Le président de la France Emmanuel Macron a relancé, ce vendredi 24 janvier, le débat sur la Guerre d’Algérie en la comparant à l’Holocauste, le génocide juif commis par l’Allemagne nazie durant la Seconde guerre mondiale.
Sa comparaison est intervenue alors que le président français a affiché son désir de vouloir mettre un terme au « conflit mémoriel » en France sur la question de la guerre d’Algérie. « Je suis très lucide sur les défis que j’ai devant moi d’un point de vue mémoriel et qui sont politiques. La guerre d’Algérie, sans doute, est le plus dramatique d’entre eux. […] Je le sais depuis ma campagne » présidentielle de 2017, a affirmé Emmanuel Macron à des journalistes, en référence à la polémique née en France lorsqu’il avait qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité ».
« J’ai crispé des gens. (Mais) je pense que je les ai ramenés, maintenant, dans une capacité à dialoguer », a estimé le président Macron dans un entretien accordé à des journalistes dans l’avion le ramenant en France depuis son voyage à Israël. Ce dernier considère qu’il apparaît désormais nécessaire de mettre un terme au « conflit mémoriel » qui « rend la chose très dure en France » sur cette question, considérant que la France « ne peut pas » se permettre « de ne pas revisiter cette mémoire » de la guerre d’Algérie.
Trouver la bonne formule
« Je n’ai pas la réponse » pour y parvenir, a indiqué Macron, admettant « tourner autour » du sujet en attendant de trouver la bonne formule.
Le président de la France est cependant dit convaincu que s’il réussit à mener à son terme le travail mémoriel qu’il entend entreprendre, le sujet de la guerre d’Algérie aura, selon lui, « à peu près le même statut que celui qu’avait la Shoah pour Chirac en 1995 ». Jacques Chirac avait été à l’époque le premier président français à reconnaître officiellement la responsabilité de l’État français dans la déportation de plusieurs dizaines de milliers de Français juifs.
Les déclarations de Macron ont immédiatement été critiquées par l’essayiste et historien Jean Sévillia, qui a estimé « le simple énoncé de cette idée » comme étant « obscène ».
« Il est quand même effarant d’entendre le chef de l’État évoquer sur le mode improvisé des événements historiques majeurs et aussi lourds dans la mémoire nationale que la Shoah ou la guerre d’Algérie en utilisant des expressions qui sont de la nitroglycérine politique, mais en donnant l’impression qu’il n’a pas envisagé ou mesuré leurs conséquences », a affirmé Jean Sévillia dans un entretien au Figaro, un journal de droite, traditionnellement hostile à tout geste sur la guerre d’Algérie.
Polémique
« Affirmer que la guerre d’Algérie pourrait avoir ‘’à peu près le même statut que celui qu’avait la Shoah pour Chirac en 1995’’ semble annoncer une reconnaissance de culpabilité de la France dans la guerre d’Algérie, ce à quoi se sont opposés tous les présidents qui ont précédé Emmanuel Macron, quoi qu’on en pense », a indiqué l’historien, considérant que « c’est de la folie sur tous les plans : historique, politique et diplomatique ».
« Le simple énoncé de cette idée est obscène. D’abord par rapport à la Shoah, qui perd alors sa singularité et son ampleur sur le plan numérique : la Shoah, c’est près de 6 millions de morts, la guerre d’Algérie, c’est 250 000 à 300 000 morts dans les deux camps », a affirmé Jean Sévillia. « Que ce conflit ait donné lieu à des actes de violence illégale est malheureusement avéré, mais encore faut-il souligner que la violence illégale a été utilisée dans les deux camps, puisque le FLN, de 1954 à 1962, considérait les actes de terrorisme individuel ou collectif comme une arme légitime et n’a cessé d’y recourir », a rappelé l’historien.
L’historien Benjamin Stora a quant à lui nuancé les propos du président français, estimant qu’il y a « un saut à faire, ce que semble vouloir faire Emmanuel Macron pour qui la réconciliation des mémoires semble être un enjeu primordial ».
« Cette guerre d’Algérie est instrumentalisée par des lobbys politiques qui en ont fait une rente mémorielle. On ne peut pas passer à la reconnaissance historique sereine, puisqu’ils en font un enjeu brûlant de l’actualité », explique l’historien dans un entretien accordé au Parisien. « En France, l’extrême droite en a fait un aspect très important de son programme, et on voit que cela perdure. En Algérie, c’est le parti au pouvoir qui s’en sert depuis soixante ans pour se légitimer », rappelle Stora.
Benjamin Stora estime également que l’absence de procès a été un élément ayant fait coincer le travail politique mémoriel. « Il n’y a jamais eu de procès, du fait des nombreuses lois d’amnistie. Personne n’a été poursuivi en justice ou condamné à quoi que ce soit », indique l’historien.
« Si on veut comparer avec la question de la Shoah, outre le travail historique, les procès – celui de Klaus Barbie ou de Maurice Papon – ont été de formidables accélérateurs, des moments de cristallisation, de dévoilement historique des réalités. L’absence de procès sur le conflit algérien est un véritable obstacle », affirme Stora.
« La nouvelle génération, en France comme en Algérie, veut se réapproprier une histoire qui ne soit ni fantasmée ni instrumentalisée. Emmanuel Macron, qui est né en 1977, appartient à cette génération. Il n’est pas dans une logique de culpabilité, de repentance, ou d’instrumentalisation. Son problème à lui, c’est de faire en sorte que l’on regarde cette histoire pour la dépasser et affronter les défis de l’avenir », estime l’historien, qui affirme que « réconcilier les mémoires n’est d’ailleurs pas qu’un enjeu mémoriel, c’est une nécessité historique ».
Signe de la crispation de l’opinion publique en France, 88% des 66 000 internautes sondés par Le Figaro ont affiché leur objection à ce qu’Emmanuel Macron prononce un discours de repentance sur la guerre d’Algérie.
Par:
https://www.tsa-algerie.com/macron-relance-le-debat-en-france-sur-la-guerre-dalgerie-en-la-comparant-a-la-shoah/
Voir aussi :
https://www.lci.fr/politique/video-emmanuel-macron-les-mots-qui-fachent-2143715.html
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