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Rédigé le 30/07/2019 à 22:36 dans Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
Dans ces terribles pages adressées en 1972 au général Massu, l’écrivain Jules Roy a égrené en une saisissante litanie une liste de noms d’Algériens disparus entre les mains des parachutistes durant la « bataille d’Alger ». Bon nombre d’entre eux ont été identifiés depuis septembre 2018 sur le site 1000autres.org. Quelques décennies plus tard, son apostrophe, « Où sont-ils ? », en espagnol, « ¿ Dónde Están ? », sera tragiquement reprise pour accompagner, d’autre litanies de noms, ceux des disparus victimes des dictatures militaires d’Amérique latine. L’exigence de vérité sur les crimes dont tous ont été victimes est une demande universelle, à Alger comme à Santiago.
« Si nous avons fini par connaître le sort de Maurice Audin, et si Henri Alleg, échappé de vos griffes, a pu faire tant de bruit avec son livre, si des juges ont été contraints d’ouvrir des instructions, et si des tribunaux ont pu convoquer des témoins à leur barre, c’est que les accusateurs étaient des nôtres. Mais les autres, général Massu ? Les milliers d’autres ? La pauvre troupe des militants et des non-militants, des suspects et des innocents, des poseurs de bombes et de ceux qui n’étaient coupables que de s’appeler d’un nom arabe ou d’habiter la Casbah, des anciens tirailleurs qui croyaient être épargnés en tendant à vos officiers la liste des citations gagnées sur les champs de bataille de nos guerres à nous et qu’on déchirait sous leurs yeux en leur disant : « Voilà ce que la France vous répond… », la triste, longue et innombrable multitude des misérables aux dents brisées et à la tête fracassée, aux poitrines défoncées, au dos déchiré, aux membres disloqués, cette misérable armée d’éclopés et de bancals, abrutis par les humiliations, ces héros de la honte ou ces naïfs que vous avez rendus enragés, où sont-ils ?
Où sont-ils, les journaliers de la rue Annibal, les boulangers, les manœuvres et les dockers de l’impasse du Palmier, les comptables et les magasiniers, les bijoutiers et les laitiers de la rue de la Lyre, les conducteurs et les receveurs de trolley-bus de la rue Caton, les commerçants, les chauffeurs, les imprimeurs de la rue des Coulouglis, les instituteurs, les maîtres d’internat, les médecins et les infirmiers de la rue de Chartres, les menuisiers et les coiffeurs de la rue Kléber, les cafetiers de la rue Bruce, les jardiniers de la rue du Sphinx, les cordonniers de la rue du Chat, les employés d’administration, les caissiers de la rue Salluste, les chauffeurs de taxi de la rue des Abencérages et de la rue du Divan, les bouchers de la rue du Centaure, les gargotiers, les marchands de légumes de la rue Jugurtha, les cheminots, les épiciers, les brocanteurs de la rue Marengo, les laitiers, les forains, les pâtissiers, les tailleurs de la rue de la Gazelle, les fleuristes, les miroitiers, les camelots et les plombiers de la rue de la Girafe et de la rue des Lotophages, tous ceux que vos bérets rouges, vos bérets noirs ou vos bérets bleus allaient cueillir parfois dans les bains maures ou dans les mosquées, déversaient dans les chiourmes de Beni-Messous et de Ben Aknoun, enfermaient dans les grottes de vos villas des hauts d’Alger et du Sahel, enchainaient quelquefois par le cou et par les mains les uns aux autres comme des bêtes et interrogeaient pendant des nuits et des nuits avec des tenailles, des électrodes et des cigarettes, tous ceux que vous arrêtiez parce qu’ils étaient trop bien habillés ou qu’ils avaient une tête qui ne vous revenait pas, que vous battiez jusqu’à ce qu’ils s’évanouissent, que vous entassiez dans ce que vous appeliez des centres d’hébergement munis de souterrains et d’abattoirs ou que vous transfériez dans vos ateliers de la Corniche et de l’allée des Mûriers, oui, où sont-ils ? Où sont les quatre-vingt-dix malheureux asphyxiés au printemps 1957 dans des cuves à vin de quelques domaines de la Mitidja, et comment se nomment ceux qu’on trouvait sur les plages et sur les brise-lames du port, ligotés dans des sacs ? Où sont-ils, ceux que parfois, quand un avocat demandait de leurs nouvelles, vous déclariez avoir remis en liberté ou ne figurant pas sur vos fichiers, ou enfuis ? si nombreux que la préfecture d’Alger et certains secteurs avaient dû imprimer des circulaires pour répondre que les enquêtes n’avaient pas permis de retrouver leur passage, ceux à propos desquels Mme Massu, présidente de « l’Association pour la formation de la jeunesse », demandait des autorisations de visite, les jeunes, les vieux les pères de famille et les orphelins, les garçons dont les mères folles de douleur venaient pleurer en silence devant les commissariats de police et les casernes ? […]
Comment savoir, n’est-ce pas, ce que sont devenus tous ces Abdeddaïn*, ces Abou, ces Achache, ces Adder, ces Aït Saada* (ce qui veut dire les fils du bonheur), ces Amraoui qu’on a entendu crier toute une nuit, ces Asselah*, ces Ayadi et Ben Ali*, ces Bachara et ces Benbraham qu’on a ramenés chez eux pour fouiller leur maison, puis rembarqués, ces Barkate et ces Ben Moulay, ces Bendris* et ces Baziz, ces Bécha et ces Bouabdallah* et ces Bouchakour, ces Bouderbel et ces Bouzid*, ces Chouchi et ces Cheddad, ces Dahmane* et ces Djegaoud, ces Diffalah et ces Djafer, ces Djanaddi, ces Douadi dont on a seulement repêché le portefeuille et les papiers, ces Djouder, ces Essghir, ces El Keddim, ces Fadli, ces Gaoua et ces Guenndour, ces Hamdani et ces Hammache, ces Issaadi*, ces Kaïm, ces Kadem*, ces Kherfi, ces Kherbouche, ces Laghouati, ces Mahieddine* et ces Mabed*, ces Madjene, ces Mammeri, ces Merouane* dont on a volé les économies, ces Mimoun, ces Moktari, ces Nourine et ces Nachef, ces Ouamara* et ces Ouaguenouni, ces Rahim, ces Sadfi*, ces Sadi, ces Sakani, ces Sifaoui dont les corps ont été arrosés d’essence et brûlés, et tous les Slimi les Taalbi*, les Tabarourt, les Tazir*, les Touati, les Yaker, les Younsi, les Zouïche, les Zergoug*, les Zigara et les Ziane, où sont-ils Vierge souveraine ? En quel martyrologe figurent-ils puisque vous avez ordonné que « le secret le plus absolu » devait être assuré en ce qui concernait « le nombre, l’identité et la qualité des suspects arrêtés » ? Tous échappés, tous victimes, selon vous, de règlement de comptes. En vérité tous libérés d’une rafale de mitraillette ou étouffés la tête dans un seau d’eau, tous enfouis sous la chaux dans les fosses, tous brisés, tous écrasés. Par vous.
Si vous l’osez, général Massu, demandez-leur d’intercéder pour vous le jour du jugement dernier [1]. »
L’incipit du livre « J’accuse le général Massu » que l’écrivain Jules Roy a publié en 1972 et dont ce texte est extrait est : « Nous commencions à oublier ». Le pied-noir Jules Roy veut parler des horreurs d’une guerre terminée depuis dix ans et qui l’a mortifié. S’il écrit ce « J’accuse », c’est que, quelques mois plus tôt, le général Massu s’était offert un nouveau moment de gloire médiatique en publiant un livre, assez drôlatiquement intitulé « La Vraie Bataille d’Alger », et qui fut un colossal succès commercial. L’ancien commandant de la 10eme Division Parachutiste prenait ainsi la part qui lui revenait de droit dans l’exploitation d’un juteux filon éditorial français : le mythe d’une « bataille d’Alger » remporté sur « le terrorisme » FLN, héroïsant sans vergogne les acteurs d’une sanglante répression de masse de plusieurs mois. Ce filon avait été ouvert dès 1960 par « Les Centurions » de Jean Lartéguy — un million d’exemplaires —, ce roman de gare ayant lui-même été adapté en 1966 dans un film hollywoodien à succès. On pouvait notamment y voir Anthony Quinn incarner Marcel Bigeard et Claudia Cardinale Djamila Bouhired.
Massu fait dans ce récit « l’apologie d’une torture fonctionnelle, comparable à l’acte médical du chirurgien ou du dentiste » (Pierre Vidal-Naquet). Et il est donc à nouveau partout, notamment à la télévision où, débonnaire et modeste, il est longuement interviewé par un Pierre Dumayet qui ne le malmène pas particulièrement [2].
Jules Roy est de ceux — peu nombreux — qui s’étranglent alors à la vue de l’obscène succès public de l’homme qui dirigea à Alger en 1957 un cataclysme de torture et d’assassinats. Dans ces 120 pages, ce natif d’Algérie, catholique comme Massu, ancien de la France Libre comme Massu, ancien d’Indochine comme Massu, y interpelle violemment le général auquel il rappelle avoir pour sa part préféré quitter une armée française qui se comportait en Indochine, dit-il, déjà en 1952, « comme les S.S. ».
L’assaut est rude : « ce qu’on avait répugnance à remâcher, vous l’avez vomi. Comme ça. D’un coup. Et vous nous obligez à marcher dedans. » (p. 17). Sans doute Jules Roy espère-t-il un procès en diffamation qui fournirait l’occasion d’exposer les crimes de l’armée française. Mais, en dépit de la gravité des attaques portées à son encontre, Massu ne réagit pas.
C’est que ce brûlot très littéraire est plus sérieusement documenté qu’il n’y paraît au premier abord. Jules Roy s’est notamment informé auprès de son ami Paul Teitgen [3], comme en témoigne sa mention de « circulaires » imprimées par la Préfecture d’Alger pour répondre aux demandes d’information des familles sur leurs disparus. L’affaire des 90 « suspects » morts asphyxiés dans des cuves à vin est avérée elle-aussi [4].
Et aucun des noms, des métiers et des adresses qu’il égrène ici dans une terrible litanie ne sont évidemment inventés. Jules Roy les extrait du Cahier Vert, publié en 1959 par Jacques Vergès, Michel Zavrian et Maurice Courrégé [5]. En août 1959, ces avocats, en dépit de l’obstruction policière, avaient recueilli en quelques jours à l’hôtel Aletti quelques 150 « plaintes » de proches de disparus entre les mains des militaires. La justice française n’en ayant cure, ils adressèrent ces plaintes à la Croix Rouge internationale, qui ne semble pas en avoir fait quelque chose.
La plupart de ces disparus réclamés par leurs familles avaient été enlevés par les parachutistes à Alger en 1957. Aujourd’hui, ils figurent avec 900 autres sur le site 1000autres.org. Pour nombre d’entre eux, dont les noms sont ici suivis d’un astérisque, leurs proches ont répondu à l’appel à témoignage lancé en septembre 2018 sur ce site et ont confirmé et raconté leur disparition définitive, fournissant parfois, quand ils en disposent, des documents relatifs au disparu, ainsi souvent que sa photographie.
Fabrice Riceputi
[1] Jules Roy, J’accuse le général Massu, Le Seuil, Paris, 1972, p. 74-79.
[3] Voir Fabrice Riceputi, Paul Teitgen, Fernand Iveton et la fable perverse des tortionnaires et Paul Teitgen et la torture pendant la guerre d’Algérie, 20 & 21. Revue d’histoire, 2019/2, n°142, pages 3 à 17.
[4] « Dans la nuit du 14 au 15 mai 1957, 41 prisonniers algériens sont morts asphyxiés dans des cuves à vin à Aïn-Isser (Tlemcen). Seize détenus subissent le même sort à Mercier-Lacombe (Sidi Bel-Abbès), le 16 avril 1957, le 27 juin 1957 à Mouzaïa-ville (Blida) 21 autres Algériens périssent dans les mêmes conditions. » Pierre-Vidal Naquet, Les crimes de l’armée française, Paris, Maspero, 1975.
[5] Les Temps Modernes, n°163, septembre 1959, « Le « Cahier Vert » des disparitions en Algérie » ; Jacques Vergès, Michel Zavrian, Maurice Courrégé ; Les disparus, le cahier vert, Lausanne, La Cité, 1959 ; Pierre Vidal-Naquet, « Le cahier vert expliqué », in Les crimes de l’armée française, Maspero, 1975.
http://1000autres.org/ou-sont-ils-general-massu-par-jules-roy
Rédigé le 30/07/2019 à 22:07 dans Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
« Jamais deux sans trois », nous apprend un dicton. Par trois fois, au prétexte que l’Algérie s’est qualifiée aux éliminatoires et à la finale de la coupe africaine des nations, une partie de la jeunesse algérienne, pardon « … française », s’est déversée dans les rues de nos principales villes pour clamer sa joie et, accessoirement pour certains, commettre vols et déprédations, ainsi qu’attaquer les forces de l’ordre . Ces dernières, il faut bien le constater, ont réagi bien plus mollement que contre les « Gilets jaunes » : point de flash ball ni de matraquages, seulement des gaz lacrymogènes lancés contre les émeutiers. Le pouvoir, qui est tétanisé lorsqu’il s’agit de l’Algérie, avait-il donné des ordres de « modération » à ses « prétoriens ».
Des stigmates non effacés
Depuis l’indépendance de l’Algérie en juillet 1962, les stigmates de la guerre qui nous a été imposée à partir de la Toussaint 1954, sont toujours aussi « saignants » si je puis dire. En effet, la Guerre d’Algérie n’est pas finie. D’un côté, on continue de stigmatiser l’œuvre coloniale française, – et le Président Macron, lorsqu’il était candidat, rappelez-vous, était à la manœuvre en dénonçant depuis Alger, les prétendus « crimes contre l’humanité » commis par notre pays -, de l’autre le FLN, qui n’a jamais reconnu les massacres des harkis, les assassinats et les enlèvements de Pieds noirs (notamment à Oran, le jour même de la proclamation de l’indépendance).
S’il n’est pas question dans cette chronique de revenir sur la pseudo-indépendance d’El Djézaïr – mal gouvernée, elle crève sous sa manne pétrolière qui va en s’épuisant, tout le monde le sait –, mais de dénoncer les collabos qui polluent nos médias et qui peuplent les allées du pouvoir politique et médiatique français. L’occasion nous en est donnée par les scandaleuses manifestations de ces Maghrébins d’origine algérienne, notamment dans les rues de Paris, symboliquement le 14 juillet au soir.
Que je sache, les Sénégalais, qualifiés eux aussi pour la finale gagnée par les Fennecs , ne sont pas descendus sur la voie publique pour crier leur joie et en profiter, au passage, pour démontrer sinon leur haine, tout au moins leur hostilité au pays qui les abrite, les éduque et les nourrit ! Car, redisons-le, en raison de lois iniques, tous les Maghrébins d’origine algérienne, de quelques générations qu’ils soient, sont considérés comme étant « français » – entre guillemets pour moi –, en raison du lieu de leur naissance, c’est-à-dire la France. (Utilisons une amusante métaphore champêtre : comme si un lapin, né dans un poulailler, allait pondre des œufs frais !). C’est l’infect jus solis, le droit du sol qu’il faudrait supprimer et remplacer par le jus sanguinis, le droit du sang : « Être Français, cela s’hérite ou se mérite » !
Car tous ces pseudos Français descendant dans la rue, couverts de drapeaux algériens ou le brandissant, n’expriment rien d’autre que leur amour pour une équipe qui est réellement la leur, pas le onze tricolore.
« Français » quand ça les arrange ?
Après tout, pourquoi pas ? Mais alors, dans ces conditions, pourquoi sont-ils « Français » ? Pour les avantages que pourrait procurer, à l’étranger, la possession d’un passeport de notre belle république, pour la soupe, les aides sociales diverses et variées ? Comme le disait en toute franchise et sans animosité un supporter Marseillais des Fennecs interrogé sur une chaîne d’infos en continu, je cite de mémoire, « ce drapeau est historique, on l’a dans le cœur ! »
Dans ces conditions, pourquoi ces messieurs dames ne quittent-ils pas ce pays, la France, la Gaule, qui n’est pas le leur ? Pourquoi ne renoncent-ils pas à cette nationalité dont ils vomissent le pays, la distribuant entre parenthèses, TROP généreusement ? Et il se trouve des parlementaires, notamment la sénatrice Esther Benbassa par exemple, du groupe écolo, pour stigmatiser à la télévision les défenseurs d’une France française, comme sa collègue de Marseille, socialiste, d’origine maghrébine dont j’ai oublié le nom, ainsi qu’un anonyme député LREM du Val de Marne, qui s’indignait que l’on puisse stigmatiser ces supporters. Eh bien oui, n’est-ce pas, quoi de plus naturel, de plus normal, que des « Français » supportent, parfois dans la violence et même dans l’homicide -(1) la victoire d’une équipe étrangère ? Combien de pseudos journalistes se sont engouffrés dans cette brèche, en s’indignant que des Français « de souche », comme on dit, et pas uniquement membres d’ailleurs du Rassemblement National, puissent trouver anormal que des « compatriotes », paraît-il, soutiennent des footeux étrangers ?
Un pouvoir normal se poserait la question de la double allégeance et de la double nationalité. J’ai déjà eu l’occasion de citer cet exemple : ma cousine qui s’est mariée il y a plus de 50 ans avec un Italien, pouvait à la fois voter pour Sarkozy, et pour Berlusconi – nul n’est parfait –, c’était son choix. Elle vient ENFIN, de renoncer à sa nationalité française et, désormais, ne voter qu’en Italie… (Pour Salvini j’espère !).
Les Franco-algériens sont les seuls, les seuls supporters à descendre dans la rue et à manifester, surtout bruyamment, violemment, agressivement, la victoire de ceux qui sont, en fin de compte, comme le disait le « jeune » marseillais » interrogé sur C-News ou LCI, je ne sais plus, « du même sang ! ». C’est lui qui utilisait cette formule très « racialiste ».Il serait temps que l’on considère, une bonne fois pour toutes, que la guerre d’Algérie n’est pas terminée, qu’elle se poursuit sur notre sol sous d’autres formes.
« Vérité et réconciliation » ?
