Le documentaire de Stéphane Benhamou éclaire la manière zélée dont la collaboration appliqua sa politique antisémite sur le sol algérien pendant la deuxième guerre mondiale.
« L’Algérie sous Vichy » (© BNF Gallica)
Les côtes de l’Algérie sont à 2 000 kilomètres de Vichy, la « capitale » de la zone libre, où s’est installé le gouvernement du maréchal Pétain après la signature de l’armistice en cet été 1940. La colonie n’a pas connu les bombardements ni les bruits de bottes allemandes. A Alger, on continue de se promener sereinement dans les allées du jardin d’Essai ou sur la corniche, le long de la Méditerranée. Mais la guerre va débarquer dans les semaines qui suivent la capitulation. C’est un pan méconnu de l’histoire du second conflit mondial qu’explore « l’Algérie sous Vichy », un documentaire salutaire après les déclarations d’Eric Zemmour sur Pétain, « protecteur » des juifs français. L’administration collaborationniste, particulièrement zélée, dépasse les exigences nazies.
Un statut discriminatoire est mis en place
Présents dès l’Antiquité et citoyens français depuis le décret Crémieux de 1870, les juifs - une centaine de milliers - perdent leur nationalité et retournent à leur condition d’indigènes. Un statut discriminatoire est mis en place. Ce n’est pas une « simple parenthèse », insiste le documentaire, mais une « aubaine » pour l’antisémitisme qui sévit depuis des décennies dans la population française en Algérie. Les élèves des établissements scolaires et des universités sont renvoyés chez eux. Le philosophe Jacques Derrida, né à El Biar, est viré de l’école à 10 ans : « Un des tremblements de terre de mon existence », dira-t-il.
Quelque 3 500 fonctionnaires sont licenciés. On ne trouve plus de juifs dans l’enseignement, la justice, la presse… Leurs biens - entreprises, exploitations agricoles, appartements, etc. - sont confisqués. Ils n’ont même plus le droit d’acheter un billet de Loterie nationale. Les soldats démobilisés sont internés dans des camps, comme à Bedeau, près de Sidi Bel Abbès : des tentes en toile, plantées dans un désert de cailloux, à 1 000 mètres d’altitude, au milieu des chacals et des serpents. Ce n’est qu’en octobre 1943, près d’un an après le débarquement anglo-américain, que le décret Crémieux sera rétabli. Le temps que l’administration de l’Algérie coloniale ne soit plus sous influence vichyste.
Mardi 18 janvier à 22h30 sur Arte. Documentaire français de Stéphane Benhamou (2021). 52 min.(Disponible en replay sur Arte.tv)
·Publié le
https://www.nouvelobs.com/ce-soir-a-la-tv/20220118.OBS53380/l-algerie-sous-vichy-le-zele-petainiste-du-pouvoir-colonial.html
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