Henri Iacono et sa femme Claude-Marie chez leur fille à Poulx.
Henri Iacono a été assigné quatre mois dans un camp sans être condamné en justice.
OAS (Organisation de l’Armée Secrète) : ces trois lettres qui claquent valent, il y a soixante ans, à Henri Iacono Di Cacito, quatre mois d’internement au camp de Saint-Maurice l’Ardoise (lire ci-dessous). " Je n’ai jamais plastiqué quoi que ce soit", dit aujourd’hui ce Pied-noir quasi octogénaire. Son seul fait d’armes ? Coller des affiches sur les murs de Bône, sa ville d’origine. Mais il partage sans le moindre doute le combat idéologique de tous ceux pour qui l’Algérie c’était la France. De Dunkerque à Tamanrasset.
En 1961, il commence à Montpellier des études de chirurgien dentaire. Il est dans l’œil des Renseignements généraux. Le 13 décembre, la police déboule chez lui à six heures du matin. Lors d’une fouille en règle, ils trouvent la polycopieuse sur laquelle il ronéotype des tracts anti-indépendantistes. Une activité subversive dans le contexte de la guerre d’Algérie. Il est incarcéré à la maison d’arrêt de Montpellier, puis détenu au commissariat central. " J’étais à chaque fois en compagnie d’un militant du FLN. On s’est très bien entendus. "
Dès l’annonce de son arrestation, sa jeune épouse, Claude-Marie, traverse la Méditerranée pour le rejoindre sur les bords du Lez. C’est au commissariat central de Montpellier, confie-t-elle, que leur troisième enfant a été conçu. Peut-être lors du soir de Noël où le couple, grand seigneur, sert aux policiers " champagne et gâteaux " envoyés par le beau-père. " Ils étaient si émêchés, se souvient Claude-Marie, que si on avait voulu, on aurait pu s’enfuir par la porte principale. " L’intermède est de courte durée. Tous deux avaient convenu d’un signal s’il venait à être transféré en son absence. Sur un petit bout de papier roulé en boule au dos d’un transistor, elle lit : Saint-Maurice-l’Ardoise.
Il s’agit du seul camp du territoire métropolitain à accueillir des internés administratifs sans passer par la case justice. Pour la première fois, la législation d’exception cible spécifiquement des citoyens français. Un simple arrêté ministériel, un ordre préfectoral, sans autre besoin de justification, suffit pour être privé de liberté.
Henri Iacono, avec le matricule 41, fait partie du premier convoi arrivé le 12 janvier 1962. " Dans le panier à salades, j’ai vu passer Nîmes, puis défiler la campagne, j’ai eu la pétoche, je croyais qu’ils allaient nous flinguer. " Plusieurs figures de l’OAS l’accompagnent, le capitaine parachutiste Jean Souètre qui déserta pour fonder un maquis dans l’arrière-pays de Mostaganem. Jean Ferré, un collaborateur du général Salan, qui participa étroitement au projet du putsch d’Alger. Et l’ancien commissaire de police et député poujadiste, Jean Dides.
Nés en Algérie française
Henri fête ses 20 ans entouré de barbelés et de miradors où des CRS armés montent la garde. à l’instar de ses camarades, il est considéré comme dangereux pour la sécurité publique. Dans le camp gardois, les assignés de l’OAS ont succédé aux fellaghas. Contrairement à ces derniers, ils bénéficient au début d’un sentiment de sympathie, voire de bienveillance de la part de l’encadrement. Le 20 janvier, le maire de Saint-Laurent-des-Arbres marie dans l’enceinte du camp le capitaine Souètre. Le général Clément, commandant adjoint de la IXe Région (Marseille) est son témoin. Claude-Marie, ainsi que d’autres épouses, est invitée au banquet. Sorti d’on ne sait où, un reporter de Paris-Match immortalise la scène. Après cette affaire qui coûtera leurs postes au général et au directeur, la discipline devient véritablement carcérale. " Un jour, des gardes mobiles ont fait une descente dans nos baraquements, ils nous ont tout pris, notre nourriture, nos gourmettes, nos chevalières, personne n’est intervenu ", souffle Henri, sans acrimonie. Pour beaucoup, la détention qui se prolonge est d’autant plus difficile à supporter qu’ils n’en connaissent pas la fin. Au fil du temps, certains perdent leur emploi, leurs revenus, leurs femmes. Une poignée d’entre eux tente de se suicider. Henri est de ceux qui, pour faire la belle, creusent un tunnel de 35 m de long. "Au moment où j’allais m’y engouffrer, le capitaine Souètre m’en a dissuadé : tu es jeune, père de famille, tu vas bientôt être libéré."
L’officier rebelle a vu juste. Plus de la moitié des seize évadés nocturnes sont repris dans la journée du 19 février. à Pâques, les mineurs de 21 ans sont relâchés. "M’avoir rendu mon mari en avril, pour les fêtes, c’est la seule chose que je dois à de Gaulle ", ponctue Claude Marie, qui persiste à écrire sur tous ses papiers d’identité : "née en Algérie française". Elle est loin d’avoir fait le deuil de ses illusions perdues : "nous ne demandions qu’à rester sur la terre où nos arrière-grands-parents sont nés. La terre où nous avons grandi, et qui était tout simplement notre pays. Je suis fière que mon mari ait défendu cette forte cause."
En avril 1962, Henri Iacono Di Cacito ne sera pas encore tout à fait libre. "J’ai été assigné à résidence à Montpellier pendant deux ans. Toutes les semaines je devais me présenter au commissariat. " Il ne sera pas devenu dentiste mais antiquaire à Nîmes. Jamais il ne cessera, dit-il, d’aider les anciens de l’OAS.
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