérieur du cimetière du Haut-Vernet, à Perpignan, présente un risque sérieux et grave de troubles à l’ordre public», détaille le quotidien qui raconte le «duel à distance entre partisans et opposants de l’Algérie Française».
L’expression du journaliste paraissant tellement désuète soixante ans après la sanction d’un long combat qui a rendu son indépendance à l’Algérie : «Partisans et opposants de l’Algérie française se sont affrontés au jeu du chat et de la souris pour défendre leur vision de l’Histoire, malgré la présence des forces de l’ordre».
«Une poignée de personnes ont répondu à l’appel de l’Adimad-Mraf pour déposer une gerbe au pied d’une stèle controversée marquant la date anniversaire de l’exécution de deux membres de l’OAS, condamnés à mort par la justice française pour l’assassinat d’un fonctionnaire».
Comme sur l’air célèbre du ‘‘On ne regrette rien’’ des soldats regagnant leur casernes en avril 1961 ; un des responsables de l’ex-OAS a réitéré : «On n’a fait que défendre un patrimoine français et ce que nos pères avaient créé en Algérie.
Si c’est un crime, alors nous sommes des criminels». Le journaliste de L’Indépendant estimant que le discours était «teinté de remarques racistes ou homophobes».
Des opposants à ce rassemblement, menés par l’Association nationale des Pieds noirs progressistes, ont protesté par des banderoles pour manifester leur hostilité à une initiative qu’ils considèrent être «une apologie de crime de guerre». Ils militent depuis plusieurs mois pour que la «stèle érigée en 2003 dans le cimetière perpignanais soit déplacée dans un lieu privé et remplacée par un monument rendant hommage à tous les disparus de la Guerre d’Algérie».
Quand les hommes vivront d'amour, il n'y aura plus de misère, et commenceront les beaux jours, mais nous, nous serons morts mon frère1". Ces paroles célèbres sont issues de la chanson québécoise de Raymond Lévesque, qui écrivit cette œuvre en s'inspirant des malheurs causés par la guerre d'Algérie. Elle fut un succès populaire et peu de gens se doutent en écoutant cette mélodie qu'elle y fait allusion. Au Québec, lorsque Raymond Lévesque y retourne en 1958, la population s'intéresse d'avantage à ce conflit de décolonisation et la chanson revêt souvent une autre signification qu'en France ou de par le monde. Encore aujourd'hui certains Québécois se souviennent, à l'image de Denis Chouinard2, de l'inspiration et de la signification de ces paroles.
L'intérêt du Québec pour l'Algérie et son accession à l'indépendance va de pair avec la volonté d'émancipation de la province canadienne. La guerre d'Algérie devient alors pour certains nationalistes québécois un événement inspirant pour une part leurs luttes et leurs réflexions sur la souveraineté. Jusque dans les années 1956-1957, cette lointaine guerre coloniale ne représente pas un sujet majeur dans la vie politique et culturelle de la province. Magali Deleuze3 inscrit cet attrait important dans une redécouverte de la France par les Québécois. ("La redécouverte de la gauche française pour certains, celle de la France moderne et émancipatrice pour d'autres expliquent que la guerre d'Algérie fait véritablement partie de la mémoire québécoise4"). L'ampleur de ces évènements au Québec est considérable et a eu un écho au sein de la population. Plusieurs Québécois ayant vécu cette période m'ont ainsi rappelé leurs souvenirs et leurs connaissances de la guerre d'Algérie. Denis Chouinard, cinéaste réalisateur né à Laval, m'a également fait état de ses souvenirs québécois d'Algérie. Cette imprégnation dans la mémoire populaire apparaît comme un lien ténu entre ces deux peuples. De nombreux Québécois sont partis travailler en Algérie dans le cadre de coopération des entreprises phares québécoises, telles que SNC-Lavalin.
Cette particularité entre ces deux peuples travaillant (par des moyens dissemblables) à leur indépendance avec plus ou moins de réussite a scellé dans les années 1960, une amitié idéologique, un compagnonnage relatif. Magali Deleuze analyse et décortique les nationalismes québécois et l'influence du modèle algérien. Ainsi le nationalisme sociologique porté par la revue Laurentie et incarné par Raymond Barbeau un Etat corporatiste prolongeant la cellule familiale ainsi qu'un choix moral et politique dans lequel les peuples doivent s'émanciper du joug colonial. Il n'a qu'un lointain apparentement avec les nationalistes algériens. Mais Laurentie et Raymond Barbeau utilisent l'émancipation algérienne de la puissance coloniale comme un exemple à imiter et des raisons de croire à leur projet indépendantiste. Cette guerre de libération nationale doit être prise en compte comme un modèle pour les Laurentiens. Si l'on soutient l'autodétermination algérienne, ces mêmes personnes doivent soutenir l'accès à la souveraineté du Canada français. En janvier 1960, Raymond Barbeau écrit dans Laurentie : "On a aussi beaucoup entendu parler depuis quelques années même au Canada français de l'Algérie aux Algériens. Par exemple, Monsieur André Laurendeau a réclamé à plusieurs reprises l'autodétermination pour l'Algérie mais il écrit non moins souvent que la souveraineté du Québec est une évasion, une utopie5". En septembre 1959, un de ses collaborateurs, Pierre Guilmette, justifiait ainsi son intérêt pour ces évènements : "le nombre sans cesse croissant des peuples qui s'émancipent du joug colonial depuis bientôt deux siècles constitue un exemple que le Canada français ne peut ignorer6". La guerre d'Algérie apparaît alors pour ces nationalistes de droite, comme un instrument à étudier avec attention afin d'enrichir les moyens de lutte pour "bouter les Britanniques hors du Québec" (Laurentie est cependant une conception non raciste du nationalisme québécois stigmatisé par certains fédéralistes dont Pierre Eliott Trudeau dans ses écrits de Cité-Libre).
Une grande partie des intellectuels québécois durant cette période charnière pour l'histoire du Québec ont apporté leur contribution, internationalisant leurs pensées et leur vision du Monde. La guerre d'Algérie fut l'un des conflits les plus symboliques de la décolonisation. De ce fait, il est apparu comme un instrument et un moyen d'accès à l'indépendance pour le Québec. Son interprétation marque une fracture dans le mouvement intellectuel de la Province : le Québec était-il colonisé ? Les fédéralistes tel Pierre Eliott Trudeau répondirent bien évidemment non. Par contre dans la mouvance souverainiste en construction, les réponses furent nuancées et parfois même bien tranchées. La position de René Lévesque sera présentée en fin de paragraphe car il occupe une place spécifique à plusieurs titres dans le cœur des Québécois.
André Laurendeau, figure incarnant le renouveau du nationalisme québécois, rédacteur en chef du quotidien Le Devoir7, apporte une analyse des évènements algériens dans son journal à travers le prisme de son engagement pour un Québec plus autonome. "Tout en accordant une place de choix aux évènements dans son journal – auxquels il s'intéresse manifestement de près -, il tend à souligner les dangers et les souffrances que peut engendrer l'accession à l'indépendance plutôt qu'à insister sur la nécessaire libération des peuples et le développement du nationalisme à l'échelle mondiale, comme le font d'autres intellectuels québécois. […] Il veut, au fond, utiliser l'exemple algérien pour montrer que si le nationalisme est légitime, ce n'est toutefois pas à n'importe quel prix, et que celui de l'indépendance de l'Algérie est beaucoup trop élevé, aussi bien pour les Algériens que pour la France8". 1960 apparaît comme l'année de l'instrumentalisation de la guerre d'Algérie par les idéaux nationalistes tant pour les étayer que pour les rejeter. Il est ainsi très intéressant de souligner que cet événement apparemment lointain et insignifiant pour cette province a suscité tant de passion. Il a offert ainsi une tribune à ce pays en devenir qu'est l'Algérie. Plusieurs générations de Québécois se sont senties interpellées et ont apporté une attention toute particulière à l'Algérie alors que rien ne le supposait. Jusqu'en 1962 le devenir de ces "évènements" a une portée considérable sur le débat interne de la Belle Province. Elle offre aux intellectuels un modèle, un support ou bien un repoussoir afin de justifier et mettre en exergue leurs conceptions. Des personnalités comme Pierre Eliott Trudeau, futur Premier Ministre du Canada, utilisent cette situation pour légitimer leurs positions et décrédibiliser les théories souverainistes : celui-ci expose sa vision des choses dans un article resté célèbre "La nouvelle trahison des clercs" : "pour ce qui est de l'Algérie du GPRA, que nos indépendantistes citent toujours en exemple, on a prétendu que tout anticolonialiste sincère, qui veut l'indépendance pour l'Algérie, devrait aussi la vouloir pour le Québec. Ce raisonnement postule que le Québec est une dépendance politique, ce qui est bien mal connaître son histoire constitutionnelle.9" Il revendique ainsi une parenté entre le nationalisme algérien et le nationalisme canadien rejetant l'idée québécoise dans un nationalisme ethnique et francophone réactionnaire et dangereux. Il dénie le droit d'Etat-Nation au Québec. Ces néolibéraux réaffirment ainsi leur attachement indéfectible au Canada et refusent d'inscrire la politique québécoise dans un combat de décolonisation développant la thèse radicalement opposée des souverainistes qui voient la Belle Province comme une terre colonisée par Ottawa et l'Empire Britannique justifiant ainsi leur appui et leur parallèle avec la lutte algérienne.
Le RIN (Rassemblement pour l'Indépendance Nationale) ainsi que La Revue Socialiste notamment, s'inspirent des écrits de Frantz Fanon et d'Albert Memmi. En introduisant l'idéologie développée dans Les Damnés de la Terre, ils accentuent l'importance de la culture nationale dans l'idée de nation et inscrivent leur combat dans un mouvement de décolonisation. La branche la plus active de ce mouvement d'idées se reconnaîtra dans les actes par les prises de positions du FLQ (Front de Libération du Québec). Ce dernier explique que "l'anticolonialisme justifie toute action d'épuration nationale, et toute action, aussi violente qu'elle puisse être, pour rendre à un peuple tout ce qui lui appartient" (Raoul Roy). Le FLQ lors de la crise d'Octobre 70 demandera des visas pour Alger et une partie des militants sera accueillie par le régime de Boumediene. Certains depuis sont revenus vivre au Québec. L'analogie entre l'Algérie et le Québec est ainsi poussée à son paroxysme, mais elle fut également prise en compte dans la nature du mouvement souverainiste qu'allait porter le Parti Québécois et son chef René Lévesque : l'étapisme et le refus de la violence.
"La guerre d'Algérie fait dorénavant partie de la mémoire collective du peuple québécois10".
Je travaille actuellement entres autres dans le cadre de mes recherches sur la mémoire de la Guerre de Libération (1954-1962) dans l’émigration algérienne. Si vous souhaitez m’apporter votre témoignage, ce sera avec grand plaisir et je vous en remercie par avance.
