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Rédigé le 17/04/2020 à 16:12 dans Covid-19 | Lien permanent | Commentaires (0)
Issue d’une grande famille algéroise, Yamna Bent El-Hadj El-Mahdi brave tous les interdits et tous les préjugés en pratiquant la musique. Par son talent et sa personnalité, elle saura s’imposer dans un milieu réservé exclusivement aux hommes, qu’elle parviendra à égaler en talent, voire le dépasser.
Issue d’une grande famille algéroise, Yamna Bent El-Hadj El-Mahdi brave tous les interdits et tous les préjugés en pratiquant la musique. Par son talent et sa personnalité, elle saura s’imposer dans un milieu réservé exclusivement aux hommes, qu’elle parviendra à égaler en talent, voire le dépasser.
Yamna Bent El Hadj El Mahdi est née à la rue des Abderrames Casbah d’Alger, en 1859. Précoce mais surtout douée, elle participe dès sa dixième année aux fêtes familiales dans la Casbah d'Alger. On rapporte même qu'après ses tours de chant elle allait jouer au jeu de la marelle sur les terrasses des habitations avec les fillettes de son âge ! Elle se fait remarquer très jeune pour son aptitude à chanter. Son père, El Hadj El Mehdi, usera de toute son autorité pour la dissuader et n’aura réussi qu’à renforcer sa détermination à persévérer dans une carrière musicale prometteuse. Yamna va souvent écouter furtivement un musicien réputé qui joue au guembri, dans un café près de chez-eux. Un jour elle sera remarquée par le cheikh Ben Brihmat, grand mélomane et responsable d’une médersa. Souhaitant la prendre en charge pour l’enseignement en arabe et pour l’apprentissage de la musique, il convaincra ses parents en leur proposant qu’elle vienne aider son épouse dans les tâches ménagères. Il maquille ainsi l’affaire pour éviter un refus, sachant qu’à l’époque, la pratique artistique pour une jeune fille est particulièrement taboue. Son apprentissage durera six années, jusqu’à la mort du père de Yamna, en 1876. Par la suite, elle perfectionnera ses connaissances toute seule au grès de ses rencontres. Elle est naturellement très douée dans l’exécution des instruments à corde, notamment le guembri, le violon, la kouitra, le tar et le oûd (luth). Son idole, à cette époque, est cheikha Kheira Djabouni qu’elle côtoie dans les fêtes familiales de la Casbah. Ses contacts avec cheikh Mohamed Mnèmèche et son disciple Mohamed Sfindja lui seront enrichissants pour la mémorisation du patrimoine andalou. À l’âge de 21 ans, Yamna devient mâalema, en constituant sa première formation musicale en 1880, avec des musiciens de renom, dont le violoniste virtuose et interprète apprécié du hawzi, cheikh Mahmoud Oulid Sid Saïd, dit «Qelbeddelaâ» (cœur de pastèque). Et si tous les orchestres féminins ou masculins du début du siècle sont à dominance israélite, celui de Yamna est exclusivement musulman : Houria à la derbouka, «Haoula» (surnom à cause de son strabisme) à la kouitra, et Tamani au tar (orchestre féminin pour les fêtes de mariage).Yamna rencontre un grand succès dans les fêtes à Alger et ses environs, ainsi qu’au Maroc et en Tunisie. Par son talent et sa personnalité Yamna Bent El Hadj El Mahdi a su s’imposer dans un milieu réservé exclusivement aux hommes, repris tout le patrimoine-domaine masculin et imprima au genre msamaî (féminin) la forme que nous lui connaissons aujourd’hui.
Menant sa carrière d’une main de maître, elle se fait rapidement remarquée par les premiers promoteurs d’enregistrements sur cylindre phonographique. Elle en réalise quelques-uns, provoquant ainsi une véritable révolution en cette fin du XIXe siècle. On y retrouve entre autres le célèbre poème profane de Benkhlouf, «Bismillah bdit enzemema âne tedj eroslah» (au nom de Dieu je commence à chanter les mérites du Prince des Envoyés).
Juste avant le déclenchement de la Première guerre mondiale, elle enregistre dans un premier essai un disque 78 tours à Paris et continue, entre 1922 et 1928, à enregistrer ses œuvres, principalement chez Columbia, à Alger. Sa plus grande consécration aura lieu lors d’un grand gala public le 24 janvier 1927 au Kursall d’Alger qui deviendra plus tard l’Opéra d’Alger, puis le Théâtre National Mahieddine-Bachtarzi, après l’indépendance de l’Algérie. Initié par Mahieddine-Bachetarzi, ce spectacle révèle une Yamna baignant dans la plénitude de ses moyens, tant humains qu’artistiques, face à un large public constitué des plus grandes familles algéroises.
En 20 ans de carrière musicale, elle a enregistré environ 500 œuvres connues dans le patrimoine traditionnel hawzi, aroubi ou châabi. Elle a fixé, pour la postérité sur phonogramme quasiment la totalité de ce que nous savons aujourd’hui dans ce domaine. MaâlemaYamna s’est abreuvée du savoir artistique des grands maîtres de la fin du 19e siècle, comme cheikh Mohamed Mnemèche, Mohamed Sfindja, Mouzino et d’autres encore. Elle a elle-même inspiré tous les interprètes de chants populaires du 20e siècle. Sa formation, elle l’a perfectionnée avec une étonnante précision en côtoyant et même en bousculant certains maîtres incontestés en poésie classique andalouse (zedjel) tel qu’Edmond Yafil, l’auteur du célèbre ouvrage «Recueil de chants andalous», ainsi que le chant panégyrique et mystique (cheikh Kouider Bensmaïl). Par ailleurs, elle a su donner toute sa forme au dakhli msamaî, une spécialité purement féminine d’Alger et sa région. On lui doit entre-autre le célèbre «Ranadjinak», qui honore toutes les mariées lors de leurs noces à ce jour.
MaâlemaYamna est décédée le 1er juillet 1933, à Alger, à l’âge de 74 ans. Elle repose au cimetière El Kettar.
PUBLIE LE : 14-04-2020
Sihem Oubraham
http://www.elmoudjahid.com/fr/actualites/151377
Rédigé le 16/04/2020 à 17:06 dans Divers | Lien permanent | Commentaires (0)
Notre réflexion porte sur l’élaboration d’un circuit touristique en Algérie à la découverte de la genèse de l’œuvre d’Albert Camus. Cette prospective repose sur une méthodologie empirique et pluridisciplinaire mobilisant des savoirs littéraire, historique et géopolitique. En guise d’entrée en matière, une analyse du tourisme littéraire est réalisée. La forte association entre colonisation et tourisme en Algérie est ensuite évoquée, et le choix de ce champ d’étude, resitué dans son contexte passé et présent, justifié. La première partie propose une analyse des procédures à l’œuvre dans la transition entre lecture et pratique touristique constituant le tourisme littéraire en un entre-deux multidimensionnel. La relation à la mémoire et à l’imaginaire est étudiée. La seconde partie définit une géographie touristique camusienne structurée en trois temps – Tipaza, Hadjout (ex-Marengo) et Oran –, dont Alger constitue le point de départ et de retour. Chaque lieu correspond à un fondement de l’écriture d’Albert Camus dont la reconstitution des étapes de l’élaboration constitue l’objectif de l’itinéraire touristique proposé.
La thématique proposée interroge l’articulation entre l’œuvre d’Albert Camus [1913-1960] et la possibilité de valorisation touristique de ce patrimoine littéraire algérien d’expression française dans son cadre de gestation et d’élaboration. Il s’agit donc d’une réflexion prospective fondée sur une approche pluridisciplinaire et empirique nourrie d’observations recueillies in situ dans la diversité de leurs implications et potentialités. En d’autres termes, la présente recherche, issue de la mise en regard d’une ressource culturelle et de la quasi-absence de construction d’une offre touristique à partir de cette même ressource, est d’abord esquisse d’un projet à naître. Elle est proposition d’une intelligence de l’écriture et de la pensée de Camus, et de la conception d’un itinéraire destiné à en faciliter l’appréhension par un parcours des lieux et des textes fondateurs. Notre objectif premier est de mettre en lumière la richesse de l’héritage camusien en terre d’Algérie, les sens dont il est porteur et celui que prendrait son ouverture au tourisme. Nous avons à cette fin choisi de nous rendre sur le terrain, puis de revisiter notre expérience de lecture et de voyage à l’aune d’un travail d’analyse transversal croisant savoirs littéraire, historique et géopolitique, de façon à tenter de rendre compte de la complexité – complexité de la pensée de Camus, complexité de l’histoire dont elle est issue et de ses résonances dans les sociétés algérienne et française du XXIe siècle, complexité du nécessaire dialogue interculturel dont pourrait participer la mise en tourisme d’une mémoire partagée.
2Pénétrer véritablement une œuvre implique de connaître la terre qui l’a portée, vue naître et nourrie. Ce paradoxe traduit la recherche du lieu unique auquel appartient l’écriture aux fins d’approcher au plus près, au plus juste, son caractère original, irréductible, en d’autres termes : son authenticité. La symbiose entre l’œuvre de Camus et l’Algérie illustre ce type de projet.
3Rappelons que l’œuvre littéraire devient ressource patrimoniale et touristique émergente dans le sillage de la formalisation par l’ICOMOS (Conseil international des monuments et des sites) du tourisme culturel dont le tourisme littéraire est souvent considéré comme une « déclinaison thématique » (Hoppen et al, 2013 ; Bonniot-Mirloup, 2016a ; Fournier et Le Bel, 2017). La Charte du tourisme culturel (1976), puis La Charte internationale du tourisme culturel (1999) définissent les principes de protection et de valorisation des sites culturels, porteurs de la dimension fondatrice de la pratique touristique en tant que confrontation à l’altérité, apprentissage et transformation de soi. L’acquisition de connaissances est la motivation première de l’expérience viatique dès la Renaissance, l’ars apodemica (l’art de voyager) prône alors la collecte des connaissances et leur transmission par voie de publication (Stagl, 1995 : 70-81). Au cours du XVIIe siècle, le voyage à finalité savante est progressivement remplacé par le voyage didactique, tour ou grand tour (qui ne portent pas encore leur nom), formation morale, intellectuelle, politique, esthétique, destinée à préparer le jeune noble à occuper la fonction qui lui est dévolue dans la société. La redécouverte officielle de la dimension culturelle de l’activité touristique intervient donc dans les années 1980, intimement liée à celle de patrimoine dans ses aspects matériel, symbolique et fonctionnel (Nora, 1984 : XXXIV), constitutive de l’identité d’un territoire, donc appelant à être conservée. Le lieu de mémoire, terme récent formalisé en 1993 par le Grand Robert de la langue française, est un concept créé par Pierre Nora dans l’ouvrage en plusieurs volumes intitulé Les lieux de mémoire publié entre 1984 et 1993 sous sa direction. Ces lieux sont de plus en plus souvent les supports d’un tourisme de mémoire (Rieutort et Spingler, 2015).
4Le tourisme littéraire, objet d’études notamment dans la recherche anglophone, pionnière en la matière (Pocock, 1981 ; Squire, 1994 ; Herbert, 1996 ; 2001 ; Fawcett et Cormack, 2001 ; Robinson et Andersen, 2002 ; Watson, 2006 ; 2009), est fondé majoritairement sur le séjour et le circuit – autrement dit sur le triptyque hébergement, restauration, transport – et consiste en l’exploitation commerciale du produit d’appel que sont les lieux fréquentés par un écrivain, lieux de vie et d’inspiration, cadre de ses travaux de création, et, du point de vue du lecteur-touriste, espaces de représentation reliant imaginaire et réel (Fournier, 2016 ; Fournier et Le Bel, 2017). Les maisons d’écrivains retiennent particulièrement l’attention (Renouf et Culot, 1990 ; Seron, 1990 : 82 et suiv. ; Melot, 1996, 2005 ; Poisson, 1998 ; Fabre, 2001 ; Bonniot-Mirloup, 2016b). Autour de ces demeures se développe la notion de « patrimoine littéraire », trait d’union entre passé et présent, processus d’élaboration de références communes ancrées dans un terreau mémoriel.
