Emmanuel Macron présidera une cérémonie ce samedi 19 mars à l'Élysée pour le 60e anniversaire des accords d'Evian qui ont mis fin à la guerre d'Algérie. Avec un souci «d'apaisement» des mémoires et de «main tendue» à l'Algérie, selon la présidence. Le conflit a laissé des séquelles durables des deux côtés de la Méditerranée.
Délégation du Gouvernement provisoire de la République algérienne lors de la signature des accords d'Évian. Photo d'archive D.R.
«Commémorer n'est pas célébrer», a tenu à souligner l'Élysée. Il s'agit de ménager toutes les susceptibilités à moins d'un mois du premier tour de la présidentielle alors que la date du 19 mars 1962, qui marque l'entrée en vigueur du cessez-le-feu entre armée française et indépendantistes algériens, reste un sujet explosif. Le bilan humain de la guerre est terrible : entre 260 000 et 400 000 morts du côté algérien, 30 000 du côté français (soldats et Européens d’Algérie), plusieurs dizaines de milliers chez les harkis.
Comment va se passer la commémoration ?
Une réception aura lieu à l’Elysée ce samedi, au cours de laquelle Emmanuel Macron prononcera un discours. Le chef de l’Etat ne donnera pas « une ligne historique officielle », explique-t-on dans son entourage au journal L'Opinion.
Environ 200 personnes, des harkis, rapatriés, militants algériens ou militaires, sont conviées à l’Elysée, ainsi que des élus du Sud de la France, dont les maires d’Amboise, de Montpellier et de Nice. L'objectif de «réconcilier» et «apaiser», reste le même que lors des précédents rendez-vous mémoriels du quinquennat autour de la guerre d'Algérie. Emmanuel Macron a voulu, à travers une série de gestes mémoriels, «réconcilier la France et l'Algérie» ainsi que les «mémoires cloisonnées» en France, a rappelé l'Élysée.
Les accords d’Evian : qu’est-ce que c’est ?
Le 18 mars 1962, Louis Joxe, ministre d’Etat chargé des affaires algériennes, annonce que la délégation française et les membres du Front de libération nationale (FLN) sont parvenus à un accord pour mettre fin aux combats engagés depuis le 1er novembre 1954 en Algérie.
Le document décrète un cessez-le-feu. Et fixe les conditions du règlement du conflit et définit les futurs rapports entre la France et l'Algérie »si la solution d'indépendance et de coopération est adoptée ». Le texte prévoit surtout l’organisation d’un référendum.
Dès le 8 avril, les Français sont invités à se prononcer sur les accords d’Evian qu’ils approuvent à 90,81%. En Algérie, un référendum d’autodétermination se déroule le 1er juillet 1962 et le « oui » l’emporte à 99,72% des suffrages exprimés. "
La ville d'Evian, dans les Alpes françaises, a été choisie parce qu’elle était proche de la Suisse où séjournaient les indépendantistes algériens. Ces accords mettent fin officiellement à 132 années de colonisation française.
La rédaction
Pourquoi la date ne fait pas l'unanimité ?
« Cette cérémonie sera essentiellement franco-française, c’est-à-dire sans les Algériens. L’ambassadeur d’Alger a bien été convié à la réception, mais il n’est pas certain qu’il soit présent », souligne l'Opinion.
Des attaques de l’OAS (anti-indépendantiste), les exactions envers les harkis ou le massacre d’Oran contre les Européens ont eu lieu après le 19 mars, date du cessez-le-feu. C’est la raison pour laquelle elle ne fait pas l’unanimité parmi les « porteurs » des mémoires franco-algériennes.
«Tous les événements liés à la guerre d'Algérie ne se sont pas terminés du jour au lendemain avec la signature des accords d'Evian», a concédé l'Élysée en citant notamment la fusillade de la rue d'Isly à Alger, dans laquelle des dizaines de partisans de l'Algérie française furent tués par l'armée le 26 mars 1962.
Pourquoi les propos du président de la République ont fait polémique ?
Dans l'avion qui le ramenait en janvier 2020 d'Israël, où il participait à la commémoration du 75e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz, Emmanuel Macron a estimé que la France »avait peut-être un travail à faire » sur la mémoire de la guerre d'Algérie afin de mettre un terme au « conflit mémoriel ».
Lors de la précédente campagne électorale en 2017, Emmanuel Macron avait déjà créé la polémique en qualifiant la colonisation de « crime contre l'humanité ». »Je suis très lucide sur les défis que j'ai devant moi d'un point de vue mémoriel, et qui sont politiques. La guerre d'Algérie est sans doute le plus dramatique. Je le sais depuis ma campagne. Il est là, et je pense qu'il a à peu près le même statut que la Shoah pour Chirac en 1995 », a déclaré le président de la République.
« C'est de l'indécence. Il fait l'amalgame entre la guerre d'Algérie et le pire génocide de l'histoire humaine ! », s'est ému samedi le sénateur LR Bruno Retailleau dans le Figaro. »Ces propos sont à la fois une folie pour l'histoire et la mémoire, et une bombe à retardement pour notre avenir », avait abondé l'eurodéputé LR, François-Xavier Bellamy. "Comparer la Shoah à la guerre d'Algérie est obscène. Emmanuel Macron est en pleine dérive", a pour sa part estimé la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen.
L’Élysée a ensuite récusé toute comparaison entre la Shoah et la guerre d’Algérie. »C’est le crime absolu qui ne peut être comparé à aucun autre », a précisé Emmanuel Macron , en relevant la « singularité la plus extrême » de l’Holocauste.
Quels sont les gestes d'apaisement d'Emmanuel Macron ?
En janvier dernier, Emmanuel Macron a adressé un geste fort aux rapatriés d'Algérie. Il a qualifié d'« impardonnable pour la République » la fusillade de la rue d'Isly à Alger en mars 1962, et a estimé que le « massacre du 5 juillet 1962 » à Oran devait être « reconnu ».
Toujours dans un souci d'apaisement, le 15 mars dernier, l’ambassadeur français en Algérie, François Gouyette, a déposé une gerbe sur la stèle érigée à Alger en l’honneur de Mouloud Feraoun et des cinq autres victimes. Jean-Philippe Ould Aoudia, fils d’un des six inspecteurs des centres sociaux tués par l’OAS, déplore toutefois dans Libération que les victimes de l’organisation terroriste n’aient pas été honorées lors de commémorations officielles plus larges. « Harkis, Charonne, 26 mars 1962, Européens, 17 octobre 1961… Emmanuel Macron a fait le tour des mémoires. Il en reste une. Pourquoi n’honore-t-il pas celle des civils, militaires, Algériens, Français, magistrats, élus, enseignants, fonctionnaires de police tués par l’OAS ? ».
2022 03 18
https://www.lejsl.com/politique/2022/03/18/fin-de-la-guerre-d-algerie-la-france-commemore-aujourd-hui-le-60e-anniversaire-des-accords-d-evian
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