Triste nouvelle - Idir est décédé hier soir à 21h30 à l’hôpital Bichat-Claude-Bernard à Paris Nous présentons à sa famille et à l'ensemble de la famille artistique et le monde amazigh nos sincères condoléances. Sgunfu di talwit ay amedyaz.
L’ancien président français, François Hollande, a rendu un vibrant hommage au chanteur kabyle Idir, décédé hier soir. « Idir a envoûté des générations entières au rythme de ses mélodies douces, généreuses et émouvantes », a indiqué l’ancien président français, sur son compte Twitter.
Idir a envoûté des générations entières au rythme de ses mélodies douces, généreuses et émouvantes. C’était un grand ambassadeur de la culture kabyle et un immense poète algérien. Ses œuvres seront chantées encore longtemps des deux côtés de la Méditerranée.
تلقينا يبالغ الحزن والأسى نبأ وفاة أسطورة الموسيقى الجزائرية إيدير بالأمس. لقد فقد العالم صوتاً للتسامح والتنوع، لكن رسالته ستبقى خالدة للأبد. إنا لله وإنا إليه راجعون.
Nous sommes profondément attristés d'apprendre le décès, hier soir, de la légende de la musique algérienne Idir. Le monde perd une voix qui chantait la tolérance et la diversité, mais son message restera vivant à jamais. Repose en paix Idir.
dir - Pourquoi cette pluie ?
Le chanteur algérien Idir : "Si nous restons unis, rien ni personne ne pourra nous défaire"
VERBATIM - Dans le JDD, le chanteur algérien Idir se réjouit de la chute d'Abdelaziz Bouteflika. Pour ce Berbère, "cette mobilisation populaire a tout compris du défi d'une Algérie qui accepte enfin sa diversité".
Voici ses confidences au JDD :
"Je viens d'Algérie et je fais partie de cette génération que l'on surnomme 'les enfants de l'indépendance'. Mon âge m'a permis d'entrevoir le drame de la guerre de libération. Comme tout le monde en Kabylie, j'ai entendu le son des fusillades entre les soldats de l'armée française et les combattants algériens, sans comprendre grand-chose aux histoires des adultes! J'ai encore dans ma tête la sensation du ventre chaud de ma mère dans mon dos alors qu'elle recouvrait ses petits de tout son corps pendant que les coups de mortier nous assourdissaient. Je n'oublierai jamais ces sentiments de bien-être et d'impuissance.
À l'indépendance, j'étais un adolescent fier d'appartenir à un pays qui venait de réussir sa révolution
Je n'oublierai pas non plus les rassemblements sur la place du village pour assister aux exécutions des moudjahidine, afin, comme le clamaient les Français, que l'on "sente" leur puissance! Mais j'ai aussi connu l'humanité d'autres soldats nous distribuant des bonbons et toutes sortes de vivres. Pour ma part, j'ai été sauvé par l'un d'entre eux alors qu'un harki s'acharnait sur moi à coups de crosse! Je me souviens de son nom inscrit sur la lanière de son casque : Firmin Jouve. En débarquant en France, je l'ai recherché pour le remercier. En vain.
À l'indépendance, j'étais un adolescent fier d'appartenir à un pays qui venait de réussir sa révolution et de voir, quelques années après, l'Algérie devenir un des phares du tiers-monde et une championne du non-alignement. On recevait Castro, le Che, Arafat et on se sentait portés par le vent de l'Histoire! Nous avons été élevés au biberon du marxisme de l'époque ; on nous ramenait des spécialistes de la révolution permanente et des idéologues de toutes sortes. L'Algérie est devenue alors le temple de tous les révolutionnaires et des laissés-pour-compte.