5La mise en tourisme de ces lieux, devenus destinations, conjugue donc tourisme littéraire et tourisme mémoriel. La mémoire du texte, de l’auteur et du site, fidèlement décrits, fictifs ou réinventés, accompagne les pratiques spatiales et revêt dans le cas de l’Algérie postcoloniale une résonance en lien avec un « tourisme des racines » (Fourcade, 2010) – quête filiale, familiale, généalogique, identitaire à « dimension cathartique » (Savarese, 2010) que l’invitation au retour lancée, en 1999, par le président algérien Abdelaziz Bouteflika aux Français d’Algérie1, semble favoriser.
6Une expérience de tourisme littéraire camusien a d’ailleurs récemment émergé en Algérie sous forme du circuit « Sur les traces d’Albert Camus2 », créé en 2013 à l’occasion du centenaire de la naissance de l’écrivain. Le circuit proposé par le réceptif Algérie Tours longe le littoral algérien d’ouest en est, soit d’Oran à Annaba, en passant par Tipaza et Alger, et suit donc une logique géographique qui relie un des derniers lieux de vie et de création de Camus au premier, chronologie inverse de celle que nous suggérons. Notre intention est en effet de reconstituer l’assise de l’œuvre littéraire en prenant comme point de départ les origines de son élaboration. Les positionnements sont donc différents. Chacun d’eux trouve justification : la proposition Oran-Annaba relève du choix de couvrir l’ensemble des lieux signifiants de la vie et de la production de Camus sur une zone de plus de 900 kilomètres. Notre proposition (Alger-Oran-Alger) représente une distance à peu près équivalente à parcourir, mais en boucle, dans le but de revisiter les ferments d’une pensée et d’une écriture. Elle est donc à la fois plus modeste et plus ambitieuse : elle n’embrasse pas la totalité de l’espace camusien, mais part à la découverte de ce qui le fonde.
7Á ce jour, la clientèle prioritairement, voire exclusivement, visée par les concepteurs du circuit « Sur les traces d’Albert Camus », est celle des Français d’Algérie. Ce modèle de tourisme ne peut, pour le moment, s’inscrire ailleurs que dans le cadre d’un « tourisme des racines », la controverse autour de Camus demeurant vive en Algérie. En effet, si certains reconnaissent à Camus une « algérianité », donc une légitimité à être célébré en terre algérienne, d’autres la lui dénient et la dénoncent en tant qu’expression néo-colonialiste. L’histoire officielle algérienne semble se résumer à celle du FLN3 et nier toute autre mémoire, dont celle de Camus. Celui-ci n’est pas enseigné à l’école algérienne. Il est inconnu des jeunes générations – et persiste à diviser les anciennes. Ainsi, en 2010, alors que la venue à Alger d’une « Caravane Albert Camus » était organisée par le Centre culturel algérien de Paris dirigé par Yasmina Khadra, dans le cadre du cinquantenaire de la mort de l’écrivain, une pétition titrée « Alerte aux consciences anticolonialistes » était lancée pour la faire annuler – ce qui fut effectivement fait. « Misère des deux bords qui repoussent ou se disputent cet enfant du mauvais couple », écrit Kamel Daoud (2017 : 247). Ces perceptions paradoxales témoignent de la place très singulière qu’occupe Camus dans le contexte d’une relation coloniale dont la configuration est unique et les chocs en retour multiples.
8Le tourisme en Algérie est né conjointement au processus de colonisation dont il est partie intégrante, les mêmes conditions économiques, sociales et politiques générant mainmise territoriale et mise en tourisme. L’Algérie, terre de tourisme de Colette Zytnicki, paru en mai 2016, traite justement du tourisme en situation coloniale. Fortement associé au contexte d’un affrontement à ce jour non soldé, le secteur touristique algérien est encore plongé dans l’inertie et son immense potentiel, particulièrement diversifié, est peu exploité. La volonté politique affirmée de hisser le tourisme au rang de priorité nationale s’avère peu effective. En 2017, l’Algérie est classée 118e sur 136 en matière de compétitivité touristique par le World Economic Forum (WEF). Au-delà de la situation sécuritaire, de l’insuffisance de capacité d’accueil et de production de produits touristiques, au-delà aussi du déficit d’image dont souffre le pays, la société algérienne se montre réfractaire aux activités de service qui convoquent la mémoire coloniale. Ce terrain d’étude est donc particulièrement sensible. Doit-on se borner à ce constat ? Ou concevoir des possibilités d’évolution ? En ce cas, comment l’œuvre de Camus peut-elle s’y inscrire ? Et pourquoi Camus ?
9Parce que, au-delà des passions, interprétations et captations, seule « une authentique appropriation de [son] œuvre » est susceptible de « provoquer un choc de la conscience collective » (Babey, 2013 : 7), de restituer la densité de son juste projet, de resituer la vérité profonde de sa pensée, celle de la dissidence, et d’appréhender cette liberté adverse à tout parti et parti pris. Le cadre d’analyse, s’il prend racine dans le passé, parle au présent. La guerre d’Algérie (1954-1962) étend ses rhizomes dans l’actualité française et internationale formant le terreau de la montée des extrémismes identitaires : Front islamiste du salut (FIS) en Algérie au début de la décennie 1990, plus récemment Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), organisation djihadiste terroriste d’origine algérienne, dont une faction rallie Daech en septembre 2014 sous l’appellation Les Soldats du califat (Jund al-Khilafa), tandis que progresse, en France, le Front national (FN), parti d’extrême-droite, qui puise ses sources historiques dans l’Algérie coloniale (Stora, 2016 : 12).
10Notre projet s’adosse à l’œuvre littéraire dans le but d’en proposer une lecture qui est la nôtre, laquelle justifie à la fois la structuration de notre démarche de recherche et l’ordonnancement du circuit touristique conçu. La portée du projet dépasse cependant la dimension littéraire pour rejoindre les fragments de représentations d’une histoire dont la construction collective fait défaut. Ainsi l’entreprise s’inscrit dans la « bataille culturelle » prônée par Benjamin Stora (2016 : 17) : « Si l’on ne veut pas d’une guerre des mémoires, il faut mener une bataille culturelle pour connaître l’histoire, celle de la France et des pays du Sud. C’est une bataille longue, difficile, complexe, mais il n’y a pas d’autre choix. »
11Notre préalable, à visée d’abord assez globalisant, cependant continûment sous-tendu par notre objet, porte sur l’analyse des procédures qui convertissent le lecteur en touriste. Quelle motivation préside à ce déplacement entre deux espaces reliés par la conjonction du mot, de la représentation et de la valeur par lui créées ? Quels types de mécanismes sont à l’œuvre ? Comment la lecture suscite-t-elle une demande de nature touristique ? Notre approche du lecteur-touriste fait référence à la mémoire, mais aussi à la puissance de l’imaginaire qui, par le tiers narratif, éveille le désir de passage (à l’acte).
12Il nous est apparu pertinent d’aborder ainsi la présentation de notre recherche pour deux raisons : d’abord parce que la lecture précède (en principe) le voyage, elle le suscite, le motive, le justifie ; ensuite parce que le thème du passage, de la transition, de la rupture–jonction que nous nommons « l’entre-deux », la traversée de l’espace du texte à celui du territoire, de l’espace de la représentation à celui de l’expérience, fait écho à l’entre-deux que sont la vie et l’œuvre de Camus et à l’entre-deux des contextes géographique et historique qui les déterminent. Ce thème de l’entre-deux est le fil directeur de notre réflexion.
13Dans une seconde partie, nous nous attachons à tracer un itinéraire camusien sur la terre algérienne qui l’a engendré et construit sous forme d’aller-retour entre textes et lieux, poésie et paysages, et autres effets de miroir. Comment aborder et organiser un parcours qui, par sa complexité, offre de multiples possibilités d’agencement ? Notre choix, à la différence de ce qui est majoritairement proposé en matière de tourisme littéraire, porte sur une reconstitution bibliographique. L’objectif est de revisiter la genèse de l’élaboration de l’écriture de Camus.
14L’entre-deux est « une forme de coupure–lien entre deux termes, à ceci près que l’espace de la coupure et celui du lien sont plus vastes qu’on ne le croit ; et que chacune des deux entités a toujours partie liée avec l’autre. Il n’y a pas de no man’s land entre les deux, il n’y a pas un seul bord qui départage, il y a deux bords mais qui se touchent ou qui sont tels que des flux circulent entre eux. » (Sibony, 1991 : 11). La mise en relation (le lien) ne résulte pas en une fusion : en effet, « les deux parties, liées du fait de la coupure qui les sépare, ne forment pas un tout (encore moins sont-elles le tout) quand elles sont réunies » (ibid. : 17). Envisager des polarités opposées dans une même représentation, ou penser la synthèse des contraires, permet de saisir la substance de l’entre-deux. Toute élaboration littéraire y renvoie dans la traversée du réel au fictionnel et inversement. Le passage de la lecture à la pratique touristique, de l’imaginé au tangible, convoque l’entre-deux du texte, comme la vie même de Camus le nourrit.
15Comment le lecteur devient-il touriste ? Quelle nécessité le guide de l’écrit à sa source, du narratif à l’expérience, de la sédentarité au mouvement ? Quelle est la nature de ce glissement de l’espace littéraire à l’espace touristique ? Quel est cet « entre-lieux » ?
16La relation entre écrit et tourisme est historique, voire ontologique. La route et le papier sont liés par la longue tradition du récit de voyage, dont le courant néo-latin a été initié par le poète et géographe allemand Conrad Celtis avec la publication de Hodoeporica en 1502 (Stagl, 2000 : 287). Le récit de voyage, témoignage et courroie de transmission, clôt l’expérience, mais également la suscite. En position de passeur, le texte littéraire, destination de l’auteur, est point de départ du lecteur. Le même mécanisme s’observe dans tout récit, autre que de voyage mais qui y invite, en rencontrant les projections oniriques du lecteur et son aspiration à vivre le texte, à en appréhender l’acte de naissance et de déploiement dans son environnement singulier et ses résonances spécifiques à chaque sensibilité. L’ensemble crée une intertextualité, réseaux de signes et de sens, soulignant une double triangulation de circulation langagière : auteur/texte/lecteur et fictionnel/texte/réel. Le texte, espace médian, relie et sépare.
17En guise d’exemple, relisons l’incipit de « Noces à Tipasa » de Camus, premier essai de Noces écrit en 1936 et publié en 1938 : « Au printemps, Tipasa est habitée par les dieux et les dieux parlent dans le soleil et l’odeur des absinthes, la mer cuirassée d’argent, le ciel bleu écru, les ruines couvertes de fleurs et la lumière à gros bouillons dans les amas de pierres. » (Camus, rééd. 1965 : 55) De ces lignes surgit un site sacré mêlant vestiges antiques, profusion végétale, éveil spirituel et sensoriel, lieu désert et pourtant habité d’une religiosité primitive proche de l’animisme. Les dieux parlent à travers les quatre éléments (feu, terre, mer et air) dans la généreuse harmonie du don de l’instant qui lie ciel et terre, terre et mer, passé et présent, humain et divin. Le lecteur est d’emblée projeté dans la densité éclatante d’un lieu qui ne peut que fasciner, faisant jaillir images, sensations et senteurs.
18La charge émotionnelle donne existence au lieu. Désormais à la fois réel et immatériel, il est part de rêve, et de ce fait revêt une aura particulière. Cette émanation échappée du texte habite le lecteur et engendre le désir de l’expérience. Ainsi le mot met en mouvement, ouvre la voie, oriente le cheminement, d’abord intérieur, contemplatif, avant de se faire, sous certaines conditions, opératif. « Pour affronter la navigation, il faut des intérêts puissants. Or les véritables intérêts puissants sont les intérêts chimériques. Ce sont les intérêts qu’on rêve, ce ne sont pas ceux qu’on calcule. » (Bachelard, 1947 : 101). « Médiateur de désir » (Urbain, 2003 : 292) dans sa relation d’être au manque, le texte structure l’univers subjectif du lecteur. Vecteur d’attraction, il le projette vers la mise en œuvre, vers la synthèse expérimentale liée à celle vécue au fil des pages. Cohérence, non exempte de curiosité, d’éprouver dans la chair ce que l’émotion a perçu et l’imaginaire conçu. En cela, le tourisme littéraire apparaît comme un entre-deux multidimensionnel.
