Je viens d’être condamnée à 72 coups de fouet pour avoir donné ou reçu, je ne sais plus, un coup de fil de la part de quelqu’un de sexe opposé et qui n’avait avec moi aucun lien de parenté…
Chaque coup porté est une plaie qui s’ouvre et ne se referme jamais… dans l’esprit et dans la chair.
Mon infraction par rapport à la religion est double : non seulement j’ai souillé ma condition de femme destinée au foyer mais j’ai surtout incité d’autres à en faire autant.
J’ai été un contre exemple qui méritait un châtiment exemplaire… 72 coups de fouet pour me signifier que l’homme n’est pas un jouet… avec lui, il ne peut y avoir d’autre lien que des liens sacrés par le village, le voisinage ou le mariage.
La vidéo qui fut réalisée à mon insu pour me ridiculiser est devenue virale, elle a fait le tour du monde pour servir de propagande contre les Talibans et leur dictature présumée ou annoncée.
Une femme haut placée a réussi à me joindre et m’a gentiment proposer de m’aider pour quitter au plus vite ce pays qui ne va pas tarder à devenir l’enfer pour toute femme qui se respecte.
Elle a été scandalisée de me voir décliner son offre. Et pour cause : je me sentirais pas plus respectée, ni plus respectable si je quittais mon pays.
Je lui ai dit, vous savez en Afghanistan, il y a comme partout des oiseaux de malheur, mais il y a aussi et surtout des hommes d’honneur qui ne font qu’appliquer la Loi à la lettre , la lettre susceptible de nous rendre meilleurs… inspirée par Dieu et dictée par les hommes, elle consiste à dire que nous n’avons rien à craindre et tout à espérer si nous bannissons toutes les figures du vice…
Dans toute propagande il y a toujours quelque chose d’immonde parce qu’elle vernit ou ternit une image sans tenir compte de la vérité mais seulement du désir du plus fort, du plus armé, du plus favorisé.
Je préfère encore mourir que de trahir mon pays. Socrate a ressenti à quelque chose près tout ce que j’ai ressenti lorsqu’on m’a suggéré de fuir
Peut-on se fuir ?
Telle est la question.
Autre son de cloches
J'ATTESTE CONTRE LA BARBARIE...
En hommage aux femmes afghanes
Poème de Abdellatif Laabi, poète marocain vivant en France; prix Goncourt de la poésie en 2009 et Grand Prix de la Francophonie de l'Académie française en 2011.
J’atteste contre la barbarie
J’atteste qu’il n’y a d’être humain que celui dont le cœur tremble d’amour pour tous ses frères en humanité
Celui qui désire ardemment plus pour eux que pour lui-même liberté, paix, dignité
Celui qui considère que la Vie
Est encore plus sacrée
Que ses croyances et ses divinités
J’atteste qu’il n’y a d’être humain
Que celui qui combat sans relâche
La haine en lui et autour de lui
Celui qui,
Dès qu’il ouvre les yeux le matin
Se pose la question
Que vais-je faire aujourd’hui
Pour ne pas perdre ma qualité et ma fierté
D’être homme ?
ABDELLATIF LAÂBI
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