Tant qu’une commission mixte d’historiens objectifs – dur, dur de les trouver –, ne sera pas mise sur pied officiellement et conjointement pour explorer toutes les zones – ombres et lumières confondues –, de l’histoire franco-algérienne, dans un esprit type « vérité et réconciliation » à la sauce « Mandela », rien de serein ne sera possible dans les relations, d’une part entre Français de souche et immigrés algéro-descendants et, d’autre part, entre les républiques française et algérienne. Pour ma modeste part, et je ne suis pas un « Pied noir », je considère que le fossé est toujours trop profond entre nos deux pays pour qu’une relation normale et apaisée puisse s’établir entre Paris et Alger, comme c’est peut-être le cas entre Paris et Rabat, Paris et Tunis. Tout le reste n’est que littérature. Il y a certes, nos intérêts économiques et géostratégiques bien compris qui comptent – et Alger est un partenaire incontournable –, mais nous ne pouvons pas, PLUS, passer par pertes et profits toutes les humiliations, toutes les avanies que nous subissons de la part de ces gens-là. Qu’ils balayent d’abord devant leur porte ! À mon sens, c’est à ces conditions-là que nous pourrions avoir des relations diplomatiques très amicales, à défaut d’être jamais fraternelles.
Note
(1) À l’heure où ces lignes sont écrites, il semblerait qu’un universitaire guinéen, considéré par méprise comme étant un supporter sénégalais, ait été brutalement « effacé » du monde des vivants !!!! (Sources : chaînes d’infos en continu).
http://eurolibertes.com/evenements/guerre-dalgerie-nest-finie/
Rédigé le 30/07/2019 à 15:24 dans Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
MLGC, MALG, SM, DGPS, DCSA, DRS, ce sont les acronymes qui ont successivement désigné les services de renseignements algériens. Ces services se sont ensuite restructurés en trois directions générales : la Direction générale de la sécurité intérieure (DSI), la Direction générale de la documentation et de la sécurité (DDSE) et la Direction générale du renseignement technique (DRT). Trois entités directement rattachées à la présidence de la République sous l’appellation de CSS : Coordination des services de sécurité.
Une configuration liée aujourd’hui à un pouvoir intérimaire (celui du général Gaïd Salah) susceptible de connaître encore d’importantes recompositions. Cette histoire des services algériens est non seulement révélatrice des stratégies et des moyens mis en œuvre par les acteurs du régime, mais nous raconte aussi comment, à certaines époques, ces services ont été le véritable pouvoir en Algérie.
À l’origine des services secrets algériens
L’histoire du renseignement algérien commence avec la guerre d’indépendance, sous l’impulsion d’Abdelhafid Boussouf, qui fut l’un de ses principaux fondateurs. Comme l’explique Saphia Arezki dans son excellent ouvrage intitulé De l’ALN à l’ANP, la construction de l’armée algérienne 1954-1991, aux éditions Barzakh, « Abdelhafid Boussouf, né en 1926 dans le Constantinois, milite très jeune au sein du Parti du peuple algérien (PPA), avant de rejoindre l’Organisation spéciale (OS) dont il devient l’un des cadres. Au lendemain du déclenchement de la guerre, en 1954, il est l’adjoint de Larbi Ben M’Hidi, chef de l’Oranais (zone V), qui lui en laisse le commandement en 1956. En charge des liaisons et communications au niveau national […], il va mettre en place, en toute indépendance, les services de renseignement de l’Armée de libération nationale (ALN) ».
Dans ce cadre, il créé la première école d’officiers de renseignements, destinés à être formés dans le domaine des transmissions, où comme le précise Saphia Arezki, « les jeunes sont soumis à une stricte discipline pour préserver l’opacité du réseau qu’il a constitué, opacité qui marquera profondément l’État algérien ».
En septembre 1958, avec l’émergence du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), les premiers services de renseignement militaire algérien voient officiellement le jour, d’abord sous l’appellation de MLGC (Ministère des Liaisons générales et des Communications), et à partir de 1960 de MALG (ministère de l’Armement et des Liaisons générales), bien connu pendant la guerre, dont les membres, estimés à 1 500 cadres, seront surnommés « les Malgaches » ou les « Boussouf boys ». En plus de leur opacité, ces services disposent depuis leur création d’une très large autonomie qui restera une spécificité des services algériens.
La redoutable SM traque les ennemis du peuple
À l’indépendance, Abdelhafid Boussouf est mis à l’écart. Le MALG devient en 1962 la SM (la Sécurité militaire) sous la direction de Abdallah Khalef, plus connu sous son nom de guerre de Kasdi Merbah, un ancien chef du MALG, formé à l’école des officiers du renseignement de Boussouf et à l’école du KGB à Moscou. Le nouveau service de renseignement, composé principalement d’anciens « Malgaches » recrutés par le colonel Houari Boumédiène (chef de l’État algérien de 1965 à 1978), est directement rattaché à la présidence bien que structurellement dépendant du ministère de la Défense.
Les membres du SM, qui sont des civils avec un statut militaire, sont totalement dévoués à Boumédiène qui leur donne en retour une grande autonomie et leur garantit une certaine forme d’impunité. Leur mission : traquer les ennemis du peuple, à savoir les contre-révolutionnaires dans l’idéologie de l’époque. Pour Saphia Arezki, « la SM est une véritable police politique qui a plusieurs assassinats politiques à son actif, parmi lesquels deux des chefs historiques du Front de libération nationale (FLN) : Mohamed Khider, assassiné à Madrid en 1967, et Krim Belkacem, retrouvé étranglé dans une chambre d’hôtel à Francfort en 1970 ».
Mais en en décembre 1978, Boumédiène meurt prématurément. Kasdi Merbah, qui a monté des dossiers sur toutes les personnalités politiques et militaires du régime, aurait joué un rôle important voire déterminant dans le choix de Chadli Bendjedid comme successeur à la présidence. D’après certains témoins, cités par Saphia Arezki dans son ouvrage, Kasdi Merbah « aurait menacé les éventuels opposants à son "choix" de rendre publics des dossiers gênants les concernant ». Jugé probablement trop dangereux, il sera finalement évincé de la direction de la SM quelques mois plus tard. Le président Chadli Bendjedid fera nommer d’autres directeurs, la SM perdra progressivement son autonomie et deviendra une direction parmi d’autres qui sera même finalement scindée en deux services.
En octobre 1988, des émeutes qui n’avaient pas été prévues par les services de sécurité provoquent une réorganisation du système qui remet les deux directions restantes ensemble et les placent sous la tutelle du ministère de la Défense. C’est alors la fin de la SM et la naissance du tout-puissant Département du renseignement et de la sécurité, le DRS, à la tête de laquelle est nommé le 4 septembre 1990 Mohamed Mediene, dit « Toufik », surnommé « Rab Dzaïr », le « dieu de l’Algérie ».
Toufik, le tout-puissant
La biographie de Toufik est entourée de mystères. Né en 1939 dans l’Est algérien, il aurait grandi à Alger et aurait rejoint au milieu de la guerre d’indépendance les rangs de l’Armée de libération nationale (ALN). Rapidement recruté par le MALG, il aurait suivi une formation d’artilleur en Jordanie, puis à Moscou au KGB. Probablement agent dans la SM, il est affecté un temps dans la 2e région militaire, commandée par le futur président Chadli Bendjedid. Au lendemain des émeutes d’octobre 1988, il prend la tête de la DCSA. Il est nommé deux ans plus tard patron du DRS, poste qu’il occupera jusqu’en septembre 2015.
Pour Saphia Arezki, « l’absence de présidence forte à même de contrôler le DRS, a vraisemblablement laissé à ce dernier une grande marge de manœuvre dans son développement et a donné à son chef un pouvoir considérable… Durant un quart de siècle, ce chef tout-puissant, dont pendant longtemps une seule photographie a circulé, va façonner cette superstructure sécuritaire à son image, au point que pour beaucoup d’observateurs il s’agissait de sa créature qui ne pourrait lui survivre… La création du DRS et l’autonomie dont il a pu jouir ensuite, sont vraisemblablement le fruit d’une conjoncture spécifique : un air de fin de règne du côté de la présidence, la montée de l’islamisme et du terrorisme au sein de la société qui fera dire à un journaliste algérien spécialiste de la question que "le DRS n’a été, in fine, qu’une anomalie organique imposée par l’urgence de ce début des années 1990 qui annonçaient le chaos, la guerre et le sang" (Meddi, 2016) ».
Le DRS, véritable État dans l’État
L’Algérie, qui fut un des pôles du courant « progressiste », dont la diplomatie fut très active à l’international sur tous les fronts de la lutte anticoloniale, opère dans les années 1980 un repli sur ses intérêts nationaux. Avec les années 1990, la guerre civile concentre tous ses efforts et le DRS devient, dans ce contexte, le principal instrument de l’État dans la lutte contre le terrorisme. La lutte est implacable, tous les coups sont permis et les méthodes sont souvent expéditives (disparitions forcées, torture…).
Pour mener cette guerre contre le terrorisme comme l’explique Saphia Arezki, « plusieurs organismes sont créés en son sein à l’image du Centre principal militaire d’investigation (CPMI) de Ben Aknoun, à la sinistre réputation, en raison des nombreuses exactions qui s’y seraient déroulées et à la tête duquel se trouvait le général Tartag, que l’on retrouvera quinze ans plus tard. Ou encore du Commandement de coordination de la lutte contre l’activité subversive (CCLAS) qui coordonne plusieurs forces de sécurité émanant tant du DRS que de l’ANP, monté par le défunt général Mohamed Lamari, fervent partisan de l’interruption du processus électoral en janvier 1992 et éradicateur convaincu ».
En 2001, le général Toufik effectue un voyage aux Etats-Unis quelques jours avant le 11-Septembre pour prévenir les Américains de l’imminence d’un attentat de grande ampleur. Quelques heures après les attentats, seuls deux avions seront autorisés à décoller, celui de la famille royale saoudienne et celui qui ramenait Toufik à Alger. De même, le DRS préviendra la DGSE le 6 janvier 2015 de l’imminence d’une importante opération terroriste en France. Vingt-quatre heures plus tard, le siège de l’hebdomadaire Charlie Hebdo était attaqué. La même année 2015, en octobre, le DRS transmet une note à la DGSE l’informant d’un fort risque d’attentats terroristes dans la région parisienne au niveau de « centres abritant des grands rassemblements de foules ». Le 13 novembre 2015, se produit l’attaque au théâtre du Bataclan à Paris.
Sur le plan intérieur, hormis des actions comme l’opération « mains propres » pour lutter contre la corruption au sein la compagnie nationale du pétrole, qui impliquera des hauts responsables de la Sonatrach et le ministre de l’Énergie et des Mines, Chakib Khelil, le DRS est pointé du doigt par beaucoup pour de nombreuses affaires sales. Mais il a toujours disposé d’une totale autonomie et d’un grand pouvoir qui lui a donné toute sa puissance. Pour Saphia Arezki, « le DRS, véritable État dans l’État, était devenu l’un des pôles incontournables du pouvoir algérien, dont le centre névralgique est parfois bien difficile à situer tant le secret est l’un de ses piliers depuis sa création ».
La fin du régime et de la toute-puissance des services
Lorsqu’Abdelaziz Bouteflika accède au pouvoir en 1999, il trouve face à lui une superstructure de renseignement puissante et indépendante, dont il cherchera constamment à diminuer l’autonomie pour en reprendre le contrôle. À partir de 2013, des restructurations visant à démanteler progressivement le DRS sont réalisées. Certains services sont dissous, d’autres passent aux mains de l’armée. L’attaque en 2013 du complexe gazier de Tigentourine et la gestion de la crise, qui aboutit à la mort d’une trentaine d’otages, attise les divisions et les luttes internes entre la présidence, l’armée et les services. En septembre 2015, le président Abdelaziz Bouteflika fait remplacer Toufik par son numéro deux, le général Athmane Tartag et le DRS est démantelé fin janvier 2016.
Sous la pression de la rue, Abdelaziz Bouteflika est contraint de démissionner le 2 avril 2019. Son départ marque-t-il la fin d’un régime et d’un modèle politique où, historiquement, les services secrets ont toujours joué l’une des principales partitions ?
Rédigé le 29/07/2019 à 23:37 dans Algérie, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
Témoignage délivré devant plusieurs classes de Première et devant le Club Histoire du lycée Buffon (Paris) par l’appelé Jean-Louis Cerceau et publié dans un des ouvrages réalisés par la Club Histoire du lycée Buffon.
Ce témoignage était publié accompagné de photographies apportées par le témoin.
Jean-Louis Cerceau naît le 27 Février 1940. Ce jeune commis d’épicerie aux » Docks de France » qui a commencé à travailler dès seize ans souhaite devenir un jour gérant d’une succursale avec la jeune fille qu’il rêve d’épouser. La Guerre d’Algérie bouleverse ses projets. À vingt ans, le 1er mars 1960, il part effectuer son service militaire et séjourne seize mois en Algérie, du 17 Janvier 1961 au 24 Avril 1962 dans le 1/65e R.I.Ma.[1] Sa compagnie ayant été transformée en commando de chasse, il est engagé dans de nombreuses opérations contre l’A.L.N. Il effectue l’essentiel de son séjour à El Milia dans le nord Constantinois où il restera jusqu’en novembre 1961, à l’exception d’une courte mission à Alger en mai 1961 pour contrôler la ville après l’échec de la tentative de putsch d’avril 1961. Puis, à partir du mois de novembre de la même année, son unité est affectée sur la frontière marocaine à Marnia. C’est au cours de ce séjour qu’il est envoyé à Oran, ville en proie à l’agitation de l’O.A.S., et qu’il participe à l’arrestation du général putschiste Jouhaud. De retour à la vie civile, il reste psychologiquement marqué par la guerre et entame une nouvelle vie. Il fonde une famille, a quatre enfants, puis après avoir été vendeur chez Olivetti et Citroën, décide d’intégrer la police nationale. Plusieurs concours lui permettent de terminer sa carrière en 1996 avec le grade de commandant.
Jean-Louis Cerceau est chevalier de la Légion d’Honneur, chevalier de l’Ordre du Mérite et a reçu la Valeur Militaire
Mon copain Marcel a été tué la veille de mon départ en permission, le 29 juillet. Encore une fois, c’est difficile de vous expliquer ça, mais j’ai vraiment eu le sentiment d’une injustice : pourquoi pas moi ? Et puis j’avais l’impression de l’avoir abandonné. Pour vous dire l’horreur de cette guerre et la délicatesse qui caractérise l’armée ; ce type a été tué le 29 juillet 1961 et le corps a été rendu à la famille la veille de Noël… comme vous pouvez le constater avec beaucoup de tact.
Est-ce que vous pouvez concrètement présenter qui vous étiez au moment où vous êtes parti en Algérie ?
Aujourd’hui, devant vous, c’est un grand-père qui vous parle ; mais les questions que vous allez poser, c’est au jeune de 20 ans qui est parti faire son service militaire, un passage que l’on considérait comme allant de soi à l’époque. Cela faisait partie de la vie du citoyen. On était un garçon, les filles étaient épargnées par cette corvée, on était recensé à 18, 19 ans et on passait le conseil de révision. C’était une séance de quelques heures, tout nu, dans une salle de l’Hôtel de Ville où on défilait devant un aéropage de docteurs ou d’élus qui vous déclaraient, selon votre apparence extérieure, apte pour le service ou non. Puis à 20 ans, on était appelé. Nous étions alors affectés dans un régiment. Généralement on ne tenait pas compte des choix que vous aviez formulés quelques jours auparavant… on faisait bien souvent exactement le contraire de ce que vous demandiez.
Vous étiez appelé dans une unité pour faire ce qu’on appelle des classes. C’est-à-dire une probation militaire qui durait deux mois en temps normal et quatre mois en temps de guerre. C’était donc notre cas. Pendant quatre mois on nous apprenait les milles et une façon de tuer un homme… ou d’éviter d’être tué. Quelques fois des appelés prenaient le bateau, encore « en civil », pour traverser la Méditerranée et effectuaient leurs classes directement en Algérie. Pour ma part, je partageais le sort des appelés qui effectuaient leurs classes en France. La plupart des camarades de ma classe[2] étaient partis au service militaire depuis quatre mois. Car, comme beaucoup de gens de ma génération, mon père qui avait été mobilisé en 1939, avait combattu et, comme il était mort en revenant de captivité, j’étais ce qu’on appelle « soutien de famille ». Théoriquement j’aurai dû faire quatorze mois en France. J’en ai fait dix car j’ai eu une « petite histoire » en cours de route car j’étais un petit peu rétif au commandement. J’ai eu des mots un peu plus que ça avec un adjudant, ce qui m’a valu de partir avec le premier bateau en partance pour l’Algérie. Je me suis retrouvé quelque part dans le nord Constantinois, une région montagneuse, particulièrement humide avec des forêts très denses. C’est probablement un des berceaux de la rébellion algérienne avec tout ce que cela comprend : des combattants très motivés en face de nous, des combattants vraiment exceptionnels. Je n’étais pas un soldat. J’étais un petit commis d’épicerie. Mon travail consistait à livrer les bouteilles chez les clients. Quant à mon ambition, en revenant de l’armée, c’était tout simplement de faire ma vie avec une fille, de me marier, d’avoir des enfants et de prendre une gérance dans la société où je travaillais. Tout a basculé avec l’Algérie. Tout a changé parce que j’ai fait un parcours, comme beaucoup d’autres camarades, qui a foutu ma vie en l’air.
Est-ce que vous aviez à ce moment- là des engagements politiques ou une idée particulière sur ce qui vous attendait en Algérie ?
A l’époque j’étais non pas de l’extrême droite mais plutôt nationaliste, c’est-à-dire pour être clair que je n’avais pas de conscience politique, je marchais un petit peu à la boussole, si l’on peut dire, en fonction de mon milieu familial, de ce que j’entendais autour de moi et à l’époque les parachutistes avaient particulièrement la cote. Je lisais les journaux de l’époque – il n’avait pas encore beaucoup de télévision- qui me laissaient penser qu’il n’y avait que les parachutistes qui faisaient la guerre. Donc, pour faire partie de ces unités d’élite, j’ai fait la préparation militaire parachutiste et j’ai sauté six fois d’un avion en vol. Cela peut vous paraître idiot mais j’étais volontaire et j’ai été breveté « parachutiste ». Puis, fort heureusement pour moi – vous comprendrez pourquoi plus tard – je me suis cassé un genou au sixième saut ce qui fait que j’étais inapte au saut. Fini le destin de parachutiste, j’ai été affecté dans ce qu’on appelait l’infanterie de marine, c’est-à-dire des unités quand même amenées à combattre et j’ai fait exactement le même « travail » que ce que faisaient les parachutistes. En effet, ceux-ci ont effectué finalement peu de sauts opérationnels en Algérie, peut être trois ou quatre. Ils faisaient comme nous, ils se déplaçaient à pied ou en camion ou étaient héliportés. Lorsqu’au bout de dix mois on a voulu me réaffecter aux troupes parachutistes, j’ai souhaité rester avec mes camarades.
À quelle date êtes-vous parti en Algérie exactement ?
