Le film d'Hélier Cisterne, "De nos frères blessés", avec Vincent Lacoste et Vicky Krieps est à découvrir dans les salles de cinéma à partir de ce mercredi 23 mars.
"De nos frères blessés" d'Hélier Cisterne : Le destin tragique de Fernand Iveton, le seul pied noir d’Algérie à avoir été guillotiné pendant la guerre de l’Indépendance du pays. Avec un Vincent Lacoste très convaincant dans un contre-emploi.
THÈME
1954. Hélène (Vicky Krieps) et Fernand (Vincent Lacoste) se sont rencontrés dans la région parisienne et sont tombés amoureux l’un de l’autre. Fernand travaillant comme ouvrier tourneur à l’usine d’El Hamma, dans le quartier du Ruisseau à Alger (où il est né et a grandi), elle part le rejoindre. Comme son père, Fernand est communiste et anticolonialiste. En 1955, devenu tout naturellement activiste dans le bras armé du Parti — alors que la guerre pour l’indépendance de l’Algérie bat son plein —, il suggère de réaliser un sabotage dans l’usine qui l’emploie, en précisant qu’il ne veut tuer personne, mais juste plonger Alger dans le noir et appeler les Pieds-noirs à la révolte. Sa bombe est réglée pour exploser une heure après le départ des ouvriers. Mais un contremaître qui a vu Fernand entrer dans un local avec un sac de sport et en ressortir les mains vides, le dénonce. L’engin est désamorcé et Fernand, arrêté, torturé, puis, enfin, jugé par le Tribunal militaire d’Alger. Le Parti communiste l’abandonne et il est condamné à mort, sans avoir pourtant une seule goutte de sang sur les mains, et malgré les efforts de ses deux avocats (commis d’office). Fernand sera guillotiné le 11 février 1957 à Alger. Il sera le seul européen à mourir pendant cette période du fait d’une décision de justice.
POINTS FORTS
- A l’origine de ce film, il y a le roman méconnu d’un écrivain très (trop) discret, Joseph Andras, qui relate l’histoire — vraie — de Fernand Iveton, inexplicablement et injustement condamné à l’exécution capitale (la peine de mort ne sera abolie en France qu’en 1981), alors qu’il n’a commis aucun crime de sang. Lorsqu’il lit ce livre, un des rares qui traitent de la solidarité qu’ont montré certains européens à l’égard des algériens indépendantistes, Hélier Cisterne (Vandal) décide de le porter sur le grand écran. Avec sa compagne Katell Quillévéré, il recherche les rares témoins qui restent de cette affaire et il bâtit son scénario au plus près de la vérité
- Au-delà de la stricte relation des faits, il parvient à faire le portrait psychologique d’un homme profondément humaniste qui va payer de sa vie sa fidélité à ses engagements. Cette réussite est pour beaucoup dans le côté bouleversant de son film
- On n’attendait pas forcément Vincent Lacoste dans ce rôle de militant jusqu’au-boutiste. Le comédien y est sensationnel. On le découvre capable d’une grande puissance dramatique, cela, sans jamais forcer son jeu. Du grand art.
QUELQUES RÉSERVES
Les allers et retours entre le parcours de l’activiste Fernand Iveton et son histoire d’amour avec son épouse… Parce qu’il « traque » deux « lièvres » en même temps, le scénario reste finalement assez à la surface des choses. Etant donné le sujet, on aurait aimé en savoir plus sur le militant Iveton, notamment sur ses liens avec ses camarades algériens.
ENCORE UN MOT...
Dans le cinéma français, la guerre d’Algérie, ses exactions et ses bavures (côté français comme algérien) restent un sujet épineux, pour ne pas dire tabou. On peut compter sur les doigts d’une main les longs métrages qui lui ont été consacrés. En cette période de célébration des accords d’Evian, ce film tombe à point nommé, qui rappelle l’embarras et les contradictions des autorités françaises dans ce conflit, jusqu’à, parfois, « couvrir » les mauvaises appréciations de la Justice dans les affaires d'attentat. De nos frères blessés en témoigne. Il est d’autant plus poignant qu’il relate la tragédie d’un homme décapité pour avoir eu le cran de rester fidèle à son engagement envers un peuple qu’il considérait comme « frère ». Renversant et… navrant.
