La journaliste algérienne Samia Arhab
Madame Samia Arhab, une journaliste algérienne, m’a envoyé un questionnaire concernant l’interview qu’elle souhaite faire à partir du récit de mes souvenirs de la guerre d’Algérie. J’ai rédigé quelques réponses que je vais lui faire quand nous serons en communication téléphonique. Les voici donc.
Je ne connaissais de l’Algérie que ce que j’avais appris à l’école. Et celle-ci ne se privait pas de glorifier la conquête de votre pays avec la prise de la smala et ses divers épisodes. Ça s’inscrivait d’ailleurs dans une vision plus large de notre empire colonial.
Ceci étant je vivais dans un milieu familial où le militarisme n’était nullement valorisé et le colonialisme guère plus. Mon père avait effectué une partie de son service militaire en Tunisie et n’en avait pas gardé des souvenirs positifs.
J’avais 20 ans quand j’ai reçu mon affectation pour Oran et j’avais alors d’autres projets de vie que d’aller en Algérie. Je faisais de l’athlétisme a un très bon niveau et j’ignorais encore que ma carrière sportive était déjà terminée.
J’étais convaincu de la justesse de la lutte des Algériens pour leur indépendance. Quand je suis parti en mars 1960 De Gaulle avait employé quelques mois plus tôt le mot d’autodétermination. Je n’étais pas gaulliste pour des raisons sociales et de démocratie mais il y avait une ouverture.
La guerre allait toutefois continuer jusqu’à la fin avec son cortège d’atrocités. Je n’avais pas choisi de m’y opposer de manière frontale ainsi que l’ont fait certains hommes courageux comme Alban Liechti. Je tâchais de m’en sortir en subissant le moins de dommages.
Les circonstances ont fait que je n’ai pas eu à participer à des exactions ni même à en être directement témoin. J’ai par contre vu la misère des autochtones, le racisme aussi qui n’épargnait pas les appelés du contingent.
En fait j’ai plus souffert de l’institution militaire que de la guerre elle-même. D’autant que l’absurdité de ce qui se déroulait devenait de plus en plus patente. Mais malgré ce on continuait. J’ai choisi pour le récit de mes souvenirs un registre le plus souvent picaresque pour rendre compte de l’ambiance. C’est aussi une vengeance de ce que l’on m’a fait subir.
Quel déclic a fait que je me suis investi dans cette période de mon existence, une période que j’avais évacuée assez rapidement de ma conscience à mon retour à la vie civile ? L’âge a dû compter pour beaucoup. Le fait qu’ayant cessé mon activité professionnelle j’étais plus disponible. Et le contexte aussi, c‘était le temps où la réalité de la pratique généralisée de la torture par l’armée française était enfin reconnue.
Depuis d’autres facteurs sont apparus. Avec l’approfondissement de la crise socio-économique que nous subissons on a vu renaitre une idéologie ringarde dans laquelle se mêlent racisme, xénophobie et islamophobie. C’est notoirement le cas à Béziers.
Mes contacts avec les Algériens ? Ils sont assez divers. Il y a des jeunes qui veulent connaître ce qu’étaient leurs douars à l’époque de l’occupation française et il y en a d’autres avec lesquels j’échange sur des questions plus fondamentales. C’est notamment le cas avec Noureddine qui est retiré à El Bayadh, un secteur où j’ai fini mes vingt-six mois de service militaire et vécu des événements particulièrement graves le 19 mars 1962.
Publié le 18/07/2021 à 10:55 par Cessenon
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