J’ai été appelé le 2 mars 1960 et je suis parti en Algérie le 17 Janvier 1961, je vais vous dire pourquoi cette date m’a marqué, pourquoi je m’en souviens aussi précisément. C’est que je faisais partie des naïfs qui s’imaginaient que l’Afrique du nord, c’était les palmiers, les femmes voilées, et les chameaux… quand j’ai débarqué il y avait de la neige partout et j’ai attrapé la seule bronchite de ma vie. Il y a un autre événement qui a contribué à graver cette date dans ma mémoire, c’est quand, 40 ans après, je décide de partir en vacances dans la région à Langogne[3] où se trouvait une maison de vacances de mon association. Comme je fais à chaque fois que je débarque quelque part, je vais voir le monument aux morts du village pour voir si il y a eu des gars qui sont tombés là-bas et, à ma grande stupéfaction, je constate que le 17 janvier 1961 un type de Langogne avait été tué le jour même où j’avais débarqué. Cela m’a vraiment marqué. Au moment même ou je mettais les pieds en Algérie, un jeune avait été tué.
Vous n’êtes donc pas parti tout de suite en Algérie. Qu’est-ce qu’on disait lors de votre période de classes sur la guerre l’Algérie ? L’encadrement militaire tenait-il un discours sur ce qui se passait en Algérie ?
On n’avait pas de discours politique particulier de la part de notre encadrement. C’était l’époque où un début de négociation entre le gouvernement français et les représentants algériens avait été amorcé, mais avait capoté. Nous espérions que les négociations allaient reprendre rapidement pour que la guerre s’arrête. Finalement j’ai été un va-t’en guerre avant d’être militaire mais dès que j’ai été incorporé, je me suis demandé où j’avais mis les pieds. Il faut dire que nous avions parmi nous des types qui n’avaient pas tout à fait terminé leur service et qui avaient été blessés en Algérie et qui étaient réaffectés dans notre unité. Ils nous racontaient un peu ce qui se passait même si certains n’en disaient pas trop et d’autres en rajoutaient sans doute. Mais nous nous faisions peu à peu une petite idée, on avait quand même déjà une petite idée de ce que cela pouvait être. Nous avions compris que nous n’allions pas faire du tourisme.
Comme j’avais eu cet incident avec un gradé, comme je vous l’ai dit tout à l’heure, j’ai dû partir au bout de dix mois avec un petit trait à l’encre rouge sous mon nom ce qui m’a valu d’être affecté dans une compagnie de combat, devenue commando de chasse par la suite. J’ai dû suivre une formation supplémentaire, un stage commando car notre mission était de combattre. Tous les appelés faisaient la guerre, mais je faisais parti des dix pour cent de soldats qui affrontaient directement l’adversaire.
Quand ces commandos de chasse ont-ils été constitués ?
En 1959. De Gaule avait décidé de lancer des réformes[4] mais aussi de battre militairement l’A.L.N. C’est le général Challe qui les a créés dans le cadre d’un vaste plan de balayage du territoire d’Ouest en Est, mais je dirais qu’il régularise en fait une situation déjà existante. Des compagnies de combat comme celles dans laquelle j’ai été affecté avaient déjà suivi une formation et étaient constituées d’une centaine d’hommes dont la vocation était d’affronter l’adversaire.
Aviez-vous vraiment le sentiment que vous alliez connaître l’expérience de la guerre ?
Pas du tout. Il faut savoir que la culture du mensonge contrôlait la presse. Peu de journaux ou magazines révélaient la nature des combats. La censure régnait en maître jusqu’à ce que les rappelés partent en Algérie. Les rappelés d’abord, ces jeunes, les premiers d’entre nous qui ce sont retrouvés rappelés à l’activité militaire après avoir été libérés de leurs obligations militaires et être rentrés chez eux parfois depuis un an et demi, voire deux. Ils avaient finis leur service militaire, certains étaient mariés, avaient monté des commerces, enfin toutes les situations imaginables. Ils se disaient : « ça y est, c’est fini pour nous, nous sommes revenus et nous commençons notre vie d’Homme », et puis, tout à coup, les gendarmes viennent leur porter un ordre de mobilisation, et ils repartent sans savoir pour combien de temps. Ils se retrouvent en Afrique du Nord, au Maroc et en Algérie, surtout en Algérie. En fait, ils y resteront cinq ou six mois là bas. Nous, nous partions pour vingt-huit mois.
Quand ont-ils été rappelés ?
En 1956. Ces gars là étaient des soldats communs, sans formation particulière au combat et, en plus, pas très contents d’avoir été rappelés. Une certaine indiscipline régnait naturellement dans les rangs et puis, un jour, ce fut le drame. Dix neuf gars tués dans une embuscade dans les gorges de Palestro[5]. La presse en a parlé et on a compris que les prétendues « opérations de police », de « maintien de l’ordre » comme on disait masquaient une guerre réelle et dix-neuf gars, des rappelés, étaient morts. Le choc de la révélation de Palestro a été telle, qu’à partir de cette date la presse a été sévèrement surveillée : plus d’informations libres, les seules informations autorisées étaient fournies par les services de l’armée. Les journalistes accrédités n’avaient accès qu’aux informations délivrées par l’armée. Mais en Algérie, il y a eu, comme dans toutes les guerres, des opérations qui coûtaient la vie de cinquante ou de soixante hommes, plus fréquemment entre cinq et vingt morts. Et cela n’était pas la guerre !… En Algérie on a connu une moyenne de dix morts par jour. Pour les blessés, ce nombre doit être multiplié par trois.
Nous, nous sommes arrivés vers la fin. C’était toujours une situation tendue mais des négociations avaient commencé entre la France et le F.L.N. ce qui veux dire que l’adversaire, pour pouvoir s’assoir à la table des négociations en position non pas de force mais en position d’égalité, mettait le paquet sur le terrain. L’année 1961 a été une année vraiment très dure.
Est-ce que vous vous souvenez de votre transfert en Algérie ? ça se passait comment ?
Un peu moins bien que les transferts de bestiaux… J’étais en caserne à ce moment-là dans le camp de la Braconne, situé près d’Angoulême. On nous a emmenés par le train jusqu’à Marseille dans le camp de transit de Sainte-Marthe qui datait du début du siècle[6]. Un camp immense de plusieurs hectares, nous étions parqués dans des baraques où pullulaient de petites punaises et où il n’était par conséquent pas question de dormir, c’était crasseux, c’était dégoutant. Quand nous avons été dévorés une ou deux nuits par les punaises, on nous embarqués dans un paquebot classique, à ceci près qu’on voyageait en fond de cale sur des chaises longues, à l’avant ou à l’arrière du bateau là où ça bouge le plus… Je n’ai pas besoin de vous dire que dès qu’un premier commençait à vomir, le suivant se laissait aller puis tout le monde et nous pataugions là-dedans… Certains, dont j’étais, sont montés sur le pont pour essayer de respirer un peu d’air pur mais malheureusement il y a eu une tempête et nous avons dû redescendre dans la cale parce qu’il fallait fermer les portes étanches. Cela a été une traversée d’enfer.
Sitôt débarqués à Philippeville, nous nous sommes précipités à l’air libre et comme nous étions en tenue très légère, nous avons tous attrapé mal car il faisait très froid alors qu’on croyait naïvement croyait débarquer dans un pays chaud.
Quelle a été votre première affectation ?
Ma toute première affectation en arrivant en Algérie a été le bataillon dans lequel j’ai été de suite affecté. Arrivés le 17 janvier, nous avons été transférés dans nos unités le jour même. J’ai fait partie des deux appelés qui étaient affectés à la compagnie de combat. Je n’ai pas bien compris tout de suite pourquoi le bureaucrate qui me donnait mon affectation m’a regardé en me disant : « T’en as de la chance, tu vas pas sentir le renfermé ». Si je n’ai pas bien compris sur le moment, j’ai vite compris le sens de ses propos : sur les onze mois que j’ai passés dans le Constantinois, j’ai couché huit mois et demi dehors !
Est-ce que vous pourriez préciser quelles étaient les missions d’un commando de chasse ?
Les missions d’un commando de chasse consistaient à rechercher l’adversaire, à aller au contact de façon à le provoquer pour le faire sortir du bois si je puis m’exprimer ainsi. Quelquefois on effectuait des « coups de main » contre des adversaires pas trop nombreux mais, quand l’affaire devenait « très chaude » et si nous manquions d’équipement, nous faisions appel à la réserve constituée de parachutistes ou de légionnaires qui arrivaient en renfort et qui déclenchaient alors une opération de plus grande ampleur. Dans ce cas de figure, nous avions joué en quelque sorte le rôle de la chèvre, l’appât. Cela ne nous dispensait pas d’aller nous aussi « au charbon » pour attaquer avec les autres puisqu’on nous étions sur place et avions déjà accroché l’adversaire. Ces opérations se déroulaient le plus souvent de nuit parce que la nuit tous les chats sont gris et nos déplacements étaient ignorés tant de la population que des rebelles. Quand nous nous déplacions de nuit, les rebelles ne savaient pas toujours s’ils avaient à faire à d’autres rebelles ou s’ils avaient à faire à des soldats réguliers de l’armée française. Il nous arrivait même parfois de revêtir des djellabas[7] pour nous faire passer pour des fellagas aux yeux de la population.
Pouvez-vous présenter ce qu’est un commando… Il y a combien d’hommes ? Qui commande ? Quels sont en particulier les rapports entre les appelés que vous êtes et l’encadrement qui est composé de professionnels ?
La différence avec les unités plus « classiques » tenait à notre encadrement constitué de soldats de métier. Il y avait bien quelques appelés officiers ou sous-officiers, mais la majorité de l’encadrement avait déjà combattu en Indochine ou lors des combats de la Libération. C’étaient donc des gens aguerris qui nous encadraient. Un commando c’était une centaine à peu près, une centaine divisée en quatre sections d’environ vingt-cinq hommes. Pas tout à fait d’ailleurs car il y avait aussi ce qu’on appelait la section « hors rang », composée de l’infirmier, des radios, du cuisto[8] etc. Mais, en gros, une vingtaine d’hommes par section. Donc selon l’importance de l’opération que l’on devait mener, de la simple embuscade au coin du bois à un combat plus conséquent, on engageait une quarantaine d’hommes, deux ou trois sections voire le commando au complet.
Pouvez-vous raconter votre premier contact avec des katibas, les troupes de l’ALN ?
La première fois que je me suis fait « allumer », si je puis dire ça, c’était la veille de mon anniversaire, encore une date qui marque. J’ai bien cru que je n’allais jamais atteindre l’année suivante. C’était en février 1961, j’étais en Algérie depuis à peu près un mois. Nous avions déjà tendu plusieurs fois des embuscades et pratiqué des ratissages, mais on n’avait rien trouvé ; ou plutôt si, on avait bien trouvé des documents et de l’argent liquide mais nous n’avions pas eu de contact direct avec l’adversaire. Et puis un jour, nous sommes partis en opération avec d’autres unités et nous avions la mission de boucler le secteur. Pour comprendre ce qu’est une opération, il vous suffit d’imaginer un tiroir qui se referme lentement. Sur les bords et au fond du tiroir, il y a un barrage de soldats. Le tout dessine un « U ». Là où le tiroir se referme, c’est le « ratissage », des soldats avancent lentement et les fellaghas qui se trouvent au milieu n’ont le plus souvent pas d’autre solution que d’être « accrochés ». Ou bien ils se rendent ou bien ils affrontent nos troupes quand le piège se referme. Il est rare qu’ils réussissent à s’échapper. Ce type d’opération est évidemment plus facile à mener en plaine qu’en territoire montagneux ou en forêt. Certaines forêts étaient très denses, très touffues et l’on voyait le bonhomme en face tardivement, quand on était souvent à moins de dix mètres. Alors c’était à celui qui tirait le premier.
Donc, nous étions le fond du tiroir ; j’étais avec des copains, des gars plus anciens que moi quand, tout à coup, je me suis fait « allumer ». Dans cet espace boisé, j’ai vu des feuilles qui tombaient à côté de moi quand un caporal m’a crié : « Mais qu’est-ce que t’attends pour te coucher ? » Tout à coup j’ai réalisé qu’on me tirait dessus. Si je suis là pour en parler, c’est parce que je n’ai pas été touché mais je vous assure que, rétrospectivement, j’ai eu la plus grande trouille de ma vie. Je n’ai pas vu mon ou mes adversaires, ceux qui avaient eu la gentillesse de me prendre pour cible. Par contre, pas très longtemps après, nous avons fait un « coup de main » et j’ai vu mon premier tué en face. Je suis heureux de n’avoir jamais eu à tuer un homme face à face. J’ai plusieurs fois participé à des combats où il y a eu des morts en face et quelquefois chez nous mais je n’ai jamais pu dire avec certitude, : « Celui-là, c’est moi qui l’ai tué »… Vous me direz c’est peut être une forme de lâcheté mais je me suis toujours dit : « J’espère que ce n’est pas moi qui ai fait ça ». Pour la première fois où j’ai vu un type de mon âge en train de rendre le dernier soupir, c’est lorsque nous tirions en courant sur des types que nous pourchassions. Ça m’a complètement foutu en l’air, j’ai eu le sentiment d’avoir attenté à ce qu’il y a de plus sacré. Tuer un homme, c’est quelque chose d’abominable… enfin en tout cas pour quelqu’un de civilisé, même en tant que soldat. Avec le temps ça guérit un petit peu, on en prend l’habitude. Mais la mort d’un homme, même d’en face, ne m’a jamais laissé indifférent. Jamais ! C’est quelque chose de terrible. J’avais un très grand respect pour la vie avant même de partir, mais je crois que je l’ai encore plus depuis que je suis revenu.
A vous entendre on a l’impression qu’il y a une mutation qui s’est effectuée assez rapidement dès le contact avec la guerre.
La guerre… avant de partir j’allais beaucoup au cinéma, ça ne coûtait pas trop cher et j’aimais bien aller voir les films de guerre américains sur la Seconde Guerre mondiale. Il n’y avait que des héros, des types qui à eux seuls allaient affronter dix chars et, quand ils mourraient, ils s’écroulaient en criant « Vive l’Amérique ! ». C’était vraiment extraordinaire quoi et, pour moi, la guerre c’était ça et puis les morts étaient tous beaux ! Ils tombaient en criant : « Vive l’Amérique ». Même quand ils expiraient ils étaient magnifiques. Mais la mort à la guerre, c’est un corps déchiqueté, une tête éclatée, les tripes à l’air. Et quand vous avez vu ça, c’est une image qui ne peut plus jamais vous quitter. C’est vrai que j’ai très vite évolué.
Y avait-il des harkis dans votre commando de chasse ?
On avait avec nous un interprète guide qui venait de la S.A.S (les Sections Administratives Spécialisées) , un gars qui avait été détaché : un « moghazni ». Aujourd’hui tous les supplétifs algériens de l’armée française sont appelés « harkis » mais, en réalité, il y a eu une multitude de supplétifs sous diverses appellations. Ce « musulman » avait été affecté avec nous parce qu’il faisait la guerre depuis sept ans. Toute sa famille avait été égorgée par le F.L.N, ce qui l’avait poussé à s’engager comme supplétif dans l’armée française. Il s’appelait Mohammed. J’étais très ami avec lui. Il avait une expérience de la guerre absolument fabuleuse. Un jour, par exemple, on était sur une piste et on a vu un chargeur de mitraillette par terre. Pensant qu’un soldat avait perdu son chargeur, un gars s’est précipité pour le ramasser et Mohammed lui a dit : « Touche pas ! Touche pas ! Il est peut-être piégé ». On s’est donc écarté et on a tiré sur le chargeur et, effectivement, le chargeur a explosé, une grenade était attachée dessus. Cela faisait partie des pièges de la guerre. Mohammed était capable de dire, lorsque l’on voyait un pas sur la piste si la personne était passée là il y a quelques heures ou quelques jours. C’était vraiment un type extraordinaire qui avait une expérience prodigieuse qui nous a souvent permis d’éviter de mauvaises surprises.
A part ce contact avec Mohammed, avez-vous pu discuter avec d’autres harkis pour connaitre leurs motivations à participer à ce qui était pour eux, une guerre civile ?
Il faut savoir qu’il y a eu plusieurs types de harkis. Il y a ceux qui étaient réellement motivés, comme Mohammed, d’autres qui étaient là faute de moyens, parce qu’il faut bien manger et que l’engagement donnait droit à une solde, d’autres encore avaient « retournés », c’étaient d’anciens combattants du F.L.N que l’on avait torturés et qui avaient parlé et à qui on avait proposé de rester dans les rangs de l’armée française. Comme ils avaient parlé, ils ne pouvaient plus rentrer chez eux, ils auraient été liquidés par le FLN. Ceux-là étaient des supplétifs « sous la contrainte ». On avait, dans l’ensemble, de bons rapports avec les supplétifs. Je pense que ces hommes, quelles que soient les raisons pour lesquelles ils étaient avec nous, n’avaient plus le choix, ils essayaient donc d’être en bon terme avec nous et ça se passait bien.
En ce qui concerne Mohammed, savez-vous ce qu’il est devenu ? »
Non, mais je l’imagine. Lorsque nous sommes partis du Constantinois en novembre 1961, nous avons reçu l’ordre de désarmer et d’abandonner tous les supplétifs. On leur laissait le choix de s’engager dans l’armée française, mais en laissant leur famille, ce que la plupart d’entre eux n’acceptait pas. Après l’indépendance, environ 70 000 supplétifs ont été égorgés, massacrés… Je pense que Mohammed, avec le « palmarès » qu’il avait, n’a malheureusement pas pu se sauver. Je n’ai plus eu de contacts avec lui après notre départ mais je me souviens que j’ai eu la honte de ma vie le jour où nous sommes montés dans les camions pour partir et qu’on l’a abandonné là, alors que ce type nous avait fait confiance pendant des mois. Je me rappelle que nous portions la tenue camouflée, mais lui avait un treillis ordinaire. Un jour, le capitaine du commando lui a remis la tenue camouflée et Mohammed était tellement fier d’être reconnu comme l’un des nôtres qu’il a dû coucher avec tout le reste du mois. Il allait également « frimer » devant ses amis harkis avec sa nouvelle tenue. Je pense que la légion d’Honneur ne l’aurait pas rendu plus fier. Après toutes ces marques de confiance de notre part et de la sienne, nous étions plusieurs à ressentir la honte de l’abandonner ainsi.
Avez-vous eu, lors de vos opérations, l’occasion de faire des prisonniers ; et si « oui », que devenaient-ils ?
