Invité du salon L'AlgerAuvergnat, Kamel Daoud ne pouvait pas passer à Clermont-Ferrand sans faire un détour par le collège Albert-Camus. L'écrivain et journaliste franco-algérien, auteur de Meursault, contre-enquête, est allé ce vendredi à la rencontre de la classe de 4e 4, pour se soumettre aux questions des élèves. Il a été question d'écriture, d'islamophobie, de journalisme... Extraits.
Le journalisme
« J'ai fait du journalisme très tôt, vers 20 ans, pour plusieurs raisons. D'abord parce que j'avais besoin d'un salaire quand j'étais la fac. Ensuite parce que j'ai toujours rêvé d'être écrivain. Le seul moyen de trouver un métier qui se rapproche un petit peu de l'écriture, c'est le journalisme. Le journalisme permet aussi de voyager dans son propre pays et de rencontrer des gens.
Dans les années 1990, il y a eu une guerre civile en Algérie et beaucoup de journalistes ont été tués. Les rédactions recrutaient beaucoup. Je suis rentré dans le journalisme par la porte de circonstances particulières et j'ai appris deux ou trois ficelles pour bien faire un métier.
Si vous faites quelque chose qui vous plaît, vous ne ferez jamais d'efforts. Dès le début, je me suis dit : "Je vais écrire d'une manière qui me soit agréable", donc je m'amuse en écrivant.
Il faut aussi être observateur. Le monde est riche. Les gens qui me disent qu'ils manquent d'inspiration, je trouve ça étonnant. Il suffit de prendre le bus ou de s'asseoir sur un banc public et il y a des sujets magnifiques.
On ne peut pas écrire quelque chose si on s'ennuie, l'ennui est contagieux. Si vous racontez une histoire à vos copines et que vous n'y croyez pas, elles vont le sentir. Si vous écrivez en vous amusant, les gens vont s'amuser à vous lire. Si vous n'avez pas envie d'écrire, les gens n'auront pas envie de vous lire. »
L'islamophobie
« Islamophobie, ça veut dire avoir peur de l'Islam. On a peur de ce qu'on ne connaît pas. Et quand on a peur, on devient agressif, violent. Les gens qui ne connaissent pas une religion et qui en ont peur, je peux les comprendre, c'est aux croyants de leur expliquer certaines choses.
En Algérie, on a vécu quelque chose de très dur avec les islamistes, nous avons vu ce que la radicalité religieuse peut faire comme crimes. Alors je me méfie de la radicalité.
La laïcité est importante parce que ça sépare religion et politique. Le premier bénéfice, c'est que la religion est protégée contre la politique. La laïcité est le moyen de protéger la religion contre la politique. Je vis dans un pays où on a fait une confusion entre la religion et la politique et ça a donné une guerre.
Bien sûr, il y a des gens dans le monde qui prétendent connaître Dieu mieux que vous et moi, qui prétendent l'avoir vu et lui avoir parlé, qui prétendent que Dieu s'est adressé à eux uniquement. Mais ce n'est pas vrai, personne n'est propriétaire de la religion.
Il est facile de dire à quelqu'un : "Vous êtes islamophobe". On accuse des gens qui posent des questions, qui veulent juste comprendre. Moi j'ai un respect profond pour toutes les religions, mais tout le monde a le droit de poser des questions. »
L'inspiration
« Je crois qu'avec les réseaux sociaux, les tablettes, les smartphones, on a perdu une chose essentielle pour l'inspiration, c'est l'ennui. L'inspiration vient de l'ennui. Quand on ne s'ennuie pas, on n'est pas créatifs. Quand je n'ai rien à faire, je suis forcé d'être intelligent. L'inspiration vient aussi de l'émotion, quand vous voyez quelque chose de très beau. Elle peut venir de la colère, elle peut venir de ce qu'on lit. Quand j'ai lu L'étranger, il manquait quelque chose, je sentais que ce n'était pas suffisant. L'inspiration de Meursault, contre-enquête, elle est là. »
Le salon « L’AlgerAuvergnat » de retour avec le prix Goncourt Kamel Daoud à Clermont-Ferrand
La page blanche
« Je connais rarement la crise de la page blanche... Le monde est tellement intéressant que j'ai toujours une idée ! Quand vous êtes coincé devant une page blanche, commencez par un détail, essayez de décrire une porte, une fleur, parlez d'un beau souvenir. Quand vous êtes coincé face à un problème, n'essayez pas de l'affronter, contournez-le. »
Les auteurs qui l'ont inspiré
« Jules-Verne, la mythologie grecque, Camus, Agatha Christie , des romans arabes, Pagnol, Saint-Exupéry... Dans mon village, il n'y avait pas de librairie, pas de bibliothèque, je lisais tout ce que je pouvais trouver. »
La lecture
« La lecture, c'est ce qui m'a sauvé. Dans mon petit village en Algérie, il n'y avait pas de télévision. La lecture, ça m'a permis de voyager dans le monde. Ça m'a permis de relativiser mes croyances, car j'ai compris qu'il y a ailleurs des gens qui ont d'autres dieux, d'autres croyances. Finalement personne ne possède la vérité. La lecture m'a appris à maîtriser le français. Elle m'a appris à vivre plusieurs vies. Elle m'a permis de me libérer. Elle m'a permis d'apprendre le monde plus facilement. Elle m'a permis d'éviter les ennuis. Quand on lit, on ne fait pas de bêtises ! »
Avant cette rencontre, Zahia Bouchemal et Béatrice Diarra, professeurs de lettres, avaient fait travailler leurs élèves sur la vie d'Albert Camus, en s'appuyant sur L'étranger. Les collégiens ont créé des couvertures pour le roman de Camus avec leur professeur d'arts plastiques. Ils ont aussi écrit des acrostiches associant Albert Camus et Kamel Daoud, qu'ils ont récités vendredi devant l'écrivai
Publié le 11/06/2022 à 13h00
Isabelle Vachias
https://www.lamontagne.fr/clermont-ferrand-63000/actualites/kamel-daoud-face-aux-eleves-du-college-albert-camus-a-clermont-ferrand-l-inspiration-vient-de-l-ennui_14142692/
.
Les commentaires récents