Le roman, Un Parfum d’absinthe, est un roman qui s’inscrit dans
les catégories du texte aux normes réalistes traditionnelles :
linéarité, chronologie, transparence et lisibilité (personnages,
évènements, éléments spatio-temporels et discours). La fiction
s’organise en XXIV (24) chapitres) et un paratexte formé par un
premier extrait de Mouloud Feraoun (Journal), une citation
empruntée à Goethe et une dédicace à caractère privée de l’auteur.
La lecture du roman établit avec le lecteur coopératif un
échange sur la question identitaire. En effet, selon Feraoun, un des
fondateurs du roman algérien de langue française, représentant la
parole du colonisé dans les années 50, l’identité algérienne a exigé
de lourds sacrifices et de longues luttes : l’extrait est prescriptif et
exprime l’obligation d’informer les générations postpostcoloniales
sur les luttes des Algériens pour la récupération de
leur identité nationale : « Il faudrait que nos enfants sachent à quel
point leurs ainés ont souffert, à quel prix ils héritent d’un nom,
d’une dignité, du droit de s’appeler Algériens sans courber la tête
comme le frêle roseau de la fable… »
Le dialogue s’instaure dès le paratexte entre le lecteur, l’auteur
et la fiction puisque Hamid Grine lui donne à lire les différentes
dimensions, certes contradictoires, qui constituent la personnalité
d’Albert Camus, entre l’écrivain et l’homme dans la société
coloniale. Les personnages débattent (entre pamphlet et
polémique) longuement sur sa position vis-à-vis de la colonisation
et l’indépendance de l’Algérie. Leurs discours manifestent des
points de vue différents à travers des angles de vue également
diversifiés. Même si l’auteur permet à ses personnages de se livrer à
un débat polémique, contradictoire et houleux car considérant les
multiples facettes sur l’identité de Camus, natif d’Alger, il tranche
catégoriquement dès le départ à travers les propos d’un élève de
Nabil, le héros de l’histoire, sur les origines de Camus, au moment
d’un cours de Français sur ce dernier :
« Après avoir ramené le silence dans la classe, je leur annonce que
la première partie du cours sera consacrée à un écrivain d’origine
algérienne qui a reçu le prix Nobel. Qui est-il ? Abkarino et un
autre élève, Bouzid, lèvent les mains (…) Je demande à Bouzid de
donner la sienne :
- Kateb Yacine, Monsieur !
Je me tourne vers Abkarino :
J’ai quelqu’un en tête mais ce n’est pas un Algérien …, dit-il
timidement.
Je le prie de poursuivre :
- Albert Camus, répondit-il gêné » (pp. 85-86).
Ce discours de l’élève sur l’appartenance identitaire de Camus
semble être soutenu par celui de l’auteur que nous citons :
« J’ai toujours aimé Camus pour sa sensibilité et sa philosophie de
la vie : vivre l’instant au maximum en se battant même si l’issue du
combat n’est pas certaine, même si la vie est absurde. Les pages de
Noces à Tipasa sont parmi les plus belles écrites sur notre pays,
sur sa terre, sa nature… à chaque fois que je lis Noces à Tipasa,
j’ai envie de m’y précipiter. Et souvent je m’y précipite. Pas
d’Algériens dans les œuvres de Camus ? Mais Camus était français.
Et c’est normal qu’il voyait l’Algérie avec ses yeux de Français...
https://cahiers.crasc.dz/pdfs/n_28_bendjelid_grine_hamid_lun_parfum_dabsinthe.pdf
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