19Il se situe en effet à la croisée de deux formes de mobilité, celle de l’espace du « dedans », de l’intériorité, de l’entre-soi, et celle de l’espace du « dehors », de la confrontation avec la matérialité préservée ou recréée d’un lieu, d’une sensation, d’un temps révolu. Il se situe également à la convergence de la culture – littéraire, philosophique, sociale, historique, géographique – et de la mémoire. Il y a de la mémoire – à retrouver, à éprouver ou à identifier – dans le voyage littéraire, mais l’écriture n’est-elle pas, par essence, mémoire ?
20Cette mémoire questionne le rapport de la société française avec son passé colonial au prisme de l’affrontement de visions divergentes portées par différents groupes et leurs descendants : Algériens d’Algérie, Algériens de France, Français de métropole, Européens d’Algérie, Français issus de l’émigration algérienne, réfugiés ou rapatriés dont les harkis4. Sans oublier de mentionner les trois millions d’appelés du contingent, non volontaires expédiés de métropole, qui ont eu vingt ans dans les Aurès5. Ces perceptions discordantes catégorielles sont régulièrement soumises à des regains de turbulence, ainsi par exemple lors du vote par l’Assemblée nationale de la loi reconnaissant « le rôle positif de la présence française outre-mer » (Loi française no 2005-158 du 23 février 2005) ou lors de la déclaration de Claude Guéant, alors ministre de l’Intérieur : « Toutes les civilisations ne se valent pas » (4 février 2012). Dans la trame du drame historique qui a renversé la Quatrième République s’insèrent bien sûr les mémoires familiales et individuelles, autant de jalons à un parcours auquel convie l’œuvre de Camus.
21Il y a conjointement, comme précédemment évoqué, de l’imaginaire, « faculté du possible, […] puissance de contingence du futur » (Durand, 1960 : 467), qui impulse la tentation de voir, savoir, humer, goûter, bref connaître, ce que la traversée des pages a fait naître, ou renaître, en soi. Il y a enquête au sens de procédure d’investigation aux fins de contrôle et de vérification, mais aussi quête de la vérité, vraie ou falsifiée, du texte, de l’au-delà du texte, et in fine de soi-même. Le tourisme littéraire, lié au tourisme culturel, le dépasse cependant par l’ampleur de ce qu’il convoque et mobilise en termes d’introspectif et de scénographique exposés au risque du choc iconoclaste du réel. Ces franchissements successifs plongent le texte en nous, comme ils nous immergent en lui, et conduisent à franchir d’autres espaces, dans le cas présent celui de la Méditerranée, entre-deux s’il en est, du latin mare medi terra, « mer au milieu des terres », fracture des terres et des mémoires, lieu précisément où se rencontrent et se séparent les eaux.
22« Entre cet endroit et cet envers du monde, je ne veux pas choisir […] » (Camus, 1965 : 49). L’entre-deux fondateur de la pensée de Camus est présent dès ses premières œuvres sous forme d’association d’images dichotomiques : misère–soleil, mort–lumière, pauvreté–joie, unité–fragmentation… comme un fil d’Ariane dans le labyrinthe de l’œuvre. De là naîtra l’absurde.
23La vie de l’écrivain ne résume-t-elle pas cet entre-deux tensionnel ? Camus est français d’Algérie (entre-deux identitaire), auteur algérien (terre natale et, écrit-il, « vraie patrie » [p. 850]) d’expression française (langue natale), entre deux pays au croisement de l’Afrique et de l’Europe, de l’Orient et de l’Occident (ce qui soulève la question de l’appartenance, donc de la légitimité). Il est également à la croisée de deux milieux socioculturels (milieu familial et milieu dans lequel il s’élève par les études), deux conceptions de l’existence (amour de la vie, hédonisme, présence précoce de la mort – disparition du père, tué en 1914 au début de la Grande Guerre – et tuberculose dont il apprend qu’il est atteint en 1930, à l’âge de dix-sept ans), deux idéologies (sommé de faire le choix d’un camp), face auxquelles il prend le parti de l’art. Le 10 décembre 1957, dans son discours lors de la réception du prix Nobel de littérature, il se définit en tant qu’artiste et précise : « Les vrais artistes ne méprisent rien ; ils s’obligent à comprendre au lieu de juger. Et, s’ils ont un parti à prendre en ce monde, ce ne peut être que celui d’une société où, selon le grand mot de Nietzsche, ne régnera plus le juge, mais le créateur, qu’il soit travailleur ou intellectuel. » (p. 1072)
24Contre l’idéologie, Camus choisit la liberté et la justice. Contre l’opinion, par définition binaire et figée, il choisit la pensée, qui est remise en question de l’opinion. Entre deux camps qui s’affrontent – partisans de l’émancipation algérienne et partisans de l’Algérie coloniale –, il choisit celui des forces de la vie, « un attachement sans bornes à ce qui est vivant dans l’homme » (La mort heureuse, 1936-1938, publication posthume, 1971 : 200). À l’encontre d’un temps où l’intellectuel se détermine par son appartenance politique, Camus affirme son appartenance esthétique et philosophique. Esquive pour les uns, utopie pour d’autres. Ni paradoxe, ni ambiguïté, comme il a été maintes fois compris, mais tentative solitaire d’enrayer la machine de mort qui allait broyer l’ensemble du peuple d’Algérie dans sa diversité. Camus a toujours vécu en prise avec son temps : « on ne peut surtout m’accuser de refuser l’histoire, qu’à condition de déclarer que la seule manière d’entrer dans l’histoire, est de légitimer une tyrannie », écrit-il à Roland Barthes le 11 janvier 1955 (1962 : 1966-1967). Il s’engage contre le fascisme et le franquisme, contre la guerre, et dans la Résistance au cours de la Seconde Guerre mondiale.
25Il revendique, dès 1937, la liberté d’expression pour le peuple arabe et dénonce l’oppression coloniale dans « Misère de la Kabylie », série d’articles journalistiques publiés du 5 au 15 juin 1939 par Alger républicain, quotidien d’inspiration progressiste, reproduits en partie dans Chroniques algériennes 1939-1958 (1965 : 905-938). Il la dénonce encore en 1945, au lendemain des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, dans les colonnes du journal Combat (13 au 23 mai 1945) : « Sur le plan politique, je voudrais rappeler aussi que le peuple arabe existe. Je veux dire par là qu’il n’est pas cette foule anonyme et misérable, où l’Occident ne voit rien à respecter ni à défendre. Il s’agit au contraire d’un peuple de grandes traditions et dont les vertus, pour peu qu’on veuille l’approcher sans préjugés, sont parmi les premières », et il demande « de faire jouer à leur propos les principes démocratiques que nous réclamons pour nous-mêmes ». Le 22 janvier 1956, il appelle à la « trêve civile » dans l’objectif « de sauver […] des vies humaines, et de préparer […] un climat plus favorable à une discussion enfin raisonnable », entendu en cela par des Algériens proches du FLN, hué et menacé de mort par de futurs membres de l’OAS6 (Roblès, 1995 : 110-113). Mais le temps est alors aux « mains sales » (Sartre, 1948). De là à déceler un « inconscient colonial » (Saïd, 2000) chez Camus qui, certes écrit dans un contexte colonial, mais dont le propos dépasse doxas et clivages et condamne justement le joug colonial… Mais si Camus ne cesse de faire couler de l’encre et de générer des controverses, n’est-ce pas parce qu’il est inclassable ? Il échappe aux systèmes et, en cela, dérange. « Il dérange profondément et c’est sans aucun doute ce qui le rend vivant. » (Babey, 2013 : 7)
26L’entre-deux prend également place dans le questionnement identitaire qui accompagne le passage géographique et culturel entre France et Algérie. Tourisme littéraire et mémoriel se côtoient jusqu’à se confondre, porteurs de potentialités de développement touristique et de contribution à la résilience des consciences françaises et algériennes dans leur modes de penser (panser ?) l’histoire.
27Le tourisme littéraire s’organise en divers circuits (voir Neault, 2010) dont nous exposons ci-après une typologie succincte. Le circuit « biographique » inclut la visite du lieu de naissance de l’écrivain, resituant son environnement familial et social originel, le lieu où il a vécu qui est aussi lieu de création, éventuellement les endroits qu’il a fréquentés (restaurants, cafés, librairies…) si leur notoriété le justifie, et le lieu où il est enterré (Fabre, 2001 ; Melot, 2005 ; Hendrix, 2008). Le circuit « paysage littéraire » offre un maillage des sites mis en écriture. Décrits avec réalisme ou simples sources d’inspiration, ils permettent d’approcher la distorsion entre matériau et processus de création (Aitchison et al., 2000 ; MacLeod et al., 2009 ; George, 2010 ; Philips, 2011). Le circuit dit « générique » valorise la production littéraire d’un territoire. Différents auteurs issus d’un même espace sont regroupés. Ce modèle pourrait se décliner en circuits thématiques réunissant des auteurs qui appartiennent à un même courant littéraire (romantisme, naturalisme, symbolisme, surréalisme…). Festivals et salons du livre s’inscrivent également dans ces circuits touristiques littéraires (Fournier et Le Bel, 2017). Ce sont autant de façons d’aborder un itinéraire touristique camusien.
28Nous proposons une hybridation du circuit « biographique » et du circuit « paysage littéraire » tant les deux sont imbriqués, les lieux n’étant pas chez Camus de simples décors. En effet, s’y exprime pleinement le « sens des lieux » dans l’acception anglaise de l’expression sense of place qui évoque « à la fois le (ou les) sens du lieu et l’atmosphère ou l’esprit du lieu (bref le sens dans le sens de sentir et non seulement de signifier) » (Brosseau et Cambron, 2003). La sélection faite dans l’œuvre prolifique de Camus privilégie les textes qui marquent les fondements de son élaboration. Ce parcours est structuré en trois étapes dont Alger est le point de départ et de retour. À partir de la capitale, plus précisément des quartiers de Belcourt et de Bab-El-Oued, l’itinéraire conduit vers l’ouest : Tipaza, Hadjout (ex-Marengo) et Oran. Ces escales correspondent respectivement à la genèse de l’écriture (La maison mauresque, inédit 1933, et Les voix du quartier pauvre devenu L’envers et l’endroit, 1937), d’une poétique méditerranéenne (Noces, 1938), et du cycle de l’absurde (L’Étranger, 1942, premier roman, et La peste, 1947). Notre guide touristique est l’œuvre de Camus qui, en deux volumes dans la collection « Bibliothèque de la Pléiade » aux éditions Gallimard (Théâtre, récits, nouvelles, 1962 ; Essais, 1965), ancienne édition établie et annotée par Roger Quilliot, trouve facilement place dans le sac de voyage.
Illustration 1 : À partir d’Alger, l’itinéraire proposé conduit vers l’ouest : Tipaza, Hadjout et Oran
Source : Frédérique Van Celst, UMR Territoires
29Né le 7 novembre 1913 à Dréan (ex-Mondovi) au sud d’Annaba (ex-Bône), dans le Constantinois, Camus passe ses années de formation, enfance et adolescence, à Belcourt, quartier populaire ouvert sur le port d’Alger, dans un milieu pauvre et illettré. C’est là que commence le voyage, à la source évoquée par Camus dans la préface de sa première œuvre publiée, L’envers et l’endroit (1937) : « Chaque artiste garde ainsi, au fond de lui, une source unique qui alimente pendant sa vie ce qu’il est et ce qu’il dit […] Pour moi, je sais que ma source est dans L’envers et l’endroit, dans ce monde de pauvreté et de lumière où j’ai longtemps vécu […] » (1965 : 5-6). Le sombre trois-pièces au premier étage du 93, rue Mohamed Belouizdad (ex-rue de Lyon), est toujours le même par-delà le siècle écoulé. Aucune trace de la famille Camus bien sûr, mais une coïncidence : son actuel propriétaire travaille au port d’Alger, comme Meursault, personnage de L’Étranger (1942), qui, lui aussi, vivait à Belcourt. Découvrir les rues de Belcourt, s’imprégner de leur ambiance animée, colorée et chaleureuse, en explorer les environs, tout cela permet de commencer à cerner le contexte social de l’enfance de Camus qui est aussi celui de L’Étranger, sachant que Camus restera toute sa vie fidèle à ses origines ouvrières. Le lecteur-touriste est d’emblée mis en situation, plongé à la source d’une vie, d’une écriture, et de l’entre-deux où se forgent la pensée et l’œuvre de Camus « entre oui et non » (1965 : 23-30), entre lumière et obscurité. Cet entrelacs tridimensionnel – biographique, fictionnel et philosophique – orientera la construction de la suite de l’itinéraire littéraire proposé.
