Cérémonie du 19 Mars 1962 58ème anniversaire du cessez-le-feu de la Guerre d'Algérie
QUI SE SOUVIENT DES « MARSIENS » de 1962 ?
Pour cette période, de 1954 à 62 et seulement du côté algérien, certains actes restent à élucider. Les 7 années présidées d’une mobilisation populaire, que de hauts faits d’armes jalonnent, ont sûrement aussi quelques péripéties confuses, inexplorées et stériles. Les déchirements irréversibles que toutes les guerres renferment, ont été honteusement commis et sont souvent cachés. La plus manifeste des grossièretés, pour l’Algérie, est le déferlement, COMME DES ENVAHISSEURS, des « marsiens ».
En effet à la veille des accords d’Evian du 19 mars 1962, notamment depuis le début de la même année, sont apparus de nouveaux militants de la cause nationale. Appelés les « marsiens » (en rapport avec le 19 mars), parce qu’ils ont montré amplement leur engagement pendant les 3 derniers mois (du 19 mars au 5 juillet 1962). Des groupes d’opportunistes ont, sur le tard, pris le taureau par les cornes. Ils se sont manifestés, quand le voisin marocain a envahi l’ouest du pays avec sa menaçante convoitise d’expansion…
Auparavant, les « marsiens » étaient indifférents, c’est-à-dire sans positionnement dans le conflit. Et même nombreux d’entre eux, optant pour un retournement de veste, sont passés d’opposés à la libération à directement son combattant du premier rang. La conversion fut à grande échelle. Les "neutres" ont fait subitement leur conversion, soutenant la cause nationale après avoir été douteux.
MARS 1962: CEUX QUI ONT PRIS LE TRAIN AU TERMINUS
Déjà 58 ans depuis cette fameuse journée du 19 mars 1962. Je me rappelle de cette journée, comme si c’était hier. Des faux fédayins et faux moudjahidine, se sont montrés à partir de cette journée, Hadj Miloud qui n’a jamais participé à la lutte Révolutionnaire, sort de chez lui vêtu d’une tenue kaki, et un vieux pistolet 6/35 sur sa ceinture ainsi qu’un brassard vert blanc rouge se faisant passer pour un patriote. Abdelwahab, lui il accrocha une grenade à lacrymogène dans sa ceinture et fera le policier… D’autres se sont montré carrément avec des tenues léopards, qu’ils avaient achetées auprès de soldats français qui se préparaient au départ. Ils sont des centaines, des milliers comme Hadj Miloud, ces personnes, cette pourriture, cette vermine est allée au quartier Européen à la quête de villas quand les occupants pieds noirs terrorisés ont tout abandonné derrière eux en prenant le premier bateau.
Alors les 19 mars, c’est comme ça qu’on les appelait, ont occupé les villas des pieds noirs en faisant main basse sur tous les biens et argent laissés au nom de la Révolution. Pendant que les patriotes algériens et les vrais moudjahidines, dansaient sous les divers rythmes de la zorna , de la flute de Cheikh hamada , le chant kabyle de Cherifa et la chanson patriotique ‘’ Nar Listiimar’’ de Mohamed Guendil l’Egyptien ,de la poèsie de Mohand Mohand et Cherif Kheddam. Oui pendant qu’on fêtait le cessez-le-feu, une vraie pourriture d’usurpateurs s’adonnait jours et nuits à s’introduire dans les maisons des pieds noirs, à voler tous les biens.. C’était comme au 11 décembre 1960, quand le peuple algérien est sorti de son propre chef, dans la rue face aux blindés et paras de Bigeard et du 3ème REP, d’autres pourritures ont profité de casser les serrures des magasins des algériens pour s’accaparer de tout en accusant les soldats français d’être derrière ce coup.
