Il y a 60 ans, le 19 mars 1962, prenait fin le conflit algérien. Le Castelroussin René Dumay se souvient avec émotion de cette guerre qui ne disait pas son nom.
1962. A peine sortis de l’adolescence, des centaines de milliers d’appelés ont rejoint le sol algérien pour une mission de pacification et de maintien de l’ordre qui n’était rien d’autre qu’une guerre fratricide. Près de 30.000 d’entre eux y ont laissé leur vie. Alors que sera commémorée, samedi, la signature des accords d’Évian, qui avaient mis un terme au conflit, le 19 mars 1962, certains se souviennent avec émotion de ces terribles années passées loin de leurs foyers.
"20 ans, pile". Originaire de Lignières, aux confins de l’Indre et du Cher, René Dumay travaille "chez les Américains", dans le fameux bâtiment 356, dévolu à l’informatique naissante. C’est un gamin sans beaucoup de soucis, qui est incorporé par son service militaire alors que la terre algérienne est en passe de s’embraser.
Des patrouilles nuit et jour pour intercepter des rebelles
Passée la formation succincte pendant les classes, direction le sud algérien pour des patrouilles et des escortes de travailleurs locaux construisant des pistes dans les montagnes. Le 7 juillet 1957, René Dumay fait partie d’un convoi attaqué par le FLN (Front de libération nationale). Dix soldats – "des appelés comme moi" –, sont tués, un autre est blessé. Une entrée en matière qu’il n’oubliera jamais.
"Nous n’étions absolument pas préparés à cela", se rappelle le Castelroussin, qui vit une nouvelle descente aux enfers, le 6 septembre 1957. "Lors d’une opération avec la légion étrangère, nous avons eu droit à un accrochage qui a duré toute l’après-midi". Là encore, le bilan humain est terrible : quatre morts et onze blessés.
Ceux qui viennent de perdre la vie sont des petits gars de l’Indre, de Bourges ou de Vierzon (Cher). Jusqu’à son retour en métropole, en avril 1959, René Dumay est affecté dans un poste isolé où il effectue des patrouilles de jour et de nuit pour tenter d’intercepter des rebelles venant du Maroc. Le harcèlement du FLN est incessant.
Nos meilleures années avaient été confisquées
"Ma réaction quand je suis revenu ? Comme pour beaucoup, impossible d’en parler. Nous venions de perdre notre jeunesse, nos meilleures années avaient été confisquées. En fait, on était complètement déboussolés."
Militer pour la mémoire des 30.000 disparus
Il faudra attendre des décennies pour que la parole se libère. "Je suis entré à la Fnaca (Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie) en 1980 parce qu’il y avait des copains." Président du comité castelroussin depuis sept ans, René Dumay ne cesse depuis de militer pour la mémoire des 30.000 disparus, dont une centaine de soldats de l’Indre. "À travers notamment l’organisation d’une cérémonie nationale dans la cour des Invalides avec un catafalque recouvert du drapeau tricolore."
En attendant, il donne rendez-vous à ses 340 adhérents samedi, à partir de 9 h, devant le mémorial installé square de-Gaulle à Châteauroux. Pour le président, il est plus que nécessaire de poursuivre et d’amplifier le travail de mémoire. Car au sein des associations d’anciens combattants d’Afrique du Nord, les effectifs s’amenuisent. Après eux, il ne restera plus que les historiens pour témoigner.
Repères hsitoriques
- 19 mars 1962. Cette date marque la fin de la guerre d’Algérie à la suite des accords d’Évian signés le 18 mars 1962. Elle dura du 1er novembre 1954 au 5 juillet 1962 (Benjamin Stora).
- Victimes. 250.000 Algériens ont été tués (dont plus de 140.000 combattants, ou membres du FLN), 50.000 harkis, après l’exode des habitants Pieds-Noirs et des Juifs, le 3 juillet 1962. Près de 25.600 militaires français sont morts et 65.000 blessés. 10.000 victimes civiles d’origine européenne ont succombé dans 42.000 incidents violents enregistrés.
- Commémoration. Le terme de « Guerre d’Algérie » n’a été adopté que le 18 octobre 1999. Le 19 mars est « jour anniversaire du cessez-le-feu en Algérie », déclaré « journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc » par la loi du 6 décembre 2012.
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