30Cette étape initiale inclut un détour par les lieux de formation de Camus dont la présentation est a-chronologique du fait de contraintes géographiques. Tout d’abord, l’école communale de garçons de la rue Aumerat où l’instituteur Louis Germain remarque Camus, le fait travailler en dehors des cours, intercède auprès de sa famille pour lui permettre de poursuivre sa scolarité et le présente au concours des bourses. Camus, après son prix Nobel de littérature, lui rend hommage dans la lettre qu’il lui adresse le 19 novembre 1957 : « Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j’étais, sans votre enseignement, et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. » (2000 : 371). Au bout de la rue Mohamed Belouizdad (ex-rue de Lyon), une visite au jardin d’Essai (El-Hamma) où Camus jouait enfant et aime y flâner par la suite, s’impose. Ce jardin qui s’étend en amphithéâtre, classé quatrième parmi les plus belles réserves botaniques du monde, est le point de départ d’une méditation dans La maison mauresque (1933). Il est surplombé par le Musée national des beaux-arts, lui-même dominé par la massive verticalité de béton du mémorial de l’Indépendance, qui a substitué à la botte coloniale dénoncée par Camus celle d’un nationalisme populiste qu’il aurait également dénoncé. À l’ouest du jardin d’Essai, la Bibliothèque nationale jouxte l’hôtel Sofitel.
31Une traversée de Belcourt vers l’ouest mène à la Faculté d’Alger, rue Didouche Mourad (ex-rue Michelet), première université algérienne fondée en 1901, où Camus poursuit des études de philosophie et rédige, en 1936, un mémoire sur les rapports de l’hellénisme et du christianisme, Entre Plotin et saint Augustin (1965 : 1220-1313). Pause à la terrasse du café des Facultés fréquenté par Camus. De là, le parcours vers l’ouest se poursuit jusqu’au Lycée Émir Abdelkader (ex-Bugeaud, ex-Grand Lycée d’Alger), à Bab-El-Oued, entre la Casbah et le jardin de Prague (ex-Marengo). Camus est admis, en tant que boursier, dans cette prestigieuse institution qui ne recrute que des enseignants hautement diplômés – l’historien Fernand Braudel dans les années 1920 et le géographe fondateur de l’école française de géopolitique Yves Lacoste au début des années 1950, entre autres. Camus y étudie la philosophie sous la direction de Jean Grenier. Ce long trajet à travers Alger permet de découvrir le cœur de la ville coloniale à l’architecture d’inspiration haussmannienne teintée d’orientalisme, hautes façades blanches aux fenêtres et volets outremer, entre la Grande poste de style néo-mauresque et la rue Larbi Ben M’Hidi (ex-rue d’Isly). Une promenade le long du front de mer, boulevard Che Guevara (ex-boulevard de la République), bordé d’arcades, en compagnie de « L’été à Alger », deuxième nouvelle de Noces (1938), complète cette immersion introductive.
32Départ d’Alger pour Tipaza. Les 70 kilomètres de la route panoramique de la Corniche vers Tipaza longent « la côte turquoise ». Cette côte, fortement découpée, abrite dans ses criques et ses anses les plus grandes structures balnéaires de l’Algérie, notamment le Club des pins où, outre les plages de sable fin, se trouvent le Palais des nations, Sidi Fredj (ex-Sidi Ferruch) et son théâtre de verdure derrière le fort, lieu du débarquement français en 1830, et Zeralda. En toile de fond s’allonge le djebel Chenoua, point culminant des collines du Sahel algérois. La station balnéaire Tipaza Village et à l’ouest Tipaza Matares, réalisations emblématiques de l’architecte Fernand Pouillon, sont les visages modernes de Tipaza, d’abord comptoir phénicien puis colonie romaine, classée au Patrimoine mondial par l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture) en 2002.
33En pénétrant dans Tipaza, nous allons avec Noces « à la rencontre de l’amour et du désir. Nous ne cherchons pas de leçons […] ». La parole est aux dieux, aux couleurs, aux senteurs, au « bruit de baisers », au toucher (« que d’heures passées à écraser les absinthes, à caresser les ruines »). Éveil de tous les sens dans le « grand libertinage de la nature et de la mer », dans le « mariage des ruines et du printemps », dans « l’heureuse lassitude d’un jour de noces avec le monde ». Mais la conscience « d’accomplir une vérité qui est celle du soleil et sera aussi celle de ma mort » est conjointement présente. Les premières pages de Noces contiennent les thèmes fondamentaux de l’œuvre de Camus : l’unité du monde, la jouissance de vivre et la perception de la finitude, entre-deux présent dans l’évocation du soleil qui « chauffe un seul côté du visage » (1965 : 55-58).
34La visite s’organise en deux temps : la grande nécropole avec la basilique funéraire de Sainte-Salsa, puis le parc archéologique, musée à ciel ouvert niché dans une crique rocheuse, avec « au fond du paysage […] la masse noire du Chenoua qui prend racine dans les collines autour du village, et s’ébranle d’un rythme sûr et pesant pour aller s’accroupir dans la mer ». La visite du site commence dans les pas de Camus : « ce temple dont les colonnes mesurent la course du soleil et d’où l’on voit le village entier », « cette basilique sur la colline Est : elle a gardé ses murs et dans un grand rayon autour d’elle s’alignent des sarcophages exhumés », « La basilique Sainte-Salsa est chrétienne, mais chaque fois qu’on regarde par une ouverture, c’est la mélodie du monde qui parvient jusqu’à nous » (ibid. : 55-57). Une promenade entre les vestiges – amphithéâtre, temples, basilique judiciaire, forum, villa des fresques, grande basilique, mausolée circulaire, théâtre, nymphée, fontaine publique circulaire – dans la magie et le recueillement du lieu accompagne le texte.
35La stèle érigée en hommage à Camus par ses amis en 1961 se situe sur une ligne reliant le sommet du Chenoua au tombeau de la Chrétienne (Qobr Erroumia), mausolée datant de l’époque mauritanienne. Une citation extraite de Noces : « Je comprends ici ce qu’on appelle gloire : le droit d’aimer sans mesure » y est gravée. Rappelons que Camus, tué dans un accident de voiture le 4 janvier 1960 à la sortie du village de Villeblevin dans l’Yonne, est inhumé dans le cimetière de Lourmarin dans le Luberon. La visite se termine au modeste musée constitué d’une salle et d’un patio où sont conservés des fragments de stèles puniques, romaines et chrétiennes, des urnes, céramiques, poteries, statues, et des sarcophages païens.
Illustration 2 : Stèle d’Albert Camus érigée sur le site archéologique de Tipaza
Il s’agit d’un ensemble unique de vestiges mauritaniens, phéniciens, romains, paléochrétiens et byzantins, source d’inspiration pour Camus, cadre et substance d’un des essais de Noces
Photo : Catherine Sicart
36Départ de Tipaza pour Hadjout (ex-Marengo) à douze kilomètres au sud de Tipaza dans la plaine de la Mitidja7, à la rencontre du cadre de la scène d’ouverture de L’Étranger, premier roman de Camus. Meursault, narrateur, personnage central et double de l’auteur, ainsi que quelques thèmes sont empruntés à La mort heureuse, récit sur lequel Camus travaille entre 1935 et 1938 et qu’il renonce à publier, comme en témoignent ses Carnets. Achevé en 1940, paru en 1942, la même année que Le mythe de Sisyphe, L’Étranger inaugure le « cycle de l’absurde », fondement de la philosophie camusienne. Meursault est « étranger à la société où il vit, il erre, en marge, dans les faubourgs de la vie privée, solitaire, sensuelle », écrit Camus en 1955 dans « Préface à l’édition universitaire américaine » (1962 : 1920). Meursault refuse de jouer le jeu et en cela la société se sent menacée, donc le condamne. L’annonce de la mort de la mère ouvre le roman : « Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas » (ibid. : 1125). Meursault se rend de ce fait à l’hospice de Marengo. Il y veille sa mère toute la nuit et le lendemain assiste à l’enterrement. De l’église au cimetière chrétien (cadenassé mais accessible), c’est le personnage central du roman, toujours aussi présent et pesant en ces lieux, qui est à rencontrer : le soleil, dont le rôle dans le meurtre, ci-après évoqué, sera déterminant. Retour à Tipaza.
Illustration 3 : Première de couverture de L’Étranger (1942).
Le parti pris esthétique sobre, distancié, de l’iconographie traduit le minimalisme stylistique de ce roman, annonciateur de l’« écriture blanche » conceptualisée par Roland Barthes en 1953
Source : collection personnelle
37Départ de Tipaza pour Oran, toujours en direction de l’ouest, par la route côtière historique, ou retour sur les lieux du meurtre. Nous suivons toujours les traces de L’Étranger. Le meurtre commis par Meursault, situé dans le roman sur une plage de la banlieue algéroise, est inspiré en fait par la plage de Bouisseville sur la côte oranaise où une escale est prévue. Reconstitution du meurtre à onze heures par la lecture de la fin du chapitre 6, en présence du troisième acteur du drame et principal coupable : le soleil, dont la mesure de la puissance s’exprime ici (ibid. : 1165-1166) : « Il y avait déjà deux heures que la journée n’avançait plus, deux heures qu’elle avait jeté l’ancre dans un océan de métal bouillant » ; « La brûlure du soleil gagnait mes joues » ; « C’était le même soleil que le jour où j’avais enterré maman ». Dans ce temps suspendu, c’est la brûlure solaire à laquelle Meursault tente d’échapper qui déclenche le drame : Meursault fait un pas en avant, ce qui amène l’Arabe à tirer son couteau. « La lumière a giclé sur l’acier et c’était comme une longue lame étincelante qui m’atteignait au front. » Meursault est aveuglé par l’éclat de la lame dans le soleil et par la sueur qui ruisselle sur son front. Lecture intégrale à partir de « C’est alors que tout a vacillé », pluie de feu tombée du ciel, coup de feu, mort, expression de ce que Camus nomme « le tragique solaire ». L’équilibre du monde est détruit. À la mort de l’Arabe répondra la mort du Français, condamné à la guillotine à l’issue de son procès. Double annihilation à la symbolique manifeste. Une conférence sur Meursault, contre-enquête de Kamel Daoud (2014) et/ou une projection-débat de l’adaptation cinématographique de L’Étranger de Luchino Visconti (1967) peuvent compléter cette approche.
38Camus séjourne à Oran entre janvier 1941 et août 1942 dans des circonstances difficiles et y termine la rédaction du Mythe de Sisyphe (1942). Oran semble être le lieu de l’absurde dans l’imaginaire camusien. C’est à Oran, « ville ordinaire », que Camus choisit de situer des événements « sortant un peu de l’ordinaire » (1962 : 1218), comme on peut lire dans l’incipit de La peste, paru en 1947, mais conçu dès 1939. En 1941, l’écrivain souligne le lien entre L’Étranger, qu’il considère comme le point zéro de sa réflexion, et La peste : « La peste est un progrès, non du zéro vers l’infini, mais vers une complexité plus grande qui reste à définir » (ibid. : 1928). En 1942, il ajoute : « L’Étranger décrit la nudité de l’homme en face de l’absurde. La peste l’équivalence profonde des points de vue individuels en face du même absurde. C’est un progrès qui se précisera dans d’autres œuvres. Mais, de plus, La peste démontre que l’absurde n’apprend rien. C’est le progrès définitif » (ibid. : 1928). Toujours dans la continuité de L’Étranger, La peste marque le passage de la révolte individuelle (Meursault) à la révolte collective (Rambert). La peste est, selon Camus lui-même, une transposition de la lutte contre le nazisme et, plus largement, contre toutes les tyrannies (ibid. : 1965).