Cette pourriture a vu le jour le 19 mars 1962, dans toutes les villes d’Algérie, à Mostaganem, à Oran, à Alger à Annaba, à Constantine, à Blida, à Orléanville, à Philippeville, à Tlemcen,….Mais Rappelons-nous, que c’est le patriote Benyoucef Benkhedda qui a annoncé la nouvelle du Cessez-le-feu sur les ondes de la Radio Nationale Tunisienne. Benkhedda comme son équipe du GPRA, des vrais politiciens chevronnés, reconnus par le Général De Gaulle, vont vivre cette indépendance comme un drame, puisqu’en juillet 1962, Ben Bella soutenu par l’armée des frontières, exécuta un coup d’Etat contre le GPRA de Benkhedda, qui se retire vaincu par ses frères d’armes, dont la plupart des 19 mars. Il revient en 1976, où il signe avec trois anciens patriotes de la lutte Révolutionnaire, Ferhat Abbas, Hocine Lahouel Kheir Eddine, un manifeste réclamant à Boumediene en sa qualité de Président du Conseil de la Révolution une assemblée nationale constituante élue au suffrage universel en vue de définir une charte nationale. Les quatre patriotes signataires seront arrêtés par la S.M et mis en résidence surveillée et leurs biens sont confisqués !!! C’est le fruit de la dictature de cette époque. Alors qu’aucun des 19 mars n’a été mis en résidence surveillée ou en prison. !
Le 19 mars 1962, est cependant l’équivalent de la nuit du destin du 27ème jour du Ramadhan, le jour du destin de ces fabulateurs, qui du néant, de rien sont devenus des « combattants » .On était encore adolescents, quand nous avons caillassé les convois de l’armée d’occupation, à chaque fois où l’occasion se présentait, l’amour de la patrie a fait aussi que certains petits camarades ont été donnés par des fils de traitres, et condamnés, le dernier a été condamné le 2 février 1962. Ces ados de la Révolution, ne se sont jamais manifestés pour revendiquer leur participation à cette grande Révolution, spoliée par ces imposteurs, maniaques.
On croyait tous que ces ‘’19 mars’’ allaient être balayés par les vrais Révolutionnaires, mais dans la même période les moudjahidine de la wilaya V se sont affrontés aux moudjahidines de la wilaya IV, chacun disait être le maitre de l’indépendance, la cinq qui a soutenu Benbella, avec la quatre qui a dénoncé la manipulation. Le jeune colonel Chaâbani ,26 ans, avait pourtant lors de la réunion organisée à la salle Majestic à Alger, dénoncé les infiltrés de l’armée Française au sein de l’ALN, et depuis ce jour il a été ciblé, jusqu’à son arrestation par l’ex sergent de l’armée française qui a rallié l’ALN, Ahmed Bencherif, qui devient plus vite colonel commandant de la gendarmerie nationale, qui l’avait ligoté et jeté à l’arrière d’une Land Rover, et même le colonel Bencherif avait lancé sur le visage du colonel Chaâbani une tasse de café. Malheureusement, le Colonel Chaâbani a été jugé arbitrairement à Oran condamné à mort et passé par les armes à Canastèl près d’Oran. Un vrai Révolutionnaire fusillé par ses frères d’armes ou censés être ses frères d’armes.
Depuis, on est devenu des adultes mais on n’a pas oublié les individus du 19 mars 62. Parmi eux figurait aussi la Force Locale, c’était des appelés dans l’armée française et les engagés infiltrés, que la France avait installés dans les villes avant de partir. Cette force aussi est devenue révolutionnaire ya bou rab !
Daoud el khawaf ou Daoud le peureux était toute sa jeunesse devant chez lui, il avait 18 ans, il n’ a jamais pensé rejoindre le maquis, mais quand il a reçu la convocation pour le service militaire en Janvier 1962, il a eu la chance de devenir le 19 mars 62 un agent de la Force Locale puis moudjahid, aujourd’hui il n’est plus Daoud El Khawaf mais Daoud l’opportuniste, Daoud les coopératives de construction, Daoud l’import-export, Daoud la licence d’importation, Daoud n’a jamais jeté un caillou sur le convois de l’armée française comme nous l’avions fait nous les ados en 1960 et 61. C’est toute une histoire.