Il n'y avait qu'un seul problème : le monde arabe n'existe pas
Mais lorsque l'armée des frontières s'est emparée d'Alger en confisquant le pouvoir au GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne), j'ai compris que l'on allait passer d'un régime petit-bourgeois libéral à une véritable prise du pouvoir par les militaires. Avec Boumediene qui a mis Ben Bella au pouvoir le temps d'une "récréation", on se rendait compte que cette libération du peuple n'était qu'un leurre. Dès le départ, Hocine Aït Ahmed et son Front des forces socialistes se sont insurgés contre cette injustice du pouvoir. Les événements qui ont suivi ont prouvé que l'idéal de mon pays avait été soldé par avance! Désormais, ses habitants compteraient pour du beurre.
À l'indépendance, nous n'avons réussi qu'à recouvrer une intégrité territoriale.
Il n'y avait qu'un seul problème : le monde arabe n'existe pas. Cette grossière erreur a perduré jusqu'à laisser croire aux printemps arabes, alors qu'on aurait dû parler de printemps tunisien, égyptien, syrien, libyen… En Algérie, ils avaient chassé la langue française sous prétexte que c'était la langue du colonialisme. Ben voyons! Comme s'il fallait jeter dans un même sac à ordures les criminels de l'OAS, les généraux putschistes et les colons mais aussi Hugo, Diderot, Voltaire, Proust et tant d'autres grandes plumes du génie français. Le grand Kateb Yacine affirmait que la langue française était un butin de guerre. Violent certes, mais un butin, on en fait son miel, on ne le jette pas par les fenêtres.
J'ai tout aimé de ces manifestations
La berbérité est-elle devenue en Algérie, et ailleurs, négligée, occultée? Nous, les Berbères, n'avons jamais intéressé grand monde : pas de pouvoir, pas de pétrole ou de gaz, et nos divergences n'ont fait qu'aggraver notre situation. Alors, que nous reste-t‑il? Il nous reste notre identité et un grand attachement à ce qui est égalitaire. Il nous reste la valeur que l'on donne à la parole et cette laïcité naturelle que nous pratiquons ainsi qu'une religion qui permet à chacun de pouvoir chercher la lumière. L'émotionnel prime l'idéologie, et celle-ci n'est pas très courante dans nos horizons. D'où notre réflexe commun de nous débarrasser de toute idéologie pour retrouver notre liberté d'être et d'entreprendre.
C'est pourquoi j'ai été si ému de voir flotter dans les rues des grandes villes d'Algérie ces dernières semaines, aux côtés des drapeaux de l'Algérie, des étendards et des banderoles en langue amazighe. Cela prouve que cette mobilisation populaire a tout compris du défi d'une Algérie qui accepte enfin sa diversité. Comme si notre jour de gloire était enfin arrivé.
J'ai tout aimé de ces manifestations : l'intelligence de cette jeunesse, son humour, sa détermination à rester pacifique, l'aisance de ses revendications comme sa capacité à comprendre la complexité des choses. J'avoue avoir vécu ces instants de grâce depuis le 22 février comme des bouffées d'oxygène. Atteint d'une fibrose pulmonaire, je sais de quoi je parle. Si mes soins et mes dates de concert ne me maintenaient pas en France, je partirais rejoindre immédiatement ces manifestants que j'admire.
On ne m'a jamais dit que l'État avait une religion
Je leur dirais longuement ce que je n'ai fait qu'évoquer lorsque je suis revenu chanter pour la première fois en Algérie, après trente-huit ans d'interdiction par le pouvoir. C'était le 4 janvier de l'an dernier à la Coupole d'Alger. Là, devant 20.000 personnes, j'ai essayé de dire qu'il ne pouvait pas y avoir d'Algérie démocratique sans reconnaissance de sa diversité, sans que les femmes y aient les mêmes droits que les hommes. Et que l'idéologie nous empêchait d'être nous-mêmes. Étaient-ce des propos prémonitoires? Quel bonheur de voir chaque jour depuis sept semaines ces centaines de milliers d'Algériens expliquer en si peu de mots ce qui est devenu une évidence : trop c'est trop, il est grand temps de changer!
