A un «artiste» ( français ) qui s'étonnait qu'il soit Algérien et qu'il ait gardé son nom, un de nos grands peintres... et poète... et cinéaste, Denis Martinez réplique : «Cher monsieur, sachez que je n'ai pas choisi d'être Algérien. Je suis Algérien. Comme tout le monde. Je suis né en Algérie, de parents et d'arrière-grands-parents nés en Algérie. J'appartiens à une réalité historique du pays. Je m'appelle Martinez, je suis Algérien et je vous emmerde». Ils sont nombreux à penser comme lui... peut-être avec un vocabulaire moins cru. 200 000 avaient choisi l'Algérie en 1962. Il en reste à peine quelques centaines. Souvent «injustement oubliés» (C-E Chitour), sauf lors des anniversaires ou des décès. Un gaspillage monstrueux ! Pour s'en apercevoir, il faut revenir sur les écrits de certains d'entre eux. Des «Saints», pas tous, mais des «Justes», pour sûr !
Le choix de l'Algérie. Deux voix, une mémoire. De Pierre et Claudine Chaulet (Préface de Rédha Malek). Editions Barzakh, Alger 2012. 502 pages. 900 dinars
Claudine est née à Longeau, en France, issue d'une famille républicaine. Pierre est né à Alger, en Algérie et a été élevé dans l'ambiance du christianisme social. Ils se sont rencontrés à Hydra un soir de décembre 1954... chez André Mandouze, le fameux universitaire catholique, militant antifasciste et anticolonialiste, «éveilleur des consciences».
Et, les voilà partis pour une longue et passionnante histoire. Un couple qui s'est engagé immédiatement pour le combat pour la liberté des Algériens et la libération du pays. Un très long parcours pavé de luttes et qui ne s'est jamais arrêté... jusqu'à nos jours. Avec des risques et des sacrifices inimaginables à l'exemple de leur voyage en Kabylie, en 1956, avec le texte de la plate-forme de la Soummam dissimulé dans les langes de leur bébé, Luc (Omar Zellig, le journaliste de la Chaîne III dont on comprend maintenant d'où lui vient cet esprit continuellement «rebelle», s'étant «frotté» très tôt à un document révolutionnaire) ou en février 1957, l'évacuation de Abane Ramdane, lui-même, à bord de la «dodoche» (2 Cv) de Mme Chaulet vers le maquis proche de Blida.
La prison, l'expulsion d'Algérie, le journalisme à Tunis au sein de la rédaction d'El Moudjahid (historique). Claudine est toujours là, soutenant, conseillant, enseignant, agissant... La lutte continue !
L'Indépendance venue, ils sont toujours là, au service du pays. Pour l'un, c'est le secteur de la santé, sa réorganisation et la lutte contre les maladies des pauvres et des démunis comme la tuberculose. Pour l'autre, c'est la recherche sociologique et l'action de promotion du monde agricole, entre autres.
L'islamo-terrorisme, couple sanglant et sanguinaire des années 90, ne les décourage pas. Tout juste, à partir d'un certain moment, un repli momentané, ailleurs, par sécurité, les «étrangers» (en fait, tout ce qui n'était pas «vert») étant tout particulièrement ciblés. Puis, le retour au pays. La lutte continue !
«L'itinéraire des Chaulet est, d'une certaine manière, le reflet fidèle d'une Révolution à laquelle ils ont participé de bout en bout» (Rédha Malek, préface). «Nous étions pris, et le sommes encore, par une histoire qui nous dépasse, au sein de laquelle nous avons essayé de garder lucidité, fidélité, espoir et humour», disent-ils. Une famille révolutionnaire modeste ! Qui dit mieux ?
Avis : Un combat ininterrompu contre le colonialisme et l'injustice, puis d'une lutte contre le sous-développement et pour la justice sociale. A lire absolument et sans retard !
Cardinal Léon Etienne Duval. La voix d'un juste (1903-1996). Un ouvrage documentaire... de Denis Gonzalez. Enag Editions, Alger 2008. 221 pages, 550 dinars
Né en France, le Cardinal Duval est mort à Alger le 30 mai 1996 à l'âge de 92 ans, et il repose dans la basilique Notre-Dame d'Afrique, en terre d'Algérie, comme il l'avait souhaité, juste après sa retraite. Le professeur Asselah raconte que le Cardinal avait insisté pour qu'il soit, un jour, suite à une petite chute malencontreuse, s'opposant aux pressions de ses parents qui voulaient que cela soit fait à Genève, être opéré en Algérie, par des Algériens. Ce qui fut fait.
Issu d'une famille d'agriculteurs, très tôt familier avec les travaux des champs, il sera, par la suite, toujours attentif aux petites gens et à leurs conditions de vie.
Ses prises de position contre la torture, durant la guerre de libération nationale, pour la satisfaction de la volonté d'autodétermination, contre les ultras (des bombes ont été déposées dans la cathédrale et dans trois églises), contre les centres de regroupement, ses appels à la fraternité... lui avaient causé bien des ennuis.
Après l'Indépendance, ayant obtenu la nationalité algérienne, il est élevé à la pourpre cardinalice, et... «grâce à la grande amabilité de Taieb Boulahrouf, ambassadeur d'Algérie près le Qirinal, la solennité a revêtu un caractère national». Le Cardinal est reçu avec de grands honneurs à l'Ambassade d'Algérie... et, pour la première fois, l'hymne national algérien a été entonné à Rome. Des témoignages dont celui du président A. Bouteflika, des documents, des photos, des extraits d'une table ronde tenue le 15 mai 2006 à la Bibliothèque nationale.
A signaler le témoignage émouvant du Pr Asselah, qui rapporte les rencontres «dans une ambiance décontractée» du Cardinal avec les intenables Kateb Yacine, M'Hamed Issiakhem et Ali Zamoum. Léon Etienne Duval, plus qu'un juste, un Saint !
A lire. A méditer. Bien des passages sont dignes de figurer dans les ouvrages scolaires de philosophie et d'histoire. Mais, chez nous, la philo n'a plus droit de cité. Quant à l'Histoire !!!!!!
Un curé d'Algérie en Amérique latine, 1959-1960. De l'Abbé Alfred Bérenguer, Sned, 1966. 261 pages.
Pour savoir que l'Indépendance du pays est le fruit d'efforts collectifs, conjugués à des initiatives individuelles... dont ceux d'un «curé de campagne», un authentique pied-noir, pourchassé par les «services «français. Plus qu'un juste. Un «saint-juste».
par Belkacem Ahcene-Djaballah
http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5292003
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