L’histoire hellénistique foisonne de mythes fabuleux dont celui de l’effroyable hydre de Lerne. Il s’agit d’un monstre né de l’union de Typhon et Echidna et qui se présente sous la forme d’un serpent d’eau à corps de chien, doté de plusieurs têtes dont le nombre varie de 5 à 100 et même beaucoup plus selon des auteurs. Ces têtes se régénéraient une fois tranchées. Le monstre ravageait les récoltes et anéantissait les troupeaux du pays. En outre, l’haleine expirée par ses multiples gueules proférait un poison radical, et ce même durant le sommeil de la bête. Cette férocité n’empêcha pas Hercule de le tuer lors de l’accomplissement de ces fameux douze travaux, avec, il est vrai, l’appui de son neveu, le héros thébain Iolaos.
Mais me diriez-vous : quelle est la relation entre ce monstre grec et l’Algérie ? La réponse c’est que le pays du soleil couchant peut, hélas, se targuer d’avoir son propre hydre ! Il porte, certes, un nom moins énigmatique mais qui ne l’empêche pas, pour autant, d’être énormément et effectivement dévastateur. Ce monstre tentaculaire s’appelle les gens du 19 mars 62 c’est-à-dire les faux maquisards, les faux Révolutionnaires. Ils se présentent sous diverses appellations dont Si El Hadj Flane le baroudeur, Comme Amar Bouzouar etc. Les épithètes varient selon les régions et les circonstances pour former, en fin de compte, les gueules fétides et tueuses de l’horrible bête qui a bouffé des vertes et des mures.
Selon l’article 4 de la loi du 23 février, les députés de l’assemblée Nationale française ont demandé à ce que les ‘’programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit, quant aux manuels scolaires en Algérie, ils relaient ‘’ce qui tenait lieu d’histoire officielle et magnifiaient la dimension militaire au détriment du contenu politique’’. Ces députés français ont renié, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre perpétrés par la soldatesque d’occupation. Que diront-ils, et c’est la question que j’ai déjà posée à un Sénateur français, si demain l’Allemagne décidera que les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence de l’Allemagne nazi en France durant l’occupation.
Quant aux députés Algériens, la plupart du FLN et du RND, n’ont jamais branché, même quand Abdelaziz Ziari l’ancien Président de l’APN avait mis à ‘’’l’oubliette ‘’ le projet d’incrimination du colonialisme français en Algérie. Depuis il est devenu ministre, et le projet est semble-t-il tombé à l’eau. La Kabylie, les Aurès, le Mont du Djebel Amour, le Filaousenne et le Ouencherisse, ont tremblé sans qu’aucun Algérien indépendant ne s’est aperçu après ce précieux cadeau qui gelé le projet. L’histoire c’est l’histoire et personne des deux bords de la méditerranée ne pourra éternellement brouiller ses pistes.
A la suite de la parution de l’article 4 de la loi du 23 février, les jeunes Algériens, ont accusé les vétérans, d’avoir chassé la France de l’Algérie et que la Révolution de 1954, n’est outre qu’un complot mafieux contre la présence « positive » de la France en Algérie. Ces jeunes qui n’ont pas trouvé ni appris la vraie histoire de l’Algérie du 5 juillet 1830 au 19 mars 1962, ont tous cru à cet article 4 du 23 février. Pis encore, ils se lancent dans des aventures suicidaires à bord d’embarcation de fortune pour regagner l’autre rive. Ces jeunes nés après l’indépendance. Alors que d’autres qui sont nés avant, certains, ne cessaient de vanter, la présence française en Algérie, parmi Cheb Khaled qui a déclaré, « Comme il a dit lui » qu’il est né sous le drapeau tricolore. L’Algérie du 19 mars est en train de perdre ses valeurs, et aucun haut responsable n’est inquiété, en particulier la ministre de la culture, le ministre des Moudjahidine, et ceux de l’éducation nationale et l’enseignement supérieur. Alors que dirons-nous de la Présidence de la République !!! Laissons l’histoire suivre son cours d’eau !?.
Rien n’a été publié dans les journaux DZ, pour dénoncer ceux qui ont pris le train de la Révolution au terminus, Jusqu’en 1989, la presse algérienne était organisée de telle manière que son contrôle ne posât aucun problème. Un tableau d’avancement réglait la carrière du journaliste qui accédait chaque année au grade supérieur, même s’il n’écrivait pas une ligne par mois. D’autres récompenses, elles aussi hiérarchisées, assouplissaient davantage l’échine du journaliste. Comme tous les confrères étaient voués à une carrière sédentaire, les risques de dérapage étaient quasiment nuls. Ultime précaution.
