En avril 1958, la ferme Améziane, qui est située aux abords immédiats de Constantine, est occupée — et pillée — par les « bérets rouges » du 27e bataillon d’infanterie. Elle devient, selon la dénomination officielle de l’armée, un centre de renseignement et d’action (C.R.A.), placé sous l’autorité du 2e bureau de l’état-major du corps d’armée. En fait, pour parler plus simplement, la ferme Améziane fut, durant toute la guerre, l’un des plus importants et des plus terribles centre de torture que connut l’Algérie.
Au cours de son enquête, à Constantine, à Alger et en France, Jean-Luc Einaudi a rencontré quelques-uns des rescapés de ce centre, qui ont eu la force et le courage de lui parler. Ce qu’ils racontent est abominable. On ne sait ce qui soulève le plus d’écœurement, la sauvagerie, le raffinement des supplices organisés, ou la mentalité abjecte des tortionnaires, officiers ou gradés de l’armée française, prenant plaisir à pisser dans les gamelles de leurs victimes, et rackettant en toute impunité leurs familles, avant de les abattre pour « tentative d’évasion » ou de les jeter vivants dans les puits. Trente ans après la guerre, ce dossier explosif, s’il trouve le succès qu’il mérite, n’aura pas fini de remuer des vagues.
Maurice Pons
https://www.monde-diplomatique.fr/1991/08/PONS/43766
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