Guy Monnerot est inhumé le 29 novembre 1954 au cimetière de Louyat, après une cérémonie en l’église Saint-Joseph. Le convoi funèbre est pris ici avenue du Général-Leclerc.? © Archives Jean-pierre
Par la fenêtre du car Citroën qui s'essouffle sur la petite route qui relie Biskra à Arris, Janine Monnerot admire, éberluée, la beauté du paysage. Guy, son mari, est en pleine discussion avec le caïd de M'Chounèche, Hadj Sadok. Le véhicule s'engage dans la gorge de Tighanimine, la plaie béante qui balafre cette partie des Aurès. À gauche du bus, s'élève, vertical, l'à-pic du Foum Taghit. À droite, une vingtaine de mètres en contrebas, coule l'oued El-Abiod.
Au volant, Djemal Hachemi regarde son compteur. Dans quelques centaines de mètres, il devrait apercevoir un barrage de pierre. De mèche avec les insurgés, il a pour consigne de freiner violemment. Les passagers, secoués, ne devraient alors pas opposer de résistance aux hommes de Si Messaoud, de son vrai nom Chihani Bachir.
L'embuscade fonctionne à merveille. Hadj Sadok est la cible du commando. Il est conduit sans ménagement hors du car. Le couple d'instituteurs est emmené lui aussi. « Tu as reçu notre proclamation, tonne Si Messaoud en direction du caïd. De quel côté vas-tu te ranger maintenant ? »
L'ethnologue Jean Servier arrive sur les lieux du drame, vers midiAprès la tonitruante fin de non-recevoir du notable algérien, les événements s'accélèrent. Un geste de trop, une mauvaise interprétation, un pistolet-mitrailleur trop sensible… La rafale de Sbaïhi, l'un des hommes de Chihani Bachir, transperce les trois prisonniers.
Si Messaoud, dont les ordres étaient de ne s'attaquer qu'aux militaires ou aux musulmans pro-français mais surtout pas aux civils, donne l'ordre à Djemal Hachemi de transporter rapidement Hadj Sadok à Arris.
En revanche, Guy et Janine Monnerot sont laissés pour morts, sur le bord de la route. Lorsque l'ethnologue Jean Servier arrive sur les lieux, vers midi, il est trop tard pour sauver Guy mais il est encore temps de conduire Janine à l'hôpital.
Le voyage de Guy Monnerot ne va cependant pas s'arrêter là. D'abord inhumé selon la tradition musulmane, dans un linceul blanc. Le 10 novembre 1954, une cérémonie à Batna permettra de lui rendre hommage.
Mais c'est à Limoges, le 29 novembre 1954, que l'émotion aura été la plus forte. Des centaines de personnes ont assisté d'abord à l'office donné en la paroisse Saint-Joseph, puis à l'inhumation dans le caveau familial.
Même le ministre de l'Intérieur fera connaître son émotion par un court télégramme. «… Stop Je m'incline devant votre douleur Stop François Mitterrand. »
Patrice Herreyre
Qui se souvient de la Toussaint Rouge du 1er Novembre i954 en Algérie ?
La mort de ce ce jeune instituteur est venu de la métropole avec son épouse pour instruire les enfants du bled.
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