C’est donc l’Etat lui-même, sur ordre de la Présidence de la République, qui créa de toutes pièces une nouvelle presse. Il le fit non pas pour le servir mais pour annihiler complètement l’influence et toute velléité de puissance de la presse publique sur l’opinion publique. Très vite. Les organes de presse relevant de l’Etat furent discrédités et poussés vers la faillite sous le prétexte de les réorganiser pour les rendre plus viables sur le plan économique. Aucun organe n’échappa à la mode de la restructuration. Leurs charges financières ont été décuplées. C’est ce qui explique aujourd’hui la faillite générale du secteur public. Toute la période de Chadli et avant elle, nous masquions nos tares par une censure officielle fictive, alors que notre premier réflexe, face à la feuille blanche, était l’autocensure. Après 1988, c’est-à-dire après cette tragique année, nous avons dû, l’étonnement passé, applaudir la nouvelle presse dite indépendante. Puisque c’était l’Etat qui la finançait… A côté de la presse, d’autres secteurs s’ouvraient à une cadence effrénée, aux nouveaux idéaux. Nos cinéastes, nos romanciers, nos économistes, nos sociologues, nos psychiatres, tous, se mirent au diapason de la nouvelle presse dite indépendante et entreprirent d’enterrer nos anciens discours : respect et sens de l’histoire, fidélité aux martyrs de la Révolution, défense des intérêts nationaux, soutien aux pauvres….
Effectivement, jusqu’au départ du Président Chadli, la presse ne parlait que du comité central du FLN, de certains noms de profiteurs et d’opportunistes, des ‘’19 mars’’ qui s’en foutaient éperdument de la Révolution, de ses chouhadas, et même de l’indépendance. Ils manipulaient un parti historique qui était le FLN !!Nous avons le sentiment d’avoir servi le mauvais pays, les mauvais dirigeants, les mauvais idéaux, nous ne reconnaissons pas l’Algérie qui s’est saignée de ses meilleurs fils pour accéder à la liberté. Nous avons le sentiment d’être coupables de n’avoir pas en plus de courage que nous avons eu pour dénoncer les lâchetés et les compromissions de nos censeurs et des nôtres. Nous avons le beau rôle pour dire aujourd’hui qu’il fallait faire ceci ou cela, mais nous sommes tous complices par notre silence. Tous les algériens étaient complices durant la période Chadli. Chacun trouvait son compte, et son petit profit. Pendant que certains opportunistes faisaient leurs beurres sur le dos de tous les militants de ce pays et se la coulent douce entre Alger et Paris et pendant que les jeunes militants et les brillants intellectuels sont marginalisés à l’extrême.
Avec les deux premiers présidents, nous nous sommes voulus révolutionnaires, militants, engagées pour les nôtres, c’est-à-dire nos concitoyens, notre pays, nos valeurs communes, notre religion, notre histoire et nos rêves, Avec le troisième M. Chadli Bendjedid, nous avons été sommés de faire le contraire et de fouler au pied nos idéaux. C’est ainsi que depuis 1990, le journaliste algérien est devenu une hôtesse, un fossoyeur des siens. C’est vrai, le journalisme à l’algérienne mène à tout. Il y en a qui sont devenus députés, sénateurs, ministres, ambassadeurs, milliardaires. Désormais les journalistes de la nouvelle génération devront savoir à quoi s’en tenir. Désormais pour uniquement préserver son job, il ne faut jamais contrarier le DP ou le red-chef, quand ils sont en défaut, en erreur fatale… parce que tout est prémédité d’avance et bien calculé à la moindre virgule. Le message de l’information, c’est la cinquième roue de la charrette en Algérie. La pub passe avant et beaucoup d’éditeurs de journaux, ne sont outre que des commerçants incultes ignorant complètement le message de l’information, Ils sont les fossoyeurs de la démocratie de la presse en Algérie.
