Harki signifie il bouge sans arrêt, sans objectif apparent et connu de tous, c’est exactement comme font les dealers aujourd’hui ou racaille en paraphrasant un ex-président français lui-même délinquant.
L’histoire coloniale de l’Algérie n’est en soi pas plus complexe que celle de l’Indochine ni celle de ses voisins, le Maroc ou la Tunisie. Elle est simplement différente. Aussi, elle est complètement à l’opposé de celle de l’Afrique noire. La France n’a pas réussi à apprivoiser une marionnette, un Léopold Sédar Senghor algérien. Elle a pu enrôler des centaines de milliers de Harkis, mais pas une seule figure de renom à la solde de la France coloniale et anti-universaliste.
Comme dans toutes les guerres, les belligérants font appel à des individus ou groupes d’individus du camp adverse pour obtenir des informations ou propager de la désinformation et même combattre leurs frères et sœurs. Certains le font pour des raisons idéologiques c’est-à-dire qu’ils se sentent proches des idéaux de l’adversaire, ceux-là, on les appelle déserteurs ou transfuges et parfois même des consciences humanistes. Ils sont très peu nombreux et d’un niveau intellectuel élevé. Ils n’agissent pas dans l’ombre non plus. Maurice Audin, Robert Barrat, Claude Bourdet (Notre Gestapo d’Algérie), François Mauriac (La question), Noël Favrelière, Jean-Paul Sartre… en font partie. Et certains d’autres, le font pour survivre, pour un petit plus que leur voisin n’aura pas. Ceux-là sont généralement peu ou pas cultivés. Ils sont aussi très nombreux. Parce que, parfois, les deux adversaires ont besoin de petites gens non instruits et affamés pour être facilement asservis. Alors, ils font tout pour affamer et ne pas instruire les masses dans le but d’en faire des volontaires pour les utiliser à bon gré le jour venu. Ceux-là, on les appelle en français collabos. Les Français en ont connu dans toutes les guerres qui ont opposé la France à ses voisins. Les derniers en date sont ceux qui ont prêté main-forte aux nazis. La France, pour fuir son histoire, ne veut pas en parler. Elle préfère minimiser leur rôle, leur nombre et en faire un tabou. En toute occasion, les autorités comme historiens patriotes ne nous parlent que des résistants valeureux, alors que nous savons que les collabos étaient en réalité plus nombreux que les quelques résistants. Imaginons un instant que les autorités allemandes aient le droit d’honorer ces collabos français comme la France le fait pour les harkis !
Revenons à l’Algérie et plus largement à l’Afrique du Nord. Il semble que ce territoire soit propice à la culture des traîtres comme l’est pour les oliviers. Ils y prospèrent depuis de longs siècles. Qui ne connaît pas Massinissa celui qui favorisa le débarquement de Scipion en Afrique et contribua à la victoire des Romains sur Hannibal. Qui n’aurait pas entendu de la Kahina reine Berbère qui serait tuée par une armée arabe par trahison d’un de ses fils et qui ne connaît pas le fameux Koceïla, sans oublier Tariq ibn Ziyad l’excellence de la trahison au point d’en devenir un chef ‘’arabe’’. Et puisque nous traitons d’un problème relatif à la guerre d’Algérie, on ne doit pas oublier le premier d’entre eux, l’Émir Abdelkader qui, après avoir combattu les Français pendant 15 ans, dépose les armes, se rend et devient l’ami fidèle de la France au point d’être décoré de la Légion d’honneur. Le 7 avril 1871, la Kabylie, sous l’impulsion de Mokrani, se soulève contre l’armée coloniale française. Quand il apprend les débuts de l’insurrection, Abdelkader, tel le porte-parole du gouvernement français, déclare « Je dénonce cette insurrection contre la justice, contre la volonté de Dieu et la mienne. Nous prions le Tout-Puissant de punir les traîtres(les Kabyles) et de confondre les ennemis de la France(les résistants) » peut-on lire en page 209 du livre de Charles André Julien, intitulé Histoire de L’Algérie contemporaine. 1827-1871 édité à Paris en 1979. Bref, l’Ifriqiya est une terre de traîtres et de trahison. Énormément d’histoires et d’autres personnages célèbres mais, ô combien renégats…
Donc, l’Algérie a eu aussi son lot de collabos, de traîtres. On les appelait harkis. Dans de nombreux articles consacrés aux harkis par des journalistes et historiens, on nous explique que l’étymologie du mot harki provient de mouvement en arabe. Cette explication est un peu courte et non significative, voire fausse. Quand on parle d’étymologie, il faut creuser dans l’usage local du mot, mais d’aucuns ne l’ont fait. Pourquoi ? Les auteurs de ces articles sont en majorité pour ne pas dire tous français et leurs travaux ne sont pas dénués d’intérêts. Aussi, ces travaux sont réalisés sur commande. Demander à un français de creuser le sens et l’usage d’un mot d’une autre langue et d’une autre culture, c’est peut-être ne pas s’adresser à la bonne personne. Il se peut aussi que certains auteurs en connaissent le vrai sens, mais leur penchant idéologique, leur francité ou les buts inavoués leur dictent de ne pas trop s’étaler sur le sujet.
