Dimanche 4 janvier 2015. Le réalisateur René Vautier décède à l’âge de 86 ans. Un homme de conviction, engagé en faveur des causes justes, pour le respect de l’humain, quitte ce monde, sans avoir abdiqué, ni marchandé quoi que ce soit. Il laisse une riche filmographie, une œuvre majeure, où se mêlent politique, cinéma et vie. Ses films sont les jalons de tous les fronts de lutte essentiels durant ces dernières décennies. Anticolonialiste farouche, Il stigmatisa cette plaie dans « Afrique 50 », ce qui ne lui évitera pas de subir les foudres de l’administration française. Cinéaste rebelle et prolifique, il connaitra l’emprisonnement, la censure, les grèves de la faim, mais aussi de nombreux prix qui vont émailler un parcours singulier. Sa caméra est constamment présente sur tous les fronts. De la lutte de libération nationale menée en Algérie par le FLN et l’ALN, aux luttes sociales, des essais nucléaires dans le Pacifique, à la marée noire de l’Amoco Cadiz, René Vautier filme sans relâche, dénonce sans complaisance, ni dolorisme, s’efforçant de laisser s’exprimer les acteurs impliqués dans des combats pour la dignité. Ce grand ami de l’Algérie naquit le 15 janvier 1928 dans le Finistère. Il s’engage, très jeune dans la lutte antinazie, dans le maquis français, pendant la seconde guerre mondiale. A la fin des hostilités, il passe le concours de l’IDHEC, pour militer en Afrique, notamment en Algérie, en Côte d’Ivoire, au Sénégal…, sans oublier la Bretagne. Entre 1961 et 1965, il est le directeur du centre audiovisuel d’Alger, et il formera la première génération de cinéastes algériens. Il créera les fameux ciné-pops, ou association populaire de culture citoyenne par le film, qui est une préfiguration de ce qui adviendra plus tard, la cinémathèque algérienne. Caméra au poing, René Vautier témoigne sur la condition ouvrière, dans « Un homme est mort » ou « Quand tu disais Valery », un film où il retrace la longue grève des travailleurs de l’usine de fabrication de caravanes à Trignac, un document classé meilleur film français au festival de Rotterdam, en 1975.
Bête noire du colonialisme, il réalise « Une nation, l’Algérie », une histoire de la conquête de notre pays. René Vautier est poursuivi pour atteinte à la sûreté de l’Etat, et condamné pour avoir prononcé que « l’Algérie sera de toute façon, indépendante. ». Il réalise encore, « Algérie en flammes », « Un peuple en marche », « Avoir 20 ans dans les Aurès.»
Il combattit le racisme et l’extrême droite en France, l’Apartheid en Afrique du sud, s’élève contre les dégâts de la pollution, les explosions atomiques, la torture en Algérie durant la guerre de libération, en citant le cas de Hadj Boukhalfa, torturé par l’officier parachutiste Jean Marie Lepen. Ce document sera utilisé pour défendre « le Canard enchainé » lors du procès que lui a intenté Lepen, la condition de la femme…
Difficile de retracer de manière exhaustive tout le travail de ce cinéaste hors-pair que lui ont consacré nombre de ses collègues, des films en hommage à sa stature, comme par exemple, « René Vautier, l’indomptable », « René Vautier, l’homme de paix », « René Vautier, franc tireur »… L’homme n’est plus, mais ses films restent. On aurait souhaité que la cinémathèque algérienne lui consacre un cycle ou une rétrospective qui illustre un tant soit peu, des facettes de sa passionnante et féconde œuvre. Ce sera une occasion précieuse de montrer au public les films de ce que fut cet homme généreux, ce réalisateur infatigable. Ce serait lui rendre justice que de les donner à voir et à revoir. C’est une reconnaissance louable de sa contribution à la défense de la condition humaine, à sa mémoire et à ses engagements pluriels.
10-02-2020 M. Bouraib
http://www.elmoudjahid.com/fr/actualites/148238
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