39En 1939, Camus écrit (1965 : 811) « Le Minotaure ou la halte d’Oran », premier essai de L’été, dont l’épigraphe précise : « Cité heureuse et réaliste, Oran désormais n’a plus besoin d’écrivains : elle attend des touristes. » La double figure du désert et du labyrinthe traverse le texte qui peut être utilisé pour organiser la visite de la ville en gardant en mémoire l’avertissement de Camus : « Cet essai date de 1939 ; le lecteur devra s’en souvenir pour juger de ce que pourrait être l’Oran d’aujourd’hui » : le centre historique, Sidi El Houari, au nord-ouest de la ville, aux influences espagnole, ottomane et française, le fort de Santa-Cruz sur les hauteurs, le centre-ville industrieux dédié à la transaction et au commerce, et le front de mer à l’architecture représentative de l’époque coloniale.
40Retour à Alger, et dernière lecture, celle de « Petit guide pour des villes sans passé » (1965 : 845-850), quatrième nouvelle de L’été qui s’ouvre ainsi : « La douceur d’Alger est plutôt italienne. L’éclat cruel d’Oran a quelque chose d’espagnol. Perchée sur un rocher au-dessus des gorges du Rummel, Constantine fait penser à Tolède. » (p. 848). Camus s’adresse au voyageur, lui recommandant, entre autres, d’aller boire de l’anisette sous les voûtes du port d’Alger, d’y manger du poisson fraîchement pêché, d’aller écouter de la musique arabe dans un petit café de la rue de la Lyre qui mène à la Casbah (p. 849). La visite de la ville haute, comptoir phénicien et médina berbère, sur les contreforts du massif de la Bouzareah, clôt le circuit. Le séjour se termine avec la projection-débat du film Le premier homme (2011) de Gianni Amello, adaptation du roman éponyme inachevé de Camus, qui retrace l’enfance de l’écrivain (publication posthume, 1994).
41Le parcours touristique à la rencontre d’Albert Camus présenté ici est partiel. Nous l’avons en effet circonscrit aux œuvres de jeunesse – de La maison mauresque (inédit 1933) à La peste (1947) – et géographiquement, à la côte ouest. L’écriture des lieux et les textes visités recèlent cependant en germe l’œuvre camusienne. D’autres choix sont possibles et seront explorés à l’issue de cette approche initiatrice. Par exemple, la côte est, de Djemila, wilaya8 de Sétif, en Kabylie (« Le vent à Djemila », Noces) à Annaba (ex-Bône) et la basilique Saint-Augustin, premier « homme chrétien » qui succède à « l’homme grec » auquel Camus consacre une partie de son mémoire de philosophie. Un circuit « générique » peut également être envisagé autour de l’École d’Alger, ou École nord-africaine des lettres (1935-1954), qui fédère une nouvelle génération d’écrivains soucieux de promouvoir un universalisme méditerranéen.
42Cependant, la question essentielle se situe ailleurs pour l’Algérie dont le passé colonial semble entraver tout avenir touristique. Nous avons fait le choix de situer notre recherche sur une zone de faille et de turbulence – rupture des terres et des mémoires –, point de blocage exposé dans la pluralité de ses dynamiques et lectures, dans le projet de tracer les contours de ce que pourrait en être le dépassement. L’originalité de la démarche présentée tient tout d’abord à la virginité du champ d’investigation en matière de tourisme littéraire en Algérie autour d’Albert Camus, mais également aux entrées adoptées qui embrassent les diverses strates des logiques à l’œuvre aux fins d’en mettre en lumière la complexité par une approche pluridisciplinaire. La valorisation touristique de ce patrimoine littéraire algérien d’expression française peut-elle se constituer ? Et, ce faisant, contribuer au développement du tourisme algérien qui, en dépit de discours politiques réitérés, peine à se concrétiser ?
Illustration 4 : Alger. Vue de la basilique Notre-Dame d’Afrique
« Non, décidément, n’allez pas là-bas si vous vous sentez le cœur tiède, et si votre âme est une bête pauvre ! Mais, pour ceux qui connaissent les déchirements du oui et du non, de midi et des minuits, de la révolte et de l’amour, pour ceux enfin qui aiment les bûchers devant la mer, il y a, là-bas, une flamme qui les attend. » (Camus, 1965 : 850)
Photo : Catherine Sicart
43Le tourisme mémoriel occupe une place marginale en Algérie. Camus reste « l’étranger », sa philosophie étant source d’interprétations contradictoires, comme nous avons entrepris de le démontrer. L’exploitation de circuits littéraires camusiens se réalise à échelle très modeste, relevant d’initiatives individuelles et/ou associatives, et se présente comme consubstantielle à une quête des racines pour les Français d’Algérie et leurs descendants. L’œuvre fortement territorialisée de Camus est pourtant de portée universelle.
44Cependant, ces itinéraires existent, quasiment tout tracés sur le papier et dans les paysages de l’Algérie, et tant des Français que des Algériens les font vivre dans la reconnaissance de l’interdépendance historique des mémoires. Le déploiement de ces circuits touristiques dépend désormais d’un apaisement des mémoires. « Et nous sortirons tellement vivants d’accepter nos morts que notre terre se réconciliera avec nous, et nous vivrons plus longtemps que le FLN et la France et la guerre et les histoires de couple », écrit Kamel Daoud (2017 : 247). Cette cicatrisation mémorielle permettra au gisement culturel et touristique que représente l’œuvre de Camus, « lieu de la guérison car lieu du malaise », d’exister pleinement et de contribuer à enrichir la terre algérienne qui est « son royaume, malgré son exil » (ibid.).
45Sources primaires
46Camus, Albert, 1962, Théâtre, récits, nouvelles, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade ».
47Camus, Albert, 1965, Essais, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade ».
48Camus, Albert, 1971, La mort heureuse, Paris, Gallimard, coll. « Cahiers Albert Camus », no 1.
49Camus, Albert, 2000 [1994], Le premier homme, Paris, Gallimard, coll. « Folio ».
50Sources secondaires
51Aitchison, Cara, Nicola E. MacLeod et Stephen Shaw, 2000, Leisure and Tourism Landscapes, Social and Cultural Geographies, Londres, RU, Routledge.
52Babey, Stéphane, 2013, Camus, une passion algérienne, Baixas, Balzac éditeur.
53Bachelard, Gaston, 1947, L’eau et les rêves : Essai sur l’imagination de la matière, Paris, José Corti.
54Barthes, Roland, 1953, Le degré zéro de l’écriture, Paris, Seuil, coll. « Pierres vives ».
55Bonniot-Mirloup, Aurore, 2016a, « Tourisme et maisons d’écrivains, entre lieux et lettres », Via@, vol. 1, no 9, <https://viatourismreview.com/fr/2016/10/tourisme-et-maisons-decrivain/>, consulté le 18 juin 2017.
56Bonniot-Mirloup, Aurore (2016b) Imaginaire des lieux et attractivité des territoires : Une entrée par le tourisme littéraire : Maisons d’écrivain, routes et sentiers littéraires, thèse de doctorat en géographie, Université Blaise Pascal – Clermont-Ferrand II, (NNT : 2016CLF20017) <https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01517269/document>, consulté le 21 septembre 2017.
57Brosseau, Marc et Micheline Cambron, 2003, « Entre géographie et littérature : frontières et perspectives dialogiques », Recherches sociographiques, vol. 44, no 3, p. 525-547.
58Daoud, Kamel, 2014, Meursault, contre-enquête, Arles, Actes Sud.
59Daoud, Kamel, 2017, Mes indépendances. Chroniques 2010-2016, Arles, Actes Sud.
60Durand, Gilbert, 1960, Les structures anthropologiques de l’imaginaire : Introduction à l’archétypologie générale, Paris, Presses universitaires de France.
61Fabre, Daniel, 2001, « Maison d’écrivain, l’auteur et ses lieux », Le Débat, vol. 3, no 115, p. 172-177.
62Fawcett, Clare et Patricia Cormack, 2001, « Guarding Authenticity at Literary Tourism Sites », Annals of Tourism Research, vol. 28, no 3, p. 686-704.
63Fourcade, Marie-Blanche, 2010, « Tourisme des racines », Téoros, vol. 29, no 1, <http://teoros.revues.org/483>, consulté le 16 juin 2017.
64Fournier, Mauricette (dir.), 2016, Territoire en mouvement. Revue de géographie et aménagement, no 31, numéro thématique « Géographie, Littérature, Territoires », <https://tem.revues.org/3767>, consulté le 21 septembre 2017.
65Fournier, Mauricette et Pierre-Mathieu Le Bel, 2017, Itinéraire littéraire en Bourbonnais. Constitution d’un réseau de coopération pour la valorisation des patrimoines littéraires et des écrivains bourbonnais, Rapport de recherche, Clermont-Ferrant, CERAMAC [Centre d’études et de recherches appliquées au massif central], <https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01525430/document>, consulté le 21 septembre 2017.
66George, Jodie, 2010, « Writing the Mythical Landscape: An Analysis of the Poetic Devices Used in Tourism’s Promotional Literature », Transnational Literature, vol. 3, no 1, <https://dspace.flinders.edu.au/xmlui/bitstream/handle/2328/15097/bitstream;jsessionid=7E3C2749F882C6F6B94558DA8BC1A60C?sequence=1>, consulté le 16 juin 2017.
67Hendrix, Harald (dir.), 2008, Writers’ Houses and the Making of Memory, vol. 11, Londres, RU, Routledge.
68Herbert, David, 1996, « Artistic and Literary Places in France as Tourist Attractions », Tourism Management, vol. 17, no 2, p. 77-85.
69Herbert, David, 2001, « Literary Places, Tourism and the Heritage Experience », Annals of Tourism Research, vol. 28, no 2, p. 312-333.
70Hoppen, Anne, Lorraine Brown et Alan Fyall, 2013, « Literary Tourism: Opportunities and Challenges for the Marketing and Branding of Destinations? », Journal of Destination Marketing & Management, vol. 3, no 1, p. 37-47.
71MacLeod, Nicola, Deborah Hayes et Alix Slater, 2009, « Reading the Landscape: The Development of a Typology of Literary Trails That Incorporate an Experiential Design Perspective », Journal of Hospitality Marketing & Management, vol. 18, nos 2-3, p. 154-172.
72Melot, Michel, 1996, Rapport à Monsieur le ministre de la Culture. Mission de réflexion et de proposition sur les maisons d’écrivain, octobre.
73Melot, Michel, 2005, « Un nouveau pèlerinage : la maison d’écrivain », Médium, vol. 4, no 5 : 59-77.
74Neault, Chantal, 2010, « De la littérature au circuit touristique », Réseau de veille en tourisme, Chaire de tourisme Transat, ESG-UQAM, <http://veilletourisme.ca/2010/02/01/de-la-litterature-au-circuit-touristique>, consulté le 18 juin 2017.
75Nora, Pierre (dir.), 1984-1993, Les Lieux de mémoire, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des Histoires », 3 vol.
76Philips, Deborah, 2011, « Mapping Literary Britain: Tourist Guides to Literary Landscapes 1951-2007 », Tourist Studies, vol. 11, no 1, p. 21-35.
77Pocock, Douglas (ed.), 1981, Humanistic Geography and Literature: Essays on the Experience of Place, Londres, RU, Croom Helm.
78Poisson, Georges, 1998, Les maisons d’écrivain, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? ».
79Renouf, Laurence et Maurice Culot, 1990, Rapport à Monsieur le ministre de la Culture. Étude sur les maisons d’écrivains, d’artistes et d’hommes célèbres. Inventaire et proposition.
80Rieutort, Laurent et Jacques Spindler (dir.), 2015, Le tourisme de mémoire, Un atout pour les collectivités territoriales ?, Paris, L’Harmattan, coll. « Grale ».
81Robinson, Mike et Hans-Christian Andersen (dir.), 2002, Literature and Tourism: Essays in the Reading and Writing of Tourism, Londres, RU, Thomson.
82Roblès, Emmanuel, 1995, Camus, frère de soleil, Paris, Seuil.
83Saïd, Edward W., 2000, « Albert Camus ou l’inconscient colonial », Le Monde diplomatique, novembre, p. 8-9.
84Sartre, Jean-Paul, 1948, Les mains sales, Pièce en sept tableaux, Paris, Gallimard.
85Savarese, Éric, 2010. « ‘Amère patrie’ : Une note sur le retour des pieds-noirs en Algérie », Critique internationale, vol. 47, no 2, p. 77-90, doi : 10.3917/crii.047.0077.