Au Maghreb, du Maroc jusqu’à la Tunisie et probablement ailleurs aussi, quand on demande comment ça va ? À quelqu’un qui n’a pas un métier bien déterminé genre un ouvrier non qualifié, un homme à tout faire, il vous répondra : « labes » , et quand on lui demandera ce qu’il fait ? Il répondra « nohrek نحرك » ce qui est l’équivalent du « je fais aller » du dealer ou du pickpocket qui ne vont pas vous dire qu’ils dealent ou volent ! Le harki du début était cantonné au rôle d’indic de l’armée coloniale et par conséquent, il pratiquait sa basse besogne dans le secret total d’où sa réponse « je fais aller, nohrek, نحرك ». Il va de soi que les résistants, de leur côté, font tout pour débusquer les traîtres. Ceux qui n’ont pas de travail et qui ne s’engagent pas dans la résistance. Ceux qui ressemblent fort aux hitists[1] d’aujourd’hui. Ils soumettaient tous ceux qui « font aller », d’où le nom en arabe Harkis, à un contrôle permanent et pour parler d’eux, sans éveiller leurs soupçons, on ne disait pas traîtres ou collabos, mais Harkis. C’est là l’origine du mot et non pas le mot mouvement sans explication contextuelle. Donc, oui, mouvement mais, dans un sens purement péjoratif qui n’inspire ni respect ni confiance, bien au contraire, que de la suspicion et du mépris. Harki signifie il bouge sans arrêt, sans objectif apparent et connu de tous, c’est exactement comme font les dealers aujourd’hui ou racaille en paraphrasant un ex-président français lui-même délinquant[2].
Alors, un problème de conscience et de cohérence se pose à la République. Les alliances de forces coloniales d’oppression, de discrimination, d’exploitation, de traîtrise et de collaboration avec l’ennemi bien qu’elles soient une réalité de l’histoire de la République, font-elles partie des valeurs universelles et des valeurs Républicaines à célébrer ? Je ne le pense pas. La République, comme tout être, elle a sa face sombre et sa face lumineuse. Elle ne doit rien renier de son histoire ni de ses constituants. Elle doit célébrer en grande pompe tous les faits, actes et discours humanistes et universels, mais elle doit aussi garder en mémoire les fautes de la République et tout faire pour les réparer d’une part, et pour ne plus les reproduire d’autre part. La France n’a pas appris de la guerre d’Algérie. La république non plus. La France et la République ont refait récemment la même faute contre leurs propres valeurs. Elles ont participé à une coalition pour envahir un pays lointain et ont fait appel à des Collabos Afghans qui n’ont aucun lien avec la France ni historique ni culturel. Les forces armées françaises doivent impérativement vêtir l’uniforme de la République et mettre fin à toute présence en Afrique, au Moyen-Orient et partout ailleurs et cesser de fabriquer des collabos partout dans le monde. La France est la seule République au monde qui combat ses propres valeurs universelles.
par Hamda Ouakel
samedi 2 octobre 2021
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/harki-ou-une-honte-partagee-des-236204
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