1- QUAND LES HOMMES VIVRONT D'AMOUR paroles et musique: Raymond Lévesque 1956. Quand les hommes vivront d'amour, Il n'y aura plus de misère Et commenceront les beaux jours Mais nous nous serons morts, mon frère Quand les hommes vivront d'amour, Ce sera la paix sur la terre Les soldats seront troubadours, Mais nous nous serons morts, mon frère Dans la grande chaîne de la vie, Où il fallait que nous passions, Où il fallait que nous soyons, Nous aurons eu la mauvaise partie Quand les hommes vivront d'amour, Il n'y aura plus de misère Et commenceront les beaux jours, Mais nous nous serons morts, mon frère Mais quand les hommes vivront d'amour, Qu'il n'y aura plus de misère Peut-être songeront-ils un jour À nous qui serons morts, mon frère Nous qui aurons aux mauvais jours, Dans la haine et puis dans la guerre Cherché la paix, cherché l'amour, Qu'ils connaîtront alors mon frère Dans la grande chaîne de la vie, Pour qu'il y ait un meilleur temps Il faut toujours quelques perdants, De la sagesse ici-bas c'est le prix Quand les hommes vivront d'amour, Il n'y aura plus de misère Et commenceront les beaux jours, Mais nous serons morts, mon frère. 2- Cinéaste québécois engagé qui a réalisé L’ange de goudron film sur la communauté algérienne de Montréal. 3- DELEUZE Magali, L'une et l'autre indépendance 1954-1964 : les médias au Québec et la guerre d'Algérie, Coll. Histoire point critique, Ed. Point de fuite, Montréal, 2001. 4- DELEUZE Magali, op. cit. p. 26. 5- In BARBEAU Raymond, Laurentie, "le Québec aux Québécois", janvier 1960. pp. 373-374. 6- In GUILMETTE Pierre, Laurentie, La fin du colonialisme, septembre 1959. p. 345. 7- André Laurendeau a élaboré sa théorie au sein de la revue L'Action Nationale. Très attaché aux principes de Lionel Groulx sur les deux nations, il aborde la question nationaliste sous la forme d'un "autonomisme humaniste". 8- In DELEUZE Magali, op. cit. pp. 96-97. 9- In TRUDEAU Pierre Eliott, La nouvelle trahison des clercs, Cité Libre, Montréal, avril 1962. pp. 3-4. 10- In DELEUZE, Magali, op. cit.
«L’Etat est peu de chose, notre lien avec lui est toujours révocable, ce qui compte, c’est le clan, le petit groupe d’hommes liés entre eux par des attaches héréditaires, et tenant au sol par la même racine nourricière ».
La vie humaine est comme un jeu, il y a de nombreux joueurs. Si tu ne joues pas avec eux, ils joueront contre toi. Et comme tu n’as pas toutes les cartes en mains, tu finiras inéluctablement par perdre ; à moins de truquer le jeu. Dans ce cas, ce n’est plus du jeu mais un je. Un je qui te fait perdre la tête. Une tête que tu peines à la tenir droite. La diversité humaine, si elle peut être une richesse peut s’accompagner de conflits si les sociétés ne peuvent pas ou ne savent pas les maîtriser. Alors toute différence peut devenir prétexte à conflits.
En effet, chaque société humaine doit instaurer et faire respecter les règles si elle veut survivre et préserver ses ressources. Pourquoi l’Algérie n’arrive-t-elle pas à se doter d’un Etat moderne ? La réponse est simple, ce que l’on analyse comme système politique se cache la réalité d’un système clanique.
La société algérienne est segmentée en clans dominés par des personnes physiques influentes privant l’Etat en tant que personne morale de jouer son rôle régulateur et planificateur.
La formation sociale algérienne est tributaire d’un double passé. Le passé colonial imposé pendant toute la période de colonisation soit 132 ans et le vieux passé précolonial secrété à travers des siècles par la société algérienne elle-même encore qu’elle ait subi des influences extérieures avant la pénétration française. Ces deux passés ne s’excluent pas, ils coexistent dans le présent. « Ils se mâchent sans s’avaler ». C’est pour dire qu’un système clanique ne se réforme pas avec les mêmes outils qu’un système bureaucratique.
Les règles de droit ne sont là que comme devanture, elles s’effacent devant les réseaux mafieux influents. Tout y passe séduction, argent, intimidations, chantage. Tant que vous êtes du côté des plus forts, la loi vous ignore et vous, vous ignorez la loi. Elle vous sera appliquée, le jour où vous sortez des rangs pour rejoindre le commun des mortels. Le pouvoir est segmenté en clans dominé par des chefs influents qui privent l’Etat de son rôle régulateur. Des individus influents qui recherchent l’intérêt de leur groupe au détriment de l’intérêt général en ignorant les règles morales et les lois de la société. Le commandement du groupe revient au vainqueur.
Quand deux éléphants s’affrontent, c’est l’herbe qui souffre (le peuple). Il s’agit de détruire le clan adversaire pour rester seul sur la scène. L’esprit de société qui régnait au sein de la tribu était exacerbé par le tribalisme. Les chefs de tribus s’arrogeaient une part considérable du butin.
L’Etat post-colonial n’échappe pas au contrôle des clans ce qui pérennise les régulations traditionnelles, provoque des conflits et attise les tensions. Pour entrer dans la cité, il faut sortir de la tribu. Les dirigeants, ont les pieds dans la cité et la tête dans le douar. Il porte le turban et le costume. Cela fait folklore. Si l’un est visible (l’Etat), l’autre est invisible (les clans). Il est vrai que le clanisme est une attitude qui tire son origine de l’homme. C’est avant tout un phénomène humain. De ce phénomène, on peut dégager deux aspects.
Il y a d’abord un aspect primaire pour ne pas dire primitif qui correspond à cet élan irrésistible de solidarité autour d’une personne ou d’un groupe de personne issu(s) du même terroir. Il y a ensuite ce phénomène urbain résultant de l’exode rural vers les villes.
En ville, l’appartenance à une famille, à une tribu, à un clan importe peu ; l’essentiel est de répondre à un impératif immédiat : reconstituer de toutes pièces une famille qui garantisse à ses membres sécurité et épanouissement. C’est ainsi que le personnage bien placé en ville s’entoure des membres de sa famille, de son clan, de sa région sans se soucier de leur compétence ou de leur performance.
Comme, on le constate, l’Algérie indépendante s’est avérée impuissante à mettre en place des institutions économiques jouissant de la légitimité nécessaire pour fonder un principe hiérarchique et le respect de l’autorité.
A tous les niveaux, ces entreprises publiques et les règles qu’elles édictaient furent incapables de s’imposer aux réseaux de solidarités fondées sur les liens de parenté.
Profondément ancrés dans les esprits, ces réseaux se reconstituèrent très vite derrière le paravent des organigrammes qui demeurèrent les véritables canaux d’accession au pouvoir sur les ressources et sur les hommes c’est à dire au pouvoir de signature des recrutements, des commandes d’achats, des ventes, des dépenses et des licenciements. Les structures ne sont en réalité que des façades dissimulant des réseaux occultes et mouvants de relations lucratifs entre cousins.
La persistance des solidarités communautaires fondées sur les liens de parenté semble bien être l’obstacle décisif à la construction d’une économie féconde et durable. En retour, cette solidarité d’occasion engendre un autre phénomène : celui du parasitisme lié à un certain contexte politique.
En effet, quiconque détient une parcelle du pouvoir, qu’il soit Président de la République, directeur d’entreprise, chef de service, tombe immédiatement à la merci des siens, de tous les siens.
Par tous les moyens, celui qui détient une parcelle de la puissance cherchera à faire intégrer les siens dans le circuit du nouvel ordre politico-économique au risque de se laisser corrompre ou compromettre pourvu qu’il soit assuré d’être maintenu à son poste. Le clanisme est par conséquent un obstacle à l’efficience de la gestion. Il nourrit sa clientèle en lui assurant une promotion économique et sociale.
Le phénomène des interventions par lesquelles est facilitée la promotion de tous ceux qui ne répondent pas aux critères objectifs et transparents s’accommode aisément de ce réseau de relations. Ces consultations se font en privé où sont prises nombre de décisions, le bureau ne servant plus que pour formaliser ce qui a été arrêté par ailleurs. En outre, dans un système à circuits multiples et parallèles, il devient difficile de déterminer qui est responsable de quoi et devant qui ?
La confiance avant la compétence, comme pratique de nomination à des postes de responsabilité réduit ou élimine les voies de recours que pourraient utiliser les travailleurs en cas de conflit avec les chefs immédiats. Le tout s’inscrit dans un régime politique dominé par des luttes claniques et un système économique qui tire sa richesse non pas du travail mais de la rente pétrolière et de l’endettement extérieur.
La société algérienne fonctionne au commandement sous couvert d’une rente pétrolière et gazière. La question est de savoir comment peut-on passer d’une logique de commandement à une logique de marché ? De l’injonction politique à l’impératif économique ?
Le conflit dans les pays arabes est entre les poussées modernistes sociétales des gouvernés et les freins conservateurs des gouvernants. Des dirigeants ayant les pieds en ville et la tête dans le douar, le turban discret pour amadouer le peuple en s’adressant à lui avec ses mots (maux) et la cravate éclatante pour signifier aux occidentaux nous sommes des vôtres (le complexe du colonisé).
Le pétrole est une arme de corruption massive des sociétés et une assurance vie des de gouvernance arabes. Dans les pays arabes pétroliers, les monarchies et le clanisme diffèrent sur la forme et convergent sur le fond. L’avènement des revenus pétroliers a permis la concentration des ressources financières et la centralisation du pouvoir de décision entre les mains d’une seule personne.
Les monarchies comme le clanisme ont survécu au nationalisme arabe et aux poussées islamistes grâce au marché pétrolier dominé par les Américains. Les régimes claniques et monarchiques sont confrontés à deux problèmes majeurs : l’impossibilité de comprimer les dépenses publiques sans perdre leur légitimité et l’incapacité de répondre positivement aux cris de révolte de leurs jeunesses les mettant devant leurs responsabilités. L’organisation socio-politique apparaît comme le moteur essentiel dans la détermination de l’attitude d’une nation.
La souveraineté nationale qui implique un principe d’indépendance s’évanouit si économiquement, les gouvernants ne peuvent pas choisir une fonction d’objectifs et favoriser pour la mettre en œuvre un agencement des moyens à la disposition des nationaux et de l’Etat.
L’Etat en Algérie n’est pas seulement un Etat dépendant mais un Etat minimal qui porte les stigmates de toutes les crises qui l’ont secoué : décolonisation ratée, intégration inachevée, extrême vulnérabilité aux ingérences et intérêts étrangers, autant d’indices d’incapacité étatique. A ce stade la remise en cause de la relation de dépendance devient problématique.
Les crises sociales affaiblissent les structures de l’Etat et le rendent de plus en plus tributaire des opérations de sauvetage financière ou militaires des puissances étrangères. La précarité de l’Etat est telle que toute tentative de développement autocentré qui dépasse les exigences de profit des élites au pouvoir est généralement perçue par celles-ci comme un manque à gagner ou une menace.
Ce qui compte avant tout c’est le maintien du statu-quo même si cette situation engendre les germes de sa propre destruction. Seule la fin du clanisme amorcera le début du politique. « On dit beaucoup qu’en politique, il ne faut pas faire de querelles de personnes. Mais alors, quoi d’autres ? ». Les esprits supérieurs discutent des idées, les êtres inférieurs des personnes. Pour les uns, de la discussion jaillit la lumière ; pour les autres du rapport de force sortira le vainqueur. La sagesse africaine nous enseigne qu’il ne faut se mêler des querelles familiales parce qu’elles vont se résoudre d’elle-même. Elles trouveront leurs aboutissements au sein de la famille. Les membres d’une même famille se mâchent mais ne s’avalent pas.