86Seron, Jean-François, 1990, Valorisation et médiatisation du patrimoine écrit, Itinéraires autour des maisons d’écrivain, Annecy, ARALD (Actualité Rhône-Alpes du livre).
87Sibony, Daniel, 1991, Entre-deux. L’origine en partage, Paris, Seuil, coll. « Points essais ».
88Squire, Shelagh, 1994, « The Cultural Values of Literary Tourism », Annals of Tourism Research, vol. 21, no 1, p. 103-120.
89Stagl, Justin, 1995, A History of Curiosity: The Theory of Travel, 1550-1800, Londres, RU, Routledge.
90Stora, Benjamin, 2016, Les mémoires dangereuses, Paris, Albin Michel.
91Urbain, Jean-Didier, 2003 [1998], Secrets de voyage. Menteurs, imposteurs et autres voyageurs impossibles, Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot ».
92Watson, Nicola, 2006, The Literary Tourist: Readers and Places in Romantic and Victorian Britain, Londres, RU, Palgrave Macmillan.
93Watson, Nicola, 2009, Literary Tourism and Nineteenth-century Culture, Londres, RU, Palgrave Macmillan.
94World Economic Forum, 2017, The Travel & Tourism Competitiveness Report 2017, <http://www3.weforum.org/docs/WEF_TTCR_2017_web_0401.pdf>, consulté le 10 août 2017.
95Zytnicki, Colette, 2016, L’Algérie, terre de tourisme, Paris, Vendémiaire.
1 Européens vivant en Algérie entre 1830, date de la conquête de l’Algérie par la France, et 1962, date de l’indépendance de l’Algérie ; également désignés par le terme « pieds-noirs ».
2 <http://www.algerie-tours.com/programmes/circuit-traces-albert-camus.aspx>, consulté le 11 juillet 2017.
3 Front de libération nationale, engagé dans la lutte contre la colonisation française.
4 Supplétifs engagés dans l’Armée française de 1957 à 1962. Considérés comme traîtres par les Algériens du fait de leur action pro-française, abandonnés par la France lors de l’Indépendance en 1962, des dizaines de milliers d’entre eux sont exécutés.
5 Avoir vingt ans dans les Aurès, film de René Vautier, prix de la critique internationale au Festival de Cannes 1972, sur fond de censure et de polémique.
6 Organisation de l’armée secrète, faction radicale d’une partie de l’Armée et de civils pour la défense de la présence française en Algérie.
7 Plaine sublittorale agricole – principalement viticole et agrumicole – dominée par les collines du Sahel au nord et la chaîne du Tell au sud.
8 Division administrative, équivalent à un département ou à une province.
Catherine Sicart, « Tourisme littéraire en Algérie : Albert Camus, l’étranger en ses terres », Téoros [En ligne], 37, 1 | 2018, mis en ligne le 01 février 2018, consulté le 16 avril 2020.
Docteure en géographie, Centre de recherche sur les sociétés et environnements en Méditerranée (CRESEM), Université de Perpignan Via Domitia ; Département de management du tourisme, Institut d’administration des entreprises (IAE) ; [email protected]
ISSN électronique 1923-2705
Rédigé le 16/04/2020 à 15:47 dans Camus | Lien permanent | Commentaires (0)
Le livre remonte à 2006. Intitulé Le rapport de la CIA, comment sera le monde en 2020, le politologue français Alexandre Adler y décrit une pandémie qui se déclencherait en Asie et qui serait provoquée par l’Homme. L’auteur évoque «l’apparition d’une nouvelle maladie humaine virulente, extrêmement contagieuse, pour laquelle il n’existe pas de traitement adéquat» et qui «pourrait déclencher une pandémie mondiale». «Si une telle maladie apparaît d’ici à 2025, des tensions ou des conflits internes ou transfrontaliers ne manqueront pas d’éclater. En effet, les nations s’efforceront alors – avec des capacités insuffisantes – de contrôler les mouvements des populations cherchant à éviter l’infection ou de préserver leur accès aux ressources naturelles», prédisait Alexandre Adler, dans ce passage repris par un média français.
«L’apparition d’une pandémie dépend de la mutation génétique naturelle, de la recombinaison de souches virales déjà en circulation, ou encore de l’irruption d’un autre facteur pathogène de la grippe aviaire tel que le H5N1 des candidats probables à ce type de transformation, mais aussi d’autres agents pathogènes comme le coronavirus du Sras, et diverses souches de la grippe qui auraient les mêmes propriétés», ajoutait-il, en précisant que «dans un tel scénario, la maladie tarderait à être identifiée car le pays d’origine ne disposerait pas des moyens adéquats pour la détecter». «Il faudrait des semaines pour que les laboratoires fournissent des résultats définitifs confirmant l’existence d’une maladie risquant de muter en pandémie», soulignait-il.
Dans sa conjecture, Alexandre Adler parlait déjà de confinement généralisé : «En dépit de restrictions limitant les déplacements internationaux, des voyageurs présentant peu ou pas de symptômes pourraient transporter le virus sur les autres continents. Les malades seraient de plus en plus nombreux, de nouveaux cas apparaissant tous les mois» et mettait en avant «l’absence d’un vaccin efficace ou d’immunité» qui «exposerait les populations à la contagion». «Dans le pire des cas, écrit-il, ce sont de dix à plusieurs millions d’Occidentaux qui contracteraient la maladie, et les morts se compteraient par dizaines de millions. Dans le reste du monde, la dégradation des infrastructures vitales et les pertes économiques à l’échelle mondiale entraîneraient l’infection d’un tiers de la population du globe et la mort de centaines de millions d’êtres humains».
Bien que les chiffres soient exagérés, il n’en demeure pas moins que cette prédiction d’Alexandre Adler s’est réalisée, si bien que son livre a été qualifié, en son temps déjà, de «document exceptionnel, unique même», tandis que d’autres critiques y ont vu une «réflexion passionnante» et une «cartographie du futur» s’appuyant sur des «sources et des hypothèses extrêmement sérieuses».
Vingt-cinq experts internationaux ont participé à l’écriture du livre prémonitoire sous la supervision d’Alexandre Adler.
Alexandre Adler.
Par Karim B
Et quel rôle pour l’Europe ?
Voilà un ouvrage qui, sorti au mois de septembre dernier, aura défrayé la chronique et connu un beau succès d’estime lors du dernier trimestre 2005...
Médiatisé alors sous le nom de « Rapport de la CIA » et bénéficiant, là encore, d’une brillante préface d’Alexandre Adler d’une cinquantaine de pages, il s’agit là d’un vaste travail de compilation d’informations et de recherche prospective.
Et cet énorme travail a été opéré par un « think tank » étasunien effectivement en connection directe avec la centrale de renseignement américaine, avec le Pentagone et avec le Département d’Etat : le « National Intelligence Council » ou NIC (i. e : Conseil national du renseignement (www.cia.gov/nic).
Ce document -co-écrit par vingt-cinq universitaires et autres experts internationaux (et initialement dénommé « La carte du monde futur : rapport projet 2020 » )- a été élaboré dans le but de fournir des pistes de réflexions et d’actions pour les dirigeants étasuniens des quinze années à venir.
En effet, comme l’indique le sous-titre de cette édition française, il s’agit surtout là d’imaginer « Comment sera le monde en 2020 ? » tout en nous demandant, à l’instar des experts de la CIA, si (page 166) ’’l’Europe pourrait-elle devenir une superpuissance ?’’.
En effet, pour ce qui nous concerne il nous semble effectivement opportun de jeter un petit coup d’œil sur ce que ces fameux experts américains pensent pouvoir être le futur rôle de l’Europe dans le monde à venir et pour les quinze prochaines années.
Après en avoir lu et relu les quelques pages touchant de près ou de loin le sujet (pages 157 à 160, pages 163 à 171, pages 166 à 168 et pages 175 à 177), on en retiendra donc principalement les points suivants :
Par delà les éventuelles turbulences événementielles à venir, l’Europe y est surtout décrite comme une « puissance vieillissante » sur le déclin (page 157).
Une Europe ’’sur le déclin’’ puisque subissant des mutations démographiques aux conséquences évidentes -bien que prévisibles- pour ses structures sociaux-économiques.
(Dans un monde des années 2020 comptant près de 7,8 milliards d’individus mais dont les populations réunies d’Europe -communautaire ou non- et de Russie ne représenteront qu’environ 10 à 15% seulement de la population mondiale...).
Ainsi les auteurs pointent du doigt (page 166) les grands déséquilibres structurels existant, aujourd’hui, entre actifs « cotisants » et non-actifs « allocataires » d’un État providence à présent au bord de la faillite du seul fait de l’arrivée à l’âge de la retraite de la génération née lors du « baby boom » (mais non remplacée sur le marché du travail par des effectifs au moins comparables).
C’est pourquoi ils appellent à la redéfinition du « pacte social » et à la rédéfinition de cet « État providence » unissant aujourd’hui les sociétés européennes, au risque de les voir -sinon- glisser de l’impuissance vers la crise, puis de celle-ci vers la faillite, voire la désintégration...
Parmi les remèdes qu’ils préconisent, deux solutions qui feront grincer bien des dents dans nos sociétés conservatrices : recourir à davantage de flexibilité sur le marché du travail et accueillir davantage d’immigration légale (pour combler les emplois laissés vacants par les prochains départs en retraite...).
Au-delà de ces premiers -mais décisifs- défis structurels et politiques, les auteurs voient néanmoins l’Europe conserver un pouvoir d’influence non négligeable dans le monde multipolaire du tout début des années 2020.
Et ce, pourvu qu’elle puisse donc réformer son pacte social, pourvu qu’elle puisse toujours accompagner (voire précéder...) le rythme des grandes innovations technologiques, pourvu qu’elle conserve son aptitude à forger des liens forts avec la Russie (avec laquelle elle pourraît négocier un partenariat énergétique fructueux...) (Cf. pages 170 et 171) ainsi qu’avec le Monde « eurasiatique » (i. e : la Turquie) et avec l’ensemble des pays de la « rive sud » du monde méditerranéen.
Mais aussi (ce qui nous intéresse davantage ici...) pourvu qu’elle puisse continuer de pousser son approfondissement institutionnel « par la rationalisation de son processus de décision trop compliqué » (page 168).
Et ce : tout en sachant se dôter d’une « vision stratégique cohérente et partagée » (page 158) ainsi que -pourquoi pas- d’une Armée européenne, par la rationalisation et la coordination de ses dépenses militaires (page 159).
Ainsi, l’Europe ’’unie’’ pourrait fournir un modèle de gouvernement « ouvert » et « démocratique » au reste du monde ainsi qu’aux nouvelles puissances émergentes (page 159) : une ’’solution de rechange’’ (mais néanmoins toujours ’’occidentale’’) à leur très probable refus politique d’une dépendence davantage encore prolongée à l’égard des États-Unis d’Amérique.
Et c’est dans ce cadre que les auteurs voient enfin l’Europe surmonter ses dernières réticences vis à vis de la Turquie, s’impliquer davantage encore dans le processus de paix israélo-palestinien et dans la stabilisation politique de « l’arc de crise » des anciennes républiques ex-soviétiques et du monde arabo-musulman (pages 175-176-177).
Mais les auteurs ne cachent pas que la réalisation de ce scénario plus ou moins optimiste passe d’abord, à leurs yeux, par de profondes réformes sociales et comportementales incontournables.
Faute de quoi, les pays d’Europe seront « confrontés à une période de stagnation économique prolongée » qui pourrait (page 160) menacer les « immenses acquis » (sic) résultant de l’actuel processus de construction européenne.
Pour l’heure, ne retenons donc que le scénario « rose » qui nous est ici proposé en ayant la conscience claire des défis politiques et sociaux qui nous attendent pour aller vers une mondialisation, si possible, moins malheureuse...
Car -attention (et c’est d’ailleurs -là- la morale évidente et le sens profond de cet ouvrage...)- le monde qui vient, pour multipolaire qu’il soit, ne s’annonce néanmoins pas comme un monde particulièrement calme ni appaisé.