Comment y parvenir? Comment mieux "respirer" dans notre beau pays? Commençons par la Constitution. Son article 1 nous dit que l'Algérie est un pays arabe. Tiens donc, pourquoi? Comme je ne suis pas arabe, je ne serais donc pas algérien? Curieux, non? Et donc même chose pour tous les Berbères, les Kabyles, les Chaouis, les Touaregs? Je ne suis pas arabe mais je suis arabophone. La nuance est de taille ! Corrigeons donc d'abord cette question identitaire qui nous permet de savoir qui nous sommes. L'article 2 nous dit que l'islam est la religion de l'État. Ah bon? On m'a toujours dit que l'État était permanent et éternel, le garant de la bonne marche des institutions. Mais on ne m'a jamais dit que l'État avait une religion.
Dans mon village, la religion est une question de conviction personnelle. La chose se passe entre le Créateur et sa créature. Je suis sûr qu'on se donnera les moyens d'aborder les notions de laïcité sans pour autant se défaire de nos religions, sachant qu'elles renferment en elles les germes de leur évolution. Je suppose qu'en corrigeant aussi ce postulat de l'islam religion d'État il nous restera la possibilité de nous occuper de Dieu. Mieux et autrement, et surtout sans contraintes. Le Dieu auquel je me réfère est plus beau que celui qu'on me propose. Le Dieu du pouvoir est fait de vols, de crimes et d'injustices, un Dieu fouettard prêt au courroux pour défendre les intérêts de ses criminels.
Il faut se rendre à l'évidence, c'est la fin d'une époque, et une nouvelle ère s'amorce en filigrane
Notre pouvoir a longtemps opéré de la sorte pour mieux museler le peuple. Tandis que leurs enfants sont dans les meilleures écoles, les enfants du peuple sont tenus par le plus cynique des impératifs, la survie! Tant et si bien qu'ils n'hésitent pas à monter dans des embarcations de fortune et quitter le pays vers un avenir improbable et dangereux! C'est tout ce qu'ils méritent, selon vous? Depuis 1962, c'est tout ce que vous avez pu faire?
Maintenant que le président a démissionné, il nous reste un pouvoir qui marche sur la tête et qui est en pleine débandade. Surpris par la rapidité et la qualité de la réaction populaire, il ne sait plus quoi faire et invente des ripostes aussi stupides les unes que les autres. Habitué à somnoler, sûr de son autorité, le peuple qu'il a si longtemps ignoré et méprisé se rappelle soudainement à son bon souvenir! Il faut se rendre à l'évidence, c'est la fin d'une époque, et une nouvelle ère s'amorce en filigrane. Maintenant la donne est entre les mains du peuple, qui doit tenir bon jusqu'à ce qu'on arrête le dernier des voleurs!
Je n'aime pas trop entendre parler de "démocratie" car, dans un pays comme le mien, c'est un mot galvaudé et qui a perdu son sens premier. On se souvient de ce qu'il est advenu des démocraties populaires qui nous ont inspirés dans le temps et où nos généraux se sont formés à une certaine époque : URSS, Roumanie, Bulgarie, RDA. Nous avons la chance de ne pas refaire le long périple qu'ont connu les peuples des démocraties avancées après des siècles de lutte, et de prendre ce raccourci de l'Histoire qui nous permettra d'être de plain-pied avec le progrès. L'État de droit est plus lent à atteindre mais il offre la possibilité à celles et ceux qui en disposent de mieux pratiquer la démocratie.
De toute façon, nous sommes condamnés à réussir. Continuons donc à réfléchir en termes de nation algérienne vers le progrès. Si nous restons unis, rien ni personne ne pourra nous défaire. Mon cousin et ami Cherfi Amar m'a appris ce beau proverbe mexicain : 'Ils veulent nous enterrer, mais ils oublient que nous sommes des graines.'
« Je préfère élever la voix sans hausser le ton », disait Idir
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