Apaiser les conflits demande du temps. La patience est la clé de la solution. La vie trouve toujours son chemin. Les deux guerriers les plus puissants sont la patience et le temps. Les personnes faibles cherchent à se venger, les personnes fortes pardonnent, les personnes intelligentes ignorent.
La famille c’est comme les branches d’un arbre … chacun prend des directions différentes mais les racines sont toujours les mêmes. Ils sont des milliers à vouloir couper les branches jugées pourries mais ils sont peu les gens qui s’attaquent à la racine du mal sachant que l’arbre suit ses racines et que les branches ne sont que le prolongement des racines. En forêt, vous savez quand les racines se querellent, les branches s’embrassent ».
Auteur de l’article Par SiNedjib Date de l’article 30/01/2022
Etretien avec Ahmed Ben Bella paru dans Sans Frontière, semaine du 26 mars au 1er avril 1982, p. 3-5
Il était aussi curieux que nous. Il ne cessait de poser des questions. « Comment avez-vous fait cette radio ? » – « Sans Frontière est né quand ? » Nous étions aussi intrigués d’avoir en face de nous Ahmed Ben Bella, aussi jeune que sur les photos que nous avions en mémoire du premier président de l’Algérie indépendante, et surtout l’un des hommes du premier novembre, alors qu’il a passé les 2/3 de sa vie en prison. L’interview a été réalisée dans le studio de Radio Soleil Ménilmontant.
« Je répondrai à toutes les questions que vous poserez, a-t-il déclaré d’emblée, en s’installant au micro ». Et pendant près de deux heures, il a parlé, des accords d’Evian, du FLN et de ses erreurs, de la liquidation d’Abane Ramdane, de Messali Hadj, de la corruption en Algérie et enfin de l’Islam.
Il va sans dire que nous étions quelque peu intimidés devant l’itinéraire de cet homme, de son esprit de tolérance. Et comment pourrait-il en être autrement, alors qu’il a habité longtemps nos rêves d’enfants ? – A chacun donc de juger…
SANS FRONTIERE : La première question fait un peu retour à l’histoire. Il y a 20 ans, les Accords d’Evian étaient signés. Mais il semble que cela a correspondu du côté Algérien, à des divisions entre le G.P.R.A. et l’Etat Major de l’A.L.N.
BEN BELLA : Oui, il y avait effectivement un problème au sein de la révolution algérienne. C’est un peu le divorce entre le GPRA d’une part, et l’Armée de Libération Nationale qui était aux frontières d’autre part, mais aussi la moitié des wilayas qui étaient à l’intérieur puisque trois wilayas intérieures sur six, se sont désolidarisées avec l’Armée des frontières. Il y avait eu cassure, depuis un an et demi un malaise était perçu. Il avait pris toute son ampleur lors d’un incident : le bombardement de l’ALN en Tunisie et la capture de l’aviateur français qui avait bombardé nos positions. Son avion avait été descendu par notre DCA et le gouvernement tunisien avait jugé utile de récupérer cet aviateur estimant que l’incident s’était produit en territoire tunisien, le problème relevait de sa souveraineté nationale et donc que c’était un acte de souveraineté de réclamer cet aviateur. L’Etat major de l’Armée estimait qu’il était venu bombarder des troupes algériennes et qu’il avait été arrêté dans un combat contre les troupes algériennes. L’Armée se disait prête à le libérer à condition qu’il y ait échange de prisonniers, puisqu’il était prisonnier de l’ALN donc du gouvernement algérien, le GPRA. Or le GPRA avait purement et simplement endossé la thèse tunisienne et donc il y a eu une brisure.
Il faut comprendre, que c’est un peu la goutte qui a fait déborder le vase. Il y avait un long contentieux qui s’était créé entre d’une part ce qu’on peut appeler les « politiques » et d’autre part, les militaires, et jusqu’à ce moment donc la cassure avait été consommée. Il est vrai que les dirigeants de l’ALN s’étaient montrés réticents relativement à la signature de ces accords d’Evian
Le premier GPRA : Assis de g. à d., Francis, Krim, Abbas, Lamine, El Madani ; debout Yazid, Chérif, Mehri, Benkhedda, Boussouf, Ben Tobbal.
S.F. : Et à propos du Sahara aussi ?
B.B. : Non pour l’affaire du Sahara, il n’y avait aucun problème, la France reconnaissait après avoir essayé de substituer et d’annexer le Sahara, dans les accords d’Evian l’unité du territoire algérien. Le problème ne se posait donc plus entre d’une part le GPRA et l’armée d’autre part. Le problème du Sahara avait été purement et simplement résolu du fait de la reconnaissance par le gouvernement français du bien-fondé de la thèse du FLN. En tout cas il n’existait pas entre l’armée et le GPRA. Il avait été vidé de son contenu, la France ayant reconnu la thèse du GPRA.
S.F. : Messali Hadj réapparait aujourd’hui.Vous venez même de préfacer le livre relatant ses mémoires qui vient de sortir.
B.B.: Oui j’ai préfacé ses mémoires tout en pesant parfaitement mon geste, je l’ai fait volontairement, parce que j’estimais que le moment était venu de jeter un regard lucide sur notre histoire.
Notre révolution comme toute révolution draine dans son cours des hauts et des bas, et parfois des déchirures qui sont graves, le moment est venu de réparer notre tissu politique. Comment ? En jetant un regard… En ce qui concerne Messali Hadj, je suis bien placé pour le connaître, j’ai vécu près de lui, j’ai partagé des responsabilités dans un comité central avec lui. Je connais très bien le cours de la révolution algérienne, j’étais un de ceux qui ont fait le premier novembre, j’estime que le moment est venu de rendre à cet homme l’hommage qui lui est dû. Cet homme fût le père du mouvement national. Il a été le seul ici en 1926, alors qu’il était un vendeur de quatre saisons, de parler d’indépendance, alors que c’était un crime de lèse-majesté, pas seulement pour les français mais aussi pour les Algériens
De 1926 à 1954, il n’a pas cessé de réclamer l’indépendance alors que d’autres, c’est à dire tous les autres, ont pu s’accommoder des thèses françaises en essayant de créer des points de vue à soutenir les thèses françaises.
Nous nous sommes séparés en 1954, cruellement avec lui. Moi-même, je l’ai combattu, mais je me défends d’oublier que pendant 28 ans, cet homme a été le seul à défendre cette idée. Et le connaissant de très près, lui qui est un révolutionnaire, alors que d’autres ne l’étaient pas, il s’est peut-être fourvoyé. D’autres étaient des réformistes, qui malheureusement tiennent le haut du pavé. J’ai eu mal de voir que des gens qui ont combattu le premier novembre, tiennent le haut du pavé maintenant, contrôlent des secteurs importants de la vie politique du pays, alors qu’un homme qui pendant 28 ans n’a jamais changé, qui a eu une attitude admirable devant les tribunaux français, dort dans un coin perdu à Tlemcen, comme un lépreux.
Ben Bella se recueillant sur la tombe de Messali Hadj
S.F. : Pensez-vous qu’il soit souhaitable qu’à l’occasion du 20e anniversaire, il soit réhabilité officiellement en Algérie et que son corps repose au carré des « Chouhada » (martyrs) ?
B.B. : Moi je pense que c’est un « chahid » comme tous les autres. Je le souhaiterais et pas seulement pour Messali Hadj. Même les morts du F.F.S. et tous les autres qui se sont battus sincèrement sont des chouhadas » pour nous. Et là je ne fais que reprendre à mon compte un héritage qui est ancien. Nos anciens califes ont eu cette attitude.Ils ont eu les mêmes problèmes. Ils se sont déchirés, mais ils ont toujours reconnu que tous ceux qui se sont battus sont des « chahid ». L’Imam Ali, je l’ai cité dans ma préface, lors de la bataille du jmel (chameau) qui est restée célèbre dans l’histoire de l’Islam, a fait la prière dans les deux camps. Et lorsque ses partisans ont dit « hier nous les combattions et aujourd’hui tu fais prière pour eux ». Il a dit : « Oui je fais la prière pour eux. Tous ceux qui étaient sincères sont des chouhadas ». Je souhaiterais pour ma part, qu’on refasse notre tissu politique et social, que notre mémoire ne soit pas blessée, que nous reconstituions petit à petit cette mémoire, et que toute reconstruction est à ce prix, parce qu’on ne reconstruit pas sur l’injustice, on ne reconstruit pas sur une falsification aussi dangereuse pour notre pays. Je ne suis pas messaliste, j’ai combattu cet homme mais je dois dire qu’il a été grand, très grand, très longtemps tout seul à avancer, à défendre la cause, parce qu’il a été pendant toute cette phase le seul à la défendre.
Nous somme tous, ceux qui ont fait le premier novembre, tous des fils de son parti, et non pas par exemple de l’UDMA ou du parti communiste ou des Oulémas et que nous ne devons pas oublier 28 ans d’histoire.
Le moment est venu de moraliser notre révolution et de rendre à chacun son dû. Cet homme a assumé des responsabilités dans certaines perversions etc… il ne faut pas oublier ce qu’il a été avant c’est un homme immense. Le moment est venu pour qu’il soit enterré dans le carré des chouhadas.
S.F. : Donc 20 ans après, il faut tirer un trait pour la réconciliation des Algériens. Pendant longtemps, être messaliste était égal à traître.
B.B.: La majorité des militants MNA étaient de grands militants. Ils nous ont combattus. Ce qu’il faut maintenant malheureusement déplorer, c’est que nous n’avons pas trouvé une forme de combat telle que celle des Palestiniens par exemple. Eux combattent par exemple dans un front, où il y a dix, onze organisations, et j’estime qu’ils ont adopté des méthodes infiniment supérieures à celles que nous avions utilisées pendant notre guerre de libération. Nous nous sommes combattus aveuglément, et cela n’a pas été finalement pour l’intérêt du pays, parce que de très bons militants sont morts malheureusement lors de ces luttes fratricides, et aujourd’hui nous en aurions eu énormément besoin. Nous avons eu des pertes inouïes de la part des français. Mais nous nous sommes fait très mal nous aussi, malheureusement, nous sentons maintenant un vide absolument effrayant dans le pays, parce que nous avons perdu ces militants. Il faut dire, nous n’avions pas su trouver des méthodes d’action de sorte que nous puissions créer un front avec des courants d’opinions différents ; prendre le fusil face à l’ennemi, mais en nous entendant sur un programme minimum. Cela aurait été au contraire une garantie pour l’après-indépendance, pour la démocratisation de la vie politique ; tout cela a été un goulot d’étranglement et maintenant, nous le sentons très fort. Mais il est clair maintenant qu’il convient de moraliser notre révolution.
Une révolution est grande lorsqu’elle reconnaît certaines de ses erreurs, lorsqu’elle jette un regard tranquille sur les déchirures qui se sont produites. Par exemple, l’affaire de « Mellouza », je pense que cela grandirait la révolution de dire que nous nous sommes trompés, nous avons dit c’est pas nous, c’est les Français, etc… et jusqu’à présent, nous soutenons cette thèse.
Messali lors d’un rassemblement populaire à Alger, en 1952
S.F. : Pouvez-vous rappeler l’affaire Mellouza ?