Car, entre affirmation de la puissance étasunienne, contestation révolutionnaire islamiste et montée en puissance de ’’nouveaux géants’’ politiques économiquement dynamiques (Chine, Inde, Brésil, Indonésie, Russie, Indonésie, Afrique du sud, etc), ce XXIème siècle qui se profile devant nous s’annonce vraiment difficile pour toute société fragile qui serait, décidément, incapable de se réformer.
Et ce -qu’on y souscrive ou pas- dans la mesure où (de toute façon et quoi qu’il advienne véritablement...) c’est précisément ce diagnostic là qui guidera l’action -à l’égard du monde en général et à l’égard de l’Europe en tout particulier- des prochaines administrations présidentielles étasuniennes qui seront amenées à, prochainement, se succéder à la « Maison blanche »...
Sources : « Le Rapport de la CIA : Comment sera le monde en 2020 ? », un ouvrage paru en septembre 2005, aux éditions Robert Laffont (270 pages).
Commander sur Amazon : Le Rapport de la CIA : Comment sera le monde en 2020 ?
Ancien Rédacteur en chef du Taurillon, ancien membre du bureau national et des « Jeunes Européens Rouen », Membre du Comité dé rédaction de Fédéchoses
, par Ronan Blaise
Rédigé le 15/04/2020 à 22:36 dans Covid-19 | Lien permanent | Commentaires (0)
Le professeur Didier Raoult, infectiologue de référence mondiale, a affirmé, ce mardi, que l’épidémie du coronavirus était en train de disparaître progressivement. Evoquant l’évolution de la situation en France, le chef du service infectiologie au centre hospitalier de la Timone à Marseille a affirmé que 368 nouveaux cas étaient enregistrés par jour au pic de l’épidémie et que ce chiffre est descendu à 60-80 nouvelles contaminations. «Il y a donc une diminution très significative du nombre de cas détectés et encore plus significative chez les gens qui viennent se faire détecter alors qu’ils sont asymptomatiques», a précisé le médecin français auquel le président Macron a rendu visite récemment dans la ville phocéenne.
«Il est possible – c’est une des possibilités que j’avais évoquées parmi d’autres – que l’épidémie disparaisse au printemps et que d’ici quelques semaines il n’y ait plus de cas pour des raisons qui sont extrêmement étranges», a souligné le professeur Raoult, en précisant que ce sont là des «choses qu’on a l’habitude de voir dans la plupart des maladies virales respiratoires». «Donc, c’est assez banal», a-t-il dit. «Si on essaye de replacer ça dans le cadre des épidémies, on constate que s’agissant des crises sanitaires d’été, comme la canicule de 2003, on peut les détecter très aisément, c’est une proposition que j’avais faite lorsque j’ai présenté un rapport au ministère de la Santé mais la Direction générale de la santé n’avait pas voulu en tenir compte.»
«Si on essaye de voir, si là, actuellement, la crise sanitaire a une incidence sur la mortalité en France, la réponse est non», a indiqué le professeur Raoult, selon lequel les crises sanitaires qui, pendant l’hiver, jouaient une différence significative se situent en 1997, 2000, 2009 et 2017, mais on est très loin, si on cumule les mois de décembre à mars de la crise sanitaire de 2017 où il y avait énormément de grippe H3N2, il se trouve que cette année, il y a eu beaucoup moins de grippes et beaucoup moins de VRS (virus respiratoire syncytial, ndlr), ce qui fait que la mortalité liée à ce nouveau virus n’est pas visible significativement dans l’ensemble de la population».
«Bien entendu, il y a d’autres phénomènes, c’est multifactoriel, mais j’avais prédit que cette crise sanitaire ne modifierait pas l’espérance de vie des Français, pas plus qu’en Chine d’ailleurs où 3 000 ou 4 000 morts ne modifient pas l’espérance de vie de plus d’un milliards de Chinois», a expliqué l’infectiologue pour lequel «c’est bien de faire face aux crises sanitaires, à condition de les gérer sans angoisse et sans inquiétude en étant le plus professionnel possible».
L’épidémie du coronavirus étant de portée internationale, ce qui vaut pour la France vaut aussi pour tous les pays touchés par ce germe pathogène qui a chamboulé le monde et semé la panique sur l’ensemble de la planète.
N. D.
avril 15, 2020
Rédigé le 15/04/2020 à 22:17 dans Covid-19 | Lien permanent | Commentaires (0)
Bouazza, Lachkhem et Zeghmati ont fait de l'Algérie une prison à ciel ouvert. PPAgency
Wassini Bouazza arrêté, Belkacem Zeghmati interdit de quitter le territoire national, Abdelkader Lachkhem sur la sellette. Le trio maléfique, résidu du règne chaotique de Gaïd-Salah et le clan qu’il a enfanté, est en train de s’effondrer comme un château de cartes. Les trois individus seront bientôt suivis par d’autres fonctionnaires et officiers supérieurs de la même engeance, au premier rang desquels le général Amar Boussis, directeur de la justice militaire qui, du haut de ses quatre-vingts ans, par peur de perdre son siège auquel il est rivé depuis des lustres, est le parangon par excellence de l’avachissement et de l’apathie. Mais qui sont ces «meneurs» de cette loge secrète qui a juré que jamais l’Algérien ne devra vivre libre et heureux dans son propre pays ?
Transfuge de la défense aérienne du territoire, rien ne prédisposait le général Wassini Bouazza à atterrir dans la très spéciale direction de la sécurité intérieure, sinon son dévouement intéressé à l’ancien chef d’état-major de l’armée, l’obtus Gaïd-Salah dont la mission prioritaire consistait à réduire à néant l’ex-DRS qui hantait ses nuits tant que le général Toufik présidait à ses destinées. Wassini Bouazza a appris de son mentor la méthode brutale, alliant menaces, intimidations, répression, enlèvements, fausses accusations, compromissions et chantage. Il aura marqué de son empreinte maculée les services secrets algériens en une année de règne durant laquelle il aura détruit une réputation qui remonte à la glorieuse Guerre de libération, lorsque les aînés ont créé le redoutable MALG sous la direction du génie Abdelhafid Boussouf.
Les arrestations de militants pacifiques du Hirak, les procès ubuesques et les verdicts fantasques, c’est lui. Ripoux, inapte, comploteur et vil, le général Wassini Bouazza est l’incarnation de toutes les tares que le noble métier de soldat abhorre et bannit. Jamais une arrestation n’a provoqué une joie aussi largement partagée, non seulement parmi les citoyens mais, surtout, dans les rangs mêmes de l’institution et des services de renseignements enfin débarrassés d’une souillure qui a sali l’image de la très respectée Armée nationale populaire.
Autre plaie aux Tagarins, le directeur central des transmissions, le général Abdelkader Lachkhem. Acolyte du désormais ex-patron de la sécurité intérieure, il a fait de la chasse à l’homme sur les réseaux sociaux son activité de prédilection depuis que Gaïd-Salah lui a confié la délicate tâche de cyber-défense. Une tâche qui, au demeurant, dépasse ses compétences restées figées à la gestion des fréquences hertziennes qu’il a acquises il y a de très longues années. Dépassé par les nouvelles technologies et doublé par une génération montante qui jongle avec les outils modernes de communication, son rôle se limite à traquer sur la Toile tout citoyen qui rendrait caducs les bobards des chaînes privées jusque-là à la solde de Wassini Bouazza, en révélant à l’opinion publique ce que leur cache la machine de propagande mise en place par ces apprentis dictateurs.
Abdelkader Lachkhem a installé un élevage de moucherons pour infester les réseaux sociaux et manipuler la population en semant le mensonge, la calomnie, l’insulte et l’infamie devenus, depuis que l’arme de l’Internet lui a été confiée, l’embrun aveuglant par lequel il croyait pouvoir abuser une jeunesse intelligente qui le dépasse d’une tête. Impliqué à fond dans le dossier des télécommunications qui a conduit l’ancienne ministre Houda-Imane Feraoun devant le juge, il sera rattrapé par les affaires scabreuses dans lesquelles il est mouillé jusqu’au coup et terminera ses jours très certainement derrière les barreaux.
Quant à Belkacem Zeghmati, ceux qui ont conseillé à Gaïd-Salah de le charger du portefeuille de la Justice connaissent bien le bonhomme. Ils le savent corvéable à merci, discipliné et docile. Sa désignation en qualité de garde des Sceaux s’est faite après que son prédécesseur eut refusé de se soumettre au diktat des militaires et d’exécuter les injonctions illégales des tenants réels du pouvoir au lendemain de la déchéance de Bouteflika. Le rappel de Zeghmati était motivé par sa structure pliable. On l’a vu courber l’échine, lui le ministre, devant un vice-ministre qui lui ordonnait d’«aller jusqu’au bout», en ayant pour seule réponse pavlovienne et coulante, dans la langue de Molière, lui le «badissiste» partisan de l’arabité : «Mille mercis !» en ajoutant de façon inaudible, en bon ventriloque : «Chef !»
Belkacem Zeghmati s’est fait connaître dans l’affaire Chakib Khelil lorsque l’ancien patron de l’ex-DRS, le général Toufik, avait découvert le pot-aux-roses et en avait informé Bouteflika. Ce dernier, conscient de la gravité des faits reprochés à son ami d’enfance, avait décidé de le limoger mais en lui évitant des poursuites judiciaires. Le général Toufik commit alors l’erreur d’en référer au ministre de la Justice de l’époque, Mohamed Charfi, sans en aviser le Président, lequel Charfi transféra le dossier au procureur général près la cour d’Alger, Belkacem Zeghmati en l’occurrence. Les deux hommes seront limogés, tandis que le général Toufik sera jeté en pâture à l’irascible et fruste chef d’état-major qui attendait, haletant, qu’on lui offrît enfin l’occasion de massacrer sa bête noire.
Nommé à El-Biar, siège du ministère de la Justice aux allures de mosquée, l’homme à la dermatose dévotionnelle ostentatoire sur son front dégarni s’est vite mis au sale boulot, légitimant sans retenue et avec une ferveur extatique l’emprisonnement de centaines de jeunes manifestants pour des motifs fallacieux. Il aura été le ministre de la Justice le plus exécré depuis Tayeb Louh, dont les péchés paraissent bien moins inexpiables.
A. S
avril 14, 2020
Rédigé le 15/04/2020 à 17:53 dans Alger | Lien permanent | Commentaires (0)
Rédigé le 15/04/2020 à 17:36 dans Covid-19 | Lien permanent | Commentaires (0)
Une avancée de plus dans le travail de mémoire. Le gouvernement français a ouvert l'accès à une centaine de dossiers d'archives sur les disparus de la guerre d'Algérie (1954-1962), selon un arrêté paru au Journal Officiel repéré par le journal L'Essor de la gendarmerie.
Cet arrêté publié dimanche prévoit la libre communication de dossiers sur les disparus du conflit, actuellement conservés aux Archives nationales.
Ces dossiers ont été établis par la « commission de sauvegarde des droits et libertés individuels », précise l'arrêté. Cette commission, créée en mai 1957 par le président du Conseil Guy Mollet, avait pour mission d'enquêter sur la réalité de la répression militaire et sur l'existence de tortures et de disparitions durant la bataille d'Alger (janvier-septembre 1957).
Depuis le début de son quinquennat, le président Emmanuel Macron a mené plusieurs actions mémorielles pour tenter de guérir les blessures que traîne la société française depuis la guerre d'Algérie.
Il a notamment honoré les harkis, ces combattants algériens ayant servi la France puis qui ont été abandonnés par Paris dans des conditions tragiques. Il a aussi reconnu que Maurice Audin, mathématicien pro-indépendance disparu en 1957, é tait bien « mort sous la torture du fait du système institué alors en Algérie par la France ».
En septembre 2018, le chef de l'Etat français s'était également engagé à garantir « la libre consultation » des archives concernant les disparus civils et militaires, français et algériens, du conflit.
L'ouverture de ces archives « va permettre d'approfondir la connaissance de cette période car il y a encore beaucoup de mythes sur la guerre d'Algérie », salue l'historien Benjamin Stora dans un entretien à L'Essor.