La guerre des appelés
Ils représentaient 80% des effectifs de l'Armée Française.
Ils sont arrivés en Algérie entre 1955 et 1962 après souvent une traversée mouvementée de la Méditerranée dans les cales des grands paquebots en direction de Philippeville, et une arrivée sans réelle préparation psychologique, à des moments très différents de la guerre, pour rejoindre des postes qui leur donnerait une vision de l'Algérie et de ce conflit différente de celle d'autres appelés. Ils étaient censés maintenir l'ordre, pacifier le pays, participer au développement du pays et l'arracher à la terreur qu'y installaient des nationalistes radicaux et barbares présentés comme minoritaires. Ils servaient de vaguemestres, de maçons, de chauffeurs, de gardes, d'instituteurs, de préposés "au maintien de l'ordre", participaient aux opérations contre les rebelles.
L'Algérie, c'était loin de la France, mais c'était tout de même un million d'européens au mode de vie proche de celui de la France méridionale, une mise en valeur agricole du territoire et une modernisation des villes attribuée à l'influence civilisatrice de la France.
Les appelés étaient partagés dans leurs opinions comme le montre le poignant documentaire précurseur de Patrick Rotman et Bertrand Tavernier à base de témoignages recueillis dans la région de Grenoble - La guerre sans nom (1992).
La plupart n'avaient pas envie de se battre, n'étaient nullement des inconditionnels de l'Algérie Française et ne décoléraient pas qu'on les envoie massivement s'engager après leur période d'instruction très dure souvent dans un conflit très loin de leurs préoccupations.
Certains étaient plutôt anti-colonialistes.
La majorité sans doute, quoique généralement écœurée de devoir partir et s'engager dans une aventure dangereuse, considérait crédible le discours politique et militaire dominant suivant lequel la majorité des arabes et kabyles musulmans aimaient la France républicaine mais était pris en otage par des cruels terroristes décidés à mener la politique du pire.
Les plus idéalistes se disaient qu'ils étaient là pour protéger les musulmans, les sortir de la misère où les avaient malheureusement laissé les pieds-noirs, les pouvoirs locaux indigènes et la République.
C'est ce qu'on peut notamment lire dans un très beau et émouvant journal d'Algérie réécrit après coup d'après des notes couchées au jour le jour à l'époque, Les larmes du djebel, du nantais Jacques Maisonneuve, qui a servi dans un fort de montagne perdu auprès d'un village de l'Algérois.
Jacques Maisonneuve raconte avec beaucoup de noblesse d'âme et de sincérité sa découverte de l'Algérie, qu'il aime immédiatement malgré, rapidement, la peine de voir des camarades tués ou affreusement mutilés par les mines posées sur la route par l'ALN, malgré le caractère insondable des populations rurales, en apparence soumises et alliées à l'Armée Française, avec qui ses chefs collaborent, mais qui travaille souvent en sous-main pour les fellaghas, malgré l'horreur des représailles du FLN contre les traîtres ou les rétifs, malgré la brutalité des inspections de l'armée dans les mechtas, de ses rapports avec la population après des attentats ou des attaques, malgré les tortures régulières de suspects au fort isolé où il est cantonné.
Jacques Maisonneuve est un humaniste, à l'époque convaincu de la possibilité de former une société multi-culturelle tolérante et pacifique en Algérie, sous l'égide la République. C'est un homme généreux, intelligent et ouvert, qui aime les arabes et souffre sincèrement de voir que c'est la population civile algérienne, déjà miséreuse dans les campagnes, vit un cauchemar, tiraillée entre FLN et armée française. Son plaisir, c'est de pouvoir enseigner aux jeunes arabes dans l'école improvisée du village, apparue avec la guerre et la pacification, les rudiments de calcul, de lecture et de géographie qui leur permettront d'échapper peut-être à la misère de leur bled.
Sa souffrance, avoir pilonné à l'obus depuis le fort de Sidi Simiane des positions civiles sur ordre et avoir été peut-être la cause de la mort d'innocents.
