Le premier biopic de l’histoire du cinéma consacré au général ?
Dans « De Gaulle », Lambert Wilson incarne le général français quelques semaines avant l’appel du 18 juin. Un biopic inédit, le premier entièrement consacré à l’homme d'État, dont le réalisateur Gabriel Le Bomin raconte la genèse à « Vanity Fair».
Pourquoi cette envie de mettre en scène la figure du général De Gaulle ?
Il y a eu de multiples facteurs. Dans mon travail de documentariste, j’ai pas mal rencontré De Gaulle à différentes époques : l’Occupation, la guerre d’Algérie, la 5e République. Ce qui m’a permis d’être plus à l’aise avec le personnage. L’envie nous est aussi venue, avec ma co-scénariste Valérie Ranson Enguiale, quand nous avons trouvé la parfaite porte d’entrée. De Gaulle, c’est quand même cinquante ans d’Histoire. Mais le moment le plus intéressant pour nous restait ces semaines qui précèdent l’Appel du 18 juin, parce que c’est celui où il est le plus fragile. Cela nous offrait un espace pour raconter un moment fort et humain.
Le choix de Lambert Wilson a-t-il été une évidence ?
Nous avons pensé à lui dès l’écriture. Les choix n’étaient pas illimités. Il fallait que l’acteur coche toutes les cases : l’âge, la stature, le charisme. Quand on a donné le scénario à Lambert Wilson, il a répondu : « Quelque chose en moi attendait ce personnage ». Mais il voulait qu’on lui donne les moyens d’explorer cette incarnation. On a fait un travail avec les costumes, ainsi que sept à huit séances avec des experts en maquillage, avant d’arriver à la conclusion que cela fonctionnait. L’idée était de le faire disparaître derrière le personnage, pas d’égaler le musée Grévin. Il y a eu un travail de construction sur le nez par exemple, mais nous avons écarté l’idée de lui mettre des lentilles marron, car cela éteignait son regard. Avec la voix, il y avait aussi un vrai risque d'imitation. Pour ne pas figer l’émotion, nous avons surtout réfléchi au phrasé et au rythme.
Avez-vous ressenti une certaine pression à évoquer l’un des plus grands personnages historiques du XXe siècle ?
Oui, mais pas tout de suite. Au début, c’était amusant d’aller sur ce terrain-là. Mais dès le premier jour du tournage, j’ai eu des sueurs froides. J’ai ressenti le poids de cette inconscience, une inconscience qui était au préalable nécessaire sous peine d'être bloqué. De Gaulle au cinéma et en 1940, cela n’a jamais été fait. Les Anglais se sont plusieurs fois attaqués à Winston Churchill, les Américains ont fait des films sur John Fitzgerald Kennedy ou Richard Nixon. Nous sommes plus frileux en France, sans doute parce qu’il y a de l’autocensure, un rapport plus ironique à l’Histoire, ou une réluctance à se dire que l’Histoire est composée de héros.
On sent aussi un désir de réhabiliter Yvonne De Gaulle, jouée par Isabelle Carré...
C’était quelqu’un qui, par culture, vivait dans la discrétion. Son image médiatique est figée dans les années 60, à l’époque où elle était âgée. Or, quand on déplace le curseur sur les années 40, elle était très belle, féminine, caustique, drôle. C’est ce personnage qui nous a intéressés. Elle a aussi été une véritable héroïne ce printemps 1940. Elle lui a remonté le moral, lui a demandé d’assumer ses choix.
Tout le film tend vers l’appel du 18 juin. Comment avez-vous appréhendé cette scène ?
La mise en scène était très importante. Car nous avons un personnage seul devant un micro qui délivre un discours devenu du marbre et qu’on ne peut pas couper. Lambert Wilson a pris conscience de l’enjeu, il a beaucoup travaillé le phrasé. Par son interprétation, il nous a donné accès à l’essence même du discours. Le chef décorateur avait trouvé le micro exact de la BBC, ce qui l’a beaucoup aidé aussi. Puis, il y avait le découpage, la caméra devait proposer des variations de cet espace clos. Souvent, dans ce genre de scènes, les scénaristes choisissent d’aller du côté des auditeurs. Nous avons trouvé plus pertinent, de notre côté, de rester chevillés au personnage.
La famille de Gaulle a-t-elle participé à la genèse du film ?
Nous ne voulions pas nous mettre sous tutelle. Ni la fondation De Gaulle, ni la famille n’ont été consultés. Ils n’ont pas eu accès au scénario, mais nous les avons tout de même informés du projet.
En salles le 4 mars.
Publié le LUNDI, 02 MARS 2020
par Norine Raja
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