Oui, nous avons fait des prisonniers qui étaient livrés au bataillon – au PC, si vous voulez- où se trouvaient des spécialistes de « l’interrogatoire » qui avaient vocation à torturer les prisonniers. Nous ne torturions pas dans notre commando. Aussi bien notre capitaine que nos sous-officiers étaient catégoriquement contre ce genre de pratiques à l’intérieur du commando. On savait très bien, lorsqu’on livrait un prisonnier à ce bataillon, ce qui allait lui arriver mais nous ne voulions pas nous salir les mains avec des choses comme cela à l’intérieur de notre commando. Malheureusement, la guerre nous y obligeant, nous avons parfois exercé des violences mais jamais nous n’avons volontairement fait du mal physiquement à un prisonnier pour le faire parler. Il y avait des unités itinérantes spécialisées dans la torture qui s’appelaient les DOP – les Dispositifs Opérationnels de Protection – jusqu’au plan Challe. Le général de Gaulle a ensuite condamné la torture, en particulier la torture à l’électricité avec ce que l’on appelait la gégène – la génératrice – qui servait normalement pour communiquer : le téléphone ça sert à parler, pas à faire parler ! Mais la torture à l’électricité à tout de même continué puisqu’après la dissolution des DOP, ses membres on été rattachés à des unités d’infanterie et faisaient exactement le même travail. Un jour, alors qu’on avait capturé un prisonnier, ils nous on demandé un endroit pas trop exposé pour « l’interroger ». Ils sont donc allés dans un de nos bâtiments. Lorsque l’on a entendu le gars gueuler, on a gueulé aussi. Ils ont donc embarqué le type et sont repartis comme ils étaient venus pour faire leur travail ailleurs.
Quelles étaient les relations entre les appelés entre eux ? Comment réagissaient-t-ils à l’épreuve de la guerre ?
C’était variable. Je n’ai pas eu de problème à l’intérieur du commando puisque appelés ou engagés travaillaient ensemble sans vraiment même savoir quel était le statut de chacun. Lorsque j’ai été libéré de mes occupations militaires, je me suis aperçu que mon caporal déjà en Algérie avant moi n’avait pas été libéré. Quand je lui ai demandé pourquoi il n‘avait pas sa « quille[9] » – c’est-à-dire sa fin de service – , il m’a répondu qu’il était engagé ce que j’ignorais tout simplement parce que l’on ne faisait pas de différence entre nous ; il y avait une véritable fraternité entre nous. Je ne dis pas qu’il n’y avait pas de gens moins aimés que d’autres parmi nous, comme dans toutes les collectivités. Mais, tout le monde se tenait bien puisque lorsque quelqu’un se conduisait mal, le capitaine lui faisait une « tête au carré » et demandait sa mutation.
Pouvez-vous nous donnez des précisons sur ce qu’est exactement la « quille » ?
La libération après son service était appelée la « quille ». Cent jours avant d’être libéré de ses obligations militaires, on fêtait le « père-cent », puis l’on décomptait les jours à partir de cette date. La « quille » arrivait à l’issue de ces cent jours. Je me suis d’ailleurs battu jusqu’au bout. La veille de mon départ, j’étais sur les toits d’Oran de 9h du soir à 3h du matin en train de me faire allumer. Cela a été un départ précipité et dans des conditions difficiles. »
Ressent-on physiquement la peur ?
Celui qui, en ayant été vraiment au contact et en ayant combattu, vous dira qu’il n’a pas eu peur est soit un menteur, soit un fou furieux, un inconscient. Moi, j’ai eu la trouille durant les seize mois que j’ai passés là-bas et je n’étais pas un lâche. Ce n’est pas honteux d’avoir peur. J’ai appris cela quand j’étais parachutiste ; lorsque l’on passe la portière, on a toujours la trouille. Avoir peur n’est pas honteux ; ce qui l’est c’est de ne pas savoir maitriser sa peur. La peur provoque beaucoup de troubles, elle transforme psychologiquement au point que cela se ressent physiquement. J’ai perdu seize kilos pendant les seize mois que j’ai passé en Algérie. »
En regardant les photos que vous nous avez apportées, on est frappé de constater la transformation de votre regard
La photo de gauche a été prise entre Noel et le nouvel an de l’année 1960, lorsque j’étais sur le point de partir. Celle de droite est la photo d’identité que j’ai faite pour mon employeur à mon retour en France. On voit bien que j’avais maigri et que j’avais des yeux « complètements fous ». J’étais ce que l’on appelle un psycho traumatisé. Lorsque je suis revenu, j’ai failli être interné en hôpital psychiatrique. J’ai piqué plusieurs crises où j’ai tout cassé mais le docteur de ma famille n’a pas voulu m’envoyer en hôpital psychiatrique car il pensait que j’en ressortirais plus fou encore. J’ai eu des soins assez durs au début puis de plus en plus doux pour, au fil des années, retrouver un équilibre mental suffisant et reprendre une vie quasiment normale. On ne reprend plus jamais une vie normale après ça, mais disons une vie « satisfaisante. »
Lors des opérations de commandos, avez-vous mené des actions contre des villages qui apportaient une aide aux combattants de l’ ALN ?
Avec l’aide d’autres unités, nous avons affronté des katibas ; c’étaient des unités d’environ 150 combattants, à peu près l’équivalent d’une compagnie. Le plus gros rassemblement que j’ai vu était constitué de deux katibas qui s’étaient reconstituées après la trêve du général de Gaulle du mois de mai 1961 à l’issue de laquelle l’armée française avait relâché 6 000 prisonniers. Ce jour là, ils étaient donc environ 300. Mais le plus souvent, nous affrontions une section d’une trentaine d’hommes. Ils étaient plus aguerris que nous, certains d’entre eux avaient combattu dans les rangs de l’armée française lors de la Seconde Guerre mondiale, voire pendant la guerre d’Indochine. Ils savaient donc bien se battre et savaient qu’ils avaient en face d’eux des appelés. Lorsque nous étions attaqués, nous appelions parfois de l’aide. Parfois, c’est nous qui étions appelés pour faire des coups de main très rapide. On montait alors dans les hélicoptères qui nous déposaient sur le lieu où devaient se dérouler les combats. Parfois on avait un « comité d’accueil », et parfois pas.
Quel type d’hélicoptère utilisiez-vous ?
Il y avait ce que l’on appelait les « bananes » mais j’ai été le plus souvent héliporté en « Sikorsky », un gros hélicoptère avec une seule pale. La banane pouvait transporter huit hommes et le « Sikorsky » six hommes équipés. La différence entre les deux était que les « bananes » s’écrasaient plus souvent que les « Sikorsky » qui étaient plus sûrs.
Lors de ces opérations, vous étiez amenés à découvrir des mechtas, des villages… Y-a-t-il eu des déplacements de population ou des actions contre cette base possible du F.L.N ?
Lorsqu’on savait que des rebelles avaient l’habitude de s’approvisionner dans une mechta ou un groupe de maisons situées dans la montagne, il nous est arrivé de déplacer des populations. Lorsqu’on considérait, qu’à cet endroit, les rebelles recevaient une aide trop active de la population, on regroupait la population de plusieurs villages dans ce que l’on appelait un camp de regroupement et on détruisait les maisons. Certains d’entre eux avaient assez de courage pour nous regarder et nous dire : « Vous êtes des sauvages ! ». Ils avaient raison… La destruction de leur maison, lorsqu’en plus c’était un héritage familial qui venait de leurs aïeux était horrible pour eux.
Comment la population pouvait-elle manifester sa colère ? Par des « you-you » ?
Je les ai entendu lors de l’opération Taskif. C’est un village qui n’existe plus pour la bonne raison que nous l’avons détruit et qu’il n’a jamais été reconstruit par la suite. C’était un village très pauvre dans la montagne et il était supposé dissimuler des armes pour les rebelles. Un jour, nous avons reçu l’ordre d’investir ce village pour trouver ces armes. Il restait quelques malheureux villageois, un vieillard, un handicapé et un qui n’avait pas dû courir assez vite et surtout beaucoup de femmes et d’enfants. A l’issue de la fouille qui n’a rien donné, on a reçu l’ordre d’incendier le village. Les femmes qui avaient été regroupées avec les enfants sur la place qui était au centre du village se sont mises à pousser des « you-you ». Ces cris sont aujourd’hui encore dans ma tête. Nous avons brulé les maisons de ces pauvres gens qui vivaient dans la misère. Nous étions à l’entrée de l’hiver et nous avons brûlé également les provisions qui étaient contenues dans leurs maisons. Nous l’avons fait en toute bonne conscience parce que nous pensions que nous n’avions rien fait de mal physiquement. Lorsqu’on a vingt ans, on ne pense pas à tout. On s’était dit que l’on n’exercerait jamais les mêmes violences que celles des unités dont je vous ai parlé tout à l‘heure. Dans ce village, il y avait un homme qui avait deux enfants, un garçon, qui devait avoir quatre ans et une fille qui avait environ sept ou huit ans. Après avoir interrogé cet homme qui disait ne rien savoir, nous avons pris son fils que nous avons emmené à l’autre bout du village et nous lui avons dit de ne pas bouger. Nous ne l’avons pas frappé, nous ne lui avons fait aucun mal physiquement. Nous l’avons recouvert d’une couverture et nous avons tiré une rafale en l’air puis nous sommes allés voir le père pour lui dire : « Si tu ne parles pas, on tue le deuxième ». Nous avons fait ça sans penser un instant à la torture morale que cela pouvait représenter. Pour nous, du fait que nous n’avions pas exercé de violence physique, nous étions « clean ». Il faut être père de famille, comme je le suis devenu quelques années après, pour se rendre compte de l’horreur d’un tel geste.
Est-ce qu’il est possible, dans une situation de guerre, de refuser certains ordres ?
J’ai refusé certains ordres, ce qui m’a permis de me réhabiliter à mes yeux. À deux reprises, j’ai refusé de participer à des exécutions sommaires. La première fois, nous avions pour mission de coincer une trentaine de rebelles mais un coup de feu parti trop vite de la part d’un des supplétifs a alerté les rebelles et la plupart sont partis en courant pendant que trois d’entre eux se sont sacrifiés pour nous retarder. Après avoir poursuivi ces trois hommes toute la matinée, nous avons fini par les tuer mais le « bilan » était maigre.
Que voulez vous dire par « sacrifiés »? Comment s’y sont-ils pris ?
Ces hommes ont fait les « chèvres ». Ils savaient très bien qu’ils allaient finir par être tués mais ils l’ont fait pour que les vingt-sept autres puissent se sauver. Ce sont des héros. Après les avoir tués, le lieutenant était fou furieux et nous sommes revenus sur le village où restaient un vieux, des femmes et des enfants. Le lieutenant nous a dit : « Bon allez ; vous me nettoyez tout ça ! ». Je me suis opposé au lieutenant en lui disant que nous étions des soldats et non des assassins. Il m’a posé son arme sur la tête en me disant : « Tu peux répéter ça ? ». J’ai vraiment eu peur, il était devenu fou. J’ai dit au lieutenant qu’il pouvait me tuer mais que mes quarante compagnons seraient là pour raconter. Heureusement, il y avait avec nous un sous-officier appelé, instituteur dans le civil, qui l’a arrêté. Il a fini par baisser son arme en prétextant qu’il plaisantait, mais il ne plaisantait pas du tout. Ce type a été tué lors d’une de ses permissions à Alger, il avait été condamné à mort par le F.L.N.
La seconde fois, c’était dans un petit village à côté d’une base aérienne, elle-même située à côté d’Oran qui s’appelait La Senia, la base aérienne s’appelait d’ailleurs la base d’Oran-La Senia. Nous avions reçu des informations selon lesquelles il y avait dans ce village un collecteur de fond. Après avoir cerné le village, on s’est rendu compte que ce collecteur de fonds avait couru plus vite que nous. Nous sommes arrivés chez lui pour découvrir qu’il était parti précipitamment en abandonnant son déjeuner sur la table. Son fils, qui avait seize ans avait, en revanche, couru moins vite et était encore là. On l’a interrogé pour savoir où était son père mais lui répondait qu’il ne savait pas et à ce moment là, un copain et moi-même avons reçu l’ordre de le tuer pour « faire les pieds à son père » !
On n’a pas eu besoin de parler. Nous sommes rentrés et là… c’était terrible… le jeune garçon nous embrassait les pieds, il était sûr qu’on allait le tuer. ! Il nous suppliait, il était accroché à mon treillis… Il y avait un placard inclus dans le mur de cette maison en terre. On l’a fait entrer dedans et on lui a dit : « Surtout tu ne dis rien ! Tu ne dis rien ! Tu te tais ! T’attends que les soldats soient partis, tu bouges pas ! Tais toi ! ». Il a fini par comprendre, il s’est arrêté de pleurer, de crier, on l’a enfermé dans le placard et puis on a tiré deux rafales de l’autre côté et on est sortis, on a dit simplement : « C’est fait ». Je me souviendrai toujours du regard de mes camarades qui pensaient que nous l’avions effectivement assassiné. J’espère qu’aujourd’hui ce gamin, qui était un peu plus jeune que moi, est devenu un grand-père et qu’il se souvient d’avoir été sauvé par un soldat français.
Est-ce qu’il arrive que dans des situations de guerre on ressente la haine ?
Oui, bien sûr ! On peut ressentir la haine à partir de l’instant où on voit un copain tomber. On a de la haine pour celui qui l’a tué… Mais je peux vous dire que ça ne dure pas. Je voudrais insister sur ce point ; ceux qui vous diront qu’ils ont une haine durable et qu’ils l’ont toujours aujourd’hui contre leurs adversaires d’hier sont des gens qui n’ont pas combattu. Ceux qui ont réellement affronté, les armes à la main, ceux d’en face en Algérie vous diront la même chose que moi : j’ai du respect pour eux. J’ai du respect pour eux, pour leur courage, pour leur héroïsme, parce que nous disposions de moyens qu’ils n’avaient pas. Néanmoins ils combattaient vraiment. Evidemment, il y avait une différence majeure entre eux et nous : eux savaient pourquoi ils se battaient, pas nous. Ils avaient un idéal, celui de l’indépendance. Nous n’en avions pas. Je dis souvent que la seule cause qui vaille qu’on meurt, c’est pour la liberté. Beaucoup sont morts pour ça, et c’est pourquoi j’ai beaucoup de respect pour eux. J’ai passé le plus clair de mon temps dans le Constantinois et ce fut un véritable épreuve.
Cela n’a rien à voir avec ce que j’ai connu ensuite à Oran contre l’OAS, parce que là nous étions attaqués par lâcheté. On nous tirait dessus à partir des toits, à partir des terrasses et c’était des Français qui nous tiraient dessus. Nous avons eu plus de « casse » en deux mois qu’on en avait eue en sept mois dans le Constantinois… La haine, je l’ai conservée mais à l’égard des deux généraux qui commandaient les tueurs de l’OAS… généraux qui furent réhabilités depuis !
Est-ce que l’association d’anciens combattants à laquelle vous appartenez, la FNACA, a noué depuis des relations avec des combattants de l’ALN ?
Nous sommes la seule association à avoir été contactée par un colonel d’en face qui, aujourd’hui, est bien sûr à la retraite. Il est à l’origine d’une fondation qui a invité notre président national. Ce dernier a répondu à l’invitation via l’Ambassade de France avec un autre de mes amis, Serge Drouot, responsable de la commission « GAJE », Guerre d’Algérie Jeunesse Enseignement. La rencontre a eu lieu l’année dernière entre mon président national Wladyslas Marek, malheureusement décédé entre temps, et ce copain dont je vous parle. Normalement, nous devrions recevoir cette année une délégation de nos anciens adversaires de la région d’Alger. Nous étions très contents et sur place ça s’est vraiment bien passé. J’ai personnellement regretté de ne pas faire partie de la délégation. Les deux délégations, après avoir échangé quelques propos, ont invité des anciens combattants et se sont rendus ensemble au cimetière où elles ont déposé une gerbe sur le carré français et une sur le carré des soldats du FLN qui avaient été tués pendant la guerre d’Algérie… J’espère connaître un jour cette expérience.
Avez-vous été affecté à d’autres missions que des missions de combat ?
Oui, et je dois dire que cela a participé quelque part à mon désarroi et m’a profondément perturbé. Il n’y avait pas assez d’infirmiers là-bas ; les gars du Service de Santé avaient souvent des incapacités, incapacités physiques pour marcher notamment, ce qui faisait que quand on partait en opération il n’y avait personne pour assurer les premiers soins. Donc, un jour, le capitaine a pris un coup de sang et il a pris deux volontaires : « toi et toi ! »… J’étais un des deux désignés « volontaires », et il a dit : « vous serez infirmiers ! » Je ne sais pas si vous imaginez, mais je n’avais jamais fait d’études, j’étais commis d’épicerie dans le civil comme je vous l’ai dit. Remarquez un trait d’humour involontaire de l’institution militaire : ils m’ont appris à faire des piqûres dans les patates ; les patates au moins je savais ce que c’était ! Pendant trois semaines, j’ai appris à faire une piqûre dans une pomme de terre, à poser un garrot et encore, d’autres choses élémentaires puis je me suis retrouvé sur le tas avec la trousse d’urgence sur le dos comme vous l’avez vue sur la photographie de tout à l’heure. Quand il y avait en opération un blessé plus ou moins grave, il fallait que je me dépatouille avec ce petit bagage. Pas besoin de vous dire qu’au début ce n’était pas facile parce que je n’avais aucune notion de médecine, aucune notion de quoi que ce soit et j’ai vraiment improvisé plusieurs fois. J’ai parfois été confronté à des situations qui n’étaient pas faciles. En ma qualité « d’infirmier », j’ai été sollicité par la population locale notamment dans des villages de regroupement où la population algérienne avait été déplacée pour couper l’ALN des soutiens qu’elle pouvait obtenir dans les villages du bled. Là, il y avait toujours une maison qu’on appelait l’AMG, l’Assistance Médicale Gratuite, c’est-à-dire que les habitants venaient nous consulter et nous nous transformions en « toubib ».
Nous donnions la consultation, faisions le diagnostic, l’ordonnance et les soins. Pas besoin de vous dire que pour un commis d’épicerie, quand vous vous trouvez face à certaines situations, vous vous retrouvés à éplucher toutes les boites de médicament pour savoir à quoi ils servent. Et donc, quelquefois, on tombait juste… Personnellement je n’ai jamais pris trop de risques. Pour l’essentiel, les piqûres que je faisais étaient des piqûres à l’eau distillée et les comprimés que je distribuais, c’était de l’aspirine. Cela limitait le risque de faire une grave erreur.
Mais je me suis parfois trouvé face à des situations très difficiles :une dame qui s’était fait ouvrir le crâne d’un coup de hache par une jalouse ; une autre qui perdait abondamment son sang. J’ai réussi à juguler ça et en deux ou trois jours elle était complètement guérie… je lui avais fait une intraveineuse et au bout d’un moment ça s’est arrêté, le toubib du bataillon m’a félicité.