En même temps, Jacques Maisonneuve raconte très bien l'extraordinaire camaraderie entre les appelés également soumis à la peur, aux doutes moraux, à la souffrance d'être loin des êtres et des lieux chers à leur coeur, leur capacité à se faire des copains issus d'autres milieux sociaux que les leurs, leur sens du sacrifice pour les autres, qualités morales qui cohabitent chez certains avec un manque de respect des Algériens musulmans, une violence certaine dirigée contre eux, par stress, racisme, "devoir" ou par vengeance.
Il est vrai que le discours de propagande des militaires de carrière et l'expérience de la mort des camarades ou les récits sur les compatriotes tués par les nationalistes algériens avaient tendance à endurcir et parfois à fanatiser les appelés. La guerre d'Algérie, pour les appelés du contingent, ça été quelque chose d'ambivalent et de contradictoire: l'occasion de belles rencontres, de manifestation de fraternités qu'ils n'ont sans doute jamais retrouvées par la suite, mais en même temps l'expérience du mal, de la domination (les appelés découvrent des populations civiles qui les craignent, leur sont totalement soumis en apparence), de la souffrance irréparable, de la terreur causée à d'autres et subie ...
Le départ en Algérie était rarement gai, comme le suggère très bien Jacques Brel dans sa chanson déchirante, « La Colombe »:
Pourquoi l'heure que voilà
Où finit notre enfance
Où finit notre chance
Où notre train s'en va?
Pourquoi ce lourd convoi?
Chargé d'hommes en gris
Repeints en une nuit
Pour partir en soldats?
Pourquoi ce train de pluie
Pourquoi ce train de guerre
Pourquoi ce cimetière
En marche vers la nuit?
Nous n'irons plus au bois
La Colombe est blessée
Nous n'allons pas au bois
Nous allons la tuer...
Récemment, Isabelle Maury, rédactrice en chef à Elle, dans un excellent livre de journaliste, L'empreinte de la guerre Paroles d'appelés en Algérie (Jean-Claude Lattès, 2012), s'est intéressé au regard porté cinquante ans après par les anciens appelés sur leur expérience de la guerre en Algérie et ses prolongements dans leur existence.
Chacun, en fonction des tâches qu'il a eu à faire, de la région où il a été affecté en Algérie, de l'époque à laquelle il y a été envoyé, de ses opinions de départ et de son caractère, a un ressenti différent par rapport à cette guerre et a été différemment affecté par elle.
Alain, jeune intellectuel parisien, a été envoyé en Kabylie en janvier 1960, il avait déjà un préjugé défavorable sur la légitimité et la nécessité de cette guerre. Il parle avec révolte des méthodes de l'armée française: « Sur les sept cent jours que j'ai passés là-bas, seulement douze ont dû être l'occasion d'échanges de tirs, de combats réels même si on ne voyait pas l'adversaire... Le danger n'a été que relativement lointain pour moi. Pour autant j'ai vu des Algériens morts, brûlés par le napalm, quand l'aviation bombardait. Tout flambait en même temps, c'était horrible, le napalm et ces types grillés dessous. Si quelque chose a changé en moi à ce moment-là et pour toujours c'est d'assister à cette barbarie. JAMAIS PLUS! Une fois, on été réunis à plusieurs compagnies par un colonel qui nous a expliqué qu'il y avait neuf millions d'Algériens et que, pour que la guerre finisse, six millions, c'était le maximum: « Vous avez compris, les gars, ce qui vous reste à faire... ». Ça voulait dire en clair « faut en liquider trois millions », pour lui, c'était de la guerre massacre, rien d'autre. La guerre, c'est le déshonneur permanent, il n'y a pas de guerre en dentelles, c'est l'irrespect constant des militaires, primitif, bestial, carnassier vis à vis de la population. Vous, vous êtes le guerrier, les autres sont des salauds, des traîtres, des menteurs, des « melons » comme ils les appelaient, des objets, pas des êtres humains . J'ai eu la « chance » de ne pas être confronté à la torture, mais j'ai vu des prisonniers emmenés, le boucher du village, par exemple. C'était un fellagha. On l'a mis dans un camion avec un sac sur la tête, ils l'ont sûrement exécuté. Ça arrivait souvent, ils appelaient ça: « aller ramasser les champignons », ils emmenaient les types, on ne les revoyait jamais... En Algérie, on nous a fait croire qu'on allait pacifier un pays en éliminant quelques assassins, résultat, on a parqué les populations, balancé du napalm! Il aurait fallu donner l'indépendance ou la citoyenneté française pleine et entière au peuple algérien. On ne l'a pas fait, le pas était franchi et leur guerre de libération avait un sens ».
