Ce documentaire sur l’histoire de la construction de l’État juif prend le contre-pied d’un discours répandu sur l’équilibre des responsabilités. Il refuse de renvoyer dos-à-dos les protagonistes du conflit.
D’abord peu populaire auprès des juifs, le mouvement sioniste prend de l’ampleur avec la montée du nazisme dans les années 1930, puis l’extermination de six millions de juifs. Dans l’immédiat après-guerre, une partie des survivants qui veut quitter l’Europe et se heurte aux difficultés d’obtenir un visa pour les États-Unis émigre vers la Palestine. En novembre 1947, l’ONU vote un plan de partage de la Palestine en un État juif et un État arabe sans consultation des populations locales.
« Nous avons pris leur pays »
Une terre, deux peuples. C’est souvent ainsi qu’est présenté le conflit israélo-palestinien, renvoyant dos à dos les protagonistes. Mais il existe une autre façon de le considérer qui n’est pas propre aux Palestiniens. En témoignent ces mots de David Ben Gourion, premier ministre israélien de 1955 à 1963, rapportés par Nahum Goldmann, homme politique et écrivain israélien dans son livre Le paradoxe juif : « Si j'étais un leader arabe, je ne signerais jamais un accord avec Israël. C'est normal ; nous avons pris leur pays. Il est vrai que Dieu nous l’a promis, mais comment cela pourrait-il les concerner ? Notre dieu n’est pas le leur. Il y a eu l'antisémitisme, les Nazis, Hitler, Auschwitz, mais était-ce leur faute ? Ils ne voient qu'une seule chose : nous sommes venus et nous avons volé leurs terres. Pourquoi devraient-ils accepter cela ? »
C’est cette approche dont s’empare Le char et l’olivier, sous-titré Une autre histoire de la Palestine, tant l’horreur de la Shoah a coloré la vision d’Israël, perçue a posteriori comme l’ultime refuge des juifs persécutés. Comme le souligne l’écrivain palestinien Elias Sanbar, « la réponse au mal absolu ne pouvait être qu’un bien absolu. » Le documentaire de Roland Nurier repose sur les explications de spécialistes du Proche-Orient, de juifs et d’Arabes ainsi que sur des images d’archives et d’actualité. Il revient de manière didactique sur la construction d’Israël et ses relations difficiles avec les Palestiniens : vagues d’expulsions et d’exodes à partir de 1947, implantation de colonies juives sur les territoires arabes, absence d’application du droit international en raison des vétos successifs des États-Unis, vigilants à conserver un allié fort dans une région décisive pour la production pétrolière.
Glissement de regard
Sans exonérer les Arabes, Le char et l’olivier soulève aussi les questions épineuses de la légitimité d’une résistance palestinienne, du glissement du regard posé sur la Palestine, désormais humanitaire et non plus politique sur les droits d’un État souverain, évoque la prison à ciel ouvert qu’est la bande de Gaza. Le souci de prendre le contre-pied d’un discours répandu sur l’équilibre des responsabilités dans le conflit, ainsi que les images d’exactions israéliennes peuvent lui donner une allure militante que certains jugeront regrettable. Néanmoins, il rapporte des éléments clés pour la compréhension de cette région du monde.
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