La pire expérience, c’est le jour où on m’a amené une petite fille, qui devait avoir dans les douze ans. Comme c’est l’usage là-bas, elle portait son petit frère de trois ans sur le dos. Elle avait une multitude de jupons en nylon sous sa robe et quand elle s’est approchée d’un feu, elle s’est transformée en une torche vivante. À part ses mains, ses pieds et son visage, tout le reste était une plaie avec du nylon collé dessus, c’était abominable. Les habitants du village me l’amenèrent, et on s’est regardés avec l’autre copain qui était comme moi infirmier. Nous étions désemparés : « Qu’est ce qu’on fait ? ». Finalement nous avons pris la décision de l’envelopper dans du tulle gras, une espèce de tissu enduit d’une graisse particulière pour les grands brûlés. Elle était enroulée comme une momie des pieds à la tête dans de grandes bandes de tissus. On ne pouvait ni l’asseoir, on ne pouvait même pas la toucher, elle hurlait sans arrêt. Nous l’avons fait évacuer par hélicoptère. Malheureusement la fillette est morte sept jours après. Elle a du souffrir un martyr abominable… pendant sept jours. Son petit frère s’en est sorti, il était juste brûlé sur la peau du ventre mais c’était superficiel. Mais vous voyez, je me suis retrouvé parfois dans des situations délicates. J’ai aussi connu un copain qui s’était trompé entre le morceau de bois qu’il voulait couper et sa main, il s’était ouvert la main, il a fallu que je fasse de la chirurgie avec des points de suture, bon… Moi qui n’avais jamais fait ni d’études de médecine, ni d’apprentissage de boucher. Disons que j’ai fait ce que j’ai pu, et même si ce n’était pas toujours très élégant, j’étais content de faire ce travail là, parce que j’avais au moins l’impression d’être utile à la population. Le problème c’est qu’on soignait les enfants et les mères le jour et, la nuit, on tuait les pères. Ce sont des choses difficiles à vivre dans sa tête.
Cette expérience de « toubib » vous a-t-elle permis de nouer des contacts plus étroits avec la population algérienne ?
Bien sûr. Je me souviens que quand je faisais le « toubib », il n’était pas rare, quand j’arrivais à guérir un gros rhume, un petit problème de bébé, de jeune garçon ou de jeune fille, que je sois invité à prendre le kawa. Ces pauvres gens, qui avaient souvent moins que rien, se mettaient en quatre pour nous dire merci. Ils faisaient des pâtisseries, on peut dire que c’était vraiment touchant ! Nous étions accueillis très chaleureusement. Bien évidemment, je me rendais à l’invitation sans mon arme, si je l’avais gardée sur moi, j’aurais pu intéresser quelqu’un. Mais là, je savais que je n’avais rien à craindre car j’étais invité. La loi de l’hospitalité était sacrée, et c’était une démarche sincère simplement pour dire : « merci toubib ». Mes hôtes ne parlaient pas Français quant à moi je ne parlais pas trop l’arabe, encore que je me débrouillais pas si mal. J’essayais de leur expliquer qu’on en avait plus pour longtemps chez eux. Je voulais les rassurer quoi ! Je me rappelle de ces invitations à prendre le kawa, ce fut toujours un moment extraordinaire. En me rendant chez eux, je désobéissais car il nous était interdit d’aller tout seul chez les gens ; mais bon, j’ai pris le risque et je ne le regrette pas.
Vous étiez en Algérie au moment du putsch. Qu’avez su du putsch et vous a-t-on donné des ordres particuliers à ce moment là ?
Le putsch d’avril 1961 a été organisé par des généraux félons qui se rebellaient contre le gouvernement de la République, parce qu’ils voulaient que l’Algérie reste française. Permettez-moi d’évoquer une réflexion personnelle : s’ils avaient réussi, cela voudrait dire que cinquante ans après, il y aurait toujours 400 000 soldats là-bas en permanence et que vous feriez tous 28 mois de service militaire ! Il est clair qu’il fallait mettre fin à cette guerre et c’est le général De Gaulle qui y a mis fin. Peut-être aurait-il pu faire autrement… avec des « si » on refait le monde ; en tous cas il a mis fin à cette guerre. Donc il y a eu cette poignée de généraux qui a voulu entraîner des militaires dans cette galère infernale contre la République, qui a voulu faire un coup d’Etat militaire et en tous cas ils ont tenté au mois d’avril 61. Et le fer de lance de cette révolte, comme ils ne trouvaient pas d’unités françaises suffisamment « motivées », pour les suivre, fut une unité parachutiste de la Légion étrangère. Lors du putsch d’avril, le colonel à la tête du régiment était en permission et c’est le commandant en second, Elie Denoix de Saint-Marc[10] qui a donné l’ordre à son régiment d’investir Alger et de prendre le contrôle de tous les lieux stratégiques. Eh bien ce commandant vient d’être fait Grand Croix de la Légion d’Honneur, qui est la plus haute distinction de la République ! Cette année, remise en mains propres par le président de la République… pas besoin de vous dire que ça me reste là ! Même si on pense qu’à un moment il faut savoir tourner la page et qu’il faut savoir pardonner comme j’ai pardonné à la plupart d’entre eux, ce n’est pas pour autant qu’il faut les distinguer, les honorer avec les plus hautes distinctions. Elie Denoix de Saint Marc est un personnage complexe, il fut aussi en d’autres temps un grand résistant d’ailleurs déporté à Buchenwald.
Cette évocation me fait rebondir sur un autre point que nous n’avons jamais compris : c’est que ceux qui, lors de la bataille d’Alger, ont été les pires tortionnaires étaient pour la plupart d’entre eux des hommes qui avaient connu la Seconde Guerre mondiale et pour certains d’entre eux qui avaient connu les camps de concentration et la torture par les nazis et qui employaient à leur tour les mêmes méthodes.
Mais où étiez-vous au moment du putsch ?
J’étais quelque part sur un piton dans le nord Constantinois et la chance que j’ai eue, ce fut d’avoir un commandant, un chef de bataillon ancien des Forces Françaises Libres qui était marié à une anglaise et qui avait eu pour témoin de mariage un certain Général de Gaulle. Inutile de vous dire qu’il était gaulliste à tous crins et qu’il n’a pas eu la moindre flottement de sa part, il était naturellement loyaliste. Cela n’a pas été pareil dans toutes les unités. Donc, nous n’avons pas eu à nous poser la question de savoir si on devait obéir à ses ordres. Le Général de Gaulle avait dit, lors de son allocution radiotélévisée qu’il nous interdisait d’obéir aux ordres de tout officier qui rejoignait la rébellion militaire. Nous avons aussitôt reçu l’ordre, d’une part, d’intercepter toutes les unités susceptibles de rejoindre Alger, car elles passeraient forcément dans notre secteur car il y avait un pont, un seul et, d’autre part, de constituer un bataillon de marche – c’est-à-dire un groupement de 150 hommes prélevés au sein du bataillon pour aller combattre les putschistes. En réalité, nous sommes arrivés à Alger un peu comme les « pompiers de Nanterre » alors que le putsch était terminé. Nous sommes restés un mois à Alger, et nous sommes les tout premiers à occuper le camp de Zeralda qui avait abrité auparavant le premier REP – le Régiment Etranger Parachutiste – le cœur du putsch, qui venait d’être dissous. Cela nous a valu de passer un mois sur la plage à Bab El Oued, une petite plage magnifique. Nous étions dans la réserve pour faire éventuellement face à de nouvelles opérations de subversion. La plage restait ouverte et nous, qui étions dans le bled depuis des mois, on voyait arrivait des minettes en deux pièces et petit bikinis, autant vous dire que ça nous inspirait beaucoup ! Et ce qui devait arriver arriva, j’ai fini par lier connaissance avec une de ces petites – l’esprit est fort, mais la chair est faible- J’ai commencé à discuter avec elle mais il ne s’est rien passé, en tout bien tout honneur, parce que je n’ai pas eu le temps… En effet, un sous-officier de l’armée française m’a tiré dessus à la mitraillette et j’ai failli mourir pour les jolis yeux d’une petite Farida. Simplement parce qu’il était jaloux ; il voulait sortir la fille et la fille ne voulait pas. Quand il m’a vu discuter avec elle, il a vu rouge, il a arraché la mitraillette de la sentinelle et m’a tiré dessus. J’ai eu une chance inouïe que cela se passe sur la plage, la mitraillette était ensablée et s’est enrayée. C’est la petite qui a pris la balle dans la jambe alors qu’il visait à côté. J’étais allongé à côté de la fille qui a pris la balle dans le mollet et moi je n’ai rien eu. Il a jeté la M.A.T. et s’est enfui. Le temps que je réalise qu’il venait de nous tirer dessus, il a eu le temps de faire du chemin. Il a été retrouvé quelques jours après par la police militaire, je ne sais pas ce qu’il est devenu mais il valait mieux pour lui que je le revois pas. Quelqu’un qui me tirait dessus à l’époque, j’avais pour réflexe de faire la même chose. Cela s’est arrêté là, je n’ai jamais revu la petite Farida, je sais simplement qu’elle n’était pas gravement blessée, elle doit être grand-mère aujourd’hui…
Vous avez personnellement entendu l’appel de de Gaulle ?
Oui. Ce qui a été terrible pour les putschistes, c’est qu’à l’époque nous avions des poste transistor, aujourd’hui ça vous fait rire de voir ces postes, mais à l’époque cela nous permettait de capter la radio de la métropole à des milliers de kilomètres et c’était fantastique parce que nous avons presque tous écouté le discours du général de Gaulle et cela dans toute l’Algérie. Comme l’énorme majorité de l’armée était composée d’appelés du contingent, ceux-ci ont obéi aux ordres, et ne se sont pas rallier au putsch. De même, il faut être clair, nombre de d’officiers et sous-officiers de carrière n’ont pas voulu participer à cette aventure.
Mais vous n’êtes pas restés à Alger jusqu’à la fin de la guerre ?
Non, mais à cette époque les choses se sont aggravées de plus en plus dans certaines villes, à Oran notamment, et fin novembre 1961, nous avons reçu l’ordre de rejoindre l’Oranais. Nous avons d’abord été cantonnés à Marnia, la guerre n’était pas terminée et nous menions encore quelques opérations contre l’ALN. Très rapidement nous fûmes transférés à Oran où l’agitation de l’OAS était plus manifeste encore qu’à Alger. Je peux dire que c’était une ville littéralement tenue par l’OAS, à tel point que les activistes de l’Organisation de l’Armée Sécrète – c’est ce que signifiait le signe OAS – se promenaient en tenue militaire, avec des casques OAS, faisaient des barrages dans la ville au vue au sus des troupes régulières qui s’y trouvaient. Or, nous étions réputés être, comme je vous l’ai dit tout à l’heure, une unité extrêmement loyale. C’est la raison pour laquelle le commando avait l’ordre de garder et de filtrer l’entrée d’une forteresse qui s’appelait Châteauneuf et qui était le siège du corps d’armée ; nous servions d’escorte au Général Katz qui commandait le corps d’armée et nous étions vraiment considérés comme des gens très loyaux et très sûrs. Mais si les commandos « Delta » de l’ OAS ne nous affrontaient jamais de face, ils savaient comment faire pour nous envoyer des grenades à fusil ou des obus depuis les toits environnants. J’ai eu plusieurs camarades grièvement blessés à la suite de ces attaques surprises qui étaient menées de préférence à l’heure où nous étions réunis pour la soupe ou pour autre chose. La veille de mon départ, le 27 avril, on s’est fait allumés, à partir de neuf heures du soir, il y avait du monde sur les toits et nous avons riposté. L’affrontement a duré de neuf heures du soir jusqu’à trois heures du matin avec une seule interruption quand le bâtiment d’en face a pris feu. On avait du envoyer un « pellot » dans la cage d’ascenseur ou je ne sais quoi ; les pompiers sont arrivés et il y eu un cessez le feu tacite. Mais dès que les pompiers sont repartis – après environ une heure d’intervention – les tirs ont repris, Une légende courrait parmi les appelés qui disait qu’il y avait toujours un gars qui était tué à huit jours de la quille. Et moi, cette nuit-là, je me suis dit j’aurai jamais mon billet de retour. Et puis bon, à trois heures du matin, ça s’est arrêté et le lendemain matin quand il a fallu partir de bonne heure, personne n’a eu besoin de me réveiller pour que je me retrouve dans le camion et que je rejoigne la base arrière puis le bateau pour rentrer en France.
Là, vous êtes quasiment dans le cadre d’une guerre civile
C’est la guerre civile ! Mais je voudrais qu’on sache que je n’ai pas de haine contre les gens qui à l’époque nous tiraient dessus à partir des toits, parce que c’était des gens désespérés, manipulés. La seule responsabilité en incombe aux généraux qui les ont entraînés dans cette guerre. Peut être que si j’avais été Français de souche européenne, né en Algérie, j’aurais moi aussi pris les armes. C’était l’énergie du désespoir, c’était terrible. C’est tellement vrai que trente cinq ans plus tard ans j’ai décoré un type qui me tirait dessus cette nuit là sur les toits d’Oran. J’étais à cette époque responsable à Paris dans mon association et ce gars y avait adhéré, lui aussi. Il avait fait son chemin et avait fini par comprendre que l’indépendance de l’Algérie était inévitable et que le cessez le feu du 19 mars était quelque chose de concret qu’il fallait respecter et il nous avait rejoints. Comme il porte un nom Polonais, je ne pensais pas qu’il était pied-noir et comme je suis moi-même franco-polonais par ma mère nous avons sympathisé. Un jour, on discute et je lui dis : « Mais dis donc, t’es Polonais toi ! » et il m’a répondu : « Si on peut dire, c’est très lointain parce que moi je suis né à Oran ». C’est comme cela qu’on a évoqué Oran. Il m’a dit : « Tu connais Oran « . J’ai répondu : « un peu oui ! » Il s’est mis à me raconter son histoire : » J’ai fait mon service militaire sur la frontière Tunisienne et quand je suis rentré à Oran en 1961, tout était à feu et à sang. Début 1962, on m’a mis un fusil dans la main et on m’a demandé : « Tu sais te servir d’un fusil ? Bah, prends celui-là et viens avec nous ». Je me suis retrouvé sur les toits avec les autres »… il était un peu gêné d’apprendre que j’étais sur les toits d’en face. Et puis quelques jours après il a reçu sa carte de combattant qui donne droit à la croix du combattant. Je me suis fait un devoir de la lui remettre en personne. C’était pour moi un symbole très fort, une forme de réconciliation.
La population d’Oran a donc vécu l’indépendance comme un drame
Un processus enclenché par l’OAS a rendu les choses irréversibles. C’est la liquidation aveugle de Musulmans pourtant complètement inoffensifs. Un jour l’OAS décidait de liquider les préparateurs en pharmacie, une balle dans la tête. Le lendemain, c’était au tour des femmes de ménage qui allaient dans les quartiers européens et on flinguait d’une balle dans la tête la femme de ménage qui partait au boulot !
Nous étions témoins de ces assassinats et nous nous disions que ça allait forcément mal tourner, qu’il y aurait des règlements de comptes, et ce qui devait arriver arriva. Le jour de l’indépendance, le 5 juillet, il y a eu à Oran un massacre d’Européens. Deux facteurs ont joué dans ces massacres: le premier c’était le besoin de régler des comptes avec les Européens, mais il y a eu aussi le fait que parmi ceux qui ont tué, il y avait beaucoup de ceux que les gens du FLN appelaient les « Martiens ». Les Martiens étaient des types qui avaient rejoint le FLN après le 19 mars, après le cessez-le-feu. Des « résistants de la 25e heure » comme on dit, un peu comme certains Français qui, après la Libération, se sont miraculeusement transformés en maquisards… Donc là bas, c’était un peu pareil, il y avait des gens qui avaient sans doutes des choses à se faire pardonner et qui ont rejoint le FLN. Ce sont ces gens là qui ont été les plus violents, qui ont fait du « zèle » et c’est vrai que les massacres ont frappé des centaines de personnes, quatre cents selon les évaluations des historiens.
Y a-t-il eu des tensions entre la population et vous à Oran ?
Ah oui, ah vraiment, ça a été terrible. J’ai été confronté à une énorme manifestation d’Européens, un peu comme l’histoire de la rue d’Isly[11] si vous voulez, et nous avions l’ordre de faire un barrage, et de disperser cette manifestation. La tension était extrême. J’étais aux cotés du capitaine, j’étais infirmier et j’avais la radio car j’étais en même temps son agent de liaison.
Ce capitaine était un type bien type, il m’a dit : « Suis moi ». Nous avons traversé la place, la foule était immense. Il est allé voir un des types qui semblait être l’un des meneurs et il lui a dit : « Voilà : moi j’ai reçu l’ordre de tirer dans le tas si vous ne vous ne dispersez pas, pour l’instant je n’exécute pas l’ordre, je vous donne un quart d’heure pour disperser la foule. Si vous ne la dispersez pas je donne l’ordre de tirer, mais c’est vous qui en endosserez la responsabilité ». Nous sommes revenus et c’est vrai que ça a flotté un petit peu, pendant quatre ou cinq minutes. On s’est fait injurier, mais au bout d’un quart d’heure, la foule s’était dispersée fort heureusement. Mais je sais que dans l’état d’esprit où nous étions, après s’être fait tirer plusieurs fois dessus, si l’ordre avait été donné, il y aurait eu des gars qui l’aurait exécuté malheureusement. Mais grâce à ce capitaine, nous n’avons pas eu d’état d’âme.
Avez-vous assisté au départ des rapatriés ?
Non, pas encore à cette date. C’est vrai qu’ils commençaient à partir malgré les interdictions de l’O.A.S. et que les premiers rapatriements s’effectuaient dans des conditions très difficiles.
Par contre, quand je suis rentré en France, bien qu’écœuré, j’ai fait la part des choses et j’ai aidé des familles Pieds-noirs à s’installer à Tours. J’aidais un brave homme qui s’occupait de l’accueil des rapatriés. Il fallait trouver des lits, des matelas. Ce brave curé, qui n’avait pas tout à fait compris la situation, m’a dit : » Tiens, toi qui reviens d’Algérie, tu les connais et tu va leur donner un coup de main « . Il ignorait évidemment que je me faisais tirer dessus quelques jours auparavant. Mais, quand on voit les gens comme ça, complètement désemparés, qui n’ont plus rien à se mettre, qui ont tout juste une brosse à dent, et des mômes hauts comme ça, on ne fait pas l’amalgame et on aide les gens. On réfléchit après.
Vous avez évoqué les chocs psychologiques dont beaucoup d’appelés ont souffert. Quelle a été l’épreuve la plus dure pour vous ?
