Le 3 juillet 1940, à 16 h 53, l’amiral britannique James Somerville passe à l’attaque. C’est du gâteau, les navires français sont coincés au fond du port. Il y a là un porte-hydravions, deux cuirassés, deux croiseurs de bataille et six contre-torpilleurs. Ce n’est pas toute la flotte française, mais un gros morceau.
Coincés comme des rats
L’aviation britannique commence par balancer des centaines de mines magnétiques dans la passe du port pour empêcher les navires français de fuir. Coincés comme des rats, ils ne peuvent pas répondre aux tirs des Britanniques. C’est un jeu de massacre. Le cuirassé Bretagne explose, puis coule quasi instantanément, entraînant 997 marins dans la mort. Le Provence et le Dunkerque, malmenés, s’échouent. Seul le croiseur de bataille Strasbourg parvient à s’échapper, indemne, de la nasse, suivi de cinq contre-torpilleurs. Ils trouvent refuge à Toulon. Quant au porte-hydravions Commandant Teste, il appareille à la nuit tombée, ralliant lui aussi Toulon. Le bilan est lourd pour les Français (1 295 morts) et très léger pour les Britanniques (2 morts et la perte de 4 avions).
L’attaque des Britanniques aurait-elle pu être évitée ? Churchill est-il un salaud ? L’affaire est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Devenue le dernier rempart face à l’ogre nazi, la Grande-Bretagne ne pouvait absolument pas se permettre de laisser la flotte française passer à l’ennemi. Aussi quand Pétain fait savoir qu’il s’apprête à signer un armistice avec les Allemands, Churchill lui donne son aval à la condition que la marine française se saborde ou passe dans le camp britannique. Il faut savoir que le 25 mars 1940, avant les hostilités, la France et l’Angleterre avaient pris l’engagement de ne pas conclure une paix séparée.
Hors de combat
Lorsque Pétain négocie l’armistice avec les Allemands, il zappe la demande anglaise. Le texte du traité prévoit seulement que les navires tricolores rejoignent leur base navale d’attache pour y être désarmés. Churchill en mord son cigare de colère. Il sait les Allemands tout à fait capables de s’emparer des navires français. Il lui faut donc agir pour les mettre hors de combat. Or, ce qu’il ne sait pas à l’époque, c’est que la flotte française n’aurait pas pu rallier les ports tricolores de l’Atlantique et de la Manche qui avaient été sabotés par les marins français. Par ailleurs, le 24 juin, l’amiral François Darlan avait donné l’ordre à ses états-majors de saborder les bâtiments si les Teutons tentaient de s’en emparer. Il avait même précisé que s’il lui arrivait, ultérieurement, de donner un ordre contraire par la suite, on ne devait pas en tenir compte.
Opération Catapult
Quoi qu’il en soit, le 27 juin, le Premier ministre de sa gracieuse Majesté donne son feu vert à l’opération Catapult consistant à neutraliser les bâtiments français ancrés dans le port de Mers el-Kébir, sur la côte algérienne. À noter qu’à Alexandrie, en Égypte, où une autre escadre de la marine française s’est réfugiée, les deux états-majors britanniques et français sont parvenus à un compromis : les cuves des navires sont vidées de leur mazout et les canons débarrassés de leur mécanisme de tir. Ce qui leur vaut de rester peinards au port jusqu’en mai 1943 quand l’escadre reprend la mer, mais dans le camp des forces alliées.
Quatre options
À Mers el-Kébir, la situation est donc tout autre. Aucun accord ne peut être trouvé. Avant d’ouvrir le feu, l’amiral Somerville envoie un ultimatum au vice-amiral d’escadre Marcel Gensoul. Il lui offre quatre options : rejoindre la flotte britannique, se saborder, rallier un port britannique ou encore un port neutre américain. Sinon, les canons britanniques tonneront. Il semble que Gensoul aurait été favorable au sabordage, mais au même moment, il reçoit un message de Vichy l’avertissant que les escadres de Toulon et d’Alger volent à son secours. Les Britanniques ayant intercepté le message, Somerville fait ouvrir le feu. Bref, peut-on vraiment en vouloir à la perfide Albion d’avoir coulé le cuirassé Bretagne ?
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