Les images de convois bondés de jeunes volontaires accourant de plusieurs régions pour braver le feu et apporter soutien aux populations de Tizi Ouzou débordent de bravoure et de fraternité entre Algériens.
Cet élan de solidarité massif et effectif a mordu dans les entrailles de la solitude de la Kabylie martyrisée par le gigantesque brasier de ce mardi noir, et notre solitude à nous regardant, avec nos yeux embués et notre volonté contrariée, l’horreur des images apocalyptiques défilant sur nos écrans rougeoyants.
Nos cœurs ont saigné de tristesse et de colère face au martyre de Larbaâ Nath Iraten et de dizaines de villages de Kabylie, d’El Tarf et d’ailleurs. Nous avons pleuré les madones Bensalem ; nous avons pleuré les jeunes soldats héroïques d’Ichelladhen et notre terre réduite en cendres. Mais nos cœurs ont été emplis d’espoir et de fierté grâce à la chaîne de solidarité qui s’est mise en place au quart de tour, organisant les dons et les départs volontaires au front.
Ce sont les mêmes élans de solidarité populaire exprimés face aux incendies de Khenchela et ensuite face à la crise d’oxygène en plein pic de l’épidémie de la Covid-19. Devant les drames successifs qui mettent à l’épreuve notre jeune nation, le peuple fait preuve d’une résilience spectaculaire. Un peuple digne et solidaire, un peuple qui construit sa propre légende et renforce ses liants face aux stratégies racistes et purificatrices, la perfide opération zéro Kabyle, et l’ignominieuse Badissya Novembriya.
C’est de ce «nous» remis en cause par les fractures identitaires, les déchirements religieux et la dislocation des liens de confiance due au fléau de la corruption et la disparité grandissante entre classes sociales, c’est de ce «nous» éprouvé et gagné parfois par le doute qu’il est question aujourd’hui. Nos mythes fondateurs ont été sérieusement abîmés par trop de trahisons des palais.
Et les Algériens ont compris que leur Etat est faible et qu’ils doivent chercher au plus profond d’eux-mêmes les ressources nécessaires pour empêcher leur désintégration. Et c’est dans l’adversité que se forge le ciment de cette reconstruction par la fraternité patriotique.
Comme hier face au colonialisme destructeur, les Algériens se dressent en rangs serrés contre les périls multiples de cet été meurtrier. Aux cris de détresse du jeune soldat de Barika, les femmes et les hommes répondent présent et volent au secours de leurs compatriotes, faisant éclater sur leur passage les clivages nourris insidieusement par les puristes et les pyromanes. Le cœur si grand, ils accomplissent des miracles et mettent du baume sur les blessures des corps et des âmes. Voilà qui nous sommes.
Nous pleurerons nos morts, mais nous ferons notre deuil et nous serons plus forts, plus soudés et surtout mûris par ces expériences certes douloureuses, mais que nous aurons surmontées ensemble, dans notre diversité.
NOUREDINE NESROUCHE
12 AOÛT 2021
https://www.elwatan.com/edito/un-peuple-digne-et-solidaire-12-08-2021
« Le fléau n’est pas à le mesure de l’homme, on se dit donc que le fléau est irréel, c’est un mauvais rêve qui va passer. mais il ne passe pas toujours et, de mauvais rêve en mauvais rêve, ce son les hommes qui passent, et les humanistes en premier, parce qu’ils n’on pas pris leurs précautions ».
Albert Camus, La Peste.
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