Ce dimanche, à 20 h 50, France 5 diffuse le documentaire « Algérie, la guerre des appelés ». Parmi la quinzaine de témoignages recueillis par Thierry de Lestrade et Sylvie Gilman, celui de Bernard Birger, de Michelbach-le-Haut.
Bernard Birger a témoigné dans le film de Thierry de Lestrade et de Sylvie Gilman « Algérie, la guerre des appelés ». Photo What’s Up Films
« Il faut regarder ce documentaire », martèle Bernard Birger. À 88 ans, l’ancien maire de Michelbach-le-Haut, son village d’adoption (il est d’origine mulhousienne), encourage les Alsaciens à découvrir Algérie, La guerre des appelés, diffusé ce dimanche soir à 20 h 50 sur France 5. Il y témoigne, parmi une quinzaine d’autres, de ce qu’a vécu sa génération lors de ce qu’on a longtemps appelé les « opérations de maintien de l’ordre ».
Il s’agissait bien d’une guerre, fait-il remarquer. « Comme pour beaucoup de scandales, estime-t-il aujourd’hui, on a tu la réalité pour une histoire de gros sous. Pour ne pas avoir à verser toutes les pensions aux veuves… » Et pour faire oublier cette réalité : cette guerre a été atroce, « et la France a choisi d’envoyer au casse-pipe des appelés, pour conserver cette parcelle de terre, alors que c’était déjà trop tard… »
« Cela a bouleversé ma vie »
Il s’agissait, témoigne Bernard Birger, « souvent de jeunes garçons naïfs, moralement droits, élevés dans la tradition chrétienne, qui ont été confrontés à des choses terribles. Certains ont été poussés au suicide, d’autres sont devenus fous ». Et de confesser : « Cela a bouleversé ma vie. Je suis conscient de la responsabilité qui est la mienne aujourd’hui. Et je témoigne au nom de tous ces jeunes arrachés alors à leurs familles… » Lui-même était séminariste et a dû interrompre ses études. Il ne s’attendait pas à vivre ce qu’il a vécu, en s’embarquant à bord du Djebel Dira , avec des vaches en cale et tous ces appelés sur les deuxième et troisième ponts. Ni même en débarquant à Bône, aujourd’hui Annaba, « Hippone dans l’Antiquité, la ville dont saint Augustin fut évêque ». Là, on leur met dans les mains des armes… Mais c’était encore presque des vacances, « avec ces petits Algériens qui voulaient nous vendre des agrumes ».
« Nous n’avions pas envie de faire la guerre à ces gens-là »
Tout change quand les appelés prennent le train et trouvent la guerre. Ici un pont saboté, sur tout le trajet des poteaux électriques coupés. Un paysage désertique, « quasi-lunaire », et le discours du colonel les recevant et leur expliquant combien la patrie comptait sur eux, avant de les disperser dans les cantonnements à bord de GMC. Son régiment ? Le 16e Dragons, alors basé à Haguenau. « On nous a formés rapidement. Mgr Weber, qui était alors l’évêque de Strasbourg, a interdit à ses séminaristes de devenir officiers… Pour être au plus près du peuple, des soldats. Ce qui fait que nous formions un groupe suspect. » Et de reconnaître : « Nous n’avions pas envie de faire la guerre à ces gens-là. J’ai essayé de ne pas commettre d’actes que ma conscience réprouvait. Mais j’ai tiré, bien sûr, quand nous avons été pris dans des embuscades. »
Les patrouilles avec les automitrailleuses
Au-delà des actes, il a été témoin d’atrocités. Comme ces « corvées de bois », où des prisonniers étaient abattus après avoir été torturés. « C’était un maréchal des logis chef, un engagé, qui se chargeait de cette sinistre besogne. Il disait que c’était pour chercher du bois de chauffage. Et puis il descendait ces types. » Il raconte encore les patrouilles avec les automitrailleuses, « pour accompagner le percepteur qui récupérait l’impôt chez les Arabes. La nuit, les Fellaghas passaient dans les mêmes maisons. Ceux qui ne pouvaient payer (ni les uns ni les autres) se faisaient égorger… » Il se souvient de ce vieillard vêtu de blanc, l’air digne et majestueux avec son chèche : « Nous avons failli lui rouler dessus. Personne n’a voulu descendre du camion. Je me suis dévoué. Il n’était pas encore mort, le sang giclait de sa gorge. » Cette nuit-là, pense-t-il, « nous avons eu de la chance. Les Fellaghas n’étaient sans doute pas assez nombreux. Sinon, avec les phares allumés, nous aurions fait de cibles parfaites… »
Le souvenir de « déchirements terribles »
Il explique qu’il pourrait dévoiler mille et une anecdotes sur son vécu. Et puis il y a eu le retour : « Au moment de partir, certains habitants m’ont arrêté dans la rue. Ils m’ont embrassé les mains en me demandant de devenir leur maire… Je ne me doutais pas, alors, que bien des années après, dans une autre vie, je serais élu maire d’un petit village du Sundgau ! » Il garde de ces années « de suspicion, où l’on vivait la peur au ventre », le souvenir de « déchirements terribles » qu’il ne peut oublier.