B.B.: L’affaire « Mellouza » est une affaire entre le F.L.N. et le M.N.A., un point c’est tout. Ce n’est pas une affaire qui a été montée par le gouvernement français, c’est absolument faux. C’est une des affaires malheureuses de notre lutte, cette lutte fratricide où des responsables locaux vont très loin parfois, prennent des initiatives qui sont dangereuses, qui nous blessent très longtemps. L’affaire Mellouza, est cette blessure, par exemple. C’est un exemple vraiment significatif de ces aberrations, de ces glissades dangereuses que nous avons fait, lors de la lutte de libération. Nous n’avons jamais voulu reconnaître qu’un chef local a été trop loin, qu’il a fait un acte regrettable. Aujourd’hui, je suis allé moi-même. Je me rappelle lorsque j’étais à [Mellouza], à ce douar. Ce sont des gens qui vivent comme des pestiférés, aujourd’hui encore, même le sous-préfet et le préfet ne veulent pas aller leur rendre visite. Ils étaient M.N.A. J’ai dit à l’Imam, la révolution passera un jour et elle érigera un mur pour dire nous nous sommes trompés. Cela nous grandira. Il faut que nous fassions cela pour l’histoire, pour ces gens qui sont là, parce qu’un jour nous avons commis une grave injustice envers eux.
Quel champ d’honneur ?
S.F. : Monsieur le Président, il est un autre personnage oublié de la révolution algérienne, Abane Ramdane. Jusque-là, nous n’avons eu que des informations du côté français. Pouvez-vous, dire quels étaient les débats idéologiques de l’époque et les responsabilités politiques des uns et des autres.
B.B. : C’est vrai que l’histoire algérienne de l’époque n’est pas encore écrite mais c’est la faute des dirigeants actuels. Les dirigeants ne veulent pas qu’elle soit écrite, parce qu’elle dérange tout simplement, parce que pour certains, c’est un véritable acte d’accusation. L’histoire chez nous est oblitérée, complètement bloquée parce que les dirigeants ne veulent pas qu’elle soit écrite, sinon par récupération, et pour l’écrire, selon le fait du prince. L’histoire ne s’écrit pas comme ça. L’histoire s’écrit toujours, un jour ou l’autre, elle dit toujours son dernier mot, et nul ne peut ruser avec l’histoire.
Cette histoire s’écrira donc, je ne me fais aucun souci. De toutes façons à l’heure actuelle, il ne peut s’agir que de témoignages, puisque les acteurs sont encore là, ils ne peuvent prétendre à l’objectivité.
Il faut seulement souhaiter que les acteurs écrivent de plus en plus.
Pour ce qui concerne Abane, il y a des rues qui portent son nom dans toute l’Algérie, mais il faut dire que là aussi, c’est une mystification. Car Abane a été liquidé par la direction du G.P.R.A. J’étais en prison lorsqu’Abane a été liquidé. Alors, quels étaient les problèmes de l’époque ? Les problèmes qui étaient agités étaient que le civil devait prendre le pas sur le militaire, que le F.L.N. dirige la révolution. Abane a eu même des démêlés avec moi, je dois dire.
Et là, je dois le répéter, sur le plan des procédés qui ont été utilisés pour la liquidation d’Abane, je condamne totalement ce procédé parce qu’il est ignoble, et qu’il entache la révolution algérienne. Il a été appelé sous prétexte qu’il était invité par le Roi du Maroc, et là il a été arrêté par les dirigeants (de la révolution algérienne N.D.L.R.) et étranglé par des lacets, comme un simple… C’est absolument abominable, sans procès, ni rien. Un procès cela voulait dire un accord tacite entre les dirigeants. Je dois dire pour être objectif, pour ne pas avoir l’air de charger les gens, que personnellement, je n’étais pas d’accord avec Abane, j’estime même qu’il a été à l’origine d’une des plus grandes confusions de la révolution algérienne.
Abane était un dirigeant absolument remarquable mais il n’était pas à la hauteur des besoins idéologiques.
C’est lui qui lors du congrès de la Soummam a permis que des gens qui étaient contre le premier novembre 54, s’introduisent dans les organismes dirigeants.
L’association des « Oulémas » par exemple, Cheikh Kheireddine et Madani par exemple, nous ont combattu pendant un an et demi. Nous avons même été obligés de liquider le courant des UDMA. Le neveu de Ferhat Abbas, nous l’avons liquidé pour que Ferhat Abbas se taise.
Et bien Ferhat Abbas a été propulsé avec Boumendjel, et avec Francis, ainsi que toute une équipe, ainsi que le courant centraliste qui était opposé à Messali.
Je crois que ce courant était dangereux. Entre les deux, mon choix aurait été fait, j’étais pour le courant messaliste. Tant que j’avais l’espoir que Messali viendrait avec nous pour faire la révolution. Or ils se sont trouvés en masse au sein des organismes dirigeants et c’est justement eux qui sont allés faire la paix avec les français.
Il n’y a pas besoin de citer des noms. Cela est dû essentiellement à Ahane. Parce qu’Abane n’a jamais fait partie de l’OS parce qu’il n’a jamais participé à un comité central et il n’a trouvé rien de mieux à faire ; parce qu’il trouvait un vide inouï, que de faire venir la racaille je dis bien la racaille, politique, je n’ai pas d’autres mots à dire, tous les réformistes. Voilà pour moi la faute d’Abane ?
Je lui reproche aussi un style, je ne veux pas dire fasciste, mais tout ceux qui étaient autour de lui sont insultés à longueur de temps. Krim Belkacem pour moi porte une responsabilité dans ce qui s’est passé en Algérie. Krim était traité comme un petit larbin, alors que Krim n’est pas un larbin. Par peur de lui, par réaction, par peur d’être liquidé un jour, finalement, ils se sont entendus pour le liquider (Abane) de la façon dont on sait qu’il a été liquidé, d’une façon ignoble. Voilà ce que j’ai à dire en ce qui concerne Abane. Donc Abane a été liquidé vraiment, avec des méthodes qui déshonorent la révolution algérienne. Je n’hésite pas à le dire. Lorsque j’ai appris cela en prison, je dois dire que cela ne m’a pas étonné, et c’est des aimées après, que j’ai appris comment il avait été liquidé. Mais je dois dire qu’Abane porte une grande responsabilité dans la perversion qui s’est installée dans la révolution dès 1956 pour finalement déboucher sur la situation que nous connaissons aujourd’hui. C’est une longue histoire.
Ce qu’il faut souhaiter, c’est que tous se mettent à écrire. C’est une nécessité, un devoir pour tous les acteurs de la révolution algérienne.
Djounouds de la Willaya III commandée par Amirouche faisant la prière dans le maquis
S.F. : Comment explique-t-on le silence qui existe jusqu’à maintenant ? Or beaucoup de gens commencent à disparaître comme Boussouf sans rien laisser d’écrit.
B.B. : Je ne pense pas que Boussouf ait écrit. Boussouf a été la dimension sale de la révolution algérienne. Boussouf c’est les liquidations, les dossiers, le Beria de la révolution. S’il n’a rien écrit, c’est qu’il n’a rien à dire, au contraire, on avait beaucoup de choses à dire contre lui. Je regrette de parler d’un mort, mais c’est la vérité. En tous les cas il a terminé comme un milliardaire, il avait 800 ou 400 milliards, je ne sais pas combien. Il a fini comme un milliardaire pourri d’argent.
S.F. : En1965, vous êtes déposé. Est-ce que cela vous a surpris ? Quelques années plus tard, qu’est-ce que vous en retirez ?
B.B. : Bien sûr, j’ai toujours pensé que je pouvais être démis de mes fonctions. Avant le coup d’état de 1965, il ne se passait pas cinq mois sans qu’il n’y ait de tentative de coup d’état. Toutes les contradictions de la révolution algérienne se trouvaient réunies après l’indépendance. Nous étions tout simplement menacés de « congolisation ».
Les problèmes de Wilaya, les purges, les problèmes immenses de la révolution algérienne qui s’étaient accumulés se sont trouvés soudain posés, au moment le plus mauvais, au moment où l’Algérie était blessé, où son économie était par terre.
Nous ne disposions pas de huit milliards pour vivre six mois. A ce moment, tous les problèmes se sont posés notamment celui des wilayas qui ont dû vivre repliées sur elles-mêmes, selon leurs propres moyens. Cela s’est traduit par une situation dangereuse. Nous étions réellement menacés d’une congolisation. Il y a eu tout de suite la wilaya III puis la wilaya IV, qui se sont rebellées et rappelez-vous l’affaire de Tizi Ouzou, conjuguée avec celle de Tindouf. Ensuite Moussa et Boudiaf ont tenté de remettre cela avec Hassani. J’ai vécu en permanence dans une situation de menace de coups d’état. Mon expérience m’a appris qu’il faut rester calme dans ce genre de situation, sinon il faut régler cela par des moyens expéditifs. Pour moi le pouvoir n’était pas une fin en soi. J’ai essayé de faire l’économie du sang, j’ai estimé que mon pays avait payé un lourd tribut de sang ; il fallait régler le problème entre les révolutionnaires non pas avec des mitraillettes mais par la discussion, l’échange d’idées, par le choix de programmes.
J’ai refusé le choix du sang, sinon j’aurais pu rester au pouvoir, j’aurais eu un pouvoir pareil à ceux qu’on voit dans le Tiers-Monde. Le pouvoir n’a jamais été une fin en soi, j’ai voulu créer, apporter une dimension nouvelle, j’ai voulu que nous ayons une autre approche de nos problèmes par le dialogue. J’ai longtemps dialogué avec tout le monde.
Nous avons réglé la plupart des problèmes. La révolution algérienne, on peut le dire, a fait l’économie du sang. La plupart de ceux qui se sont rebellés contre le pouvoir sont finalement encore en vie. Ce n’était pas nouveau pour moi d’autant que nous allions tenir une conférence afro-asiatique où nous devions discuter de la création d’un nouvel ordre mondial différent deux jours avant le coup d’état, je ne pensais pas que des hommes allaient frapper avec des armes que nous leur avions donné pour d’autres combats, et qu’ils les retournent aussi vite, parce que nous ne partageons pas les mêmes idées, la même approche des problèmes.
Ben Bella photographié lors d’une promenade dans la cour de la prison de la Santé
S.F. : Vous restez quand-même un éventuel recours en Algérie. D’après les propos que vous venez de tenir, il semble que Ben Bella et le pouvoir c’est fini. Un nouveau Ben Bella apparaît.
B.B. : Non, il n’y a pas de nouveau Ben Bella, c’est le même Ben Bella qui continue. Il n’y a pas eu de discussion entre le pouvoir et moi. Il n’y en a pas eu. Ceux que je voyais c’était des policiers. Je n’ai eu à faire qu’à des policiers. Il y a eu des débats policiers. Je n’ai pas eu de négociations avec ce gouvernement et je ne pouvais pas de toute façon accepter de revenir à la présidence avec la situation qui existe dans notre pays car je serais devenu un cadavre. C’est une situation mauvaise pour nous, je ne peux pas revenir sans la discussion d’un programme, sans la discussion aussi du problème des hommes qui réaliseraient ce programme, parce qu’il n’y a pas de programme qui ne soit pas lié au problème des hommes, or je ne vois pas des hommes avec lesquels je puisse travailler tout simplement. J’ai dit que la révolution agraire s’était finalement traduite par l’assassinat de l’agriculture.