C’était dans la foret d’El Ancer, une foret de chênes lièges qui n’était pas entretenue et donc très touffue. Elle était située dans une zone interdite. Personne n’avait le droit d’y aller en d’autres termes. Ceux qui la fréquentaient étaient des rebelles et nous avions le droit de tirer à vu dessus. En face, des fellaghas commandés par un ancien sous-officier de l’armée française qui avait une grande expérience militaire et qui nous a tenu la dragée haute pendant toute la durée de la guerre. Nous avons tué de temps en temps deux ou trois membres de son commando, mais jamais la totalité. Mieux encore, cet homme-là s’est payé le luxe de ratisser avec le régiment de la Légion qui venait pour le déloger en disant : « Nous sommes de la harka d’El Milia ». Puis à la fin, ils ont tiré dans le tas et sont partis alors dans ce bois. Un autre régiment ratissait et nous étions en réserve en qualité d’infirmiers avec un lieutenant toubib. Nous attendions à coté du commandant qui dirigeait l’opération et tout à coup nous entendons tirer et un officier du régiment qui ratissait appelle au secours en disant : « On a deux blessés dont un grave et un mort, il faut tout de suite que vous veniez. Le blessé a une jambe en moins ! ». Comment faire ? Il y avait devant nous encore un à deux kilomètres de forêt qui n’avait pas encore été ratissés. Il fallait contourner toute la forêt pour aller dans les zones sécurisées le lieutenant dit : « C’est pas la peine, tu viens avec moi » parce que les officiers tutoyaient les hommes, « On va prendre une half track » qui était une espèce de petite auto blindée à chenilles et on va donc chercher une half track qui était garée un peu plus loin. Il fait descendre tout le monde sauf le chauffeur et le gars à la mitrailleuse et nous grimpons dans le véhicule avec une grenade dans chaque main parce qu’on n’avait pas d’armes . Nous avons pénétré dans la forêt et j’ai eu une trouille d’enfer car nous savions que nos ennemis nous entendaient avec le bruit du moteur. Nous étions quatre. Le half track avançait puis, à un moment, il n’a plus pu avancer, il était bloqué. Le lieutenant a alors dit : « Tu viens, prends un brancard, je prends l’autre » et nous sommes partis à pied, comme –ça, dans cette broussaille. Il ne nous est rien arrivé jusqu’au ratissage en cours où l’officier nous a dit : « Les blessés sont un peu plus loin dans une clairière, je vous emmène ». Nous avons atteint la clairière et je me souviens qu’il y avait le mort, un appelé, un gars de 18 ans qui avait pris plusieurs balles dont une dans la tête, il avait la tête éclatée. Il y avait un autre gars qui avait pris un éclat de grenade dans la tête et puis un autre avec la jambe arrachée parce qu’il avait posé le pied sur une grenade pour éviter que les autres soient blessés. Il n’avait plus de jambe jusqu’à la cuisse, l’infirmier lui avait fait un garrot mais le gars était choqué. Nous les avons allongés, lui et le mort, sur une civière parce que le blessé léger pouvait marcher et, au moment où on le dépose, on se fait allumer à quinze mètres. Les autres nous avaient repérés. Je me suis jeté à plat ventre à coté du mort. C’est moi qu’on allumait et j’entendais les balles taper dans le mort. De son coté, l’équipe de ratissage tirait par-dessus nos têtes pour nous dégager et c’était l’enfer. Curieusement, je n’avais pas peur de mourir, mais j’avais peur de mourir là, dans ce lieu, de ne jamais revoir ma ville de Tours. Je ne voulais pas finir comme lui, la tête éclatée avec la cervelle qui avait giclé. C’est seulement après que le ratissage ait réussi à nous dégager que j’ai réagi. Le lieutenant a dit : « Le mort on le laisse, le ratissage le récupérera. On va seulement prendre les blessés on les a rembarqués et c’est là où j’ai craqué. En fait, j’étais déjà « abîmé », mais là c’était trop. Je suis resté deux jours dans le cirage… ce n’est pas facile quand on a vingt ans de voir la mort des copains. Il y en a même un qui, une fois, est mort dans mes bras. Pendant trente cinq ans j’ai culpabilisé parce que j’étais parti en permission le lendemain sans pouvoir lui rendre les honneurs et je ne lui avait pas rendu les honneurs et j’avais l’impression de l’ avoir abandonné sur place et c’est seulement grâce à copain qui recense les sépultures que j’ai pu le retrouver a Bugeat, en Corrèze.…
Cette épreuve vous a sans doute marqué dans la durée…
Quand je suis rentré en France, je ne pesai plus que cinquante-quatre kilos. J’avais plutôt le visage de quelqu’un qui sortait de Buchenwald aves des joues émaciées et des yeux qui me sortaient de la tête. À mon retour, j’ai fait des crises nerveuses et j’ai bien failli être interné. J’ai failli faire un séjour dans un hôpital spécialisé situé dans un château à côté de Tours. Heureusement, j’avais un médecin de famille sensé qui a dit à ma mère : » Si on le fait rentrer là-dedans, il en sortira encore plus fou ! « . J’ai donc été envoyé ailleurs en repos et, petit à petit, le temps a fait son œuvre et ça s’est passé. Quand ma mère a contacté l’Armée pour une éventuelle prise en charge, il lui a été dit que je n’avais plus droit à rien au delà d’un délai de trente jours après ma libération…
Avez-vous été décoré ?
Je suis chevalier de l’ordre du Mérite en ma qualité de policier et chevalier de la Légion d’Honneur dans le cadre d’une promotion spéciale pour célébrer le quarante-cinquième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie. Le président national de la FNACA m’a proposé compte tenu de mon parcours et du fait que l’une de mes décorations avait été longtemps portée sur la poitrine de mon lieutenant qui avait oublié de me faire citer ; c’était en quelque sorte un rappel car mon lieutenant avait reçu la Valeur Militaire et avait « oublié » de préciser que j’étais avec lui dans la forêt d’El Mancer.
J’ai failli la refuser car je considérais que bien des copains avaient vécu des choses bien pires que moi et la méritaient davantage. J’ai pensé aussi à mon père qui a combattu dans des conditions terribles lors de la bataille de France. Il faisait partie d’un régiment qui comptait 2250 hommes le 1er juin 1940 et n’en avait plus que 147 dix jours plus tard. Je me disais que mon père qui n’a jamais eu la Légion d’honneur la méritait bien plus que moi. Mais on m’a dit : « Ce n’est pas TA légion d’honneur, c’est celle du comité de Paris, il faut que tu l’acceptes et que tu la portes ».
Quels sont les objectifs d’une association d’anciens combattants comme la FNACA dans laquelle vous êtes largement impliqué ?
Cette association rassemble environ 350 000 membres ; elle a même atteint les 400 000 mais beaucoup d’entre nous, des gens entre 70 et 80 ans ans pour la plupart, disparaissent et ceci d’autant plus que nous avons une moyenne d’espérance de vie inférieure de dix ans à celle de nos pères. Ceci est dû au fait que nous avons subi de nombreuses privations pendant l’Occupation ; j’ai quand même mangé des topinambours pendant cinq ans ce qui laisse des séquelles physiques, puis nous avons été envoyés en Algérie pour faire la guerre à notre tour. J’ai perdu personnellement seize kilos car nous mangions mal et que beaucoup d’entre nous se sont mis à boire. On avait la trouille et l’alcool, ça empêche de penser… mais ça laisse des traces. Il y a donc beaucoup de copains qui nous quittent prématurément.
Ce que nous voulons surtout c’est que notre expérience ne soit pas oubliée. Aujourd’hui, notre armée de métier combat en Afghanistan et vous aurez remarqué que lorsqu’il y a un tué, on en parle abondamment. Nous, ce n’était pas un tué de temps en temps mais dix par jour, dix jeunes qui n’ont pas revu leurs famille ou leurs fiancées.
Cela veut-il dire que pour votre association le cinquantenaire va prendre une dimension particulière ?
Evidemment, le cinquantenaire va prendre une dimension particulière parce que c’est un chiffre symbolique. Nos parents ont mis à peu près vingt ans à se réconcilier avec leur ennemi héréditaire, l’Allemagne, et Dieu sait qu’on en a eu des affrontements avec elle. Il y a eu des millions de morts lors des trois guerres franco-allemandes de 1870, de 1914-1918 et de 1940-1945. La réconciliation franco-allemande a eu lieu à l’initiative du général de Gaulle et du chancelier Adenauer dès les années 1960 ; mais cinquante ans après la guerre d’Algérie, les politiques algériens comme les politiques français sont incapables de se tendre la main pour se réconcilier ou au moins entamer un rapprochement pour que l’on tourne la page de cette guerre coloniale qui a été abominable, la dernière guerre de la France.
Cela fait cinquante ans que la France est en paix et nous voulons marquer cela lors de la commémoration du cinquantième anniversaire du cessez le feu le 19 mars prochain. Nous serons très nombreux aux Champs-Elysées pour raviver la flamme sur la tombe du Soldat Inconnu. Je crois savoir qu’il y a un certain nombre d’entre vous qui nous feront l’honneur d’être à nos côtés et pour nous, croyez moi, c’est important. Comme je le dis chaque fois que je viens ici, au lycée Buffon, je vous apporte peut-être quelque chose, mais moi je reçois beaucoup a travers les questions que vous me posez et simplement parce que vous me faites l’honneur de m’écouter.
Comment s’intègre-t-on dans la société française de 1962 quand on revient d’Algérie ?
En 1962, je suis retourné chez mon ancien employeur. La loi lui faisait obligation de me reprendre à cette différence près qu’il fut le premier à constater que j’étais psycho traumatisé lorsque je lui ai répondu à son grand étonnement : « Je ne suis pas content de l’affectation que vous m’avez donnée en tant qu’itinérant bouche trous ». Il m’a répondu : « Ce n’est pas parce que vous revenez de la guerre que l’on va vous créer un poste spécial ». Il s’est retrouvé assis sur le bureau et je lui ai dit : « Ne me parlez jamais plus comme ça ». Il n’a pas osé le raconter, donc ce geste ne m’a rien coûté, je n’ai pas été viré. Il était le directeur du personnel des « Docks de France » et sortait d’HEC. Il avait 26 ans et ne connaissait pas bien la vie et ne saisissait pas vraiment la réalité, sinon il ne m’aurait jamais parlé de la sorte. J’étais complètement perdu, choqué et dans les jours qui ont suivi, j’ai eu plusieurs incidents graves, notamment le jour du mariage de celle que j’aurais dû épouser… j’ai totalement détruit un café rue nationale à Tours, la brasserie du Palais qui n’existe plus aujourd’hui. J’ai eu la chance d’avoir un beau père gentil comme tout – ce beau-père n’est pas le père de ma femme puisque je n’étais pas marié à l’époque, c’était le second mari de ma mère – Cet artisan à la tête d’une bonne entreprise a payé les dégâts et a expliqué au propriétaire que j’étais complètement retourné. L’affaire s’est arrêtée là, mais j’ai eu plusieurs incidents graves comme ça au point que l’on a envisagé de m’interner. Petit à petit je me suis remis et, un jour, j’ai décidé de changer ; je suis monté à Paris et j’ai été embauché comme vendeur chez Olivetti. Olivetti à l’époque était une marque de machines à écrire et à calculer qui faisait entre 50 et 80% du marché selon les matériels. J’ai appris la vente dans une école du groupe et j’ai exercé ce métier. Après cette expérience professionnelle, je suis passé chez Citroën puis, à trente ans, j’avais déjà quatre gosses – il faut dire qu’il n’y avait pas de contraception à l’époque et que, par ailleurs, je faisais les enfants par deux… puisque j’ai eu des jumelles. Avec quatre gosses, le commerce me permettait de faire vivre ma famille mais je voyais parfois des gars qui, en raison d’un petit passage à vide, étaient remerciés et devaient passer à la caisse et rendre leurs clefs. Cela m’inquiétait, car je savais qu’en cas de problème, je n’avais aucun diplôme puisque je m’étais arrêté sans le certificat d’études. J’ai donc pris la décision d’entrer dans l’administration : j’avais le choix entre facteur, balayeur, gardien de prison, et CRS[12]. J’ai choisi CRS parce que cela payait mieux. J’ai dû passer le concours et je suis rentré dans la police en tant que CRS. J’ai exercé ce métier pendant cinq ans au cours desquels j’ai repris les études afin de me présenter au concours d’officier. J’ai été reçu et me suis retrouvé à la tête d’une brigade ; la brigade des mineurs, des stups[13], des mœurs, l’Unité de Prévention et de Protection sociale. Dans cette unité je suis monté en grade et je suis devenu capitaine. C’est alors que j’ai pris des responsabilités syndicales. Je contribuais ainsi à la défense de la profession ce qui me mettait en contact fréquent avec les journalistes et j’ai terminé comme commandant de police mais plus en tant que policier parce que j’avais été désigné au sein de mon syndicat pour faire partie de la confédération dans l’interprofessionnel.
Est ce que vous êtes retourné en Algérie après 62 et si oui quand et qu’avez-vous ressenti ?
Je ne suis jamais retourné en Algérie, mais j’aurais pu le faire parce que j’ai beaucoup d’amis de souche algérienne ou non qui y habitent et qui m’ont invité. Mais je ne voudrais pas y retourner sauf si ce sont d’anciens « ennemis » de la région dans laquelle j’ai combattu, le nord Constantinois, qui m’invitaient. Là, je répondrais à l’invitation. Sinon je n’irai pas parce que j’aurais toujours le sentiment, en rencontrant un jeune de votre âge que c’est peut être le petit fils d’un de ceux que j’ai tué et j’aurais honte… je serais gêné sauf, encore une fois, dans le cas où l’ennemi me demanderait de faire partie d’une délégation de mon association. En revanche il y a d’autres endroits à Alger ou à Oran où je ne suis pas allé dans les mêmes conditions et où je retournerais volontiers… pourquoi pas ? J’ai un jeune ami qui a 40 ans, qui pourrait être mon fils, et qui m’a proposé plusieurs fois de l’accompagner dans sa famille là-bas… peut être qu’un jour je vais le faire… mais c’est très difficile parce que cela va sûrement réveiller des choses terribles en moi et comme ce n’est pas vraiment éteint dans ma tête… cela ne le sera jamais d’ailleurs…
Avez-vous bénéficié de permissions pendant votre séjour en Algérie ?
J’ai eu la chance de ne rester seulement que six mois sans permission, mais il y a des gars qui sont restés jusqu’à douze et quatorze mois avant d’avoir droit à une permission. C’est très long vous savez, le temps ne passe pas vite quand on est à plus de mille kilomètres de chez soi. Moi j’ai eu de la chance parce que j’avais épuisé pratiquement mes droits à permission, il ne me restait que quatre jours mais j’avais un bon chef de bataillon, un type gentil qui a transformé mes quatre jours en dix jours. C’était important parce qu’avec une permission de quatre jours il aurait fallu que je paye mon voyage pour aller et revenir ; avec dix jours le coût du voyage était pris en charge par l’armée. Je pense que le commandant a sans doute consulté mon dossier et qu’il a vu que je n’avais pas un rond et que j’étais soutien de famille. Il m’a donc accordé dix jours et j’ai été pris en charge par l’armée. Malheureusement, mon copain Marcel a été tué la veille de mon départ en permission, le 29 juillet. Encore une fois, c’est difficile de vous expliquer ça, mais j’ai vraiment eu le sentiment d’une injustice : pourquoi pas moi ? Et puis j’avais l’impression de l’avoir abandonné. Pour vous dire l’horreur de cette guerre et la délicatesse qui caractérise l’armée ; ce type a été tué le 29 juillet 1961 et le corps a été rendu à la famille la veille de Noël… comme vous pouvez le constater avec beaucoup de tact.
Les dix jours comprenaient-ils le voyage ?
Non. Dix jours plus les jours de voyage. J’avais réussi à gagner, à gratter avec les délais de route en me débrouillant. Disons que j’avais droit à treize jours au total. Je suis donc arrivé en France, mais mes parents que je n’avais pas prévenus étaient partis en vacances je ne savais pas où. Mes amis étaient aussi en vacances. Je me suis retrouvé tout seul à Tours au milieu de gens qui étaient totalement indifférents à la guerre. Je suis monté sur Paris rejoindre une cousine germaine qui travaillait dans la capitale et que j’avais pu contacter par téléphone. À l’époque, ce n’était pas si simple parce qu’on n’avait pas le téléphone partout comme aujourd’hui. Enfin j’avais réussi à la contacter. J’ai passé une journée à Paris et j’ai été complètement écœuré de l’attitude des gens qui avaient vraiment l’air de s’en foutre complètement. J’avais l’impression d’avoir quitté une planète pour une autre planète qui n’était plus la mienne et donc, au bout de quatre jours, je suis rentré en Algérie. J’ai tout laissé, j’ai repris le train dans l’autre sens et je suis rentré dans mon unité, au bout de quatre jours ! Je ne pouvais plus vivre au milieu de gens qui s’en foutaient, qui pensaient aux vacances, au soleil, qui ne savaient pas qu’il y avait quelque 500 000 hommes là-bas en train de faire les guignols, ou qui ne voulaient pas le savoir. Cette indifférence m’écœurait. J’ai préféré passer ma permission là-bas en Algérie. Je suis rentré et j’ai rejoint mon unité, content de retrouver mes copains. J’avais l’impression que ma famille était là-bas.
On a continué à faire notre travail dans le Constantinois jusqu’en novembre 1961.
La guerre a-t-elle bouleversé vos projets personnels comme elle l’a fait pour d’autres jeunes appelés ?
Oui. C’est personnel, mais après tout c’est une belle histoire. Quand je suis parti au service militaire, je « fréquentais » comme on disait à l’époque. Cela restait très pudique. J’avais le droit de prendre la main de celle dont j’étais amoureux et je ne sais même plus si je l’ai embrassée une fois avant de partir… peut être sur la joue car j’étais très audacieux. Il n’était pas question à l’époque d’avoir une relation sexuelle avant le mariage. De même, je n’avais pas vraiment fait part de mes intentions à cette fille parce que je me disais que je pouvais être flingué là-bas. Mais enfin, je lui avais fait comprendre que c’était le grand amour. J’avais dix-sept ans, elle allait sur ses quinze ans quand nous nous sommes connus.
Quand je suis parti, je n’avais pas vraiment de situation, j’étais commis d’épicerie et je ne représentais pas un bon parti aux yeux de ses parents qui auraient préféré au moins le fils d’un commerçant aisé. Pendant mon séjour en Algérie, ils l’ont pratiquement mariée et je l’ai perdue. Cela a été un grand chagrin d’amour parce que je l’aimais passionnément et j’ai eu la preuve, bien des années plus tard, que ce sentiment était partagé.
Je suis devenu par la suite syndicaliste policier avec quelques responsabilités ce qui m’a valu de donner parfois des interviews à la télévision. Nous étions dans les années 1990 et une affaire de trafic d’armes dans laquelle un policier était impliqué venait de se dérouler à l’ambassade du Liban. C’était donc trente ans après la fin de la guerre d’Algérie. Un journaliste m’appelle et me dit : « Viens, il faut que tu me donnes tout de suite une interview sur cette affaire ». Je rencontre le journaliste puis reviens à mon bureau. C’est là que je reçois un coup de téléphone, c’était la fille que j’avais perdue trente ans auparavant et qui m’avait vu à la télévision. Depuis cette date, nous vivons ensemble.