REGARDER Algérie, la guerre des appelés , documentaire diffusé ce dimanche à 20 h 50 sur France 5
https://www.dna.fr/edition-de-saint-louis-altkirch/2019/11/02/algerie-souvenirs-d-appeles-en-guerre
France 5 diffusera dimanche soir "Algérie, la guerre des appelés", un documentaire exceptionnel qui donne la parole aux anciens appelés, plongés à 20 ans dans l'horreur de ce conflit sanglant, et montre de nombreuses images d'archives inédites.
Dans ce documentaire en deux parties, programmé à 20H50, Thierry de Lestrade et Sylvie Gilman dressent la saga de ces deux millions de jeunes Français, qui ont traversé la Méditerranée de 1955 à 1962, pour participer officiellement à des "opérations de maintien de l'ordre", un des multiples euphémismes utilisés par les autorités françaises pour désigner ce conflit.
Ce sera la dernière génération, en France, engagée massivement dans une guerre.
Un travail de reconstitution par la mémoire et par l'image qui s'appuie sur les travaux de l'historien Tramor Quemeneur.
Conseiller historique du documentaire, il a récupéré de nombreuses archives inédites auprès des cinémathèques et de particuliers, et a convaincu de parler des anciens d'Algérie qui n'avaient encore jamais raconté leur histoire.
Une démarche qui rappelle le travail sur la guerre du Vietnam du célèbre documentariste américain Ken Burns.
"LA MISÈRE" ET "LA TROUILLE"
Des enfants entourent des camions militaires, qui bouclent le quartier de Bab-el-Oued, le 02 avril 1962 à Alger, suite aux fusillades entre l'armée et l'OAS, dont une, le 26 mars, qui fera 49 morts, pendant la guerre d'Algérie, après la signature des accords d'Evian, alors que l'OAS poursuit sa politique de la terre brûlée.
"C'est vrai, l'école était bien, mais dès qu'on pénètre dans le quotidien, là c'est la misère", se remémore l'un d'eux. Un autre se rappelle avoir souffert à la vue des enfants marchant "nu-pieds, sales, malades et apeurés".
Méticuleusement, ils décrivent leur plongée dans la violence d'un conflit sanglant, et "la trouille" qui les saisit, face à un ennemi invisible, comme lorsqu'ils doivent guetter une embuscade en pleine nuit, ou traquer des rebelles dans la montagne.
Mais aussi les hauts et les bas de leur vie quotidienne, leurs rapports avec les harkis et la population.
Sans oublier les exactions, viols, tortures, exécutions sommaires et autres mauvais traitements infligés aux civils, auxquels ils ont assisté ou participé et qui les hantent encore, comme les camarades qu'ils ont vu mourir.
Des témoignages qui permettent à ces anciens appelés de libérer des émotions parfois longtemps enfouies sous la pudeur ou la honte. Et qui aident à mieux comprendre cette page toujours douloureuse de l'histoire.
https://www.nicematin.com/serie-tv/la-guerre-dalgerie-vue-par-les-appeles-un-documentaire-exceptionnel-ce-dimanche-soir-sur-france-5-427533
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