J’ai dit que le choix d’une industrie lourde s’était traduite par une déperdition de notre potentialité extraordinaire que cette industrie lourde avait perverti le pays et qu’il y avait une mutation absolument pénible vers les villes et que c’était une industrie de la quincaillerie puisque les 90 % de sociétés sont déficitaires… J’ai dit aussi que la révolution culturelle avec la corruption qui existe est un leurre. On ne peut pas parler de révolution culturelle avec le volume de cette corruption qui existe de bas en haut de l’échelle. Nous sommes pourris de bas-en-haut, la corruption est massive. Nous baignons dans une corruption totale.
S.F. : Mr le Président, nous allons passer au second thème, l’Islam. Vous êtes actuellement président de la Commission Islamique des droits de l’homme. Je crois que nos lecteurs ne la connaissent pas. Pouvez-vous nous la présenter…
La commission islamique des droits de l’homme est une commission issue du conseil islamique européen. Il y a un conseil islamique qui se tient en Europe et à son initiative, il y a eu la déclaration universelle des droits de l’homme qui a été lue ici à Paris. C’est su la base de cette déclaration que l’idée d’une commission des droits de l’homme est née, car nous estimons que des problèmes du Tiers-Monde est justement le respect de l’homme, de ses libertés fondamentales. Partout il fallait commencer par cela, car le développement sans le respect des libertés démocratiques, des libertés fondamentales était un non sens. Ceux sont les mouvements politiques islamiques qui ont décidé de cette commission et qui m’ont demandé de la présider. J’ai réfléchi et accepté car convaincu que c’était là une action absolument fondamentale.
S.F. : En Occident, on associe facilement Islam et fanatisme. On ne cout pas que pour des millions de gens, ici ou ailleurs, il s’agit d’une foi, d’une croyance aussi légitime.
B.B. : C’est une des aberrations que l’on constate à travers les médias occidentaux. L’Islam est caractérisé par une qualité que d’autres philosophies n’ont pas développé autant : la tolérance. Dès l’origine. Jamais aucune religion n’a vécu avec d’autres minorités aussi bien. Prenons l’exemple des Juifs qui ont toujours vécu avec nous. Lorsque les Musulmans étaient en Espagne, les deux tiers de la population juive étaient en Espagne, et avec la reconquista, donc l’inquisition plus tard, les juifs ne sont pas allés en Europe, mais chez nous en Afrique du Nord et en Turquie jusqu’au 18e siècle où la Turquie agonisait, devenait « l’homme malade » de l’occident. Les Juifs ne sont allés en Occident en masse qu’à partir du 18è siècle et notamment en Autriche pour nous donner les Freud, les Jung qui sont des petits fils d’Andalous. Je ne dis pas que chez les musulmans, il n’y a pas de racisme. Tout le monde porte un peu de racisme, c’est la chose la mieux partagée, mais le dossier de l’Islam est le moins lourd. Je lance un défi à quiconque de me prouver le contraire.
On compulse l’histoire depuis 1948, il existe un fait : Israël, qui ne nous oppose pas aux Juifs, mais à un monde, à une culture occidentale. Avec les Juifs arabes, il y aurait moins de problèmes. C’est donc un problème de culture. Pour partir de ce magma politique, pour décréter que l’Islam est aveugle, non. L’Islam maintenant apparaît « fanatique » car il a une force extraordinaire pour refuser le modèle de développement occidental, qui est aussi un développement culturel, civilisationnel.
Notre jeunesse refuse d’abord ça. Elle refuse de consommer, de baver devant ce modèle de gadgets.
Elle refuse un modèle qui liquide l’agriculture, nos traditions. Nous avons d’autres sensibilités, d’autres valeurs. L’Islam n’est pas fanatique. Il y a des expressions qui sont dangereuses, condamnables. Mais à long terme, il y aura une expression homogène, tout cela sera digéré en direction d’un Islam progressiste, qui respecte les Juifs, les autres, les chrétiens, sinon il n’y a pas d’Islam.
POUR la noblesse de son style et de sa pensée qui contrastent tellement avec la manière constipée de Gide, Albert Camus a rapidement acquis sur la jeunesse de ce temps une influence virile et virilisante, qui relaie heureusement celle du tortueux Ménalque.
On connaît en gros son évolution : elle l’a conduit du désespoir existentialiste, durant le déchaînement absurde du monde moderne, à la révolte la plus féconde, celle qui oppose à l’arbitraire des éléments l’effort stoïque de l’homme pour organiser la terre. On peut espérer d’ores et déjà, que le jeune écrivain saura étayer peu à peu le geste de son défi, en lui assurant cette assise terrestre et charnelle, ce perpétuel recours aux sources chaudes de la vie qui prête par ailleurs à la méditation d’un Saint-Exupéry son infinie résonnance.
Il recueille aujourd’hui, sous le titre d’Actuelles, les chroniques de plus en plus espacées où il exprima ses réactions devant les événements des six dernières années. On ne relit pas sans sourire, d’un rictus désabusé, les premiers éditoriaux de Combat : Camus s’y efforçait, durant les journées tricolores de la Libération, « d’introduire le langage de la morale dans l’exercice de la politique ».
L’exigence de pureté qui lui dictait ces adjurations naïves à la presse et aux partis de la Résistance, dans l’exaltation du combat victorieux, s’égarait parfois aux malédictions contre « les traîtres ». Ici, le sourire se fige en relisant. « La fièvre de ces années, le souvenir des amis assassinés » expliquent, sans les excuser, les emballements de l’intellectuel qui, de son tribunal, encourageait les bourreaux à frapper terriblement.
Du moins, ces jugements sommaires, qui ajoutaient à la haine au nom de la justice, Camus les prononçait-il en fonction de certaines constantes auxquelles l’expérience, en élargissant sa vue du drame, allait indiquer une voie plus exacte, plus difficile aussi. En 1945, la bombe d’Hiroshima, en éclairant de cette aveuglante lueur que les Japonais nomment « le soleil de la mort » les spasmes d’une humanité hystérique de sang, intègre le mensonge d’un pays dans le mensonge d’un monde.
Et quel est ce mensonge ? C’est celui qui couvre les moyens au nom de la fin, et la mystification pseudo-révolutionnaire, qui justifie le sacrifice des individus par le salut de l’espèce, vaut le chantage des gouvernements, qui renforcent leurs polices pour défendre la liberté et qui préparent la guerre pour mieux sauver la paix.
Les avertissements de Camus, quant aux dangers de la politique de puissance, trouvent une actualité saisissante en ces jours-ci, où le prétexte coréen vient de légaliser tous les abandons. Il n’est pas jusqu’au journal où Camus écrivit longtemps qui n’apporte aujourd’hui sa poudre aux canons, vouant aux poteaux les anciens compagnons :
« Nul, à moins de sciemment confondre pacifisme et trahison, affirme l’éditorialiste honteux du 29 septembre, ou de se réfugier dans d’élégantes contradictions intellectuelles, ne saurait refuser le réarmement du pays sous le cadre d’une Europe assez forte. »
Le Combat continue comme on voit, mais ce n’est plus le même. Le Combat continue, aux gages de M. Smadja, mais ce n’est plus le nôtre. Ce n’est plus celui de Camus, que ses textes des dernières années nous montrent engagé peu à peu dans la vraie résistance, celle qui le dresse au nom de « ce qui peut encore être sauvé » contre les ivresses qui alimentent les camps et les charniers.
L’hypnose des slogans et de la terreur, supplantant jusqu’aux anciens mobiles égoïstes de la vanité et de l’ambition, arme progressivement une humanité de robots, qui semble sortie des cauchemars vraiment prémonitoires d’un Kafka. A la faveur du délire totalitaire, qui écartèle le monde entre des idéologies également messianiques, les bureaux et les polices enferment dans leurs statistiques, leurs fiches, leurs empreintes, une humanité de « silhouettes » anonymes, abstraites.
Camus rejoint ici la protestation désespérée du Roumain Gheorghiu en sa Vingt-cinquième Heure. Il la corrige, toutefois, d’un optimisme foncier d’occidental, qui oppose à la grande mise en carte le bon sens anarchique des individus. Et l’admirable allocution qu’il a prononcée à Pleyel en décembre 1948, et sur laquelle se ferme ce recueil, définit le rôle de l’artiste, dans le monde de plus en plus concentrationnaire.
Il est, par vocation profonde, « le témoin de la liberté », contre les empiétements de la loi et la prétention des idéologistes. Il témoigne contre les abstractions totalitaires, pour « les quelques valeurs sans lesquelles un monde, même transformé, ne vaudrait pas d’être vécu », et qui sont la chair, la beauté naturelle, le simple bonheur des êtres. Acharné à préserver en lui et autour de lui la modulation fragile de la vie. Il devient parmi les révoltés, l’image même de la révolte.
Jean VITA.
Auteur de l’articlePar SiNedjib
Date de l’article10/05/2021
Aucun commentairesur Jean Vita : Albert Camus, un témoin de la liberté
Article de Jean Vita paru dans Le Libertaire, n° 251, 12 janvier 1951, p. 2
En Algérie, la région du Tassili n'Ajjer, désignée par l'UNESCO comme site du patrimoine mondial, comporte l’une des plus importantes collections d'art rupestre au monde avec près de 15 000 dessins et gravures documentés par les archéologues. En effet, au cours des millénaires, les artistes préhistoriques ont peint ou sculpté une ménagerie d'animaux, sauvages et domestiqués, ainsi que des plantes et des personnes impliquées dans la chasse et d'autres activités quotidiennes.
Les premières représentations de l'utilisation rituelle de champignons psychotropes
Algérie : figure humaine dans le style des hommes à têtes rondes, peinture rupestre, Tassili n'Ajjer DEA / M. FANTIN / Getty Images
Mais parmi ces peintures, se trouvent aussi des représentations des "têtes rondes", des figures humanoïdes aux têtes surdimensionnées qui semblent voler. Datées de 9 500 à 7 000 av. J.-C., les images de personnes en lévitation, ainsi que des personnages masqués, comme des "chamans" avec de gros champignons jaillissant de leur corps, pourraient être "les premières représentations de l'utilisation rituelle de champignons psychotropes producteurs de psilocybine", explique sur le site Atlas Obscura, Giorgio Samorini un ethnobotaniste italien et chercheur indépendant qui étudie les plantes et les champignons psychoactifs. Selon lui, l'art sur les parois des grottes du Tassili n'Ajjer, a été créé à une époque où le Sahara était une savane tempérée. "Nous savons que diverses espèces de Psilocybe poussaient dans cette région à cette époque. Imaginer que les personnes qui ont créé ces œuvres d'art n'en étaient pas conscientes n'est pas réaliste. Ils vivaient de manière nomade, avec une connaissance encyclopédique probable de la flore et de la faune de la région pour survivre".
Selon un article publié en 2012 par Gastón Guzmán, un expert en champignons psychotropes, qui comparait les représentations de champignons préhistoriques au Mexique, en Espagne et en Algérie, les champignons représentés dans les grottes du Tassili pourraient être Psilocybe mairei Singer, une espèce commune à la région. Mais les images du Tassili étant altérées, il n'est pas possible d'identifier l'espèce exacte, "en particulier parce que les preuves physiques de champignons psychotropes, telles que des résidus ou même des traces d'ADN, n'ont jamais été trouvées dans les grottes".
