A ce moment, sur le port de Tipasa, ai-je peut-être appris à ne plus avoir de pensées ? Des garçons bruyants arrivèrent en groupe, posèrent leurs serviettes et plongèrent l'un après l'autre en parodiant les vrais plongeurs. Le saut de l'ange n'allait pas très haut dans le vide, le saut arrière simple n'était qu'un plongeon à l'envers et le saut carpé n'était qu'une illusion. Des filles sautaient en se bouchant le nez, tout simplement en faisant, disaient-elles, « la bombe ".
Je revois un garçon blond, le visage encadré par un collier de barbe, qui avait installé son chevalet et peignait dans un coin à peu près tranquille du port. Il attirait forcément les regards. J'étais moi aussi intéressé et j'aurais voulu passer un moment avec lui pour découvrir comment il allait progresser. Marcelin Arnaud essaya un peu bêtement de se faire expliquer pourquoi il déformait ainsi tout ce qu'il dessinait au lieu de le reproduire naturellement. La réponse fut banale et un instant je fus déconcerté.
- Je ne fais pas de la photo en couleur. Je laisse les paysages passer par mon esprit.
J'ai essayé de ralentir la marche des trois garçons mais Jean-Claude frappait dans ses mains en maugréant : "Allez, on y va..."
J'ai suivi avec une pointe de regret et sans le faire savoir.
Ecoutons Camus :
"... Le lendemain matin il se leva tôt et descendit vers la mer. Le jour était déjà dans toute sa clarté et le matin chargé de froissements d'ailes et de pépiements d'oiseaux. Mais le soleil effleurait seulement la courbe de l'horizon et, lorsque Meursault entra dans l'eau encore sans éclat, il lui sembla nager dans une nuit indécise jusqu'à ce que le soleil se levant, il enfonça ses bras dans des coulées d'or rouge et glacé. Il revint à ce moment et rentra chez lui. Il sentit son corps alerte et prêt à tout accueillir."
http://tipasa.eu/z_tipasa/le_port.html
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