Interview réalisée par les élèves du Club Histoire du Lycée Buffon sous la direction de Claude Basuyau, professeur agrégé d’histoire et géographie
Transcription de l’enregistrement de Jean-Louis Cerceau réalisée par Elodie Andrianalisoa, Hadrien Beacco–Balague, Félix Martineau et Mélissa Sabas.
Assistance technique : Hadrien Beacco-Balague et Clément Roux,
[1] 1er bataillon du 65e Régiment d’Infanterie de Marine.
[2] Classe : il s’agit ici des conscrits nés la même année et qui arrivent donc ensemble au service militaire
[3] Langogne : commune située dans le département de la Lozère.
[4] Allusion au Plan de développement économique et social en Algérie ou Plan de Constantine (1959-1963). Ce programme économique élaboré par le gouvernement français du général de Gaulle en 1958 visait à la valorisation de l’ensemble des ressources de l’Algérie. Il devait attacher la population algérienne à la France et, dans le même temps, affaiblir le FLN.
[5] Palestro : embuscade du 18 mai 1956 dans laquelle sont tombés une vingtaine de soldats français, pour l’essentiel des rappelés du contingent de la 2e section du 9e régiment d’infanterie coloniale commandée par l’aspirant Hervé Artur. L’annonce de l’embuscade qui fait la Une des journaux et la découverte des corps des victimes atrocement mutilés provoque un choc majeur tant en Algérie que dans la métropole.
[6] Il a été fermé récemment
[7] Djellabas : vêtement traditionnel en forme de robe longue avec ou sans capuchon, porté par les hommes et les femmes dans le Maghreb.
[8] « Cuisto » : le cuisinier
[9] Quille : Il était de coutume chez les conscrits de décompter les jours qui les séparaient de la fin du service militaire. À cent jours de la fin du service, les conscrits fêtaient le « Père Cent » et faisaient l’acquisition d’une quille en bois.
L’origine qui date des années Trente est mystérieuse : s’agit-il de la ressemblance de la quille avec le chiffre 1, veille du retour au foyer ? S’agit-il d’une allusion à une érection comme pourrait le faire penser l’expression en usage : « La quille, bordel ! ». On n’en sait rien.
[10] Officier parachutiste de la Légion étrangère. Cet ancien résistant participe à la guerre d’Indochine. Il se rallie au putsch des généraux d’avril 1961. Condamné à 10 ans prison après s’être constitué prisonnier (il en effectue en fait 5 en bénéficiant d’une grâce). Il témoigne de ses engagements dans un ouvrage de Laurent Beccaria, Hélie de Saint-Marc. C’est le président de la République N. Sarkozy qui lui délivre la grand croix de la Légion d’honneur en 2011.
[11] Fusillade du 26 mars 1962, rue d’Isly à Alger. Des manifestants hostiles à l’indépendance de l’Algérie forcent un barrage de l’armée française. La tension, était palpable après l’assassinat de six appelés du contingent par l’ OAS qui prend le contrôle du quartier de Bab el-Oued. C’est pour rompre l’encerclement de ce quartier par l’armée française que l’OAS appelle la population européenne à une grande manifestation devant se rendre à Bab El-Oued en passant par la rue d’Isly. Le service d’ordre était confié à des tirailleurs non habitués à ces missions de maintien de l’ordre. On en sait pas qui tire le premier lorsque les manifestants forcent le barrage mais la fusillade se déclenche et le bilan officiel fait état de 46 morts et de 150 blessés.
[12] Compagnies Républicaines de Sécurité ou CRS sont un corps de la police nationale intervenant lors des manifestations et dans la protection civile. Elles ont été créées par un décret du 8 décembre 1944 signé par le général de Gaulle président du Gouvernement provisoire de la République Française.
[13] Les stupéfiants (les drogues) : les « Stups » sont des brigades des divisions des affaires criminelles (elles appartiennent à la Direction centrale de la police judiciaire)
http://espaceguerredalgerie.com/index.php/temoignage-de-jean-louis-cerceau/
Rédigé le 29/07/2019 à 20:31 dans Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
A tiny islet opposite the coast which could provide some shelter to their ships led the Carthaginians to found a small port. Inscriptions in the Punic consonantal alphabet mention it as Yksm which then became Roman Icosium. The town is recorded as a bishopric see until the Vth century, but after the Arab invasion at the end of the VIIth century it was abandoned until it was founded again in 944 as El Djazair, the island.
A number of inscriptions, mosaics, reliefs and sections of walls concerning the Roman town have been found, but overall Algiers does not retain evidence of its ancient past.
Al Jezeire al Gazi or Algiers The Warlike, as the Turks are pleased to call It. This Place, which for several Ages hath braved the greatest Powers of Christendom, is not above a Mile and a half in Circuit, though computed to contain about 2,000 Christian Slaves, 15,000 Jews, and 100,000 Mahometans. It is situated upon the Declivity of a Hill, that faceth the North and North-East; whereby the Houses rise so gradually above each other, that there is scarce one in the whole City hath a full View of the Sea. (..) The Hills and Valleys round about Algiers are every where beautified with Gardens and Country Seats, whither the inhabitants of better Fashion retire, during the Summer-Season. The Country Seats are little white Houses, shaded by a Variety of Fruit Trees and Ever-Greens; whereby they afford a gay and delightful Prospect towards the Sea.
Thomas Shaw - Travels, or, observations relating to several parts of Barbary and the Levant - 1738
Few cities have a more striking appearance than Algiers when approached from the sea. Situated on the western side of the bay the city is built on the steep slope of a hill, in the form of a triangle, the base of which rests on the Mediterranean; and when seen at such a distance that the eye cannot master the details, appears an immense cone of the whitest marble rising from the sea, and contrasting beautifully with the dark masses of the surrounding country.
John Clark Kennedy - Algeria and Tunisia in 1845
The city of Algiers can lay no claim to importance above any of the obscure cities of Barbary, before its conquest by (..) Barbarossa who placed his newly acquired dominions under the protection of the Grand Seignior (the Ottoman Sultan). (..) Hence the origin of the celebrated Regency of Algiers, which has been for three centuries the terror of Christendom, and the scourge of the civilized world. (..) The government of Algiers is peculiar in its fundamental character. (..) A small band of foreign adventurers seize upon the sovereign authority, and appropriate to themselves exclusively all the posts of honour, trust, or profit, under the government which they institute. Of this there are parallel cases enough; but that their institutions should deny, even to their own children born in the country, any share in the honours and emoluments of government; confining them exclusively to a corps of foreigners, constantly recruited from abroad, is truly extraordinary. Yet such is the fundamental principle of the Regency of Algiers. (..) The Turks in establishing their government in Algiers, appear to have counted upon the fruits of piracy as the main source of their revenues; and the mutual jealousies, imbecility, and interested policy of the Christian maritime world, have borne them out in their calculations; for until of late years, it has not only supplied all their wants, but through it a metallic treasury has been hoarded, that might probably sustain them for many years to come.
William Shaler, American General Consul at Algiers in 1815-1828 - Sketches of Algiers - 1825
You may wish to learn more on the fight for the control of the region between the Spaniards and Barbarossa during the XVIth century in pages dealing with Bizerte and Tunis.
The houses in Algiers are all built upon precisely the same plan; a description of that which I inhabit, will therefore give an accurate idea of the whole, as they differ only in size, and the value of the materials of which they are constructed. This house is a square of about sixty-four feet, with a depth, or elevation, of forty-two feet, one third of which is occupied by the basement story, consisting of a range of magazines, of cisterns, of stables, and of the solid arches necessary to support the superstructure. The remaining twenty-eight feet of elevation are divided into two habitable stories, surrounding an open court paved with marble, thirty feet square, around which is a covered gallery six feet wide, taken from the above thirty feet, and supported upon each floor by twelve very elegant columns of Italian marble, of the Ionic order, which serve on each as abutments to twelve elliptical arches, and thus form round the court a double colonnade of great elegance and beauty. (..) This house is entered by only one external door, which is solid and strong as that of a fortress, so that the family inhabiting it, have every thing within themselves, without fear of intrusion. Shaler
In 1991 UNESCO included the Old Town of Algiers in their World Heritage List on the basis that: The Kasbah is a unique kind of medina, or Islamic city. It stands in one of the finest coastal sites on the Mediterranean, overlooking the islands where a Carthaginian trading-post was established in the 4th century BC. There are the remains of the citadel, old mosques and Ottoman-style palaces as well as the remains of a traditional urban structure associated with a deep-rooted sense of community.
The inhabitants of Algiers are an amalgamation of the ancient Mauritanians, the various invaders subsequent to the above periods, the emigrants from Spain, and the Turks; and are now generally denominated Moors. This mixture appears to be a very happy one, for there are few people who surpass them in beauty of configuration; their features are remarkably expressive, and their complexions are hardly darker than those of the inhabitants of the south of Spain. Shaler
French troops landed near Algiers on June 14, 1830 and on July 5 the Dey (Highest Officer) of the Regency capitulated and left the country. Ottoman Sultan Mahmut II who had nominal sovereignty over the Regency did not react because his fleet had been weakened by the defeat at Navarino and in general by the effects of the Greek Independence War.
The French initiative began as a retaliation for offences made to the French consul, but it eventually led to the conquest of the whole of the Regency of Algiers, including inland territories which were ruled by local beys and tribe leaders. It was a very bloody affair with casualties in the region of 500,000. In December 1848 Algeria was formally annexed to the French Republic.
We ascended to the Kasbah through a labyrinth of wretched streets, inhabited by the very dregs of the population, built without the slightest attempt at regularity, winding their devious course in almost inextricable confusion, the difficulty of threading them being increased by the numerous blind alleys, and the striking likeness each house bears to its next door neighbour. Clark Kennedy
The French redesigned the layout of the area of Algiers near the harbour which was reserved to the growing European population and to private and state institutions. The description of the Old Town by Clark Kennedy, unlike those by Shaw and Shaler, shows the contempt by which officers of the colonial powers looked upon other cultures. Clark Kennedy visited Algiers after having served in the 18th Royal Irish Regiment in the First Opium War of 1840-42.
The French administration was keen on emphasizing the Roman presence in Algeria and French archaeologists extensively worked at the excavation, restoration and conservation of Roman sites and monuments. In a way they promoted a cultural association between the Roman and the French rule.
In 1914 the novelist and historian Louis Bertrand observed when he visited the Roman ruins at Tipasa that he had rediscovered "the men who spoke his language and believed in his gods. He was no longer a lost Roumi in an Islamic land".
Stephen L. Dyson - In Pursuit of Ancient Past - Yale University 2006
Notwithstanding this enthusiasm for the ancient ruins a very large number of archaeological sites and monuments were sacrificed to the development of modern towns (e.g. Cherchell) and infrastructures.
In July 1962 Algeria was proclaimed an independent country at the end of eight years of a war without scruples. The Front de Libération Nationale, the organization which led the fight against the French became the backbone of the new nation and has since retained control of it. Without delving into details it can be said that today's Algeria is confronted with an institutional/cultural conflict between the supporters of a lay society and those of an Islamic one and with an ethnic/social conflict between the inhabitants of the big coastal cities and those of the poor eastern inland regions (Kabylia) who claim to descend from the ancient peoples of Numidia.
https://www.romeartlover.it/Algeri.html
Rédigé le 28/07/2019 à 11:17 dans Alger | Lien permanent | Commentaires (0)
The City of Shershell, is in great Reputation for making Steel, earthen Vessels, and such Iron-Ware as are in Demand among the neighbouring Kabjles and Arabs. It is a Collection of low tiled Houses of a Mile in Circuit; but was formerly much larger and a Seat of one of the petty Kings of This Country. What we see of It at present, is situated upon the lower Part of the Ruins of a large City, not much inferiour to Carthage for Extent; and we may conceive no small Opinion likewise of Its former Magnificence, from the fine Pillars, Capitals, capacious Cisterns, and beautiful Mosaic Pavements that are still remaining. (..) Shershell being shut up in the midst of Mountains and difficult Passes, all Communication with It may be easily cut off, whenever the neighbouring Tribes, (as it frequently happens even to This Day) are disposed to be mutinous and troublesome. And, from This Circumstance, we may draw one Argument, that Shershell is the Julia Caesarea, by interpreting what Procopius (Procopius of Caesarea a VIth century historian) relates of It in our Favour, 'viz. that the Romans could only come at It by Sea, Access by Land being rendered impracticable, as all the Passes were then seized upon by It's Neighbours. (..) We discovered, upon a round peninsular Hillock that makes the Northern Mound of the Port and Cothon, several Floors and Pavements of Terrass and Mosaic Work, laid, as it appears, on Purpose to receive the Rain-Water, which was to fall from Them into small Conduits, and from These again into greater, 'till at last They were All to empty Themselves into a large oval Cistern.
Thomas Shaw - Travels, or, observations relating to several parts of Barbary and the Levant - 1738
Cherchell was originally the Lol of the Carthaginians; and was made the capital of Mauritania, by Juba II, under the name of Julia Caesarea. After various vicissitudes it was destroyed by the Vandals, but regained somewhat of its splendour under the Byzantines. (..) When it was visited by Shaw in 1730 it was in great reputation for making steel, earthen vessels, and such iron tools as were required in the neighbourhood; its ruins were still very magnificent, but it was entirely destroyed by an earthquake in 1738. (..) Ruins of former magnificence exist in every direction, and wherever excavations are made, columns and fragments of architectural details are found in abundance; unfortunately little or no regard has been paid to the preservation of the numerous remains which existed even as late as the French conquest. Most of the portable objects of interest have been removed to museums elsewhere, and nearly all the monuments have been destroyed for the sake of their stones. The large amphitheatre outside the gate to the east still retains its outline, but the bottom is encumbered with twelve or fifteen feet of debris, and is at present a ploughed field. (..) The theatre or hippodrome, near the barracks, is now a mere depression in the ground, though in 1840 it was in a nearly perfect state of preservation, and was surrounded by a portico supported by columns of granite and marble, to which access was obtained by a magnificent flight of steps. (..) Numerous columns of black diorite, lie scattered about the place, as well as magnificent fragments of what must once have been a white marble temple of singular beauty.
John Murray - Handbook for Travellers in Algeria and Tunis - 1878
On the principal square of Shershell, planted with vigorous carob-trees, stands a column, surrounded by fragments that are wonderfully rich in capitals and friezes. (..) It must be said that Shershell is one of the cities of Algeria in which antiquities have been the least respected. Our domination has been much more fatal to the Roman monuments than that of the Turks. When I visited the Thermae we could scarcely set foot there, the mosaic pavements were so covered with rubbish. It is probable that they will soon be demolished, if there be need of stones to build a house or to repair a road.
Gaston Boissier - Roman Africa, archaeological walks in Algeria and Tunis - 1898 - Translation by Arabella Ward
The Water of the River Hashem (according to the present Name,) was conduced hither through a large and sumptuous Aqueduct, little inferiour to that of Carthage in the Height and Strength of It's Arches; several of the Fragments, scattered amongst the neighbouring Mountains and Valleys to the S. E. continue to be so many incontestable Proofs of the Grandeur and Beauty of the Work. Shaw
On the left of the road is passed part of the aqueduct which led the waters of the Oued el-Hachem and the copious springs of Djebel Chennoua into Julia Caesarea. It consisted of two converging branches following the contour of the hills as open channels, or traversing projecting spurs by means of galleries. In only two places was it necessary to carry the water over valleys by means of arches. The first was at this spot, the second a few kilometres farther on, at the junction of the two branches where the united waters were carried over the Chied Billah on a single series of arches, of which five remain. (..) At the former place the water was carried over a deep and narrow valley on a triple series of arches, most of which are still entire, with the exception of a gap in the centre. Murray
In the museum a great variety of fragments are collected, many of which probably belonged to the same building, together with broken statues, tumuli and other inscriptions, capitals and bases of columns, amphorae, etc. (..) From an antiquarian point of view, there is no place in the province of Algiers so interesting as Cherchell and its neighbourhood; and however reckless has been the destruction of the precious architectural treasures which it contained, abundance still remains to testify to the splendour of the capital of Mauretania Caesariensis. Murray
The museum at Shershell contains works of a very varied character, which show us that Juba prided himself on not having an exclusive taste. (..) The love that Juba felt for Greek arts and letters, and which was the result of his education, was augmented still more by his marriage. Augustus had united him to the daughter of Antony and Cleopatra, she whom her mother called The Moon (Cleopatra Selene). (..) Doubtless to her influence are due some of the beautiful works that, happily, have been discovered in the city in which Juba II had his residence. Boissier
That which makes Shershell especially original is the great number and the beauty of the statues that have been found there. Some have been deemed worthy of a place in the Louvre; others ornament the Museum of Algiers.Boissier
There is (..), most interesting of all, the lower half of a seated Egyptian divinity, in black basalt, with a hieroglyphic inscription. This was found in the bed of the harbour, and may have been sent as a present to the fair Cleopatra Selene from her native land. Murray
If it is true that the marble from which the statues of Shershell are cut comes from the quarries of Africa, it must be admitted that they were modelled in Caesarea itself, by sculptors brought from Greece by the King at great expense. He had therefore near him, besides scholars to aid him in writing his books, architects to build palaces, temples, thermae, and theatres, and sculptors to decorate them. Is it not strange that in an incredibly short time the court of a petty Berber king should have seemed to continue that of the successors of Alexander, and that at the foot of the Atlas mountains, an African city should have assumed the airs of Pergamum, Antioch, or Alexandria? Boissier
The statue was found in 1910 and it decorated a large hall of a private house. Had it been found during the first years of the French rule it would have been sent to Paris or at least to Algiers, because it is a very fine marble copy after the original (lost) bronze statue by Phidias (Vth century BC). It shows the skills of the workshops which in Rome, Greece or Asia Minor "manufactured" copies of statues which were in high demand for the decoration of houses, baths, fountains, etc. The statues at Cherchell and Rome show a rather boyish frontal musculature; we know that they portray Apollo owing to some iconographic references to him (snake and laurel tree), but because of the god's absent gaze they bring to mind Dionysus as well (see the statues at Sagalassos and Ephesus).
The cult of Hercules in the countries of the western part of the Mediterranean Sea was based on accounts of the hero's tenth and eleventh labours in which he stole the cattle of Geryon and the golden apples in the garden of the Hesperides, the nymphs of evening and therefore of the West. In order to perform these labours he travelled either to the Atlas mountains of Africa or to southern Iberia. The Romans had Hercules passing from their city on his way back home. Massinissa and the Numidian kings claimed he returned to Greece across their country and he became their protecting deity. The worship of Hercules grew over time as he expressed a forceful type of male hero, very different from Apollo or Dionysus; this occurred also in the easternmost provinces of the Roman Empire.