Rédigé le 14/04/2020 à 20:55 dans Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
Aujourd’hui nous avons la peste, ou plutôt le Covid-19 provoqué par le SARS-CoV-2, - à croire que même les virus se convertissent à l’informatique -, et y perdent la simplicité des mots que l’on garde en mémoire et qui fondent les mythes. Tout le monde connait « la peste ». Qui se souviendra longtemps de cette saloperie de SARS-CoV-2 ? Il faut dire que ce sont les hommes qui nomment leurs malheurs, leurs peines et leurs joies. Et ces hommes, actuellement ont une fâcheuse tendance à « barbariser » la langue en la convertissant au numérique. Ce numérique ne le diabolisons pas trop quand même. C’est grâce à lui aussi que nous vous écrivons, que nous poursuivons une partie de nos activités, et que demain, peut-être il contribuera à nous soigner, à nous dépister et à nous alerter. La langue numérique, comme toute langue, est, comme disait Esope, la pire et la meilleure des choses. Ce sont les hommes qui en décident ainsi, qui en font la meilleure ou la pire des choses. A force de numériser le monde pourrions-nous nous voir condamnés à ne nous mouvoir que dans ses sphères digitales ? Serions-nous condamnés à mourir infectés par cette petite merde monocaténaire de forme elliptique mesurant en moyenne de 60 à 140 Nm ou voués à ne vivre que comme des hikikomori japonais dans nos écrans numériques ?
Mais, les hommes, les humains comme on dit aujourd’hui, sont sur le front de l’épidémie. Ils y pratiquent leurs métiers. Ce ne sont pas des héros, ce sont des hommes de métiers, des hommes « honnêtes », admirables comme il en existe au cours des tragédies de l’histoire humaine. On se souvient de La Peste d’Albert Camus, du Dr Rieux faisant face au mal qui frappe la ville d’Oran et qui répond à la question du « courage », de « l’héroïsme » et de l’« honnêteté » par la simple, la vraie, l’exigeante éthique du métier : « c’est une idée qui peut faire rire, mais la seule façon de lutter contre la peste, c’est l’honnêteté. […] Je ne sais pas ce qu’elle est en général. Mais dans mon cas, je sais qu’elle consiste à faire mon métier. »
Aujourd’hui, le gouvernement voudrait faire de tous ces travailleurs des « héros ». Comme le rappelle opportunément Marie José Del Volgo : « il est dangereux de faire endosser aux soignants le costume du héros ». Et puis, est-ce si « honnête » ? Ces pouvoirs qui, depuis plus d’une décennie, s’efforcent de faire l’éloge de l’éthique entrepreneuriale de l’entreprise, vantent les mérites des « premiers de cordée », déplorent tous ces pauvres, ces « gens de rien » qui « coûtent un pognon de dingue », imposent une logique austéritaire aux hôpitaux, aux systèmes éducatifs et de recherches, aux services d’information et de culture, aux institutions de justice et d’accompagnement social. Si aujourd’hui le pouvoir élève à la dignité de « héros » tous les hommes et toutes les femmes de métiers, c’est bien qu’il a beaucoup à se faire pardonner, beaucoup de choses à nous faire oublier ! Demandez aux RASED, demandez aux chercheurs, aux soignants que les gouvernants appellent aujourd’hui à applaudir comme les « héros » du soin et sur lesquels ils jetaient naguère leurs meutes de robocops.
Hier, la France populaire était dans la rue pour préserver un système de retraite par répartition dont on nous annonçait en vociférant d’un doigt menaçant qu’il serait en déséquilibre de 17 milliards d’euros sous peu. Ne parlons même pas des Cassandre qui annonçaient la fin du monde parce que le déficit de la sécurité sociale allait atteindre 4 milliards. Ne parlons même pas du point d’indice des fonctionnaires, du gel et de la CSG des retraités, ni des salaires de misère des « héros » sans lesquels aujourd’hui nous serions plongés dans le dénuement. C’est étonnant, ces « petits » milliards qui ont coûté des mains arrachées, des visages éborgnés, des peurs et des souffrances, du temps perdu, ils pèsent peu au temps des catastrophes. Aujourd’hui, et on doit s’en réjouir, Bruno Lemaire, bien plus intelligent que la moyenne des ministres LREM, « arrache » plus de 500 milliards et promet de doubler la mise pour relancer l’économie française mise à terre, non par des revendications salariales… mais par un petit virus, une saloperie de petit virus qui cause de bien des morts, bien des décès, bien des souffrances, la perte de nos libertés, au premier rang desquelles la possibilité de nous déplacer. Si un petit virus, une petite merde d’ARN mal fagoté, mais anthropophage, parvient à désorganiser la planète, à produire plus d’épouvante que les terroristes, à mettre à terre une économie néolibérale globalisée que les mouvements politiques et sociaux n’étaient pas parvenus à ébranler, quel monde avons-nous construit ? Quel monde avons-nous laissé se construire sans nous ?
Ce petit virus tueur a mis en évidence l’indigence des politiques de santé. Et, aujourd’hui en France le « ressentiment » est lourd et profond. Depuis au moins trois quinquennats les fondés de pouvoir du néolibéralisme, ci-devant présidents de la République, ont contribué à « casser » les services publics en les soumettant aux régimes d’austérité et de privatisation mondialisé. Le mépris de ces administrateurs de l’économie néolibérale pour « leurs » fonctionnaires et leurs services d’Etat a été tel que la France qui était dotée, en 2000, du meilleur service de santé au monde s’est trouvée rétrogradée à un niveau fort « passable » dans les comparaisons européennes. Ce qui explique que nous ayons dix fois plus de morts du Covid-19 que l’Allemagne, par exemple. Nous avons, en partie, externalisé la production de masques, celle des réactifs chimiques des tests de dépistage, fermé les usines de fabrication de bouteilles d’oxygène… et j’en oublie ! Du coup, à la légitime préoccupation sanitaire de limiter la propagation d’un virus très contagieux, le portrait type du tueur de l’humanité prévu de longue date, s’ajoute, voire prévaut, la nécessité de « soigner » les carences produites par les politiques gouvernementales qui, depuis près de quinze ans, taillent dans les effectifs de nos système de santé. L’Allemagne a deux fois plus de lits de réanimation, par exemple, par nombre d’habitants que la France. Près de 100 000 lits hospitaliers ont été fermés en France ces dernières années pour « économiser » sur le budget public ! Résultats des courses, nous sommes confinés, non seulement pour limiter la propagation du virus mais aussi pour « masquer » les défaillances des politiques de santé.
Au lieu de nous dépister, les dirigeants nous invitent à fabriquer des masques artisanaux, masques qu’ils nous déconseillaient naguère, faute d’avoir anticipé, prévu de protéger des stocks de matériel médical, des ressources de « guerre ». Ces « stocks » de masques liquidés, abandonnant aux entreprises le soin de s’en charger. Soyons charitables, évitons d’évoquer le cas de cette ministre de la santé qui avait tout prévu mais n’a rien fait. Ou l’irresponsabilité de ceux qui ont abandonné notre indépendance nationale en matière de sécurité sanitaire en délocalisant la fabrication de matériel médical de première nécessité. C’est ainsi que nous sommes devenus dépendants de la Chine pour des approvisionnements essentiels et de la charité allemande pour pallier à nos manques de lits de réanimation. Non sans révéler une pitoyable lâcheté nationale ayant conduit à abandonner l’Italie à son triste sort par ceux-là même qui quelques temps auparavant, les larmes dans la voix ou le courroux en bandoulière, lui donnait des leçons de solidarité européenne !
Nous sommes en proie à l’univers de la peste, à l’empire des souffrances qu’elle provoque, aux malheurs qu’elle engendre, aux paniques qu’elle appelle, aux recompositions sanitaires, géopolitiques et sociales qu’elle exige. La vulnérabilité que chacun éprouve aujourd’hui le rend plus humain, plus égoïste aussi. Il y a les gestes de solidarité. Il y a aussi les vols de vautours et le pillage des hyènes. Il y a ceux ou celles qui te donnent un masque parce qu’ils te pensent « personnes à risques ». Il y a ceux qui volent les gels hydro-alcooliques ou les masques des soignants pour eux-mêmes ou pour leurs « marchés noirs », noirs comme leurs âmes, mercantiles comme leurs vies. Les salauds ressemblent à leur époque, les gens bien, aussi. Il y a aussi la révélation des inégalités, ceux qui bronzent autour d’une piscine et ceux qui s’entassent dans une pièce exigüe. Il y a le plaisir et puis aussi la haine.
Dans tous les cas, la crainte, la peur, l’extrême solitude à l’autre bout de moi ou dans le confinement des autres. Comment une fois encore, ne pas citer Camus : « les familles pauvres se trouvaient ainsi dans une situation très pénible, tandis que les familles riches ne manquaient à peu près de rien. Alors que la peste, par l’impartialité efficace qu’elle apportait dans son ministère, aurait dû renforcer l’égalité chez nos concitoyens, par le jeu normal des égoïsmes, au contraire, elle rendait plus aigu dans le cœur des hommes le sentiment de l’injustice. Il restait, bien entendu, l’égalité irréprochable de la mort, mais celle-là, personne ne voulait. »
On l’aura compris, je suis en colère. Je suis en colère car depuis 2009 l’Appel des appels lance des mises en garde auprès des responsables politiques et de l’opinion publique. A quelques rares exceptions, près nous n’avons jamais été entendus, et lorsque nous étions écoutés c’était bien souvent à la veille d’une échéance électorale. Aujourd’hui la catastrophe sanitaire, sociale et économique que nous traversons exige que nous puissions être écoutés et entendus, exige que l’on reconsidère l’utilité sociale des métiers et la valeur de tous ceux qui les exercent. Il faut une fois pour toutes jeter à la poubelle de l’histoire les impostures des grilles d’évaluation ou contraindre ceux qui les fabriquent à aller directement en faire usage eux-mêmes sur le front de l’épidémie.
Faute de quoi, nos démocraties seront balayées lors des prochaines pandémies. Nous ne cessons de le répéter depuis plus de dix ans, le programme de restauration des sociétés européennes est toujours celui de la Déclaration du Bureau International du Travail en mai 1944 à Philadelphie : investir dans la santé, l’éducation, la culture et la justice. Au lieu de les imputer dans la colonne des déficits, il vaudrait mieux les aligner dans celle des investissements ! Faute de quoi l’économie dont se gargarisent les Bouvard et Pécuchet du néolibéralisme sera « dans les choux ». Aujourd’hui elle s’en approche et on ne saurait s’en réjouir. Aujourd’hui nous redécouvrons l’économie réelle, celle des services et des entreprises répondant véritablement aux besoins des citoyens, à leurs désirs aussi. Mon ami Bernard Maris me l’avait dit, « on redécouvre Keynes dans les Grandes Ecoles ». Il était temps.
Laissons encore à Albert Camus et à son double, le Dr Rieux, le mot de la fin, celui de l’espoir : « Bien entendu, un homme doit se battre pour les victimes. Mais s’il cesse de rien aimer par ailleurs, à quoi sert qu’il se batte ? ».
Rédigé le 14/04/2020 à 20:02 dans Covid-19 | Lien permanent | Commentaires (0)
Le scientifique français Didier Raoult, précurseur du traitement à base de la chloroquine contre le Coronavirus, a rendu un hommage particulier au professeur algérien Idir Bitam. Didier Raoult a adressé ses remerciements dans un tweet publié samedi 11 avril, au médecin algérien qui dirige un laboratoire intégré à l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) en Algérie, ainsi qu’à trois des ses collaborateurs africains.
En effet, dans un message posté sur son compte Twitter, le Pr. Didier Raoult a tenu à remercier le professeur Idir Bitam pour le travail fourni dans le domaine de la médecine. Ce dernier qui occupe le poste d’enseignant-chercheur permanent à l’Ecole Nationale Supérieure Vétérinaire d’Alger, est à la tête du laboratoire intégré à l’IHU en Algérie.
Didier Raoult a rendu également à travers le même message, un hommage à l’épidémiologiste et biologiste sensualiste sénégalais Cheikh Sokhna, chef d’équipe à l’IHU Méditerranée Infection à Marseille et aux professeurs Mboup et Muyembe qui font partie du Conseil scientifique du même institut. Le directeur de l’IHU Méditerranée Infection a réaffirmé par la même, les liens affectifs qui l’unissent au continent africain, terre de sa naissance.
Rédigé le 14/04/2020 à 13:27 dans Covid-19 | Lien permanent | Commentaires (0)
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