De plus, pour certains archéologues, il n’y a aucune preuve qu’il s’agisse réellement de représentations de champignons. En 1956, l'ethnographe français Henri Lhote pensait que ces peintures auraient pu être des représentations d’extraterrestres. Selon l'ethnomycologue Brian Akers, "nous savons que la majorité des autres plantes et animaux de l'art rupestre des chasseurs-cueilleurs ont été chassés et/ou consommés par la culture en question, nous pouvons donc supposer que les champignons l'étaient aussi. Bien sûr, ces représentations en Algérie sont plus abstraites, moins réalistes que celles en Espagne, mais pourquoi ne pas admettre la possibilité qu'il s'agisse de champignons ?".
Pour Brian Akers, ces champignons avaient probablement une signification pour les peuples préhistoriques du monde entier qui les incluaient dans leur art. "Ce sont probablement des cultures dans lesquelles le rôle des effets psychédéliques des champignons est profondément intégré, en plein centre de la culture". Enfin, pour Giorgio Samorini, "nous avons des preuves que des humains expérimentent toutes sortes de substances intoxicantes depuis des milliers d’années. Notre préhistoire était probablement une période beaucoup plus expérimentale".
Photo: Ryad Kramdi Agence France-Presse Depuis 2019, plus de 600 citoyens ont ainsi été arrêtés pour avoir manifesté ou même simplement soutenu l’opposition au régime en place.
Dans les régimes totalitaires, le journalisme demeure une profession à haut risque. Le directeur de la station algérienne Radio M. et du site d’information Maghreb Emergent, Ihsane El Kadi, vient d’en faire les frais, en étant condamné mardi dernier à six mois de prison ferme pour un texte d’analyse publié en mars dernier sur le Hirak, le mouvement populaire appelant depuis 2019 à la démocratisation de l’Algérie. Il y prônait, entre autres, l’inclusion, dans cette révolution à plusieurs visages, de la formation politique Rachad, religieuse et conservatrice.
Accusé de diffusion d’informations « à même de porter atteinte à l’unité nationale » par le régime en place, Ihsane El Kadi est venu allonger la longue liste des opposants politiques qui, depuis plusieurs mois, sont la cible du gouvernement d’Abdelmadjid Tebboune. Dans les six premiers mois de 2022, près de 300 Algériens ont été placés derrière les barreaux pour le même genre de délit d’opinion, selon l’organisme Algerian Detainees, qui tient le compte d’une répression sans précédent dans ce pays du Maghreb.
Depuis 2019, plus de 600 citoyens ont ainsi été arrêtés pour avoir manifesté ou même simplement soutenu l’opposition au régime en place.
« Le pouvoir militaire a profité de la pandémie de COVID-19 et de la trêve des manifestations hebdomadaires dans la rue que cela a entraînée pour commencer à arrêter des militants du Hirak. Mais cela n’a jamais atteint une telle ampleur », résume en entrevue au Devoir le journaliste algérien indépendant Zoheïr Aberkane, lui-même victime de ces arrestations politiques. Il a été condamné à six mois de prison pour avoir publié des photos de manifestation sans le consentement de policiers qui apparaissaient sur les clichés. Une condamnation reposant, comme plusieurs autres, sur des chefs d’accusation qualifiés d’opportunistes par les défenseurs des droits et libertés.
« Nous sommes entrés dans une troisième vague d’arrestation, qui coïncide désormais avec la volonté du régime d’empêcher le retour des gens dans la rue, poursuit-il. Le pouvoir essaie d’arrêter le mouvement du Hirak depuis longtemps. Mais là, c’est devenu pathologique, avec un arbitraire qui s’exprime dans toute sa laideur. »
Signe du durcissement du régime face à l’opposition politique : après les militants du Hirak, les manifestants, les leaders des partis d’opposition et les journalistes, premiers dans la ligne de mire du pouvoir en place, ce sont désormais les avocats des accusés qui se retrouvent désormais inculpés.
C’est le cas d’Abdelkader Chohra et de Yacine Khelifi, tous deux avocats du leader de l’opposition Rachid Nekkaz, une des figures fortes du Hirak, qui ont été déférés devant un tribunal algérien dans les dernières semaines pour « atteinte à l’unité du pays ». Entre autres. Leur client, candidat à la présidentielle de 2019, a également été arrêté pour délit d’opinion en mai dernier.
Au début du mois de juin, un tribunal algérien a maintenu également l’ordre d’emprisonnement de l’avocat Abderraouf Arslane, membre du collectif de défense des détenus du Hirak, placé en détention provisoire fin mai dans l’attente de son procès.
« Quel est ce pays qui arrête ses avocats, laisse tomber en entrevue l’avocate française d’origine algérienne Éloïse Zakya Sadeg. Un avocat, c’est un défenseur des droits, et les droits en Algérie, plus que jamais, ne sont plus du tout respectés. »
Ironiquement, Mme Sadeg a embauché l’avocat Yacine Khelifi pour représenter la famille d’un militant du Hirak, Hakim Debbazi — son neveu —, mort en prison le mois dernier, après avoir été arrêté lui aussi pour avoir contesté le pouvoir en place. Son crime ? « Il a relayé une publication soutenant le Hirak, assure l’avocate. Il n’a pas écrit un billet. Il a fait suivre un contenu. C’est tout. Et il laisse désormais trois orphelins derrière lui. »
Le régime algérien a indiqué que le militant, âgé de 55 ans, est mort de cause naturelle lors de son incarcération à la prison de Koléa près d’Alger.
« Ce régime n’a plus de respect pour rien, dit Mme Sadeg. L’Algérie a une constitution qui garantit les droits fondamentaux, de parole, de réunion, de manifestations de ses citoyens. Le pays a aussi ratifié des traités internationaux sur les droits de la personne et le respect des libertés individuelles. La vague d’arrestation pour délit d’opinion place le pays en violation avec sa propre Constitution et avec ses engagements internationaux. »
Apaisement et doute
À l’approche du 60e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, qui sera célébré le 5 juillet prochain, des sources citées par le quotidien Arabic Post indiquent que le régime militaire serait prêt à un semblant de détente en préparant en effet la libération de prisonniers politiques, dont le nombre grandissant devient de plus en plus gênant pour lui. Le gouvernement cherche, dans cette optique, à convertir les accusations criminelles portées contre les militants politiques et défenseurs des droits de la personne en simples délits pour ensuite exposer ses prisonniers politiques à des peines réduites correspondant au temps qu’ils ont déjà passé en prison, résume le quotidien arabophone.
Parallèlement, le président algérien cherche depuis plusieurs semaines à se présenter en « rassembleur », selon le contenu d’un communiqué du gouvernement diffusé début mai et appelant au dialogue avec les partis d’opposition et avec les membres de la société civile algérienne. Une stratégie régulièrement exploitée par l’ancien dirigeant, Abdelaziz Bouteflika, et son régime pour apaiser les tensions sociales tout en s’accrochant au pouvoir.
Rappelons que c’est la perspective d’un sixième mandat pour Bouteflika qui a déclenché le Hirak. Le départ de l’ex-président et des représentants de son régime, puis la mise en place d’un processus de transition devant aboutir à l’avènement d’un État de droit restent le cœur de cette revendication populaire.
« Du déjà vu et du déjà entendu ! Nous sommes toujours dans l’ère Bouteflika, les mêmes procédés sont là, et la finalité reste leur maintien [au pouvoir] », a résumé il y a quelques jours Karim Tabbou, un des leaders du Hirak, dans les pages numériques du quotidien Algérie Part. « À travers cette “nouvelle manœuvre politicienne” le pouvoir veut imposer [ce] sixième mandat tout en donnant une apparence politique nouvelle faite de “consultations” avec des partis et les “représentants civils” de la société. »
Mais dans les faits, poursuit le politicien, arrêté à nouveau par les autorités algériennes en mai dernier, après avoir tenu publiquement le pouvoir responsable de la mort du militant Hakim Debbazi, « le pouvoir en place ne croit ni à la démocratie, ni à la notion de contre-pouvoir, ni à la presse libre, ni à la justice indépendante », écrit-il. « Il se croit au-dessus de tout […] et quiconque émet un avis contraire au discours officiel est considéré comme ennemi de la patrie. »
En juin 2021, un amendement du Code pénal a étendu la qualification de terrorisme à toute tentative « d’œuvrer ou inciter, par quelque moyen que ce soit, à accéder au pouvoir ou à changer le système de gouvernance par des moyens non constitutionnels ». Cette disposition est de plus en plus utilisée pour mater l’opposition politique, y compris celle provenant de la diaspora algérienne vivant à l’étranger et revenant sporadiquement en Algérie.
« Le régime algérien est incapable d’acheter la paix sociale, car la rupture dans les mentalités en Algérie, provoquée par le Hirak, est trop importante, dit Zoheïr Aberkane. C’est pour cela que le Hirak et les hirakistes font toujours peur au pouvoir, même dans une forme fantomatique. Pour se protéger, il a donc décidé de mettre les citoyens sous surveillance en plus de leur enlever leur droit. »
« Mais est-ce tenable ? demande-t-il. Car le pouvoir peut se maintenir en place par la force des baïonnettes. Mais comme c’est un pouvoir vieillissant, à un moment ou un autre, il va bien finir par tomber. »
Lorsqu’il est question d’Albert Camus, l’auteur de L’Homme révolté, de l’enfant de Mondovi, se présente à nous une mémoire bicéphale tout juste enfermée entre 1954 et 1962.
Pourtant, Albert Camus hante les lectures de l’après-pandémie du coronavirus. Et le monde cloisonné à son domicile, comptant au quotidien, les victimes par centaines de milliers, appris que l’imaginaire de Camus est bien passé par Oran durant une virtuelle peste coloniale, qu’il voulu être brune sous le sigle de la svastika sous-poudrée de marteaux et de faucilles.
Le maître des mélanges des genres en textes fictionnels est un littérateur idéologique qui, du fond de sa tombe à Lourmarin (Vaucluse) ricane grandement sur le sort des défunts travailleurs de la santé et des retraités broyés par la machine libérale, tandis que cette dernière poursuivait sa reformulation financière à travers ses laboratoires pharmaceutiques afin de redéployer le profit à l’échelle de «l’orange bleue ».
La « camusmania », selon Jean-Yves Guérin dans L’Express du 24/11/2019 est celle de l’homme de la révolte qui, semble-t-il, a eu raison de l’homme de la révolution (Sartre) après l’effondrement de « la vulgate marxiste » telle que l’estime l’auteur du Dictionnaire Camus (Robert Laffont éditeur/Bouquins, 2009) à travers un télescopage idéologique et surmédiatisé dans un même esprit d’anticommunisme que celui de l’auteur de L’Homme révolté avec celui de 1984 sur la base du chiffre d’affaires des ventes du géant Amazon.
Le scribe neutralisateur de l’imaginaire collectif qu’est Camus, fait naître sous la plume du professeur de la Sorbonne-Nouvelle le roman épidémique. Ce qui nous éloigne de cette contamination des refondateurs des strates de la stylistique, le va-t’en-guerre de l’étrange se présente à nous sous un autre regard, celui de l’occulte insurgé du désordre. De l’exclu du PCF en 1937 au Libertaire, il est question du Camus de la campagne permanente contre les moulins à vent au sein de cette instabilité politique qui a été de tout temps son règne primordial. La notion d’inquiétude est fomentée par un amas de mots exprimant une philosophie qui trahit et une idéologie en faillite, celle de l’irrationnel qui culmine que par le prestige de l’obscure (Julien Benda).
