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La délinquance juvénile : Réalités et prises en charge. Essais de Insaniyat, Revue algérienne d'anthropologie et de sciences sociales. Crasc, Oran, 23e année, n° double 83-84, janvier -juin 2019, 216 pages en français et 72 en arabe, 500 dinars
Il n'y a pas que notre pays qui connaît le phénomène de la délinquance juvénile. Il se pose dans de très pays du monde ; sinon tous.
C'est pour cela que, pour la première fois dans ce domaine, nous dit-on, que des chercheurs de sept pays méditerranéens se sont livrés à un exercice comparatif : Algérie, Espagne, France, Italie, Maroc, Mauritanie et Portugal.
Il y a d'abord Laurent Muchielli qui analyse la délinquance des mineurs en France, comparant les statistiques de police et de justice. Daphné Bibard et Laurent Muchielli posent la question des profils des adolescents délinquants à partir du cas de Marseille. Ousmane Wague étudie la situation des enfants pauvres de Nouakchott (Mauritanie). Khedidja Mokeddem propose une analyse des trajectoires des adolescent-e-s placé-e-s dans les centres de réinsertion sociale d'Oran.
Fatima-Zohra Delladj-Sebaa étudie les particularités de genre dans la prise en charge de l'adolescent déviant ou délinquant. Ester Massa et Stefania Crocitti (Italie) appellent à repenser la justice des mineurs (dont les mineurs étrangers) ainsi que les politiques pénales conçues pour faire face aux problèmes de délinquance juvénile. José Palma-Duran et Raul Ruiz-Callado exposent les réformes du système pénal des mineurs en Espagne.
Najat Bassou et Abdellatif Kidai analysent les diverses étapes de la construction de la justice des mineurs au Maroc. Joselina Castro et Carla Cardoso (Portugal) posent la question de la protection et de la responsabilisation du mineur
A noter un entretien mené avec Marwan Mohammed, sociologue et chercheur français d'origine marocaine, 44 ans ; un entretien dans lequel il raconte son long, difficile (Il a eu, dit-il, «une première vie marquée par l'échec scolaire, la précarité, l'oisiveté, le chômage et la multiplication de petits boulots dès sa sortie sans diplôme du lycée professionnel à 17 ans) mais fructueux parcours.
Les Auteurs : Laurent Mucchielli, Khedidja Mokeddem, Daphné Bibard, Ousmane Wague, Fatima -Zohra Delladj-Sebaa, Ester Massa, Stefania Crocitti, José Abdón Palma-Duran et Raul Ruiz-Callado, Najat Nassou, Abdelatif Kidai, Josefina Castro, Carla Cardoso... Souad Guerguabou
Sommaire : Présentation/ Parcours de recherche (Entretien)/ Thèmes de recherche (9)/Positions de recherche/ Comptes rendus de lecture (3)/Informations scientifiques/ Revue des revues/Résumés des articles (français, anglais, arabe).
Extraits : «On peut admettre qu'un garçon puisse séjourner dans un centre de rééducation pour son bien et en sortir «plus expérimenté», «corrigé» ou tout simplement «rééduqué» comme le laisse entendre la mission de ces centres. Il en va différemment pour une jeune fille séjournant dans l'un de ces centres qui se transforme en déviance irréversible, charriant une souillure morale indélibile» (Fatima Zohra Delladj-Sebaa, p 93)
Avis : Très intéressant document, encore d'actualité, malgré la part trop belle faite aux exemples étrangers... eux-mêmes très, très instructifs.
Citations : «Il est très compliqué de proposer un regard scientifique dans un contexte hystérisé et intellectuellement malhonnête» (Marwan Mohammed, p22), «En Algérie, le traitement tant juridique que social des difficultés des adolescents à s'adapter aux normes sociales ne se fait pas de manière indifférenciée pour les filles et les garçons» (Fatima Zohra Delladj-Sebaa, p 93), «Dans la déviance, tant sociale que morale, la féminité serait un facteur aggravant» (Fatima Zohra Delladj-Sebaa, p 93)
De nos sœurs égorgées Roman de Rachid Ezziane. Editions Les presses du Chélif, Chlef 2022.153 pages, 800 dinars
Ils étaient 12. Tous enseignants. Tous issus de familles modestes et/pauvres. Tous habitaient à Sfisef, un «village néant», un «sosie à l'insignifiance». Tous devaient se rendre chaque jour de l'année scolaire 1997, en minibus (un vieux fourgon) ou en taxi «clandestin», en aller-retour à des heures fixes, à quinze kilomètres à leur établissement scolaire situé à Aïn Adden. Parmi les douze, il y avait onze femmes : Zahia (mère de deux enfants), Hassina (affectation nouvelle avec le rêve d'aller à Alger pour devenir journaliste), Faiza (fille unique projetant d'aller en Belgique rejoindre son oncle), Alia (fan de poésie), Nacera (qui travaille pour toute la famille, le père ayant été assassiné par les terroristes), Karima (la toute belle, habitant un appartement «plus vétuste que des habits en haillons», voulant être historienne), Assia (d'une famille aisée), Fadhila (unique fille), Rabha (au corps chétif, grand fan des l'équipes nationales de foot et de hand... surveille constamment par un frère qui faisait de tout une affaire d'honneur), Samia (orpheline de père, institutrice stagiaire), Aïcha (qui venait de se marier et attendait un enfant). Toutes heureuses de se retrouver et de retrouver leurs classes et leurs élèves. Mais, le visage crispé et la peur au ventre. Car...