Le témoignage de Victor Lavergne, appelé du Périgord Noir ayant lui-même résilié son sursis universitaire pour partir volontairement en Algérie en décembre 1960, concorde avec la vision très noire de cette guerre présentée par Alain, même si Victor Lavergne était lui, au départ, plutôt convaincu du bien fondé et de la moralité de la mission de l'armée française:
"J'ai donc résilié mon sursis universitaire pour partir en Algérie. Et du reste, je ne partais pas à la guerre mais en mission de pacification! Il faut le reconnaître, j'étais content de partir à l'aventure pour aider une population moins chanceuse que moi et qui, dans certains douars, mourait de faim. J'étais en Algérie française, à l'époque, je pensais qu'il n'y aurait aucun problème à ce que des gens qui n'ont pas la même culture, la même religion puissent s'entendre ensemble...".
Victor Lavergne est envoyé dans un petit village en Kabylie, entre Constantine et Djidjelli, perché sur un piton. "Le matin, à huit heures, on partait en opération, ratisser le bled, fouiller les mechtas à la recherche d'armes ou de fellaghas, contrôler les paysans, leur demander des papiers. Ou bien on partait en patrouille de jour comme de nuit... Et on continue les patrouilles. Voilà, je suis un soldat, le bon soldat, je pars en opération, je monte la garde. Et les chocs se succèdent. L'attitude des gradés d'abord. Nous avions un adjudant-chef qui, sans doute, avait été très frustré par l'échec de l'armée française en Indochine. Il traitait la population algérienne comme il avait traité la population vietnamienne, une sous-humanité à laquelle il ne fallait absolument pas faire confiance: tous des voleurs, des menteurs, des fainéants. Ce discours avait, malheureusement, un certain écho chez les appelés... Chez nous, quand il y avait des dégâts humains, on appelait la Légion qui venait ratisser, pour, soi-disant, nous aider. En réalité, ils méprisaient les appelés. Nous n'étions pas sur le terrain avec eux, mais on savait ce qu'il s'y passait. Un jour, pour trouver un pistolet automatique caché, ils ont tué cinquante hommes, indifféremment villageois et possibles fellaghas. Tout le monde était suspect... J'ai le souvenir d'un copain qui patruillait dans un oued, à la tombée de la nuit. Il a vu, soudain, une ombre se dresser devant lui, il a tiré par réflexe, c'est un gamin qui a pris la balle en pleine tête. Six mois après, cet homme était toujours hanté. Je l'ai perdu de vu, j'ignore ce qu'il est devenu".
Pour les appelés qui refusent les ordres ou sont négligents dans leur application, les sanctions peuvent être terribles: envoyés en camp de concentration dans le désert pour les insoumissions les plus graves et les plus "politiques", obligés de dormir à l'extérieur des camps, des barbelés, sous la menace d'une exécution ennemie, pendant une semaine ou quinze jours, ou envoyés en opération dangereuse plus fréquemment que de raison.