Lorsqu’un pied-noir s’empeste de masochisme et que son lectorat d’aujourd’hui y voit en lui un « rédempteur de l’opinion publique », il y a de quoi s’inquiéter sur le sort du genre humain. Sa mémoire n’ayant pas réussi à trouver en terre algérienne, son lieu d’asile pour le Meursault, cette triste doublure de celui qui meurt seul, durant les 20 années de la dislocation de l’Etat national, le voici qui s’ingurgite dans le théorème du complot, sous la cape de la machine qui fait tomber « des régimes autoritaires » à Alger, Téhéran et à Hong-Kong selon la lecture du camusien Jean-Yves Guérin.
Mais, lorsque le critique littéraire et aîné de ce dernier, René Etiemble évoque le sens que Camus voulait donner à sa « peste », il y a lieu de relire ce noble détracteur de la Berbérie barbare ! Etiemble note que :
« Peste ou péché ? – Question… La peste brune n’est en vrai qu’une peste. Mais cette peste. Mais cette peste est peut-être péché. La peste, cela se décèle et se soigne. Mais le péché ? Nul n’ignore qu’il est originel, constitutionnel. Par tempérament donc, les hommes sont des pestiférées. C’est ce qu’a voulu dire Camus ».
Explique Etiemble selon la lecture du n° de novembre 1947 des Cahiers du Communisme. Pourtant cet ami de Camus n’est nullement adepte du matérialisme historique, mais il lui écrira en mars 1960 dans La Nouvelle Revue Française, sous le titre « D’une amitié » : « Cher Camus, comptez sur moi pour vous défendre de mon mieux contre ce qui déjà vous trahit : votre mythe. »
Une lettre bien tardive que saint-Camus le Juste du fond de sa tombe laïque ne recevra plus jamais. L’idole de la philosophie des classes terminales est réhabilité dès le 1er/8/2011 en « Camus jaune » sur les colonnes du journal romain le Corriere della Sera. L’info fait tache d’huile et le passeur de démocratie, selon Guérin n’est qu’un simple passeur capable de prêter la main au plan Marshall.
Le KGB, vulcanisateur de la mort de Camus
C’est un poète, un enseignant d’italien dans les universités de la Tchéquie, probablement un lettore souhaitant défendre la langue et la culture de Dante Alighieri au pays de Vaclav Havel, qui mit d’un seul trait l’histoire d’un thriller d’espionnage autour d’une mythique implication du KGB dans la mort accidentelle d’Albert Camus. Le pavé que Giovanni Catelli lança touche directement ceux qui ont « le cœur chaud, l’esprit froid, les mains propres », entendre par là les agents exécuteurs des services secrets de l’ex-URSS.
Giovanni Catelli, en dehors de ses heures de cours, il est en « mission » de prospection sur une affaire qui a eu lieu à 2 heures de vol de l’Université Charles de Prague, entendre quelques 1400 kilomètres de route et qui aurait été économisé s’il avait fouillé minutieusement dans les archives ouverts du STB, la sécurité d’Etat de la République socialiste de Tchécoslovaquie.
Le poète-enseignant, rencontre finalement Maria Zabranova, veuve du dissident politique et ami de Vaclav Havel, Jan Zabrana (1931-1984) qui ne vivait que de maigres traductions notamment celle du Docteur Jivago de Boris Pasternak. Maria travaillait comme rédactrice aux éditions Odeon (Prague) et Catelli évoquera avec elle le fameux journal posthume de son mari, intitulé Toute la vie qui sera édité en France et en Italie à tirage réduit. L’auteur italien de Geografie prend connaissance d’une partie, non traduite, du journal et dans laquelle il est question d’une rencontre entre le dissident Zabrana et un de ses « amis » russe qui serait lié au KGB.
De cette rencontre, Zabrana note qu’il s’agit d’un homme qui« sait beaucoup de choses, et qui a des sources pour le savoir, j’ai entendu quelque chose de très étrange. Il affirme que l’accident de voiture dans lequel Camus est mort en 1960 a été arrangé par l’espionnage soviétique. Ils ont endommagé un pneu de la voiture grâce à un outil technique qui a coupé ou crevé le pneu à grande vitesse. L’ordre de cette action a été donné personnellement par le ministre Chepilov, en « récompense » pour l’article publié dans Franc-Tireur, en mars 1957, dans lequel Camus, à propos des événements de Hongrie, a attaqué ce ministre, le nommant explicitement… »
Le ministre en question n’est autre que Dimitri Chepilov (1905-1995), ministre des AE soviétique du 1er/6/1956 au 15/2/1957 qui sera exclu définitivement du CC-PCUS pour une histoire d’implication présumée dans une tentative de coup d’Etat contre Khrouchtchev fomenté par l’ancienne « garde stalinienne ». Il sera éloigné au Kirghizstan en tant que directeur de l’Académie des sciences économiques, puis retenu à Moscou comme directeur des archives archéologiques de d’Etat.
Nous sommes déjà assez loin de l’organigramme du KGB et qui a connu de nombreuses réorganisations à cette période même. N’agissant que sur la base de la politique intérieure et extérieure que trace le Politburo du PCUS, l’organe de sécurité d’Etat était dirigé par Alexandre Nikolaïevitch Chelepine du 25/12/1958 jusqu’au 13/11/1961 chargé des renseignements et « opérations » à l’étranger.
Le nom de ce directeur-adjoint n’apparaît pas dans l’ouvrage de l’enseignent-enquêteur italien. Après tant de prétendues années d’investigations, c’est à se demander s’il était en mission quelconque à Prague, Catelli est passé sur les noms du général-colonel Sakharovik ou encore sur celui du général Serov, l’homme de confiance de la clique révisionniste des khrouchtchéviens qui a éliminé le chef du NKVD, Beria le véritable assassin de Joseph Staline.
Nous signalerons pour l’occasion qu’à Budapest, et lors des événements l’ambassadeur de l’URSS n’était autre que Youri Andropov qui a échappé tant à Camus qu’à l’auteur-enquêteur italien. C’est lui qui supervisa les actions militaires de l’Armée soviétique avec les services de police en Hongrie en 1956.
Tout comme nous pouvons lire plus loin dans cet article témoignage qu’il est question d’un Tchéco-Américain, Georges Gibian, professeur de littérature russe à l’Université de Cornell (USA) fréquentant tant Moscou qu’à Prague depuis 1960 de même pour un second nom, le professeur Jiri Zuzanek, de l’Université canadienne de Waterloo et qui vivait depuis de nombreuses années à Moscou, des noms qui glissent pour dire qu’ils auraient un rôle certain dans la prise de décision dans « l’assassinat » d’Albert Camus. Le lecteur restera sur sa faim en l’absence de détails des trois années de l’« enquête » de Catelli.
Ce qui est dit clairement de la part de Catelli via l’opposant Tchèque est que c’est bien une phrase prononcée puis écrite sur Franc-Tireur qui aurait « condamné » Camus à l’élimination présumée. La phrase, «Les massacres couverts et ordonnés par Chepilov et ceux qui lui ressemblent » pourrait-elle condamné un homme de la pointure de Camus et pourrait-elle à elle seule, la mobilisation d’effectifs opérationnels d’un KGB beaucoup plus préoccuper à opérer sur des horizons un peu plus sensible que le territoire français auquel, Khrouchtchev s’apprêtait à rendre visite au général De Gaulle qui donnait des signes de glissement de la sphère d’influence américaine en préparant son retrait de l’Alliance atlantique.
Il en ressort de cette allégation faite au ministre des AE Chepilov d’être l’ordonnateur du KGB d’un Serov, afin d’éliminer Camus, une ahurissante méconnaissance du système soviétique de l’époque à un moment où le mouvement communiste international allait vivre une sanglante déchirure entre la Chine et l’URSS.
Le complot russe, une obsession française
Cette réaction est titrée sur le New-York Times du 13/8/2011 à travers l’opinion de Robert Zaretsky, professeur d’histoire à l’Honors-Collège de l’Université d’Houston et auteur d’Albert Camus : Elements of Life. Il notera qu’il « avait été parfaitement normal dans ce contexte qu’une rumeur de méfaits soviétiques éclate une fois que la nouvelle de la mort de Camus à travers la France. »
Cette France qui, durant les années 1950 jusqu’au milieu des années 1960, avait une profonde préoccupation culturelle pour les voitures, et lorsque « les romanciers, les musiciens et les cinéastes n’étaient pas occupés à utiliser la voiture et la route comme métonymies ou signifiants, ils étaient plutôt occupés à mourir, ou à être mutilés, dans de vraies voitures sur de vraies routes ».
L’universitaire américain citera comme exemple le romancier Roger Nimier, « le James Dean français » qui avait prédit qu’il mourrait sur une autoroute et avait réalisé sa prévision dans un accident spectaculaire en 1962 ou encore, l’auteure de Bonjour tristesse cette fois, qui a failli « dire au revoir la vie » après avoir démoli son Austin-Martin en 1957, de même pour les deux fils d’André Malraux qui meurent dans un accident de voiture en 1961, de même pour Roland Barthes « qui comparait la Citroën DS à une cathédrale gothique » a fini par être victime en 1980 à Paris, par « un terne fourgon de blanchisserie devenu fou ».
Albert Camus était lui-même propriétaire d’une Citroën peu utilisée, ajoute l’auteur américain et son attitude vis-à-vis de la vitesse « correspondait à son attitude vis-à-vis de la foi religieuse ou idéologique ». La police, relève Zaretsky, en atteignant la décapotable Facel-Vega totalement détruite ont trouvé la mallette de l’écrivain jetée à plusieurs mètres de son corps déchiqueté. A l’intérieur se trouvait le manuscrit inachevé de son roman Le Premier homme et on pouvait lire dans ses pages : la vie, si vive et mystérieuse, suffisait à occuper tout son être.
Du côté de ceux par qui le malheur arrive, les Hongrois, on s’interroge à travers le journal électronique Portfolio-Financial du 22/1/2022, si le KGB pouvait tuer l’écrivain lauréat d’un prix Nobel. Un écrivain qui revenait en force durant la pandémie du Coronavirus à travers La Peste dont, toute la symbolique ouest européenne y voyait un roman de la propagation des ordures, de la prolifération du fascisme, du nazisme et bien entendu, du communisme.
L’article s’interroge sur le bien-fondé de la théorie d’une telle opération qu’aurait mené le KGB sur le sol français à l’encontre d’un Camus en étroite rapport avec « la révolution démocratique hongroise » de 1956. « Nobélisé » tout juste l’année d’après, il ne faisait que passer une paisible fin d’année 1959 et début de 1960 en famille dans sa maison de Lourmarin (Vaucluse).
Son ami Michel Gallimard, neveu de l’éditeur, avait annoncé à la presse que Albert Camus compte regagner Paris en voiture à bord de sa Facel-Vega FV3b décapotable. Lui qui avait un billet de train et que l’on retrouva dans sa poche lors du dramatique accident. C’est à 140 km à l’heure que le véhicule percuta un arbre puis un autre, en raison d’un défaut de crevaison vue que les roues de la voiture étaient usées et que la pression n’était pas adéquate, selon l’enquête de police et de la gendarmerie.
Le digest hongrois en revenant sur le véhicule en question, fabriqué entre 1956 et 1958 est qualifié de véritable cercueil roulant et que le cinéaste François Truffaut avait le même modèle et qu’il avait échappé à la mort suite à un accident du même genre.