Au maquis terroriste, il y avait une «fatwa» interdisant aux femmes d'enseigner ou d'aller à l'école. Emise par un «fou de Dieu» au surnom sanguinaire: «Dhib El-Djiâane», le loup affamé, déjà coupable, par égorgement, de mille et meurtres, toujours d'innocents (femmes, vieillards, bergers, automobilistes, enfants...).
Après une journée d'enseignement bien remplie, c'est le retour au domicile, toujours dans le même fourgon, suivi par un taxi avec quatre passagères.
Sur le chemin de retour, elles seront toutes (ainsi qu'un instituteur) égorgées par la horde sauvage. Onze «vierges» dont deux étaient mariées, ayant refusé le «diktat» de l'intolérance ont préféré se sacrifier plutôt que de vivre enchaînées, «car nul ne peut prétendre avoir vécu s'il n'a pas vécu à la délectation de la liberté».
Plusieurs années après, Sfisef a quelque peu pansé ses blessures... à un prix très, très fort. Puis vint Bouteflika qui, sous l'effet de discours «magiques», a imposé la «Concorde» et la «Réconciliation», comme si la «Rahma» ne suffisait pas...», avec un peuple devenu masse qui suivit les «enjeux» sans rien comprendre». On en a oublié les victimes...». «Dhib El-Djiâane» le loup affamé, abandonné, traqué, solitaire, affamé, saisissant l'offre» ne tarda pas à se rendre... et il continue à purger sa peine d'emprisonnement à perpétuité en compagnie de ses cauchemars et de sa folie.
L'Auteur : Né en 1955 à Zeddine (Aïn Defla). Ancien professeur de philosophie, journaliste chroniqueur. Plusieurs ouvrages à son actif (romans, essais, nouvelles).
Extraits : «Quand on vit dans une famille de huit personnes, entassées dans un deux pièces cuisine, on a beau aimer les poèmes de Nizar Kabbani ou de Mahmoud Darwich, on n'aura jamais ni le temps ni l'espace pour les lire ou les écrire» (p23), «Cette réconciliation avait surtout profité plus aux assaillants qu'à leurs victimes. «Cette paix à sens unique» avait fait naître chez tous ceux qui ont été écorchés dans leur chair comme une deuxième mort des leurs» (p115)
Avis : Emouvant. Se lit d'un trait... surtout pour arriver au châtiment du meurtrier.
Citations : «Comme le vampire qui se nourrit de sang, le loup affamé se désaltère de la peur des femmes» (p47), «Seule l'instruction libère l'esprit. Donne des ailes aux racines. Ouvre les chemins de l'avenir» (p57), «Dans «l'offensive», il reste en arrière ; dans la fuite, il prend la tête de la course. Telles est la meilleure tactique des lâches, sans foi ni loi» (p87), «Il n'y a pas de lucidité sans liberté, et de liberté sans courage» (pp 115-116).
par Belkacem Ahcene-Djaballah
Jeudi 14 avril 2022
http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5311588
DE NOS SOEURS ÉGORGÉES
Rachid Ezziane
Editions : "Les Presses du Chélif"
M'hamdia, Naïma, Hafida, Kheira, Sahnounia, Zohra, Fatima, Amina, Aziza, Kheira, Rachida : ces prénoms sont ceux des onze jeunes femmes institutrices, assassinées par des terroristes islamistes, sans foi ni loi, également appelés : "fous de Dieu", le 27 septembre 1997 près de Sfisef, dans la Wilaya de Sidi Bel-Abbès (Algérie).
Elles avaient, certes, reçu des menaces de mort si elles ne s'arrêtaient pas d'enseigner et elles savaient pertinemment qu'elles couraient un risque démesuré. Cependant, elles ont persisté dans leur volonté de poursuivre leur métier d'enseignantes car elles étaient persuadées que l'école, ce temple du savoir, était le chemin vers la liberté et l'épanouissement.
C'est à partir de cette tragédie innommable que Rachid Ezziane a écrit son "roman". Certes, le parcours de ces femmes est imaginé par l'auteur mais il apporte à son récit de tels arguments, notamment, sur le combat réellement mené contre le terrorisme et l'obscurantisme au cours de cette décennie noire qu'on se laisse totalement porté par le parcours de ces jeunes femmes (la plus âgée avait 40 ans !) au travers de leur vie quotidienne, de leurs peurs, chaque matin, avant d'aller prendre ce bus qui les emmène dans leur classe respective. Ces institutrices étaient mieux placées que quiconque pour savoir que si les guerres prennent naissance dans l'esprit des hommes, c'est dans leur esprit que peuvent s'élever les défenses de la paix, d'où l'intérêt de l'éducation dès le plus jeune âge.
Ce récit est un hommage à toute la population algérienne et à ces enseignantes en particulier. Certes, l'auteur y dénonce des atrocités mais il le fait avec l'intelligence, l'émotion et l'empathie qui le caractérisent. Ce livre est également tellement captivant et bouleversant que, une fois ouvert, nous ne pouvons pas le refermer avant de l'avoir terminé !
http://www.algermiliana.com/blog/do/tag/par-chantal-vincent/
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