UNE PHRASE
«J’étais au départ un peu hésitant parce que c’était un rôle très différent de ce que j’avais fait jusque là. On devait croire à l’engagement de cet homme qui est prêt à mourir pour une cause, et j’étais plein de doutes sur le fait de réussir à l’incarner pleinement. On en a beaucoup discuté avec Hélier, et il a fini par me convaincre… J’avais adoré le scénario, particulièrement le mélange entre l’engagement politique et l’histoire d’amour. Ça composait un dilemme dramaturgique qui me semblait intéressant » (Vincent Lacoste, comédien).
L'AUTEUR
Après un bac littéraire option cinéma, Hélier Cisterne, né dans le Lot en 1981, monte à Paris pour y suivre des études de philosophie à l’Université de Paris VIII. C’est là qu’il réalise, à 22 ans, Dehors, son premier court-métrage. Après trois autres courts et moyens-métrages, il réalise son premier long, Vandal qui obtient en 2013 le Prix Louis Delluc du premier film. L’année suivante, il rejoint l’équipe d’Eric Rochant et réalise, sous sa direction, neuf épisodes sur les trois premières saisons du Bureau des Légendes.
Écrit avec sa compagne Katell Quillévéré, avec laquelle il a créé une mini-série sur la naissance du groupe NTM et l’arrivée du hip-hop en France, De nos frères blessés est son deuxième long métrage. Il est membre de la S.R.F. (Société des Réalisateurs de Films), qui œuvre à la défense de l’indépendance et de la liberté du cinéma français. Il est par ailleurs membre du collectif 50/50 pour l’égalité hommes/femmes et la diversité.
ET AUSSI
- BRUNO REIDAL de VINCENT LE PORT — Avec DIMITRI DORÉ, JEAN-LUC VINCENT, ROMAN VILLEDIEU…
Le 1er septembre 1905, Bruno Reidal, un jeune paysan de 17 ans, intelligent, lettré et épris de Dieu - il est séminariste - est arrêté dans le fin fond du Cantal. Non seulement il a tué un enfant de 12 ans, mais il l’a ensuite décapité, avec une violence inédite chez un adolescent. Pour comprendre son acte, des médecins et des hommes de loi vont lui demander de relater sa vie, depuis sa petite enfance jusqu’au jour de son crime. Sa confession va les sidérer : ce jeune homme taiseux, en apparence si frêle et si doux, est en fait un psychopathe, un être possédé par des pulsions meurtrières depuis son plus jeune âge. Comme il a du mal à s’exprimer oralement, c’est essentiellement par écrit qu’il va se livrer. Avec un étonnant talent.
Pour son premier film, Vincent Leport transpose pour le grand écran un fait divers qui avait secoué l’opinion publique de l’époque : celui d’un meurtre d’une violence inouïe commis sur un enfant par un mineur poids plume d’un mètre 62, jusque là sans histoire. Pour réaliser son film, le cinéaste s’est appuyé sur les onze cahiers d’écolier dans lesquels le jeune tueur, Bruno Reidal (son vrai nom a été gardé) avait consigné ses souvenirs et expliqué les raisons de son geste. Découvert à la Semaine de la Critique au dernier Festival de Cannes, ce film-drame avait sidéré le public par la précision de son récit, restitué d’une voix blanche et sans affect, par le jeune Dimitri Doré (l’impressionnant interprète du rôle-titre); par ses images, d’une beauté sépulcrale, et par sa mise en scène, d’une maîtrise très étonnante s’agissant d’un primo-réalisateur. Glaçant.
Vincent Lacoste incarne Fernand Iveton, seul Européen guillotiné pendant la guerre d’Algérie. (Laurent Thurin Nal/Les Films du Belier)
https://atlantico.fr/article/decryptage/de-nos-freres-blesses-d-helier-cisterne-le-destin-tragique-de-fernand-iveton-le-seul-pied-noir-d-algerie-a-avoir-ete-guillotine-pendant-la-guerre-de-l-independance-du-pays-avec-un-vincent-lacoste-tres-convaincant
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