Orphic Hymn to Hercules - late Hellenistic or early Roman Imperial age - Transl. by Thomas Taylor
The good people of the provinces were easily satisfied. Thus the art which seemed to be best suited to them is the mosaic. It was perfectly adapted to the climate; it accommodated itself strictly to a certain mediocrity of execution; it could be very pleasing even when limited to reproducing simple ornaments which required of the artist less talent and care than the human figure. The mosaic, therefore, could be made for any price, which fact permitted its being used in the decorating of private houses, even the humblest. Thus the mosaic penetrated everywhere throughout Africa. Boissier
The Nine Muses inside medallions were often used for the decoration of large halls; because of their number the medallions could be more evenly spread than those of the Four Seasons (see a similar mosaic at Thysdrus and another one at Vichten in the Grand Duchy of Luxembourg - it opens in another window).
The mosaic of the Three Graces is rather similar to a painting depicting three statues. The way the Graces were portrayed was identical throughout the Roman Empire: they stood with most of their weight on one foot, the central Grace was seen from behind and the other two had a symmetrical pose. It was an ideal subject for the decoration of baths as at Narlikuyu in Turkey. The Three Graces were often portrayed in statues, but these were much more expensive than mosaics (see those at the Museum of Antalya).
Mosaic makers were regarded as craftsmen at the same level as mastermasons or plumbers. Over time however those involved in the making of the emblema (literally, what is placed within), a painting-like section of a floor mosaic, were identified as pictor imaginarius (painter of images) and were entitled to higher rewards than the other workers involved in making the mosaic. The skill level they show in some mosaics at Cherchell suggests that most likely they were trained as painters and perhaps they were involved also in the fresco decoration of the walls. In Italy towards the end of the XIIIth century when frescoes began to replace mosaics in the decoration of churches, painters like Pietro Cavallini used both techniques.
The subject of this mosaic was depicted also in a finer work at Thugga. The landlord who commissioned it might have read Cicero: So great is our innate love of learning and of knowledge, that no one can doubt that man's nature is strongly attracted to these things even without the lure of any profit. (..) Take persons who delight in the liberal arts and studies; do we not see them careless of health or business, patiently enduring any inconvenience when under the spell of learning and of science, and repaid for endless toil and trouble by the pleasure they derive from acquiring knowledge? For my part I believe Homer had something of this sort in view in his imaginary account of the songs of the Sirens. Apparently it was not the sweetness of their voices or the novelty and diversity of their songs, but their professions of knowledge that used to attract the passing voyageurs; it was the passion for learning that kept men rooted to the Sirens' rocky shores. (..) Homer was aware that his story would not sound plausible if the magic that held his hero enmeshed was merely an idle song! It is knowledge that the Sirens offer, and it was no marvel if a lover of wisdom held this dearer than his home.
Cicero - De Finibus Bonorum et Malorum - Book V: 18 - translation by H. Harris Rackham
Farming was the key economic resource of Roman Algeria and many rich landowners decorated their homes with references to it by commissioning mosaics portraying the Four Seasons. In a house at Cherchell this was done by a realistic depiction of actual farming activities. Scholars found useful illustrations of the equipment and techniques used by Roman farmers in these mosaics.
The framing of the four scenes departs from traditional patterns; they are not separated in a rigid way and actually the line between the two upper scenes brings to mind the reliefs of Colonna Traiana. This mosaic stands out from the many others found in Algeria and for this reason it was chosen for the icon of this section.
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Rédigé le 28/07/2019 à 11:12 dans Wilaya de Tipaza | Lien permanent | Commentaires (0)
The Kubber Romeah, The Roman Sepulchre, or The Sepulchre of the Christian Woman, is situated upon the mountainous Part of the Sea Coast, seven Miles to the E. of Tipasa. According to the Discoveries hitherto made, It is a solid and compact Edifice; built with the finest Free Stone. The Height I computed to be a hundred Foot. The Figure of this Structure and the received Opinion of It's being erected over a large Treasure, might induce the Turks to call It The Treasure of the Sugar Loaf. The Point is now wanting; and, by the frequent Searches after This Treasure, several other Parts of It are broken down and defaced. However, It is still of a sufficient Height to be a convenient Landmark for Mariners. (..) The Kubber Romeah should be the same Structure (..) that Mela (Pomponius Mela, a Ist century AD Roman geographer) placed betwixt Lol (Cherchell) and Icosium (Algiers) and appropriateth to the Royal Family of the Numidian Kings.
Thomas Shaw - Travels, or, observations relating to several parts of Barbary and the Levant - 1738
The resemblance to the Medrassen (a mausoleum in the region of Cirta), or Tomb of the Numidian kings, from whom Juba II was descended, is a presumption that it was erected by him in imitation of his ancestral mausoleum. Juba II married Cleopatra Selene, daughter of the celebrated Egyptian queen and of Marc Antony, and there is every probability that this monument served only as his tomb and that of his wife who died before him. It is hardly likely that the remains of his son Ptolemy, the last of his race, could have been transferred from Rome to Africa. The tomb must have been violated at a very early period in search for hidden treasure. A careful examination of the accumulated earth and dust within revealed traces of successive races who had visited the place, some of whom had even made it a place of residence, but none whatever of the bodies for whose reception it had been erected.
John Murray - Handbook for Travellers in Algeria and Tunis - 1878
When it was in a perfect state of preservation, with its covering of marble, its bronze ornaments, and crowned by some colossal statue, it must have presented a grand appearance. Even to-day, in spite of the ravages of time and man, when seen carved against the sky, it is difficult to take one's eyes from it.
Gaston Boissier - Roman Africa, Archaeological Walks in Algeria and Tunis - 1898 - Translation by A. Ward
It is called by the Arabs Tomb of the Roman, or rather Christian woman. (..) Various explanations are given of this name. (..) The colonnade has at the cardinal points four false doors, the four panels of which, producing what may have been taken to represent a cross, probably contributed to fix the appellation of Christian to it. (..) The base is 198 feet in diameter, and forms an encircling podium, or zone, of a decorative character, presenting a vertical wall, ornamented with sixty engaged Ionic columns, surmounted by a frieze or cornice of simple form. (..) Above the cornice rise a series of thirty-three steps, which gradually decrease in circular area, giving the building the appearance of a truncated cone. Murray
Tipasa is but a small village created in 1859. It is beautifully situated on rising ground close to the sea, with a splendid stretch of sandy beach to the west. It is much frequented by sea-bathers in summer, and is at all times a pleasant place of sojourn for a few days. It has a small harbour in which coasting steamers or yachts can lie in safety during ordinary weather. The great interest of Tipasa, however, lies in its past history and its extensive Roman remains. Excepting on the site of the present village, the outlines of the ancient city are still clearly distinguishable. The sea, which is constantly advancing, has thrown down part of the rocks on which it stood, and like too many other places in Algeria, it has served as a quarry for modern buildings both in Turkish and French times. Murray 1895 Edition
The Decumanus Maximus is a section of the road which linked Icosium to Caesarea Mauretaniae (Cherchell), the capital of the Roman province. Tipasa was founded by the Phoenicians/Carthaginians and Emperor Claudius granted its citizens "Latin rights", a status inferior to that of Roman citizenship, but which allowed them to freely trade and migrate. Emperor (Aelius) Hadrian gave them full Roman citizenship rights and the town was renamed Colonia Aelia Augusta Tipasensium. The new status meant also that the town was directly ruled by Rome; Emperor Antoninus Pius ordered the construction of new walls.
The "New" temple stands opposite the "Anonymous" one and it is so named because it was built after the latter. As a matter of fact archaeologists have not been able to identify the deities which were worshipped in these two temples. They do not stand in the Forum, thus they are unlikely to have been a Capitoliumdedicated to Jupiter, Juno and Minerva (as at Thugga or Thuburbo Majus) or to be otherwise connected with Rome or the Emperors. Their location along the road which crossed the town suggests that perhaps they were temples to Hercules or Mercury, two gods who were highly popular among tradesmen (see the Temple to Hercules in Rome and the Temple to Mercury at Mactaris).
When the municipal magistrates wished to leave some souvenir of their administration, they often erected fountains, and some of these, the ruins of which remain, must have been elegant monuments, combining beauty with utility. There is one found at Tipasa, near Shershell, which formed a sort of hemicycle or water-works with statues and columns of blue marble. The water flowed from above into small superposed basins in such a way as to fall from one into the other and give out that gentle trickle that was so restful and refreshing during the hot hours of the day. Boissier
The IInd and IIIrd century AD were a period of great prosperity for Tipasa, when it probably had a population of about 20,000 inhabitants. The surrounding countryside was carefully cultivated, and remains of Roman villas and farms have been found in many directions. Tipasa did not have particularly imposing monuments, but it had all the public facilities, including an aqueduct, of a flourishing Roman town.
Still farther to the S.W. are the ruins of a theatre in a very bad state of preservation. It was small and could hardly have contained more than 2,000 spectators. Murray 1895 Edition.
Ancient theatres have often suffered more from tourist development authorities than from the injuries of time, so it is better to find out that the theatre of Tipasa is approximately as it was in 1895, than to see it covered by brand new concrete facilities as at Carthage or Caesarea Maritima. Its current appearance, similar to that of the theatre of Euromos, is very evocative and it brings to mind some monuments of Angkor in the Cambodian jungle.
The Amphitheatre can only be traced; its major axis was about 95 metres in length. Murray 1895
The northern side of the building was excavated and parts of the walls which supported the seating section are now visible. It had two main entrances and three minor ones and it was located in a very central position near Decumanus Maximus.
The Baths were in the centre of the city; but they are so deeply buried in earth as to be hardly visible. Murray 1895.
Archaeologists have found evidence of four bath establishments. Unfortunately they had been deprived of the marbles and works of art which most likely decorated them.
A garum factory was identified near the baths. Garum was a sauce made up of small fish and intestines of large ones which were macerated with herbs. It was very popular in Rome and it was one of the main exports of the African and Iberian provinces. The better preserved remains of a garum factory can be seen at Neapolis.
In 1936 a fragment of a fine floor mosaic was discovered in the proximity of the garum factory. It was not possible to ascertain to which building it belonged and to avoid further damage it was almost immediately detached and restored. It shows two scenes from the early life of Achilles, but most likely the whole floor mosaic included other scenes showing events of the War of Troy. The upper "strip" perhaps showed Thetys, the mother of Achilles with other women at the centre of the scene between Chiron, the centaur to whom the education of Achilles was entrusted (you may wish to see an interesting sarcophagus portraying Achilles in the arms of Chiron), and Patroclus, Achilles' best friend.
Thetys knew that her son would never return from Troy if he joined the expedition. (..) She disguised him as a girl, and entrusted him to Lycomedes, king of Scyros (..) Odysseus, Nestor, and Ajax were sent to fetch Achilles from Scyros, where he was rumoured to be hidden, Lycomedes let them search the palace, and they might never have detected Achilles, had not Odysseus laid a pile of gifts - for the most part jewels, girdles, embroidered dresses and such - in the hall, and asked the court-ladies to take their choice. Then Odysseus ordered a sudden trumpet-blast and clash of arms to sound outside the palace and, sure enough, one of the girls stripped herself to the waist and seized the shield and spear which he had included among the gifts. It was Achilles, who now promised to lead his Myrmidons to Troy. (Robert Graves - The Greek Myths).
The subject of this scene was popular throughout the whole Roman Empire from the River Rhine (Cologne) to the Euphrates (Zeugma). Ulysses was often portrayed wearing a pileus in mosaics, as at Thugga, and in statues as at Villa di Tiberio at Sperlonga.
https://www.romeartlover.it/Tipasa.html
Rédigé le 28/07/2019 à 11:04 dans Les ruines, Wilaya de Tipaza | Lien permanent | Commentaires (0)
Je me souviens...
Au cours de la seule année 1962, plusieurs centaines de milliers de pieds-noirs ont fui l’Algérie, pour venir se réfugier en France. Désemparés, hébétés, ils ont quitté leur pays.
Au cours des années précédentes, combien d’entre eux avaient imaginé qu’ils seraient un jour amenés à abandonner ainsi une terre qu’ils avaient toujours considérée comme la leur ? L’Algérie était leur pays [1]. Ils y vivaient – en dehors de l’Histoire.
De ce monde, les Arabes étaient exclus, à moins d’être domestiques, les fatmas, ou, au travail, les dockers, les ouvriers agricoles ... – ils s’appelaient tous Mohamed. Ce qui n’empêchait pas les gosses arabes et les petits européens de jouer ensemble, d’aller à la même école. Mais ni les mariages mixtes, ni la promotion politique ne sont, ne sauraient être envisagées. “ Si l’un d’entre eux entre au conseil municipal, je tire mon Mauser de la guerre de 14 ”, disait un garagiste. »
Seule une minorité de pieds-noirs avaient envisagé que le pouvoir puisse un jour passer aux Arabes. Marc Ferro, évoquant la signature des accords d’Évian, écrit : « la foudre s’était abattue, alors que le ciel était tout bleu. » [2]
Il y avait eu trop de haines accumulées, trop de sang versé, trop de peurs durant la guerre d’Algérie. Les pieds-noirs ont eu le sentiment d’être abandonnés au moment où se sont ouvertes les négociations entre la France et le gouvernement provisoire de la révolution algérienne (GPRA), en 1961. Les départs se sont accélérés au lendemain de la fusillade la rue d’Isly du 26 mars 1962 [5] et après les accords d’Evian, en avril 1962.
Le déchaînement des commandos Delta de l’OAS, avec les meurtres d’Algériens musulmans en avril, mai et juin 1962, a fait craindre des représailles de la part du FLN. Le GPRA a lancé des appels au calme, ainsi que les responsables français, mais rien n’y a fait.
On a assisté à un véritable exode qui s’est amplifié à l’approche de la date du référendum du 3 juillet 1962. A cette date, près de 600 000 pieds-noirs étaient déjà partis. Les massacres d’Européens à Oran, le 5 juillet, ont accéléré le mouvement [6]. Près de 100 000 personnes ont quitté l’Algérie pendant l’été 1962. Il restait quand même, à ce moment-là, encore plus de 100 000 pieds-noirs, qui partiront progressivement.
Le terme de pieds-noirs n’apparaîtra vraiment qu’après l’indépendance. Ils étaient venus de métropole au moment de la conquête coloniale entre 1830 et 1860. Mais la plupart des Européens d’Algérie étaient des personnes originaires du bassin méditerranéen, d’Espagne et d’Italie, devenus français par la loi de 1889. A cela, il faut ajouter les juifs d’Algérie devenus français par le décret Crémieux de 1870, et les Alsaciens-Lorrains venus après la défaite de 1870. L’immense majorité d’entre eux vivaient dans les villes, où leurs revenus étaient bien inférieurs à ceux des habitants de la métropole.
Il y a là une part de reconstruction mémorielle et de nostalgie de la terre perdue, où l’on tente d’évacuer toute responsabilité dans le blocage colonial qui a conduit à la guerre d’Algérie. Les « indigènes » musulmans ne bénéficiaient pas du droit de vote, et il a manqué dans les élites européennes des hommes politiques capables d’indiquer pourquoi il fallait des réformes profondes. Mais cet aveuglement politique ne signifiait pas l’absence complète de liens entre les communautés.Des espaces de complicité se sont construits pendant ces dizaines d’années de présence française, que ce soit au niveau du vocabulaire, de la cuisine ou de toute une façon de vivre bien méditerranéenne.
C’est vrai, ils ont été mal accueillis en France. Les métropolitains ignoraient bien souvent leur histoire réelle et les tenaient pour les seuls responsables de la situation de guerre. Plus fondamentalement, ils étaient regardés comme des « hommes du Sud », avec un certain mépris.
Gaston Defferre, maire de Marseille, déclarait à Paris-Presse le 22 juillet 1962 : Marseille a 150 000 habitants de trop ...
[1] Dans ses « Mémoires barbares », Jules Roy, né en 1907 à quelques dizaines kilomètres d’Alger, raconte que pendant son enfance, « le titre d’Algériens était réservé aux colonisateurs, les colonisés n’étant que des sidis ».
[2] Cette petite introduction doit beaucoup à Marc Ferro : les rapatriés d’Algérie.
[3] Article paru dans l’édition du Monde datée du 16 mai 2006.
[4] Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2005.
[5] L’armée française a tiré lors d’une manifestation organisée par l’OAS, faisant 56 morts. Voir 26 mars 1962, la fusillade de la rue d’Isly à Alger.
Rédigé le 27/07/2019 à 20:57 dans Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
Il se décrit comme «historien africaniste». Traduire néocolonialiste. Il s’agit de Bernard Lugan qui vient de se fendre d’une tribune nauséabonde contre l’Algérie. «Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux», écrit-il, en s’inspirant d’une phrase d’Etienne de la Boétie, qui, argue-t-il, «résume la relation franco-algérienne».
Marqué au fer rouge par la Guerre d’Algérie dont il semble garder les stigmates psychologiques, l’académicien, qui a troqué sa toge de scientifique contre une obédience politique franchement nostalgique de l’Algérie française, s’en prend aux Français qui ont apporté leur soutien à la lutte pour l’indépendance de l’Algérie. Aigri, il s’acharne contre ces militants des causes justes qu’il affuble de qualificatifs insultants. «Héritiers des porteurs de valises, ethno-masochistes buvant goulûment au calice de la repentance et de la contrition», écrit-il avec sa main tremblant de hargne, en réponse à l’appel du secrétaire général de l’Organisation nationale des moudjahidine (ONM) pour la réouverture du dossier de la criminalisation de la colonisation.
Bernard Lugan, moustache en guidon à la Maréchal Pétain, reproche à Emmanuel Macron, en des termes tout aussi acerbes, de faire preuve d’un «silence assourdissant (…) face à cette véritable déclaration de guerre», et appelle les Français à «s’emparer de l’affaire» via les réseaux sociaux pour «exiger une réponse officielle des autorités françaises et pour remettre les pendules à l’heure».
Après avoir énuméré les «bienfaits de la colonisation» grâce à laquelle «la France a légué à l’Algérie un héritage exceptionnel», l’historien natif de Meknès, au Maroc, ment à ses concitoyens en voulant leur faire avaler la couleuvre du «pays (l’Algérie, ndlr) construit à partir du néant, qui n’avait jamais existé et dont même son nom lui fut donné par la France».
Auteur d’un livre dont il ne se prive pas d’en faire la promotion, L’Algérie, histoire à l’endroit, Bernard Lugan a enseigné [son] histoire au Rwanda où, quelques années plus tard, François Mitterrand, ministre de l’Intérieur sous la colonisation, faisait massacrer des milliers de Tutsis par ses protégés hutus, de l’aveu même d’un général français affecté sur place qui a fini par révéler l’implication directe du Président socialiste dans le génocide rwandais.
Par Karim B
https://www.algeriepatriotique.com/2019/07/21/elucubrations-nauseeuses-dun-historien-neocolonialiste-francais-sur-lalgerie/
Rédigé le 23/07/2019 à 21:20 dans Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
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