Albert Camus, le myope
Le Business Gazetta Online russe du 6/12/2019 et reprenant l’article du Guardian en date du 5/12/2019, met l’accent sur l’attitude de Catherine, fille de Camus qui n’a pas soutenue la thèse de l’italien Catelli sur l’implication du service secret soviétique dans cette mort tragique. Neuve ans auparavant, le journaliste Dimitri Babitch de la RIA-Novosti avait écrit sous le titre Un demi-siècle sans Albert Camus que celui qui portait le surnom de la « Conscience de l’Occident » était toujours dans le mille et que « Camus le publiciste était myope et se trompait, car il prenait souvent les moulins à vent pour des géants, et les cannibales souriants pour des princes à l’enfance difficiles ». Citant par là une de ses erreurs, le journaliste évoque sa tentative en 1956 « d’obtenir la signature d’une Paix civile entre le FLN algérien et les autorités françaises. L’écrivain a fait une suggestion ridicule selon laquelle les deux parties s’engagent à ne pas tuer de civils », relève D. Babitch.
Albert Camus a même suggéré que les militants du FLN et les parachutistes Français « attendent une décision politique », afin de sauver « des vies innocentes ». pourtant, rappel le canard russe, en janvier 1956 les militants du FLN utilisèrent le Comité pour la paix civile en Algérie, créé par Camus, comme couverture de leur propagande et que lors de la discussion de leurs propositions à Alger « Camus était gardé par deux cents militants du FLN avec des mitraillettes cachées sous leurs imperméables », citant sur cette question le récit du journaliste américain Herbert R. Lottman dans son livre sur Albert Camus paru au Seuil en 1978. C’est ainsi que le grand écrivain Français est devenu un outil de relation publique des militants indépendantistes.
Pour le côté russe, l’idée de tuer Camus par des agents du KGB de l’époque ne résiste pas à l’examen puisque à la même période de nombreux représentants de l’intelligentsia occidentale, particulièrement Jean-Paul Sartre, ont souligné leur attitude envers les événements en Hongrie. Sartre aurait pu être à la tête de la liste des intellectuels à abattre par le KGB de Khrouchtchev. Et pourtant il est bien mort naturellement.
La publication d’un tel écrit à sensation paru en Italie et relié à Londres, interroge plutôt cette mythologie occidentale sur les « crimes » du KGB par la seule preuve du ouï-dire, puisque du côté du pays de l’Oncle Sam, c’est le FBI qui attire l’attention par le biais de ses archives récemment déclassés qui devraient intéressés quelques intellectuels voyeurs.
Le 19/11/2013, le Prospect Magazine et sous la plume du professeur de l’Université de Cambridge, Andy Martin, nous apprenons que le service de la police fédéral, exerçant normalement en territoire US, avait envoyé sur le sol français un de ses agents de surveillance dès 1945 sur les pas d’Albert Camus et de Jean-Paul Sartre qui parcouraient à cette époque la France libre afin de diffuser la bonne parole de l’intellectuel engagé hors structure politique. L’agent spécial transcrivait dans ses rapports le nom de CAMUS en CANUS et prétendant qu’il est le correspondant new-yorkais du journal Combat. C’est ainsi que l’appareil sécuritaire de John Edgar Hoover se transforma en « police philosophique », selon les termes du professeur Martin, faisant croire à son patron que l’Existentialisme et l’Absurde n’étaient qu’une des facettes du Communisme.
Sartre avait été invité aux USA par son fervent partisan, Archibal MacLeich, un ex-poète durant les années 1920 installé pour quelques temps à Paris de la Belle-époque, devenant bibliothécaire du Congrès et professeur de rhétorique à Harvard, mais qui fut surtout un des fondateurs de la Branche recherche et analyse de l’OSS, ancêtre de la CIA, durant le Seconde guerre impérialiste.
Du côté de Camus, bien que fiché par les services de l’Immigration-US d’interdit d’entrée sur le sol américain, son court passage à la Résistance après un villégiature vichyste qui ne dit pas son nom, son contact avec le traducteur des écrits d’André Gide et amoureux des vers de Vercors et d’Aragon, Justin O’Brien (1906-1968) laisse perplexe devant cette surprenante amitié avec celui qui était le Chef du bureau français de l’OSS-CIA, chargé d’établir des réseaux de renseignements derrière les lignes nazies en France. L’ex-officier finira par être le traducteur privilégié des écrits de Camus sous l’identité de professeur de littérature française à la Columbia University.
N’en demeure que la lecture de l’ouvrage agréablement ressourcé d’archives de la britannique Frances Stones Saunders sur La CIA et la guerre froide culturelle (1999), nous apprendra avec appuis comment un Jean Amrouche s’est-il trouvé au sein d’un Congrès de la Liberté de la Culture aux côtés d’un Raymond Aron et d’un René Tavernier dans la manipulation de généreux donateurs et financiers de la CIA, contre un communisme dévastateur des projets impérialistes.
Le vent, sur les longs arbres verts Jette des sables d’ocre mouillés. Il pleut sur un ciel de corail Comme une pluie venue du Nord
Qui délave les ocres rouges
Et les bleus-violets de Gauguin. Il pleut. Les Marquises sont devenues grises. Le Zéphir est un vent du Nord, Ce matin-là, Sur l’île qui sommeille encore.
. Il a dû s’étonner, Gauguin, Quand ses femmes aux yeux de velours Ont pleuré des larmes de pluie Qui venaient de la mer du Nord. Il a dû s’étonner, Gauguin, Comme un grand danseur fatigué Avec ton regard de l’enfance. . Bonjour monsieur Gauguin. Faites-moi place. Je suis un voyageur lointain. J’arrive des brumes du Nord Et je viens dormir au soleil. Faites-moi place. . Tu sais, Ce n’est pas que tu sois parti Qui m’importe. D’ailleurs, tu n’es jamais parti. Ce n’est pas que tu ne chantes plus Qui m’importe. D’ailleurs, pour moi, tu chantes encore, Mais penser qu’un jour, Les vents que tu aimais Te devenaient contraire, Penser Que plus jamais Tu ne navigueras Ni le ciel ni la mer, . Plus jamais, en avril, Toucher le lilas blanc, Plus jamais voir le ciel Au-dessus du canal. Mais qui peut dire? Moi qui te connais bien, Je suis sûre qu’aujourd’hui Tu caresses les seins Des femmes de Gauguin Et qu’il peint Amsterdam. Vous regardez ensemble Se lever le soleil Au-dessus des lagunes Où galopent des chevaux blancs Et ton rire me parvient, En cascade, en torrent Et traverse la mer Et le ciel et les vents Et ta voix chante encore. Il a dû s’étonner, Gauguin, Quand ses femmes aux yeux de velours Ont pleuré des larmes de pluie Qui venaient de la mer du Nord. Il a dû s’étonner, Gauguin. . Souvent, je pense à toi Qui a longé les dunes Et traversé le Nord Pour aller dormir au soleil, Là-bas, sous un ciel de corail. C’était ta volonté. Sois bien. Dors bien. Souvent, je pense à toi. . Je signe Léonie. Toi, tu sais qui je suis, Dors bien.
Le moudjahid Si Larbi, à droite, avec notre collaborateur M’hamed H.
Les ouvrages et les contributions qui relatent les témoignages des authentiques acteurs sont d’une grande utilité pour les historiens et les chercheurs en quête de dévoiler et rétablir la vérité sur le passé historique authentique de notre pays qui, à ce jour, demeure inconnu.
L’Histoire est parasitée par ces individus qui continuent à nager dans les eaux troubles, en essayant de démolir les précieux repères de notre nation, afin d’entraîner dans la déliquescence tous les secteurs économique, social, culturel, environnemental.
La jeunesse algérienne a toujours pris ses responsabilités dans le passé pour hisser le pays vers de meilleurs horizons. La culture est indissociable dans le développement du pays, la mémoire encore plus. Trop de sujets tabous. Un autre exemple nous vient de la bataille du djebel Thameur qui avait eu lieu le 28 mars 1959.
Elle est rattachée à ce jour à la perte de deux héros algériens parmi les chouhada, en l’occurrence les colonels Amirouche et Si Haouès. Le plus surprenant, c’est l’acharnement de l’inamovible responsable local de l’ONM (Organisation nationale des moudjahiddine), venu de nulle part dans la région de Cherchell, ex-lieutenant de la Protection civile, impuni et traîne des casseroles.
Il s’attelle à effacer les actes de bravoure des femmes et des hommes de la région durant la guerre de libération nationale. A présent, son adversité envers un rescapé de la bataille du djebel Thameur se perpétue. Pourtant les faits sont avérés, quant à sa présence et sa participation à cette bataille héroïque au djebel Thameur. Il s’agit du moudjahid Si Larbi.
Parcours d’un battant
«Je n’en ai pris le commandement qu’au mois de juin 1959, affirme le commandant de l’ALN, Omar Ramdane dans son témoignage publié le 19 mai 2010, au moment des faits en mars 1959, le commando était dirigé par Si Larbi (Abdou Larbi, ndlr). Si Larbi se trouvait à Djebel Thameur, avec les deux colonels (Amirouche et Si Haouès, ndlr), au retour d’une mission au PC de la wilaya VI. Lors de l’accrochage qui a coûté la vie aux deux glorieux martyrs, Si Larbi fut blessé et emprisonné.
Il est toujours en vie et habite Cherchell», écrit-t-il dans son récit historique. Le moudjahid Si Larbi Abdou, connu sous le prénom de Si Braham, aujourd’hui âgé plus de 80 ans, affaibli par les problèmes de santé et la présence de plusieurs éclats de balles dans son corps, vit dans des conditions sociales humiliantes. Il suffit de voir le lieu dans lequel le chef du commando a passé sa vie après l’Indépendance, un mépris total, étrange et inexplicable des responsables locaux de l’ONM envers sa personne.
Il avait apporté son témoignage inédit sur cette embuscade de djebel Thameur qui s’est soldée par la perte des deux héros algériens dans notre quotidien (El Watan du 08 juillet 2010). Une trahison, selon notre interlocuteur, le moudjahid Abdou Larbi. L’autre commandant de la wilaya IV, Lakhdar Bouregâa, sur la page 34 de son ouvrage intitulé Les hommes de Mokorno, l’auteur précise, «le coordinateur des trois commandos était Larbi, originaire de Cherchell. C’était un ancien déserteur.
Il a été blessé lors de la bataille qui a coûté la vie à Amirouche et Si Haouès, en mars 1959. Des tracts, portant sa photo, ont été distribués en Wilaya IV. Il ne s’est jamais remis de cette épreuve. Il ne s’est pas pardonné d’être resté vivant alors que ses compagnons, dont deux chefs de Wilaya, Amirouche et Si Haouès, avaient droit à la chahada. A l’Indépendance, il sera employé comme agent d’entretien à l’école des officiers de Cherchell, puis renvoyé.
Il n’a rien tenté pour faire valoir ses droits, car il était tenu par ce complexe d’avoir été pris vivant. Je suis intervenu personnellement en sa faveur, pour le rétablir dans ses droits», affirme dans son témoignage le commandant Si Lakhdar Bouregâa. Le moudjahid Abdou Larbi, rencontré par nos soins devant sa maison, nous dira : «Je ne pardonnerai jamais à ces personnes locales de l’ONM qui m’avaient humilié, même si certaines ne sont plus de ce monde».
La Fondation de la Wilaya IV historique du colonel Youcef Khatib avait recueilli son témoignage avant qu’il ne soit trop tard, afin de préserver les écrits, pour la mémoire.
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