Au début du XVIe siècle, Alger est une ville portuaire peuplée de 20.000 habitants ; sa population s'est fortement accrue avec l'arrivée des juifs et des musulmans expulsés d'Andalousie, après la prise de Grenade par les rois catholiques d’Espagne, en 1492. Alger est la capitale de la « régence d'Alger », Etat autonome intégré à l'Empire ottoman en 1519 ; le corsaire Khayr ad-Din dit Barberousse est proclamé gouverneur général d'Alger. En dotant l'Algérie d'une organisation politique et administrative, les Turcs vont participer à la construction de l'entité algérienne ; ils introduisent la notion de frontières, en la séparant à l'est de la régence de Tunis et à l'ouest du Maroc.
Petite histoire d’Alger
Des années 1520 à 1580, Alger s'aligne sur la politique extérieure du sultan ottoman : la marine algéroise constitue un appui pour la flotte ottomane basée à Constantinople et s'attaque essentiellement à l'Espagne et ses alliés. Après les années 1580, l'Empire ottoman se retire de l'ouest méditerranéen et la régence d'Alger acquiert son autonomie de fait ; la flotte algéroise développe une activité corsaire systématique dirigée contre l'ensemble des puissances européennes. C'est l'apogée de la « guerre de course » jusqu'aux années 1640 : Alger s'enrichit et devient une métropole d'environ 80.000 habitants. A la fin du XVIIe siècle, l'activité corsaire algéroise décline : Alger est bombardée par la marine royale de Louis XIV en 1682, 1683 et 1688. Le dey d'Alger souhaite consolider la paix qu'il signe avec l'Angleterre en 1682 et avec la France en 1689. Jusqu'en 1725, la régence d'Alger connaît une phase de transition caractérisée par une grande instabilité politique et par des conflits avec ses voisins tunisien et marocain ; les guerres de pillage tentent de compenser le déclin de la guerre de course.
La période appelée « siècle du blé », débute vers 1725 et va se poursuivre jusqu'en 1815. Le dey d'Alger encourage la production intensive de blé pour l'exportation, sur le territoire de la régence : la France via le port de Marseille, est la principale importatrice ; les négociants français implantés à Alger, deviennent les intermédiaires du commerce international du blé algérois. A partir des années 1740, 90 % du blé nord-africain importé à Marseille provient d'Algérie. Dès 1792, une forte hausse des prix du blé à l'exportation est due au déclenchement des guerres de la France révolutionnaire. La domination anglaise en Méditerranée, de 1805 à 1817, aboutit à une disparition de la demande française en blé algérois ; le trafic de céréales reprend et prospère entre Alger et Marseille, sur la décennie 1817-1827. Mais une histoire d'emprunts anciens (en lien avec l'achat de céréales) non remboursés au dey d'Alger, conduit à la rupture des relations diplomatiques avec la France.
Les circonstances de l’expédition de 1830
Les historiens estiment qu'il y a absence de projet colonial initial et que c'est plutôt un concours de circonstances politiques qui aboutit à la colonisation de l'Algérie. Plusieurs facteurs déclenchants ont été avancés :
- le fameux « coup d'éventail » donné le 30 avril 1827, par le dey Hussein au consul de France à Alger : il provoque le blocus des côtes algériennes par la marine française dès 1827 ; ce coup d'éventail fait partie d'un enchaînement d'événements diplomatiques liés à des dettes de la France (réclamation par le dey d'Alger, du paiement de blé fourni à la France de 1793 à 1798)
- certains politiciens estiment que l'armée française doit laver son honneur après l'échec des guerres napoléoniennes
- le roi Charles X (qui règne de septembre 1824 à juillet 1830) pense détourner l'opinion publique de ses problèmes politiques intérieurs, en partant à la conquête de l'Algérie.
L'armée française entre dans Alger début juillet, après une campagne de trois semaines. La « convention franco-algérienne » signée le 5 juillet 1830, confirme la prise de la ville et la capitulation du dey d'Alger contre le respect de garanties (concernant les biens, les personnes, la religion et les coutumes locales) par les troupes françaises. La convention ne concerne pas le territoire de l'Algérie, ce qui ouvre la voie aux futures campagnes de conquêtes et préfigure ainsi la période coloniale française. Ce traité a des répercussions diplomatiques importantes vis-à-vis de l'Empire ottoman, l'Angleterre et l'Espagne. Héritant de cette encombrante conquête, le roi Louis-Philippe maintient les troupes françaises à Alger et l'annexion de l'Algérie est finalement proclamée en 1834. Alternant défaites et victoires, l'armée occupe les côtes et laisse une grande partie du territoire de la régence sous le contrôle de l'émir Abd el-Kader.
L’émir Abd el-Kader contre le général Bugeaud
Abd el-Kader (1808-1883) domine l'ouest de l'Algérie aux dépens de l'Empire ottoman depuis 1832 et constitue le plus redoutable adversaire de la conquête française. Après plusieurs années d'affrontements et deux tentatives de compromis, un très long conflit éclate entre 1839 et 1847. L'émir est un remarquable meneur d'hommes, maître de la guerre de partisans, il sait imaginer des plans remarquables qui font de lui un véritable stratège. Son projet est d'établir un Etat musulman, de nationalité arabe, en territoire algérien.
En 1830, les Français ne connaissent pas Abd el-Kader : le traité signé en 1834 avec le général Desmichels puis le traité de Tafna (en 1837) négocié par le général Bugeaud, sont une reconnaissance officielle de son pouvoir et en font l'interlocuteur privilégié des Français. Le général Bugeaud est envoyé en Algérie en juin 1836, avec l'ordre d'écraser la révolte d'Abd el-Kader. Il remporte une première victoire en juillet 1836 mais la résistance des Algériens le contraint à signer le traité de Tafna, le 30 mai 1837 ; par ce traité, Abd el-Kader reconnaît aux Français la possession de plusieurs enclaves sur la côte algérienne (Alger, Bône, Oran...). Rentré en France, Bugeaud déconseille la conquête de l'Algérie et préconise le maintien des territoires conquis sous statut militaire, pour éviter une colonisation de peuplement ; ce statut va perdurer jusqu'en 1870.
Nommé gouverneur général de l'Algérie en 1840, Bugeaud revient à Alger en février 1841 : auparavant adversaire de la conquête absolue en raison des moyens humains et financiers exigés, il va désormais pleinement s'y consacrer. Il dispose pour cela de 100.000 hommes et décide d'employer des méthodes de guerre inspirées de son expérience pendant la guerre napoléonienne d'Espagne (1808-1814). Il va pratiquer la « politique de la terre brûlée », tactique consistant à détruire ressources, moyens de production, infrastructures, bâtiments afin de les rendre inutilisables par l'adversaire. Les méthodes sanglantes de « contre-guérilla » préconisées par Bugeaud, sont contestées par certains de ses officiers et lui valent d'être interpellé à ce sujet devant le Sénat français.
Le général Bugeaud obtient cependant la permission d'attaquer le Maroc qui apporte un soutien militaire à l'émir Abd el-Kader. Le 14 août 1844, la victoire des Français (à Isly) oblige le sultan du Maroc à interrompre son aide à la résistance algérienne. Bugeaud traque ensuite Abd el-Kader qui finit par se rendre en décembre 1847. La conquête militaire se termine par l'annexion de l'Algérie (appellation officielle depuis 1839) à la République française et la création des départements français d'Algérie en décembre 1848.
Publié le 14/05/2020
par Isabelle Bernier
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