La grande majorité des appelés n'a pas participé aux tortures - celles-ci étant "du ressort" des parachutistes, du DOB, service spécial de renseignements, des SAS. En revanche, ils en ont été souvent les témoins ou ont entendu les cris des suppliciés, car sur le théâtre des opérations de ratissage et d'élimination des maquis de rebelles algériens, la torture sur les suspects fait partie des moyens ordinaires de collecte des renseignements. Victor Lavergne raconte ainsi: "Une seule fois j'ai été confronté à la torture. On rentrait d'opération. On trouve le lieutenant SAS devant le camp avec un adjudant, deux appelés et la fameuse gégène. J'ignorais qu'il en existait une dans le camp. Le gars était déjà très amoché. Des soldats regardaient, certains avaient les mains dans les poches, indifférents. Je réagis: "Putain, vous n'allez pas faire ça!" . "Lavergne, tu nous emmerdes, de quoi tu te mêles!" "Attendez, c'est lamentable ce que vous faîtes". "On pense que c'est un sympathisant, un passeur d'armes, il faut qu'il nous donne les caches et ses complices, tu crois que c'est pas plus lâche de fermer les yeux, de le laisser partir". "Vous me faites chier, les mecs". Et je tourne les talons, je m'en vais. J'ai protesté et je suis rentré en haussant les épaules. "Vous me faites tous chier, si c'est ça l'armée, j'en ai marre, quel avilissement!" Mais au fond, avoir protesté n'a servi à rien. Gueuler me donnait bonne conscience" (L'empreinte de la guerre, p.84).
Certains appelés ont pu recevoir l'ordre d'exécuter avec ou sans procès expéditif des prisonniers ou ont été amenés à participer à des actions de brutalisation de la population, des viols, des humiliations. Ce n'est pas la majorité cependant, la guerre la plus "sale" étant "conduite" par l'armée de métier et les légionnaires.
Pour certains appelés, une minorité d'individus ayant des forces exigences morales ou une conscience politique, les méthodes de l'armée sont plus insupportables encore que la peur de l'ennemi. "En Algérie, raconte Pierre Joxe, qui a surtout travaillé dans le renseignement en Algérie à partir de 1960 pour faire un travail de renseignement en prévention contre les officiers rebelles de l'OAS, ce n'est pas la peur de la guerre qui était la plus destabilisante, c'était la négation des valeurs fondamentales qu'on avait sucées avec le lait de nos mèresz, l'existence de la torture, des camps de regroupements comme si on faisait un remake de la gestapo et des camps de concentration. A petite échelle, le nombre était moindre, on n'a pas gazé d'Algériens mais cela restait incompréhensible que la France mette en oeuvre ce qu'elle avait farouchement combattu".
Ces appelés ont beaucoup souffert en Algérie et après, tout au long de leur vie, des conséquences de cette expérience bouleversante qu'il ont rarement pu raconter aux parents, épouses, enfants qui n'avaient pas connu la même histoire. Sur tous, cette guerre a laissé une trace indélibile.
Ce 19 mars, nous saluons ces aînés qui ont perdu leur innocence et tutoyé l'horreur en Algérie, victimes de la raison d'Etat et de l'obstination coloniale et militaire. De retour à leur foyer, ils ont souvent eu beaucoup de difficultés à parler de leur guerre et ils n'ont pas vraiment non plus bénéficié d'un soutien et d'une écoute de la société. Beaucoup ont vu leur vie ravagée par ce qu'ils ont vu, ressenti, et fait en Algérie. Cela a marqué toute une génération, une génération sacrifiée. Faire le partage des bons et des mauvais, arbitrer le conflit de légitimités concurrentes dans ce conflit atroce était et reste complexe: avec le recul, cela apparaît comme une évidence que les Algériens, soumis par la force et relégués dans un statut de sous-citoyens, avaient le droit à leur auto-détermination et à leur indépendance, et qu'ils ne pouvaient probablement l'obtenir qu'en la conquérant d'abord par l'insoumission et la révolte, mais les pieds noirs étaient aussi dans leur patrie et les idées indépendantistes n'étaient pas forcément majoritaires au départ. La République avait aussi quelques raisons de s'accrocher à son département où vivait une forte communauté se sentant de plein pied dans la France et ses valeurs. Ce qui est sûr, c'est que la décision de l'escalade répressive et de la guerre d'éradication de la rébellion a eu des conséquences terribles pour la jeunesse française et pour l'histoire future de l'Algérie, ce pays frère et francophone, qui est toujours très marqué par les stigmates de cette barbarie.
Ismaël Dupont.
PS: je remercie Pierre Maugere, membre de la FNACA de Guerlesquin, de m'avoir sensibilisé à l'histoire des appelés d'Algérie et de m'avoir prêté plusieurs ouvrages, comme notre ami Paul Dagorn, ancien coopérant en Algérie.
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